Becán ne se trouve pas très loin après Xpuhil. Une petite quinzaine de minute de voiture. J’ai hésité un tout petit peu avant de m’y arrêter. J’ai fait beaucoup de ruines. Je ne m’en lasse toujours pas, mais c’est toujours ce même problème : je commence à en avoir fait tellement, j’ai tellement fait l’éponge, que j’ai l’impression de rater quelque chose en en faisant autant à une telle fréquence. Mais je me dis qu’en même temps, je passe juste à côté, que je n’aurai sans doute pas le temps le lendemain sur le chemin du retour, et que ça serait donc dommage de ne pas en profiter tout de suite. C’est fou à quel point j’ai eu raison de m’arrêter. Les ruines de Becán sont magnifiques. Relativement étalées. Avec beaucoup de bâtiments, de belles pyramides, de la jungle… tout ce qu’il faut pour être heureux. Et surtout, personne. Personne ne visite Becán. Personne ne semble parler de Becán non plus. Pourtant, Becán était un lieu très important. Le centre économique, politique et religieux de la région appelée aujourd’hui « Rio Bec », et qui a donc aussi donné son nom à un style architectural. Les sites de Xpuhil, Chicanna, Puerto Rico, Okolhuitz, Canna et Ramonal lui sont associés. L’ensemble couvre une zone déjà assez impressionnante.
Le nom, Becán, signifie « tranchée ». Parce qu’une tranchée, il y en a une. De 5 mètres de profondeur, de 16 mètres de large, sur un périmètre de 2 kilomètres, entourant un peu plus de 12 hectares. L’accès à Becán était limité à 7 ponts différents. Aujourd’hui, seuls 3 hectares peuvent être visités, et une vingtaine de bâtiments principaux sont visibles. En dehors de la zone visitée se trouvent encore de nombreuses ruines, notamment de plateformes, et de maisons ordinaires.
Les premiers signes archéologiques témoignant de l’existence de Becán remontent à 550 avant JC, à l’époque où la culture Olmen était en déclin (région de Tabasco, au Mexique). L’apogée de Becán, quand à elle (pic de construction et de population) a eu lieu entre 600 et 800 après JC. Becán a été abandonné vers 1200 après JC, quand les villes de Tula et Mitla ont pris de l’importance, selon ce qui semble être le « rythme » maya : une ville grandie, prospère, et les autres sont abandonnées. Puis à son tour, la ville est abandonnée, au profit d’une autre, plus prospère, plus dynamique. Les villes naissent et meurent…
À Becán, encore moins qu’à Xpuhil, je ne savais à quoi m’attendre. Les ruines n’étant pas connues, personne n’en parlant vraiment, je m’attendais à quelque chose de la taille de Mujil, sans doute. Ou à peine plus grand, comme Xpuhil. La carte à l’entrée laissait bien deviner quelques bâtiments de grandes tailles, mais je n’y ai pas forcément prêté attention.
Là encore, le site est dans la jungle. Le sol est doux, recouvert de mousse la plupart du temps. Tellement agréable pour les pieds… Et puis il y a ce premier bâtiment. Assez imposant. Assez « présent ». Il nous souhaite la bienvenue. Aucune indication sur ce qu’il est, ce qu’il fait là. Il est là. C’est tout. Cette absence d’indication rend le bâtiment d’autant plus inspirant, je trouve…
Je l’explore un peu. Monte un ou deux escaliers. Redescends. Puis continue mon chemin. Un long passage, un couloir entre deux murs de pierres. D’une longueur de 66 mètres. Autrefois entièrement couvert, il ne reste qu’une petite partie du toit aujourd’hui.
Structure VIII
C’est là que je commence à comprendre dans quoi je m’embarque. Un premier temple/pyramide sur ma droite. Et une autre pyramide, beaucoup plus haute, en face de moi.
Je commence par la structure VIII, la plus « petite » des deux. Orientée dans un axe est-ouest, avec deux tours (comme il se doit dans le style Rio Bec : Xpuhil était une exception) encadrant une grande façade composée de colonnes. Au centre de cette façade, une stèle commémorant sans doute un événement officiel. Plusieurs chambres construites sur le côté est. Les chambres au centre (mesurant quand même huit mètres de haut !) était sans doute utilisées comme entrepôt pour tout ce qui était nécessaire lors des cérémonies religieuses.
Une fois de plus, j’en profite pour grimper lentement en haut du temple. La vue est superbe. Notamment sur la structure IX, juste en face, qu’il me tarde d’aller visiter.
Structure IX
Je redescends donc pour m’approcher de cette pyramide. Il y a quelque chose de magique avec les pyramides. La façon dont elles semblent concentrer l’énergie, devenant des points focaux. Une boule ou un cube ne récupère pas l’énergie de la même façon. La forme pyramidale me paraît « optimale » si on peut employer ce mot dans ce contexte… du haut de ses 32 mètres elle est le bâtiment le plus haut de Becán. Je monte en prenant tout mon temps, les yeux à moitié fermés, me concentrant sur ce que je ressens. Sur ce qui m’entoure… la pluie a commencé à tomber depuis un moment. Lilou a raison. Elles sont belles les ruines sous la pluie.
Je reste au sommet un long moment. La vue est magnifique. Sur la structure IX et sur la jungle. Quand le ciel est dégagé, on peut aussi voir le sommet des tours de Xpuhil. elle chante un peu. Pas longtemps. Nous préférons observer en silence. Il pleut de plus en plus, mais ça n’est pas très grave. Au contraire, la pluie me lave, elle m’aide à évacuer ce surplus de sensations qui me sature l’esprit depuis quelques temps. À défaut de les écrire directement, à défaut de les digérer le soir en me posant sur mon ordi, ou en écrivant dans mon cahier, j’en laisse une partie se dissoudre autour de moi. J’abandonne un peu de moi au sommet de cette pyramide, et ça me fait un bien fou. Se débarrasser de l’excédent inutile pour recommencer à ressentir les énergies qui m’entourent…
Structure X
De prime abord, quand on arrive de face, on a l’impression de se trouver à nouveau devant une pyramide assez simple avec, en son sommet, un temple. Il comporte une porte majestueuse, qui permet de passer d’un côté à l’autre. Il a été construit en l’honneur de Itzamná. Le dieu créateur, connu aussi sous le nom de « monstre de la terre ».
À mi hauteur, une ouverture. Je m’approche pour aller voir. Un tunnel, qui rejoint une petite salle intérieur. Je dois pouvoir passer à quatre pattes. Je m’accroupis. Hésite. Hésite encore. Ce n’est qu’une salle vide, dans le corps d’une pyramide, à laquelle on accède par un petit couloir étrange. Une petite inquiétude me fait rester dehors. Une peur reptilienne, comme on dit… une peur qui remonte à très longtemps. Je n’ai pas envie de rentrer. Quoi qu’il puisse y avoir à l’intérieur, je n’ai pas envie de savoir. Même si le site n’est pas très touristique, il y a quand même quelques personnes. Des dizaines et des dizaines doivent être entrées, avec curiosité, pour faire des selfies à l’intérieur. Je n’ai pas envie de franchir ce petite passage. je préfère continuer le tour de la pyramide.
Je ne vais pas au sommet tout de suite. Je commence par en faire le tour. En découvrant que l’arrière est beaucoup plus complexe que l’avant. Différents étages, des pièces, des escaliers… un véritable labyrinthe que j’explore en prenant mon temps.
En haut de la pyramide, trois mexicains sont là et discutent depuis un moment déjà. Parlant et riant fort. Je me dis que je vais donc attendre encore un peu avant de monter, et je continue le tour de la pyramide. De l’autre coté, je trouve le désormais habituel jeu de paume / pelote. Et puis sur un côté de la structure 10, il y a une pièce fermée, avec une grande vitre. Est-ce que c’est une reconstitution de statue ou simplement une statue rénovée ? Je ne sais pas. Avec la vitre, la photo ne rend pas grand chose, mais l’objet est superbe.
Les mexicains sont toujours en haut. Je décide de monter voir quand même, histoire d’en profiter un peu moi aussi. Il suffit que j’arrive en haut pour les chasser, et je me retrouve tranquille, seul, et dans le silence pour profiter de la vue et des sculptures.
Structure I
Je pensais en avoir terminé de la visite de Becán. J’étais sur le chemin du retour, marchant avec délice dans la mousse délicate, quand je suis tombé sur la structure 1. L’une des plus anciennes constructions de Becán. Une hauteur moyenne de 23 mètres. Une dizaine de salles dans la partie supérieure, accessibles par cinq entrées divisées en trois portes. Malgré l’apparence extérieure, il n’y a pas 15 chambres, mais bien 10. Par la suite, 8 autres chambres ont été rajoutées à l’étage d’en dessous. D’une construction plus récente, et de meilleure qualité. Je pars à l’exploration de ce nouveau bâtiment.
Et voilà que derrière ce bâtiment s’en cache plusieurs autres. Becán n’en finit plus de finir.
Structure IV
Un autel circulaire, datant entre 1100 et 1200 et dédié, comme vous le savez désormais tous, à Kukulcan, le dieu des vents, le dieu serpent à plûmes. Et un autre bâtiment en arrière qui, plus que certainement, servait de maison aux leaders de Becán.
Le bâtiment a été modifié avec le temps, mais il garde lui aussi des détails importants du style Rio Bec : des coins ronds, des faux escaliers décoratifs sur les face est et ouest, et des masques décoratifs sur les façades.
Je grimpe. Me retrouve sur la terrasse supérieure. Trouve un petit escalier qui descend dans le bâtiment. M’y engage. Et arrive peu après sur un point de vue que je reconnais. Je suis au sommet du bâtiment que je trouvais impressionnant à l’entrée ! Déjà qu’il était impressionnant de face, mais en en ayant fait tout le tour, je le trouve d’autant plus massif !
Je finis tranquillement mon tour de Becán, sans vraiment y croire. Je ne m’attendais pas à tomber sur des ruines aussi grandes et aussi belles. Personne n’en parle, pourtant. Elles sont là, pas loin de la route. Il suffit de s’éloigner de deux cent mètres. J’ai eu les lieux presque pour moi tout seul tout le temps, et je pense que la pluie n’est pas la seule raison. Je quitte les ruines de Becán heureux. J’ai réussi à connecter avec les lieux. J’ai réussi à m’y plaire, et à en profiter un peu. Ça fait du bien. Ça fait plaisir. Au moins, je ne suis pas passé à côté. Ça aurait été dommage !
C’est pas Quetzalcoalt le serpent à plumes ?
Alors je vois deux explications, et je ne suis pas sur de laquelle est la bonne. Mais l’idée reste la meme. Kukulcan et Quetzalcoalt sont deux noms différents pour un meme dieu. Mais est ce que le nom change en fonction des villes ou des civilisations, je ne suis pas sur… chez les maias, il me semble avoir plus souvent vu Kukulcan chez les mayas, et Quetza à Chapultepec. Mais je ne suis pas completement sur.
Ca fait un moment que tout ca m’a donné envie de revoir la vengeance du serpent a plume en tout cas !
De “la vengeance du serpent à plumes”, je me rappelle guère plus d’une scène, mais quelle scène !, où Coluche déguisé en squelette avec des collants bien moulants pendant la fête des morts au Mexique est mort de peur. Un squelette grassouillet, effet garanti !
Quid, de Kukulcan ou de Quetzalcoatl ? Le quetzal, c’est ce magnifique oiseau aux longues plumes, effigie des billets de banque guatémaltèques – que tu ne peux ignorer ! Coatl serait donc le serpent. Peut-être que ces deux noms sont issus de deux idiomes différents du Guatémala. Combien en existe-t-il disais-tu ? Une vingtaine je crois ? Il y a de quoi se mélanger les noms des dieux !
Scene memorable en effet. Surtout quand il claque des dents avec son crane sur la tete. Voui, faudra que je le revoyons tiens.
Le Quetzal, c est aussi l emble du guatemala. Tres difficile a voir, il y a quelques coins ou les probabilites sont plus elevees. Je pense que je tenterais le coup quand meme parce que ca doit etre chouette de le voir en vrai. Coatl pourrait bien etre serpent oui. Un lien avec crotal ? Sans doute aucun.
22 dialectes differents au Guatemala.