Les aventures du Pourquoi Pas ?

Sur les routes d'Amérique du Nord, à bord du Pourquoi Pas ?

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Je ne bougerais pas d’ici !

Je reste quelques temps à aimanter mes clous par centaines, avant de rentrer au camp. Cette fois, c’est vrai ; il n’y a vraiment plus personne. Je suis prêt à partir, mais j’ai envie d’attendre encore. Je ne veux pas quitter les lieux. Je veux rester encore ; je veux que Kelly, Laure et Nicole reviennent. Je m’installe à l’arrière du van. Écris, prends des notes, lis, somnole un peu.

Où êtes vous ?

Ici se tenait le camp Brothermelon… tant que je resterais, il sera encore un peu là…

Ashes to ashes

Il y a toujours pas mal de monde autour des cendres de Man. Qui dorment, qui parlent, qui font à manger. Je me contenterais de remplir une demi boîte de cendre, avant de continuer vers le temple. Ici, l’ambiance est différente. En fait, les gens sont plus en train de nettoyer, trier, ranger. Certains ramassent des souvenirs, mais la plupart aident simplement à nettoyer les décombres. Je remplis l’autre moitié de ma boîte avec la cendre du temple. Le mélange me paraît pas mal.

En fait, en voyant l’état des cendres, je comprends pourquoi il y a autant de monde en train de nettoyer. Les cendres sont pleines de clous et d’agrafes. Ce qui paraît parfaitement logique, quand je me rappelle la forme du temple. Je me mets à aider tout le monde, sans la moindre hésitation. Au début, je ramasse les clous et les agrafes à la main. De quoi m’occuper quelques années à priori… il y a plusieurs outils disponibles. Je m’essaie au râteau, mais c’est vraiment pas terrible. En fait, je craque pour une merveille de la technologie : un aimant géant à roulettes. Je n’ai qu’à le faire se promener sur les cendres pour que ça fasse clic clic clic clic en permanence, avec toutes les vis qui se précipitent pour se coller. Un ranger (les bénévoles qui assurent une partie de la sécurité) me remercie pour mon aide. On discute un peu. Il m’apprend qu’il y a 80 000 clous et 500 000 agrafes à ramasser. Quand même de quoi occuper plusieurs personnes un bon moment.

Sur le chemin du retour, je m’arrête pour remplir une autre boîte de poussière. Je n’en ai pas eut assez.

Les adieux d’un lance-flamme

Je dis finalement au revoir à Chuck et Sam. Je prévois partir faire un petit tour en vélo, ils ne seront plus là à mon retour. Aucune idée de quand je les reverrais. Une fois de plus, ça fait bizarre. On partage les dernières choses qu’il reste à amener. Deux sacs poubelles, un peu de bouffe, plein de vaisselles… je me retrouve avec énormément de stock. En fait, je me demande si, au final, je n’ai pas plus de bouffe en partant qu’en arrivant.

Je monte sur mon petit vélo et part à l’aventure, au hasard des rues. Enfin pas tout à fait au hasard. Je fais un petit détour, voir si un petit miracle me fait trouver Taylor, la fille du temple. Je prends également note d’autant de points de repères que possible. Les rues commencent à disparaître, les noms de rues ne sont plus toujours là, les structures sont démontées… trouver son chemin dans ce contexte n’est plus aussi facile !

Le petit miracle n’a pas lieu. Là où se dressait l’immense tente dans laquelle se trouvait peut être Taylor, il ne reste plus rien que du vide. C’est impressionnant de voir à quelle vitesse le désert reprend possession des lieux…

Je me dirige ensuite vers les cendres de Man et du temple. Je veux en ramener avec moi. Quelqu’un me fait signe de m’arrêter. Il me prévient que je vais avoir l’occasion de faire quelques dernières photos : il y a un groupe de gens qui prévoie faire quelques dernières petites flammes. Comme ils expliquent, ils ont un reste d’essence contaminée, qui ne sert plus à rien de toutes façons. Autant offrir un joli feu de joie pour l’occasion. Joli, il l’est. Impressionnant, encore plus. La flamme est grande. Très grande. Et accessoirement pas mal chaude !

Emptiness

D’ici je vois ma maison

Chuck me montre un des camps voisins. Ils ont encore une structure de deux/trois étages qu’ils n’ont pas encore démonté. Je vais y faire un tour. On n’est pas beaucoup plus haut, mais ça permet quand même d’avoir un magnifique point de vue sur les environs. Ça se vide tranquillement pas vite, et ça paraît. C’est impressionnant… et déprimant à la fois.

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MOOPing

Évidemment, c’était prévu… mais il n’empêche que se réveiller le matin et voir tout ce vide autour, ça fait bizarre. Il n’y a donc plus que Chuck et Sam qui sont encore là. Tout les autres ont quitté à un moment dans la nuit, essayant de fuire les embouteillages de l’autre exode. Celui où tout le monde part…

De mon côté, je n’ai pas grand chose à faire. J’ai déjà pas mal rangé hier ; j’ai encore un peu de rangement à faire à matin, mais le gros du programme de ma journée c’est « relaxer ». L’idée c’est de partir vers 17-18h ; j’imagine qu’une majorité des gens aura quitté les lieux à ce moment là. J’ai envie de me balader un peu partout aussi, pour voir à quoi ça ressemble ; et puis je dois faire un peu de mooping. MOOP, c’est un acronyme pour Matiere Out Of Place. Bref, les trucs qui sont sur le sol alors qu’ils devraient être dans une poubelle. À Black Rock City, rien ne doit toucher le sol ; rien ne doit rester.

Chaque fois que je me promène dans les rues, je ramasse systèmatiquement ce que je vois qui traîne à terre. Je ramasse quelques petites choses à tout les jours, mais c’est relativement peu. Les rues de Black Rock City sont très clairement plus propres que les rues de n’importe quelle autre ville que j’ai pu visiter. Je n’essaie même pas de comparer avec le site d’un festival, qui finit toujours avec un gazon en canette d’aluminium… Le respect des gens pour les lieux me plaît beaucoup.

La dernière flamme

J’ai repéré, un peu plus tôt dans la journée, les 7 pommes qui restaient. J’ai aussi repéré la bouteille de rhum. J’ai envie d’offrir une dernière petite flamme aux gens du camp. Voilà bien longtemps que je n’ai pas fait flamber quelques choses. Je m’assoie par terre : il n’y a plus rien pour cuisiner, mais j’ai pris soin de récupérer toutes mes affaires. J’ai donc tout ce qu’il faut à portée de main dans le van. Les gens reviennent petit à petit, me regarde éplucher mes pommes. On discute tranquillement. On sait que tout cela est maintenant terminé. Qu’il ne reste plus qu’à se dire au revoir. On savoure ces derniers moments. Je sors mon petit réchaud de camping ; je n’ai pas vraiment envie de faire flamber de quoi dans le van. Pas nécessairement des plus sécuritaire. Les gens me regardent cuire mes pommes. Au moment de flamber, je réalise que tout les alcools ont été rangé ; pas moyen de retrouver la bouteille de rhum. Je tenterais donc l’expérience de flamber à la vodka. C’est tout ce que j’ai dans le van. Les gens regardent, fascinés, la petite flamme bleue. Je crois que c’est la principale raison pour laquelle j’aime faire flamber des choses. Pas pour la flamme elle même, mais pour la fascination qu’elle éveille dans les yeux des gens. Ils me remercient pour les pommes ; elles ne sont pas exceptionnelles, ne goûtent pas du tout l’alcool, mais ça fait du bien quand même. À nouveau, leurs remerciements me touchent. Je sais qu’ils sont sincères, qu’ils viennent du fond du coeur. La soirée avance ; le froid tombe.Les gens commencent à partir, les uns après les autres. Je sers Laura fort dans mes bras, rassuré de savoir que je la reverrais bientôt. J’espère que j’aurais l’occasion de passer un peu de temps avec elle, de lui parler ; cette fille est tellement magnifique…

Les gens vont se coucher aussi. Comme ils partiront tôt, je ne les reverrais pas. Chaque au revoir, c’est un câlin des plus sincères, et des paroles agréables.

C’est mon tour d’aller me coucher. Il est passé minuit ; une fois de plus, je me demande où je trouve toute mon énergie. Quoi que, je commence à avoir de forts doutes. Les gens autour de moi m’en donnent tellement… Je veux juste parler très brièvement à Kelly avant d’aller me coucher…

Câlin !

Je ne crois pas vraiment au destin ; encore moins à une chose supérieure qui gouverne nos vies. Je crois au hasard, je crois en la vie qui fait si bien les choses. Qui me guide si bien depuis le début de mon voyage… je suis limite même pas surpris de voir qu’il y a juste Kelly quand je retrouve le camp. C’est exactement elle que j’ai envie/besoin de voir. Quand elle me demande où j’étais passé, je lui réponds la vérité : j’avais besoin de solitude. Et maintenant, j’ai besoin d’un câlin. Elle me sourit, me sert dans ses bras. Pourquoi n’encourage-t’on pas plus les gens à se faire des câlins ? C’est très en vogue dans la communauté couchsurfing, et dans certains groupes (comme Burning Man) mais c’est pas encore assez. L’être humain est capable de transmettre une telle énergie dans des moments pareils… Kelly me sert contre elle pendant un moment. Ça vient recharger mes batteries. Après tout, j’ai quand même une nuit blanche derrière moi, et la fatigue me rend souvent nostalgique. Ma réaction ne me surprend donc pas vraiment. Je souris à Kelly et la remercie.

Le feu libérateur

Le contraste avec la veille est des plus saisissant. Et dans le même temps, je trouve magnifique de voir que des gens, si promptes à danser la veille, se retrouve si calme ce soir. Un homme hurle « maman » avant de se jeter à genoux, en larmes devant les flammes. Plusieurs personnes pleurent, sans la moindre retenue. Je me sens bizarre, animé par des émotions que je ne contrôle pas vraiment ; que je ne comprends pas vraiment non plus. Le feu m’a toujours fasciné ; rendu là, je pense que ce n’est plus vraiment un secret pour personne… je le respecte et je l’admire. Je n’en ai jamais eut peur. J’ai vu un incendie quand j’étais très jeune ; je m’en souviens pas. Est-ce que c’est ça qui m’a marqué ? Peut être. L’image qui me revient le plus souvent, en terme de souvenirs, c’est ce champ que j’ai enflammé, tout seul comme un grand, quand je devais avoir 7 ou 8 ans.

J’ai exactement tout ce qu’il faut. J’ai le look parfait, l’équipement parfait. Il y a une partie de moi qui veut se donner en spectacle ; une partie de moi qui veut offrir de belles photos aux photographes qui sont par ici ; une partie de moi, enfin, qui en a besoin. Qui veut le faire. Je traverse la foule. M’avance un ou deux pas devant tout le monde et met un genou sur le sol. Tête baissé, je me recueille. Habillé comme je suis, protégé comme je suis, le tube du camel back dans la bouche pour m’hydrater sans bouger, je peux rester aussi longtemps que je veux, sans problème. Je n’ai aucune idée de l’image que je renvoie. C’est bête, peut être, je sais pas. J’espère, en tout cas, que les gens apprécient. Et puis soudainement, je me déconnecte de tout cela. J’oublie l’image que je peux projeter ; ce cadeau que je fais aux autres photographes. Non, je me retrouve dans ma tête, soudainement. Mes pensées s’envolent dans tout les sens. Toutes les questions que je me suis posé, lors de mes deux visites au temple, reviennent en masse. Je n’essaie pas d’y répondre. Je les laisse défiler, les unes après les autres. Elles prennent vie, puis disparaisse. Je les observe. Le vide se refait petit à petit. Je pense à un certains nombre de personnes. Cette fois, ce sont les sentiments qui s’enchaînent les uns après les autres. Souvenirs, nostalgies, regrets. Et puis finalement, le feu chasse tout cela. Il n’y a plus que les flammes dans ma tête. Toutes ces flammes que j’ai vues, qui me fascinent. Le feu, bien souvent, me fait penser à la mort. Un genou en terre, moitié moi même, moitié déguisé, mes pensées volent vers Constance. Elle me manque toujours autant. Si seulement… mes pensées ne sont pas douloureuses. Elles sont nostalgiques, oui, mais j’y suis habitué. Il y a bien longtemps, maintenant, que Constance m’accompagne. Bien longtemps, maintenant, que je sais qu’elle vivra au moins aussi longtemps que moi. Ce soir, pourtant, elles m’ont prise par surprise.

J’ai envie de reprendre contact avec la réalité. Il me reste une dernière chose à faire. Je prends mon sac à dos. En sort quelques photos. Quelques personnes du camp, mais aussi et surtout quelques amis, qui ne sont malheureusement pas près de moi ce soir. Je les jette dans les flammes, avant de rejoindre la foule. Je reste pendant quelques temps dans cette masse de gens plus ou moins mobile, avant de me décider à rentrer au camp. Je vais bien, je suis heureux, mais je suis une boule de nostalgie. Je pense à Kelly, qui part cette nuit. J’ai envie de lui parler, je n’ai pas envie de lui dire au revoir.

[Burn] – La fin du temple

Il y a encore ce même mouvement de convergence. Il y a encore cette armada de véhicules mutants. Pourtant, cette fois, l’ambiance est parfaitement différente. On m’avait dit que la mise à feu du temple était un moment d’une sérénité incomparable. Je veux bien le comprendre, quand je vois l’effet que produit ce lieu en temps normal. J’y ai versé des larmes que je ne pensais tout simplement pas avoir à verser. Je m’y suis posé des questions que je n’aurais pas cru. J’y ai vu des gens y pleurer, sans la moindre hésitation, sans la moindre gêne. Ce soir, tout le monde se recueille. Les véhicules ont tous éteints leur musique. Il ne reste qu’un haut parleur principal qui diffuse de la musique. Aucune cacophonie. Les gens discutent, mais ne crient pas, ne chantent pas. C’est beaucoup plus tranquille.

Depuis le début de la semaine, on a vu des parachutes dans le ciel à de nombreuses reprises. Oui, il y a aussi un aérodrome à Black Rock City. J’avoue que se jeter en parachute au dessus de la ville doit être une expérience inoubliable. Très souvent, on les a vu sauter avec des banderoles ou des fumigènes. Ce soir, ils ont des feux d’artifices accrochés derrière eux. Ça ne dure pas longtemps, mais c’est de toute beauté. Et puis il y a une première lueur dans le temple. Tout le monde s’assoie. Le silence s’installe, petit à petit. Il ne reste plus que la musique. Quelques rares paroles. Un cri occasionnel de temps à autre. Un groupe de gens chante joyeux anniversaire avant de se taire. La lumière augmente tranquillement. Il y a les premières flammes. Mais toujours pas un bruit. Ce quasi silence, cette sérénité après tant de festivités, je le ressens dans tout mon corps. Je parlais d’expérience spirituelle, du fait que ce n’est pas dans mes habitudes… une fois de plus, je me sens vraiment marqué au plus profond de moi. L’expérience est unique, inoubliable. Le temple s’embrase. Les flammes sont magnifiques. Je ne peux m’empêcher de faire des photos, pourtant je me retiens autant que possible. D’ailleurs, je finis même par m’arrêter. Il y a un moment où je trouve que les photographes n’ont plus leur place. La structure brûle au complet. il ne reste plus que l’armature. Comme à chaque fois, je ressens que les gens attendent la chute du dernier morceau. Celle-ci sera accompagné de hurlements, qui s’arrêteront aussitôt. Tout le monde reste assis. Personne ne bouge. Un gardien fait des grands signes, pourtant personne ne réagit. Il les refera à plusieurs reprises, avant que finalement les gens se lèvent. Mais personne ne court. Tout le monde marche, pour rendre un dernier hommage au temple.