Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionAugust 31st, 2019

J’ai découvert Pete Fromm grâce à son livre « Lucy in the Sky ». Je suis tombé dessus « par hasard » dans une librairie de Rennes. Bon, d’accord, dans une librairie, c’est rare que ça se passe par hasard… Lucy a quatorze ans ; elle habite dans un petit village perdu au milieu de nul part. Elle découvre l’amour ; le beau comme le pas beau ; et s’apprête à passer à l’âge adulte. J’ai vu beaucoup de similarité entre Lucy et ma demoiselle de l’Alaska… j’ai plongé dans la lecture avec enthousiasme, et je n’en suis ressorti qu’à regret à la fin. Pete Fromm écrit bien. Ce qu’il raconte est simple, et beau. Et ce qui m’a le plus perturbé, c’est que ma demoiselle, elle aurait pu croiser la route de Lucy sans aucun soucis. Les deux évoluant exactement dans le même univers…

J’ai replongé dans Pete Fromm, un peu les yeux fermés. « Mon désir le plus hardant » raconte l’histoire de Maddy, qui emmène les touristes descendre en raft les rivières du Colorado. Elle rencontre Dan, guide de rivière lui aussi. Ils tombent amoureux, se marient, ont deux enfants, et elle se fait diagnostiquer une sclérose en plaque. Et on suit l’évolution de la maladie… beaucoup moins léger, beaucoup moins reposant. Mais là encore, tellement bien écrit…

À la base, les romans de Pete Fromm se rangent dans la catégorie « Nature Writing » notamment à cause de son premier roman (et sans doute le plus connu) : « Indian Creek », que j’ai lu juste avant de partir pour le Beaufortain. À l’âge de 20 ans, un peu sur un coup de tête, il interrompt ses études pour aller passer 6 mois dans le fin fond de l’Idaho pour surveiller des oeufs de saumon. Seul dans un endroit inaccessible, avec presque aucun contact avec l’extérieur. Éloge de la lenteur, de la beauté du monde et de la nature. Il nous emmène vivre à ses côtés, dans sa tente, sous la neige…

Et forcément, après ça, j’ai craqué pour « le nom des étoiles ». Vingt ans plus tard, marié, père de deux enfants, on propose à Pete Fromm de partir pendant un mois surveiller des oeufs d’ombres ; après tout, il a l’expérience qui convient ! Si dans « Indian Creek », Pete Fromm raconte surtout son quotidien, dans « le nom de étoiles » il nous parle de toutes ses expériences de vie. Faisant des aller-retours entre présent et expérience passé. Quand il était maître-nageur à Lake Mead, ou ranger à Grand Teton. Là encore, c’est un magnifique éloge de la lenteur, de la nature, de la beauté des choses. Il nous présente le monde tel qu’il le voit, et tel qu’il le vit, nous faisant découvrir les étendues sauvages des États-Unis… « le nom des étoiles » je l’ai lu avant et après mes balades. Confortablement dans ma maison, à observer mes montagnes. Je lisais ; je partais marcher. Six heures. Sept heures. Huit heures. Je revenais, les jambes lourdes. Je les allongeai sur la banquette, et je replongeai ; n’y a-t-il plus belle façon de découvrir ce livre qu’en prenant soi-même tout son temps, en le savourant jusqu’à la dernière ligne ?

Et puis il y a « Désert Solitaire » de Edward Abbey, l’un des plus grands noms du « nature writing » américain. L’un des livres les plus célèbres, aussi, dans sa catégorie. Qui pourrait, je pense, rentrer dans la catégorie « à lire obligatoirement avant d’acheter un billet d’avion, ou de faire un road trip ». J’étais, il est vrai, dans les conditions parfaites pour plonger dans ce livre. Écrit en 1968, ce qu’il raconte, ce qu’il écrit et beaucoup trop contemporain pour ne pas être percutant. Militant écologiste, mais surtout visionnaire, il s’en prend violemment à l’industrie du tourisme de masse et à l’industrie tout court dans un discours qui tient parfaitement la route ; ne se contentant pas de critiquer (la critique est facile) mais proposant toute sorte de solutions et d’alternatives aux aberrations de la société moderne (toujours -encore plus- d’actualité 50 ans plus tard…).

« Nous sommes convenus que nous n’entrerons pas en voiture dans les cathédrales, les salles de concert, les musées, les assemblées législatives, les chambres à coucher et autres temples de notre culture ; nous devrions traiter les parcs nationaux avec le même respect, car eux aussi sont des lieux sacrés. Prolongé de plus en plus païen et hédoniste (Dieu merci !), nous comprenons enfin que les forêts et les montagnes et les canyons désertiques sont plus sacrés que nos églises. Comportons-nous donc en conséquence. »

J’ai eu la chance d’explorer une partie des parcs dont Abbey parle. En voiture, sans trop prendre mon temps… notamment Arches National Park, où il a travaillé plusieurs années de suite comme ranger, et qui sert de fil conducteur à « Désert Solitaire ». Donc oui, forcément, pouvoir visualiser les monuments dont il parle pour les avoir vus, les avoir photographiés sous tous les angles, c’est quelque chose. Tout cela alors que sur ce mini voyage dans le Beaufortain, j’ai placé la marche et l’observation au centre de tout… la lecture de « Désert Solitaire » était juste un moment parfait.

Un lecteur attentif aura remarqué que tout ces livres sont publiés chez Gallmeister ; un éditeur que j’ai découvert il y a quelques temps maintenant, et que j’aime particulièrement. Spécialisé dans les romans se passant aux États-Unis, à prix raisonnable et de bonne qualité, ils me permettent de plonger régulièrement dans ce pays qui m’a tant inspiré… leur seul défaut : ils n’éditent que des auteurs américains traduits. Et c’est regrettable, car ma demoiselle aurait clairement eu sa place chez eux !

Un commentaire

  1. Commentaire de La Feuille

    Excellente chronique ! Belle sélection de livres. J’en ai lu une partie et j’ai envie de découvrir ceux qui manquent à ma bibliothèque…

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