La route jusqu’à Bend
Il était prévu que je quitte le ranch le lundi. Mais le dimanche, l’un des chiens s’est cassé une pâte, et les emplois du temps ont été assez chamboulés, puisque nous nous sommes retrouvés tous les trois à devoir faire un aller-retour à Boise, à une heure et demi de route de là. Après quelques complications, la bonne nouvelle c’est que le chien allait plutôt bien.
Je suis donc resté une journée de plus, j’en ai profité pour faire un dernier repas qui était particulièrement réussi -une improvisation à base de blanc de poulet, de lait de coco et d’amandes accompagnées de pommes paillassons- et pour terminer avec des bananes flambées, pour bien insister sur mon côté pyromane. Et puis le lendemain, Jo m’a conduit jusqu’à la 20, qui porte en cet endroit le nom de « Oregon Central Highway ». Qui résume bien la chose. J’ai eu du mal à partir, parce que j’étais vraiment bien chez eux. Ils m’ont confirmé que j’aurais pu rester encore quelques jours. J’aurais bien aimé… mais j’ai toujours ce besoin de continuer d’avancer, avec le nombre de jours restants qui diminue… quoi qu’il en soit, ma rencontre avec Cordi et Jo m’a fait énormément de bien. Elle illustre parfaitement cette phrase que j’ai vue à plusieurs reprises « arrivez en étranger, repartez en ami ». Je sais que je retournerais me perdre dans le fin fond du bout du monde de l’est de l’Oregon, dans ce ranch magnifique, au près de deux personnes adorables qui m’ont beaucoup rappelé mon séjour chez les kangourous, au près de Terry et Josephine. Au moment de partir, j’ai dit à Jo « tu peux continuer de dire que tu ne t’arrêtes pas pour ramasser des stoppeurs, mais désormais, tu t’arrêtes pour les déposer ». Mon petit doigt me dit qu’à partir d’aujourd’hui, ils réfléchiront peut être un peu plus quand ils verront des gens sur le bord de la route, le pouce en l’air. Peut être qu’ils ne s’arrêteront pas, mais ils auront sans doute une hésitation. Et je trouve ça chouette.
Je m’étais amusé à prédire que je ferais la traversée en quatre voitures, et une attente moyenne de trente minutes par voiture. La première s’est arrêtée en moins de quinze minutes. Un gars très sympa, qui s’en allait jusqu’à Klammath Fall, pour travailler sur les lignes de chemin de faire de l’Union Pacific. Il pensait devoir passer par Bend, et donc pendant un moment, j’ai cru que j’allais vraiment faire ma plus belle performance de stop. Mais ça me paraissait un peu bizarre, parce que pour moi, on quitte la 20, à un moment, pour prendre la 395. Et c’est en effet ce qui a été confirmé deux heures plus tard. Il s’est excusé, avant de m’abandonner au beau milieu de nul part, à l’intersection entre la 20 et la 395 en direction du sud. Moi ça m’allait très bien.
La deuxième voiture s’est fait attendre un peu plus longtemps… mais elle a finit par s’arrêter. Une heure et demi plus tard. Un gars qui n’était pas d’accord avec son GPS, et qui s’est arrêté pour vérifier. Et quitte à s’arrêter, il a décidé de m’embarquer. Il s’en allait jusqu’à Klammath Fall, pour travailler sur les lignes de chemin de faire du l’Union Pacific. Non non, aucun copier coller involontaire ici. Il semblerait juste que l’Union Pacific engage beaucoup de monde. Lui a décidé de prendre une autre route. Il m’a déposé au centre-ville de Bend un peu plus de deux heures après. Mon estimation était juste : cumulé, j’ai attendu un peu moins de deux heures. Bon, j’ai eu deux voitures au lieu de quatre…
Bend
À Bend (80 000 habitants et 12 micro brasseries), je devais retrouver Jill. Non pas une couchsurfeuse, mais une bewelcomeuse. Tout heureux de vivre ma première expérience BeWelcome en Amérique du Nord ! Heureux aussi de voir que j’arrive encore à me faire héberger chez des inconnus !
J’ai rejoins Jill, ainsi que Alec -son neveu- et Emily -la copine de Alec- tout deux en visite surprise à Bend, dans un restaurant où ils finissaient de manger. On est ensuite parti se promener dans la ville.
J’ai l’impression d’avoir quasiment bouclé la boucle. J’ai rejoint un endroit où je suis déjà venu. C’était il y a quatre ans de ça. J’étais au début de mon retour vers l’est. Je rentrais avec Danielle, et on ne s’était pas vraiment arrêtés à Bend. Juste le temps de profiter d’une colline offrant un point de vue sympa sur les environs… et c’est tout. Je découvre aujourd’hui que c’est un peu dommage de ne pas être resté plus. La ville me plaît. Je ferais assez rapidement le rapprochement avec Val-David, en plus grand. Petite ville très agréable, avec des boutiques inspirantes, et une belle ambiance. Et puis se promener avec Jill dans Bend, c’est comme se promener avec Marilyn dans Val David : elle connaît tout le monde, et on s’arrête tout les 10 mètres pour échanger les dernières nouvelles avec quelqu’un d’autre…
Ma première après midi à Bend sera plutôt tranquille. Jill n’a pas vu Alec depuis un long moment, et les deux sont très proches, ils ont juste envie de papoter. Moi ça me va. Donc après quelques pas en ville et une petite bière on terrasse, nous rentrons tous chez Jill, où on passera la soirée à discuter, déguster quelques bières locales, et manger un magnifique repas que Jill nous prépare en même temps.
Alec et Emily habitent à Portland depuis un peu plus d’un mois. J’accroche bien avec Alec qui, du haut de ses 21 ans, a des idées bien placées, bien réfléchies, et bien posées. C’est un vrai plaisir de discuter avec lui, d’échanger, de partager. Et puisqu’il est cuisinier dans un restaurant à Portland, qu’il a tendance à recommander, je prends aussi en note le nom du restaurant. Aucun doute que je lui rendrais visite.
Emily, de son côté, et dans un mode très lunatique. Originaire de Los Angeles, elle a quitté sa famille pour venir à Portland, et c’est un peu difficile pour elle. C’est dommage, parce que j’aurais aimé discuter plus avec elle. Photographe et dessinatrice, j’ai pu regarder un peu les croquis qu’elle fait, et j’adore l’univers qu’elle crée, et le style qu’elle a (en fait, elle donne l’impression d’être issue elle même de l’un de ses dessins). Physiquement, c’est un peu un mélange de Wednesday (Mercredi dans la famille Adams) et de Emily Strange, en version cheveux décolorés. Elle a un visage un peu triste, assez mélancolique. Elle ne sourit quasiment pas. Mais quand elle sourit, son visage s’éclaire soudainement, et se met à rayonner. Comme, justement, cette magnifique scène où Mercredi se force à sourire. Je mets le lien, parce que je continue à trouver cette scène absolument grandiose. Bon, d’accord, Emily ne fait pas peur quand elle sourit.
J’espère que j’aurais l’occasion de recroiser ces deux là quand je serais à Portland.
Jill, de son côté, est tout un personnage aussi. Elle semble avoir eu une dizaine de vies antérieures. Elle a travaillé à Los Angeles dans des cabinets de marketing où elle faisait énormément d’argent, elle a une formation en biologie marine et s’est occupée de dauphins, elle est partie apprendre la permaculture en Thaïlande et a aidé à mettre en place des fermes à Bend, et aujourd’hui, elle est auto-entrepreneuse, alors qu’elle vend des jouets en bois et autre matériaux de récupérations, à monter soit même, pour les enfants. Objets tout simple, vendus quelques dollars chacun. L’idée est intéressante, même si je ne suis que moyen fan des produits finaux.
La soirée commence très tôt. Elle finira assez tôt aussi, parce que tout le monde est épuisé… mais on aura quand même le temps d’avoir beaucoup de longues discussions sympas.
Le lendemain matin, c’est le retour de Bella, la fille de Jill. Elle a deux ans et demi. Elle était chez son père la veille. Aujourd’hui, on va chez les parents de Jill pour un brunch familial. Voilà longtemps que j’ai arrêté d’être surpris et gêné de me retrouver dans des moments pareils. En fait, je crois que j’y prends goût, à être l’élément rapporté, que l’on se demande bien ce qu’il fait ici, et qui pourtant s’intègre très bien.
Les parents de Jill habitent dans une grande maison plutôt luxueuse. Le brunch sera sous forme de tortillas. Ça fait longtemps que je n’en ai pas eu au petit déjeuner ! Sauf que celle-ci sont garnis d’oeufs brouillés et d’haricots rouges particulièrement bien préparés. Sans oublier un petit bloody mary -la spécialité du père de Jill- pour accompagner le tout. Belle façon de commencer la journée !
Quand nous repartons, Jill m’abandonne au centre-ville pour que je parte explorer un peu tout seul, découvrir les petites boutiques, déambuler en ville, et compter les brasseries. J’en profite aussi pour retourner au sommet de cette butte d’où l’on a vraiment une vue magnifique sur les montagnes où je vais demain (troisième photo en partant de la fin, je serais au pied du mont Washington, le deuxième sommet à gauche sur la photo).
Je retrouve Jill un peu après pour aller faire quelques courses au marché. Alec et Emily ont reprit la route de Portland.
Puis on va s’installer pour boire une bière avec des amis à elle. On restera un long moment, à discuter de tout et de rien, dans une ambiance assez sympa. Un petit détour au moment de partir pour aller écouter un groupe de musique qui joue juste à côté, mais pas trop longtemps, parce qu’il commence à être tard et que Bella doit aller se coucher. Pas qu’elle manque d’énergie, bien au contraire… moi, par contre, je commence à fatiguer. Bella ne sait pas marcher : elle ne fait que courir. Elle ne sait pas non plus parler : elle ne fait que crier. Après plusieurs heures, ça devient un peu difficile !
Retour à la maison et petite soirée tranquille. Moi je prépare mes affaires, et m’occupe un peu de mon blog. Demain, je prends la route d’Eugène. J’ai prévu de dormir en chemin. Pas qu’Eugène soit très loin. C’est un peu plus de deux heures de route… mais il parait qu’il y a des sources chaudes à mi-chemin, et j’ai bien envie de voir ça en prenant le temps de m’arrêter et d’y passer une soirée ! D’après Jill, elles ne sont pas aussi belles qu’Umpqua, mais elles attirent aussi les hippies d’un peu partout en Oregon !