Alors la conclusion, après la nuit, c’est qu’en dessous d’une certaine température, le chauffage ne marche plus. En fait, la soufflerie marche encore, mais plus la flamme. Donc non seulement il n’envoie plus d’air chaud, mais en plus il envoie de l’air froid du dehors. Donc je me suis décidé à finalement le fermer, vu que c’était plus pire qu’autre chose. On a eut la confirmation un peu plus tard : la température est descendue à -13 cette nuit. Dans le van, pas de chauffage, c’est quand même pas mal très limite. On a survécu quand même, mais j’ai eut le bout du nez pas mal bleu juste avant le lever du soleil. Du coup, on a fini la nuit avec les ronds de la gazinière allumé. C’est toujours mieux que rien !
La bonne nouvelle, c’est que ciel est magnifique dehors. Grand ciel bleu, et grand soleil chaud, qui fait un bien fou. D’ailleurs, je reste un moment au soleil à décongeler. Et je suis pas le seul à avoir besoin de décongellation ! Dans l’ordre : une bouteille de deux litres de paraffine liquide qui dormait 40 centimètres en dessous de nos têtes, la condensation congelée à l’intérieur de la vitre du passager, et le réservoir de propane du Pourquoi Pas ?…
La bonne nouvelle, par contre, c’est que ce matin le van démarre sans le moindre problème. J’étais un peu inquiet pour la batterie, mais il semblerait qu’il y avait aucune inquiétude à avoir à ce niveau là. Le Pourquoi Pas ? est une brute qui ne craint rien ! Élevé au Québec, il lui en faut plus pour être impressionné !
Les passagers décongelés remontent en voiture, et prennent la route en direction de Bryce Canyon.
On s’arrête à une station service/motel/camping où je demande à une vieille madame des plus charmantes si je peux faire le plein d’eau. Elle accepte gentiment. Le temps de remplir le réservoir d’eau (environ 3 minutes) je suis à nouveau entièrement gelé. La madame était vraiment sympathique, et j’ai envie d’un chocolat chaud. J’ai tout ce qu’il faut dans le van, mais j’ai bien envie de profiter du luxe du monde moderne. On rentre dans la station service à nouveau, et on s’installe à une table avec un chocolat chaud, un café, et des biscuits. Ça fait un bien fou ! Je discute un peu avec la madame, à qui je demande si ce temps est habituel. Elle me répond que non. Normalement, ils ont encore plus de neige à ce moment là. Bon, c’est vrai qu’on est quand même à 2500 mètres, mais on reste pas mal dans le sud. Ça reste donc surprenant pour moi !
Et puis finalement, on arrive dans Bryce Canyon. Depuis que j’ai entendu ce nom, je ne peux pas m’empêcher de penser au logiciel que j’utilisais pour faire des images en 3D. Un logiciel qui s’appelait lui même « Bryce », et que j’aimais beaucoup. Sa spécialité : la création de paysage. Il offrait énormément de textures, et de type de relief extrêmement intéressant. J’aimais bien ce qu’il permettait de faire. Pour moi, c’était des paysages fantastiques vraiment originaux. Je me rends compte, depuis que j’ai mis les pieds en Utah, que l’origine du nom de Bryce est très claire. Et que les paysages que je pensais fantastique à l’époque où j’utilisais les logiciels sont en faits parfaitement normaux quand on se promène dans la région. C’est quand même surprenant de se retrouver à l’intérieur d’un logiciel de 3D je trouve !
Le parc national est pas très grand. Vu la température, on n’est pas plus motivé que ça à faire de la randonnée, et on prévoit donc de le faire en une journée. L’idée est de suivre la route jusqu’au bout, en s’arrêtant à tout les points de vue. Et si vraiment on voit un endroit qui nous plaît, partir pour une petite balade.
La première partie du canyon est en même temps la plus impressionnante. Petite précision avant tout : je pensais, du fait du nom, et de la visite récente à Zion, qu’on allait être au fond d’un canyon. En fait, non. On suit une crête, sur le bord de laquelle se trouve plein de formations géologiques des plus intéressantes. La plus impressionnante de toute, donc, qui se trouve prêt de l’entrée du parc, est l’amphithéâtre, sur lequel on peut avoir plusieurs points de vue :
Rendu au deuxième point de vue, je vois un photographe avec une lentille particulièrement sympathique, sur un énorme trépied. Je commente en disant qu’il a du beau matériel. Il me propose de l’essayer, et j’accepte avec le sourire. Tout de suite après, vu son accent, je lui propose de passer au français, ce qu’il accepte de bon coeur.
Il s’appelle Stéphane, et est photographe professionnel à Bordeaux. Il est sur un voyage relativement long aux États ; commencé à Boston, puis dans les rocheuses, avant de continuer jusqu’à Los Angeles puis de revenir dans le Colorado. On discute un peu technique, quand un couple arrive, et salut tout le monde d’un joyeux « bonjour », avant de se joindre à la conversation. On est ensuite rejoint par une autre fille, Armelle, qui vient de Brest. Danielle rigole énormément, de se retrouver entourée de français, et de ne pas comprendre. Sans doute une préparation pour Montréal ! En parlant de Montréal, le couple y est allé. Ils n’ont pas aimé. « C’est trop américain, pas assez français ». Exactement le genre de commentaires qui me donne le goût de mordre. Bien sûr que c’est américain Montréal. On est en Amérique du Nord, pas en Europe ! La fille a vécu 5 mois à Montréal, mais fait des grands yeux ronds quand je dis que c’est une capitale gastronomique. Encore une qui s’est contenté d’aller manger de la poutine à la banquise… et puis finalement, le gars rajoute une couche « on était surpris, on pensait que les québécois étaient plus accueillants ; l’image des canadiens, qui vivent dans leur cabane, et qui accueille tout le monde avec le sourire ; on pensait que les gens allaient nous parler dans la rue ». Je commence à expliquer que Montréal c’est une capitale économique ; qu’ils auraient pu aller en Gaspésie ou au Lac St Jean s’ils voulaient un contact plus humain. C’est pas au milieu de la deuxième plus grande ville francophone du monde qu’ils allaient voir des cabanes. Enfin… ils ne restent pas longtemps, et ça m’évite d’avoir à les jeter par dessus la barrière. Ça aurait fait pas beau dans le parc après !
Stéphane et Armelle sont encore là, et on discute encore un peu. Le contact avec eux est beaucoup plus agréable ! On parle encore un peu boutique avec Stéphane, et on échange nos coordonnées. Armelle, de son côté, doit être à Montréal début décembre. Elle repart donc elle aussi avec mon adresse email, si elle a besoin d’un guide touristique. Ça lui évitera de terminer à la banquise. Grrrrr !
C’est bête, mais ça fait du bien de parler français un peu. Je sais que l’une des raisons qui me donnent envie de rentrer à Montréal, c’est de pouvoir recommencer à parler français. Je répète depuis bien longtemps que l’anglais n’est plus un problème pour moi, et c’est de moins en moins le cas, surtout avec Danielle. On a de longues discussions philosophiques ensemble, sur la création, sur les personnages de livres qui ont leur vie propre au détriment de l’auteur, sur la difficulté d’expliquer un processus créatif à des non créatifs, etc… bref, non, l’anglais n’est plus un problème. Mais le français reste ma langue maternelle, celle que je maîtrise parfaitement (sauf à l’écrit, diront certains lecteurs !) ; et le parler régulièrement avec des gens intéressants me manque !
D’en haut, on voit une balade qui permet d’aller se balader en bas. Pas trop longue (4 kilomètres aller retour), ça nous fait quand même bien envie, et on se décide donc à jouer un peu les sportifs. Histoire de voir de plus prêt ces magnifiques formations rocheuses. La balade est l’occasion d’une autre longue discussion philosophique sur la créativité, et j’en profite aussi pour transmettre à Danielle quelques rudiments de français. Une façon très intéressante de découvrir à quel point ça peut ne pas être évident d’apprendre une langue à quelqu’un d’autre ! Par où je commence « je m’appelle Sébastien » ? Ou « je tu il elle on nous vous ils ? ». Ou peut être la conjugaison des verbes du premier groupe ?
Un peu plus loin, c’est un suisse qui nous dit « bonjour ». Oui, trahit par le van. Et encore après, quand Danielle pose une question à un groupe de personnes qui lui répondent d’un regard ébahis, elle enchaîne par un « do you speak french » qu’ils comprennent et acquiescent rapidement. Bref, si vous êtes en manque de français, il semblerait que Bryce Canyon soit un bon endroit pour en trouver ! Surprenant, parce qu’à Zion, il n’y en avait quasiment aucun…
Si la balade dans l’amphithéâtre valait vraiment la peine, la suite nous laisse un peu plus sceptique. C’est beau, c’est très beau même. Je ne chercherais pas à dire le contraire. Mais c’est un peu trop « la même chose », et surtout, ça ne rivalise pas avec le premier aperçu. Il y a énormément de point de vue, alors on s’arrête régulièrement, on fait quelques photos, et on repart. Le parc ne semble pas attendre autre chose de nous. Les autres balades ne sont pas aussi prometteuses, et comme on est déjà en haut, on a un aperçu d’ensemble… alors ça permet de faire tout ça un peu rapidement, ce qui n’est pas plus mal non plus.
On croise à nouveau Stéphane, au dernier point de vue. On rediscute un peu. Il en profite pour me demander de faire une photo de lui, avec son matériel, et fait une photo de nous en échange. Quand il voit l’état de ma lentille, il hallucine complètement. Oui, ma bien aimée lentille a quand même beaucoup souffert de passer une semaine dans le désert, incluant une tempête de sable. Enfin, c’est un canoniste lui aussi alors il en profite pour utiliser une de ses lentilles à la place. J’admets, elle a un beau piqué la 17-40 de Canon ! Ça pourrait presque être une…. ah ! non, j’ai rien dit. Je remplacerais probablement ma 17-50 par une autre 17-50. Un jour.
Il se fait tard. On reprend donc la route avec Danielle. J’hésitais à faire le détour par Arche, mais vu les commentaires de Stéphane, on va aller jeter un oeil. On n’est parfaitement dans les temps sur le planing de fou qui nous attend de toutes façons, c’est donc parfait.
On roule un peu, mais pas très longtemps. Le soleil se couche déjà, ce qui n’empêche absolument pas le paysage de rester magnifique !
On est rendu dans Giant Staircase National Monument. Je suis pas tout à fait sûr que les permissions de camping soient les mêmes dans un National Monument quand une National Forest, mais mon instinct me dit que c’est pareil. Alors quand on trouve un petit chemin qui s’éloigne un mini peu de la route, on s’y engage. Ça sera parfait pour la nuit.
Au moment de garer le van, je réalise quelque chose qui, je l’avoue, me fait quand même assez plaisir. Même si je ne suis pas fan des aires d’autoroute, je pense que c’est notre dernière nuit au milieu de nul part. En principe, à partir de demain, on devrait dormir sur des aires d’autoroute, ou chez des gens (amis et famille de Danielle, amis de moi, couchsurfing, etc…). J’aime énormément dormir au milieu de nul part comme ça, mais il n’en reste pas moins que j’ai du mal à ne pas m’imaginer encore à Happy Camp… une aire d’autoroute me paraît plus tranquille !
L’autre bonne nouvelle, c’est que ce soir, il fait moins froid, et le chauffage remarche parfaitement bien. On devrait être bien confortable toute la nuit. Ouf !
Alors pour faire changement, on termine par une petite soirée tranquille à discuter / écrire / bloguer / lire / dessiner / travailler. Tâches réparties en fonction des spécialités de chacun !