Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionOctober 18th, 2014
  • C’est en 2008 que le projet commence à devenir réalité, quand Dan décide de réaliser son rêve. Il est alors à la recherche d’un terrain dans le nord de la Californie, qui pourrait supporter un mode de vie durable. De l’eau, provenant de sources naturelles, du bois, provenant des denses forêts de la région, une pluie abondante pour irriguer les cultures, assez de soleil pour fournir de l’électricité, et un climat plutôt doux à l’année, pour favoriser l’agriculture et l’élevage. Son rêve : vivre différemment.

    Quand il arrive sur son nouveau bout de terrain pour la première fois, il n’a rien d’autre que sa tronçonneuse, une tente, et Beau, son berger allemand qui le suit aveuglément. Dan passe la première année à nettoyer les routes, et les espaces nécessaires à l’installation des futures structures et à l’agriculture. Son terrain est une ancienne zone d’exploitation forestière, dans les années 60. Le terrain, bien que en pente, a été nivelé en plusieurs endroits, pour permettre aux véhicules de manoeuvrer, et aux bucherons de stocker le bois. À l’époque, il n’y avait pas de pont au dessus de la rivière, et Dan devait traverser à pied, la tronçonneuse au dessus de sa tête. La rivière lui servait aussi pour prendre sa douche, été comme hiver. Expérience des plus revigorantes, surtout sous la neige… Même pour quelqu’un qui, comme Dan, est habitué à l’hiver dans le Michigan…

    La première structure a être mise en place est le Pavillon, en 2009. Un entrepôt à ciel ouvert, où sont rangés la plupart des outils et des matériaux nécessaires à la construction du village. On y trouve même un bulldozer et une mini scierie. Les outils s’accumulent année après année, et le Pavillon est devenu un entrepôt qui déborde de choses utiles.

    2009, c’est aussi l’année où la construction du centre communautaire commence, et où le hangar à ciel ouvert qui sert de cuisine est installé. Dans une amélioration évidente de confort, Dan remplace la tente par un camping car. À partir de là, les premiers Wwoofers commencent à arriver pour donner un coup de main, participant à la construction des autres bâtiments, et dormant sous des tentes, quelque soit la météo.

    En 2010 commence la construction du village d’en bas. Apparaitront dans un premier temps un sauna, et une cabine triangulaire. Suivront ensuite une autre cabine, et l’enclôt pour les chèvres et les poules qui seront installées de façon permanente en 2011. Dans le même temps, un autre bâtiment, la cabane de sorcière, sort du sol.

    C’est à cette période que Dan rencontre Jane, lors d’un événement à Ashland, où Jane vivait à cette époque. Ils tomberont rapidement amoureux l’un de l’autre, et presque aussi rapidement, Jane quittera Ashland pour devenir une résidente à part entière du village.

    Une douche (chauffée au gaz) et un éclairage (alimentée à l’électricité solaire) sont installés à la fin de l’année 2013, et le nouvel an est également l’occasion de pendre la crémaillère du Centre Communautaire.

    L’idée de proposer les cabines sur AirBnB vient de Jane. Dan n’a pas hésité une seule seconde à dire oui, persuadé que Jane délirait complètement en pensant que quelqu’un serait prêt à payer pour venir s’installer dans un endroit aussi perdu, dans des cabanes sans électricité, avec des toilettes sèches. Et pourtant… un premier visiteur est venu, avec sa petite amie. Puis six, le mois d’après. Et c’est allé en augmentant continuellement. 2014 est la première année où toutes les cabines sont en locations, et dans le plus fort de l’été, le village a eu jusqu’à 150 invités par mois.

    Nick a rejoint le projet en mars 2014. Encore tout jeune, plein de rêves et d’étincelles dans les yeux. Plein de bonne volonté également. Il voulait apprendre à allumer un feu et à fendre du bois. Il est très vite devenu un membre indispensable de la mini communauté, s’occupant parfaitement des invités comme des chèvres et des autres animaux. Grâce à son aide, la serre -avec ses décorations en mosaïques- a pu voir le jour. Ainsi qu’une jolie petite marre dans le village d’en bas.

    Ce n’est que le début de l’aventure pour Dan. Et Jane. Et Nick. Avec Laurie, on découvre ça avec admiration. Tout le travail que ça représente, les efforts qui ont été faits, l’implication… la folie en arrière du rêve… tout cela nous fait rêver également. J’ai découvert avec le temps et un certains amusement mêlé de compréhension, que la plupart des voyageurs que je connais nourrissent le même rêve. Construire une place à eux, plus tard. Je pense à Isabelle, qui rêve d’ouvrir une auberge de jeunesse. À Marilyne, qui parle d’un restaurant et de son petit jardin biologique à côté. Je pense à Laurie, et son centre de création artistique. Je pense à mes propres rêves…

    Je suis admiratif du travail de Dan, parce que je sais la somme d’efforts que cela représente. Je suis persuadé d’être techniquement capable de construire une cabine. En avoir la force morale ? C’est une autre histoire ! J’en parle un peu avec Jane. J’en rigole un peu. Pourtant, il y a quelque chose qui me plait beaucoup dans l’idée. Venir passer quelques temps à Maitreya, le temps de construire une cabane. Une cabane qui serait habitable. Le plaisir de laisser ma trace un peu partout quand je voyage… le plaisir de couler du béton dans un autre pays encore… le plaisir d’être un voyageur utile. Et de savoir que je serais toujours le bienvenu au milieu des bois… Peut être que je devrais commencer par faire ça au Charbinat, avant d’aller faire ça ailleurs. Il faudra bien la construire, un jour, cette cabane des écrivains…

    J’ai eu la chance, quelques jours au paravent, de voir Laurie réaliser un rêve en arrivant à Crater Lake. Mais si elle rayonnait en arrivant là bas, ce n’est rien comparé à ce que je ressens émaner d’elle à Maitreya. Quand je lui pose la question, elle me confirme que c’est bien ça : Dan est plus ou moins en train de réaliser ce que elle rêverait de faire un jour. Il y a quelque chose de merveilleux, à découvrir que d’autres partages nos rêves. Et qu’ils sont capables de les réaliser. C’est un magnifique encouragement à continuer !

    Nous passerons notre deuxième nuit à Maitreya dans la cabine triangulaire qui se trouve être libre à ce moment là. Un lieu tout petit, mais oh combien onirique et confortable ! Dormir non pas dans un sac de couchage, mais sous des vrais couvertures en laine ! Bien lourdes, bien épaisses…

    À nouveau, mon livre est en avance sur moi… je trouve amusant de me dire que j’ai déjà écrit ce qu’il va se passer. Enfin… ce qu’il va presque se passer, puisque le principe de l’autofiction est de ne pas être complètement vrai…

    Le samedi matin, je suis le premier à me réveiller. Je me lève, attrape un paquet dans mon sac à dos, et me dirige vers la cuisine. J’ai l’impression d’être de retour à Burning Man, quand j’étais le premier levé de notre petite communauté. Alors comme à Brothermelon Camp, je commence à m’activer. À la co-op de Ashland, j’ai acheté du mélange à panecake. En cachette. Je pensais faire la surprise juste à Laurie, un matin, mais là j’ai tout un groupe à surprendre, alors c’est encore mieux ! Ces mélanges ne demandent que l’on ajoute que de l’eau. Absolument parfait quand on voyage. Je commence donc à cuire ma pile de panecakes, pendant que les résidants se réveillent les uns après les autres. Dan d’abord, puis Jane, puis Nick. Je discute avec un peu tout le monde, heureux de les voir heureux à la perspective d’un petit déjeuner déjà tout prêt. Nous sommes aussi rejoints par deux des invités AirBnB qui bénéficieront de l’énorme pile de panecakes. Et je finis par aller réveiller Laurie, dont les capacités à dormir profondément et longtemps, continuent de m’impressionner !

    Nous resterons encore un petit moment à discuter avec nos hôtes, et à prendre quelques photos des lieux. Puis vient le moment de faire nos bagages, et de reprendre la route. Les deux invités AirBnB peuvent nous poser sur la 199. Ensuite, ils continueront vers le sud, nous vers le nord. Objectif : arriver à Eugène vers 16h, pour profiter encore un peu du Saturday Market.

     

    Plus d’infos sur le village et le projet : http://www.maitreyamountainvillage.com

    Et sur AirBnB pour voir plus de photos : https://fr.airbnb.com/s?host_id=1399424

    3 commentaires

    1. Commentaire de Céline

      Ça fait trois articles que je serre les dents, mais là, je suis trop jalouse pour ne rien dire !
      C’est génial cette communauté, j’aurais adoré découvrir ça avec vous deux. Un vague air de Christiania, mais sans les problèmes de drogue, corruption, tourisme à outrance, méfiance des habitants et perte de l’esprit de départ.
      Comme quoi, effectivement on a tous envie de la même chose au final, se promener jusqu’à trouver un coin sympa où poser son projet… Et peut-être repartir un jour, suivant le sens du vent ? ;)

    2. Commentaire de Kaly

      Oui, il y a un peu du Charbinat à Maitreaya, et vice-versa.

      Construire la cabane des écrivains, en voilà une bonne idée qui nous ferait vachtement plaisir, faudra y songer…

      Quant à la vie en communauté, longtemps après le mouvement “intensif” (si je puis dire) des années 70 ou environ, je trouve sympa que ça existe toujours. Ce ne sont plus les mêmes personnes, le monde a changé, les expériences ont beaucoup évolué sans doute. Et les techniques : il y a cinquante ans, je pense que le principe de toilettes sèches, parmi d’autres idées, était totalement inconnu !

      Maintenant, on parle aussi de permaculture, une toute autre façon de cultiver.

      Ce type d’expérience me paraît très porteur, comme modèle, pour prouver que l’on peut vivre de cette façon. Entre autres motivations.

      Enjoy!

    3. Commentaire de Sébastien Chion

      @Céline : je pense que c’est l’une des choses que j’ai le plus apprécié dans le projet de Dan. C’en est un qui n’est pas « centré » sur la drogue. J’ai vu plein de communautés avec le même état d’esprit…. avec la drogue comme seule source d’élévation spirituelle. Rencontré tellement de gens qui ne jurent que par le fait de pouvoir fumer, parce que ça permet de devenir quelqu’un de mieux… Nous n’avons pas passé beaucoup de temps à Christiana quand j’étais à Copenhague, mais je n’ai pas particulièrement accroché. Un peu à cause du touriste, qui vient voir le hippie comme on va voir un ours au zoo, surtout à cause du weed, omni présent. Comme si c’était une absolue nécessité, comme s’il n’y avait rien d’autres. Ni Dan ni Jane ne sont particulièrement à fond là dedans, et du coup ça me plait d’autant plus.
      Ceci dit… je pense qu’il faudra que je fasse rapidement un détour par Paris pour venir te faire un débrief complet en personne et plus détaillé. Faudra que j’amène quelques bouteilles. Et faudra aussi que l’on parle de cata et d’urbex ;)

      @Caly : l’Amérique du Nord est un terreau assez fertile pour ce genre de communauté. Il y en a quand même pas mal qui existent. Dan m’a parlé de http://www.ic.org qui est un peu un genre d’annuaire si j’ai bien compris, mais je n’ai pas encore eu le temps d’explorer. Quoi qu’il en soit, je trouve ce genre d’expériences particulièrement intéressantes et enrichissantes moi aussi.

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