On arrive finalement à Gerlach, où l’on retrouve les personnes arrivant du sud. J’ai confirmation de ce que je pensais, le flot est beaucoup plus impressionnant ! En fait, j’avais l’impression que Burning Man, même si ça se passe au Nevada, est un événement très californien. D’ailleurs, le « bureau chef » (je sais pas trop comment ça fonctionne, en fait, la hiérarchie, la structure, tout ça tout ça) est à San Francisco. Et plus de la moitié des plaques d’immatriculation sont californiennes. Vient ensuite le Nevada, puis l’Oregon. Ensuite, un peu tout et n’importe quoi.

Tout ce petit monde converge, dans la même direction. Et je fais parti de cette convergence. J’ai toujours aimé les mouvements de foule. Le premier auquel je pense toujours, c’est les feux d’artifice, les samedis soirs d’été, à Montréal. Des dizaines de milliers de personnes, qui s’en vont admirer les feux… j’aime faire parti de ce genre de mouvement, de ce genre de regroupement. Je revendique mon unicité, je revendique mon originalité, mais en même temps, je revendique de faire parti de cette masse. Je revendique d’avoir les mêmes goûts et aspiration que les autres humains de cette terre. J’ai besoin de sentir que je ne suis pas seul, et que je partage avec les autres. Je ne comprends pas les gens qui s’exilent, ou qui vivent en ermite. Je n’aime pas la solitude, et je l’assume parfaitement. Pourquoi vouloir vivre seul alors qu’il y a plus de six milliards d’humains qui nous entourent ? Pourquoi rejeter les autres, alors qu’on en fait parti ? Tant de rencontres possibles ! Comme le dit le proverbe « il n’y a pas d’inconnus, que des amis que l’on n’a pas encore rencontré ».

Me retrouver parti prenante d’un tel mouvement me plaît. Je me retrouve dans un ensemble, dans un groupe, dans une communauté. C’est un repère, qui peut aider à me reconnaître, le cas éventuel. On peut me cataloguer sous l’étiquette « Burning Man 2010 ». Évidemment, à partir de ce moment là, les gens vont avoir énormément d’idées préconçues, sur qui je suis, ce que je suis, et ce que j’aurais fait à l’un des événements les plus fous de l’Amérique du Nord. Je compte sur eux pour avoir la même approche que moi sur les préjugés : vivre avec, mais ne pas se laisser submerger par eux. Parce que je sais déjà qu’il y a beaucoup de « clichés Burning Man » dans les quels je rentrerais pas. Le principal ? Je viens ici pour être moi, à 100%. Pas pour jouer un rôle. Pas pour sortir ou inventer ma personnalité Burning Man. Juste pour confronter Ma personnalité à quelque chose de nouveau. Et j’avoue que j’ai l’impression que c’est ce qui va me gêner le plus ici : pendant une semaine, tout le monde se déguise, se place dans un rôle « Burning Man ». Tout le monde vit dans une communauté, animé par le désir de partager, d’échanger, de donner. De créer. Le problème, c’est que j’ai l’impression que la plus part de ces gens, dans une semaine, vont avoir oublié tout ça. Vont retourner à une vie normale, sans réfléchir à tout cela, à tout ce que cela représente. Comme si rien n’était arrivé. Il y a pourtant de nombreuses choses à apprendre, tant de façons d’évoluer. Hélas, j’ai l’impression que ça ne reste pas. Qu’une fois les costumes et les déguisements enlevés, il n’y a plus rien. Enfin… on verra bien !