Le petit coin de parking tranquille au milieu de nul part est loin d’être tranquille en fait. En ce vendredi soir, il y a un certains nombre de voitures qui arrivent, qui passent, qui repartent s’en s’arrêter. Ou après s’être arrêté quelques instants. C’est un peu stressant tout ça, mais bon… on fait avec. Jusqu’au moment où la voiture reste juste en arrière du van, en gardant les pleins phares. L’avantage, c’est qu’on devine tout de suite le message, et on sait qu’il va falloir négocier.

Le ranger est très sympa, souriant, agréable et poli. Heureusement, parce qu’avec son look de tueur à gage professionnel, je me suis pas senti rassuré tout de suite. Comme je suis quelqu’un de très malhonnête ces derniers temps, je lui sors un petit mensonge pour expliquer la situation. Il compatit, sourit, nous autorise à rester, et nous souhaite une bonne nuit avant de repartir. Je retourne au chaud dans le van. Le sentiment de culpabilité est à nouveau là, comme la dernière fois. Je l’explique à Danielle. Je n’aime définitivement pas mentir. C’est sûr que ce n’est pas grave, qu’on n’est pas en train de faire quelque chose de mal, qu’on n’est pas méchant… mais mentir est si facile… bref, j’essaie d’éviter les situations qui « m’oblige à », mais ça marche pas tout le temps. Avec tout ça, du coup, je ne dors pas très bien. Et le « toc toc toc, parc ranger » sur la fenêtre du van tôt le lendemain matin n’aide vraiment pas. Ce n’est, évidemment, pas le même que la veille. Et si celui d’hier était vraiment sympa et agréable, lui, par contre, est on ne peut plus antipathique. Je n’aime pas sa façon de tout de suite arriver avec les menaces d’amande (247 $, ça répond à la question que je me posais). Celui d’hier avait commencé par m’expliquer, et s’était limite excusé de nous déranger. Bref, ce matin, étrangement, je n’ai plus aucun remords à mentir. À force d’explications et de discussion, le garde me demande simplement d’aller payer l’équivalent d’une nuit de camping à l’accueil. C’est cher, pour un camping, mais bon ; on fera avec. Il est encore tôt, et j’arrive à somnoler encore un peu, mais j’ai très clairement pas assez dormi. On se lèvera un peu plus tard. Une petite pause pour payer le camping, et on reprend la route, direction Washington à nouveau.

On a pas mal de choses à faire aujourd’hui, et on voudrait ne pas rentrer trop tard à Portland pour se préparer pour la soirée d’Halloween, donc finalement, on ne s’arrêtera pas à Astoria, se contentant de repasser rapidement le pont gigantesque et toujours aussi magnifique par dessus le Columbia. Une fois de plus, je trouve amusant de reprendre la même route, si peu de temps après l’avoir déjà faite. Au moins, je sais déjà où aller. Ça simplifie ! L’objectif, donc : un phare, Danielle n’en ayant jamais vu. La bonne nouvelle, en plus, c’est qu’aujourd’hui, le phare est ouvert, et qu’on peut donc y rentrer, pour un montant des plus modiques. La madame a l’accueil est charmante. Le monsieur en haut de la tour, par contre, est là pour réciter son texte. On sera heureusement sauvé, après une quinzaine de minutes de récitations absolument impossible à interrompre, par l’arrivée d’un couple de visiteurs, qui lui poseront une question, et renverront la machine au début. Heureusement pour nous, on peut en profiter pour s’esquiver. Parce que franchement, sinon, je pense qu’on y serait encore. Sachant qu’avec le déshumidificateur j’entendais un mot sur huit, c’était un peu limite !

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On redescend, et j’en profite pour poser une question à la charmante dame de l’accueil. Parce que pour revenir à Portland, on a le choix entre deux routes, une qui passe au nord du fleuve (Washington) et l’autre qui passe au sud (Oregon). Je lui demande donc conseil sur la meilleure route à prendre. Après une discussion d’une dizaine de minutes, la réponse est claire. Il faut faire les deux. Bon… on jouera ça à pile ou face, si ça continue. Et puis on parle encore un peu, de Lewis et Clark, et de leur expédition qui m’inspire toujours autant. Juste à côté d’ici, il y a le deuxième phare, celui du Cap Désapointement, que j’étais allé voir aussi. Mais il y a également un centre d’interprétation sur le voyage des deux explorateurs. J’avais hésité la première fois, cette fois, je me laisse tenté, fortement encouragé par la madame du phare.

Le centre d’interprétation est construit sur l’emplacement d’un ancien fort, destiné à garder l’embouchure du fleuve. Il y a quelques explications militaires, plus ou moins inspirante. À part, sans doute, une anecdote qui vient confirmer la subtilité des militaires. Afin d’assurer la meilleure protection possible, les trois forts des environs n’ont eut de cesse d’être amélioré. Ce qui impliquait, entre autre, l’utilisation de canon toujours plus gros. Le plus gros de tous, Big Betsy, était la fierté locale quand ils l’ont installé. Bien en place, bien réglé, ils ont fait feu pour voir si tout fonctionnait. L’explosion a été magnifique, l’obus a sûrement traversé 6 fois le Pacifique. Tout était parfait, ou presque. Ils ont décidé de déplacer le canon. Le gardien du phare d’à côté n’a pas aimé voir toutes les fenêtres voler en éclat à la première détonation.

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La visite du musée est des plus intéressantes. Elle est en deux parties. La première est très factuelle. Du texte, des cartes, les grandes lignes de l’expédition. La Louisiane a été acheté 15 millions de dollars. Ça revient à du 3 sous de l’âcre. Un âcre, c’est 4000 mètres carrés. Le prix du terrain a légèrement augmenté depuis.

L’observation des cartes de l’époque me fait réaliser quelque chose d’assez surprenant : il semblerait que l’exploration du Canada ait été plus rapide que celle des États Unis. Le Canada est quasiment entièrement cartographié, à l’exception de la Colombie Britannique, là où les cartes des États Unis s’arrêtent au Midwest. Bref, Lewis et Clark ont du travail !

Lewis était le secrétaire personnel de Jefferson (un membre de l’American Philosophy Society, dont le but était de rendre la connaissance accessible à tous) à la maison blanche. Le président a passé deux ans à préparer et former Lewis pour la mission qu’il allait lui confier, avec l’aide de quelques autres membres. L’un va lui apprendre la botanique et les rudiments des contacts avec les amerindiens, l’autre lui transmettra des connaissances médicales. Un troisième le formera à l’astrologie et aux mathématiques. Ajoutez à ça un linguiste, qui a expliqué à Lewis comment développer des listes de mots pour communiquer avec les indiens, et enfin un géographe, pour le tracé des cartes. Je retrouve, à nouveau, le petit côté « jeu de rôles », en assistant à la création d’un personnage, parfaitement équilibré. « Mon ami, je voudrais donc t’encourager à partager avec moi la fatigue, les danger et les honneurs ; crois moi, il n’y a personne d’autre sur terre avec qui je partagerais un plaisir égale à partager cette aventure qu’avec toi ». Et hop, c’est fait, Clark embarque. Clark n’a que le titre de second lieutenant. Il ne sera promu capitaine qu’à son retour. Aucun membre de l’expédition n’est informé. Tout le monde pense qu’il partage le commandement au même titre que Lewis. Et les voilà donc parti.

Les petits extraits des différents journaux et des aventures me donnent, une fois de plus, envie de me plonger dans le journal que j’ai acheté. Je m’y mettrais probablement à mon retour à Montréal. Dans ce contexte, le passage à St Louis semble de plus en plus obligatoire sur le chemin du retour.

La deuxième partie du musée est plus « expérimentale », présentant la vie de tout les jours de l’expédition, et invitant les visiteurs à toutes sortes de petites expériences. De « comparer le poids de ces deux pierres de même taille » à « essayer de remplir le canot sans qu’il renverse » en passant par « regardez ce que ça fait d’essayer de viser un oiseau à 100 mètres de distance avec un fusil ». Bin oui, il fallait bien qu’ils chassent pour manger !

Bref, un musée qui, selon moi, est un must pour quiconque s’intéresse un tout petit mini peu au sujet. J’y serais probablement resté plus longtemps, si on n’était pas un peu talonné par la montre. C’est ça d’avoir à faire la fête !

Alors finalement, rassasié d’informations historiques, on remontera dans le Pourquoi Pas ?, qui nous ramènera en un peu moins de deux heures jusqu’à Portland, par la route du sud, qui semble un peu plus rapide.

La formule, c’est «potluck » (tout le monde apporte un petit quelque chose à manger). Donc à peine arrivé, on se met aux fourneaux. Je reste dans le simple et rapide (galette de quinoa, version expérimentale des plus intéressantes, avec purée de tomates et fromage en crème). Danielle, elle, en profite pour utiliser les mûres qu’elle gardait congelé dans son frigo depuis un bon moment. Crumble mûres et chocolat, je peux vous assurer que c’était un véritable délice, et que vous avez raté quelque chose !

Note en passant, les mûres, en Oregon, on en trouve partout, et c’est un vrai bonheur !

Encore un petit cinq minutes pour se préparer, et ce sont deux gothiques qui embarquent dans le van pour aller fêter avec une horde de couchsurfer fous. Ce sera mon seul contact avec la communauté CS de Portland, mais celle-ci semble tout aussi sympathique qu’un peu partout. Joyeuse, enthousiaste, je fais quelques rencontres des plus agréables. Et puis ce n’est pas tout les jours que l’on rencontre un transilvanien nommé Vlad, déguisé en vampire (authentique !) en train de discuter avec un zombie japonais. À la base, une soirée déguisée, c’est vraiment sympa. Mais quand on rajoute en plus un facteur international… Danielle me présente à quelques uns de ses amis, on se promène un peu chacun de notre côté ; je discute à droite à gauche, passe au français une ou deux fois à la demande d’interlocuteur qui veulent pratiquer un peu. Il y a beaucoup plus de gens qui parlent/apprennent/ont appris le français aux États Unis que ce que j’aurais cru. Je passe aussi un moment à parler avec une fille qui revient tout juste de Montréal. Toute heureuse d’ajouter un nouveau contact montréalais dans sa liste, alors qu’elle prévoit déménager là bas. Discussions, grignotages, musique. La soirée avance tranquillement, dans une belle ambiance. La maison se remplit de plus en plus, et finit par déborder, sans pour autant qu’il n’y ait de dérapage. Le seul gars vraiment saoul sera envoyé au lit assez tôt, et arrêtera de déranger. Je cracherais quelques flammes à un moment, pour mon plus grand bonheur, et le plus grand bonheur de plusieurs autres personnes semblent ils. Et puis à un moment, on découvre le sous sol, où sont cachés une batterie, un djembé et un saxophone. Et hop, on repasse en mode « jam ». Sauf qu’impoviser au saxophone, alors que je n’en ai pas touché un depuis ma deuxième colonie de vacance à Astafort (donc y a bin bin bin bin bin longtemps), c’est pas évident. N’empêche qu’on s’amuse bien quand même !

À Portland, les bars ferment à trois heures. Je ne sais pas si c’est une coïncidence, mais c’est l’heure aussi à laquelle le party se termine. En fait, les gens ont commencé à partir tranquillement, les uns après les autres, et finir de vider la maison semble une mission assez simple. Chauffeur désigné par défaut, je suis resté très raisonnable en ne buvant que deux bières. En même temps, j’aurais pu boire plus, et on aurait pu dormir dans le van, amis ça ne me tentait pas plus que ça ! Traverser Portland, juste après la fermeture des bars, avec des gens en costume, à moitié saoul dans la rue, est une expérience assez intéressante, mais j’arrive à éviter tous les zombies qui se jettent sous mes roues.

Je n’ai pas sorti mon appareil photo de la soirée, mais je devrais être capable de récupérer quelques clichés, à un moment ou à un autre.