Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionMarch 23rd, 2022

Certaines randonnées sont presque aussi éprouvantes à raconter ensuite qu’à marcher sur le coup… mais faut dire que celle-ci, elle était particulièrement intense. Sur beaucoup de niveau…

Aujourd’hui, il devrait faire beau. Au moins un peu, pendant quelques temps. En tout cas, le ciel devrait être pas mal dégagé. Occasion idéale pour aller faire une longue balade. Et d’essayer sérieusement une application téléchargée sur mon téléphone il y a quelques jours. En gros, un traceur GPS, qui sort à la fin le parcours effectué, la durée, le dénivelé, ce genre de trucs toujours sympas à savoir. Je ne fais pas de la rando pour la performance ; ou pour les chiffres. Mais j’aime bien avoir un ordre d’idées de ce que j’ai fait, et de ce que je peux faire. Et aussi de garder une trace précise de mes balades. Je le fais déjà, en annotant des cartes ; mais j’ai envie d’essayer comme ça. Sans que ça devienne absolument nécessaire. Je veux pouvoir faire une rando sans téléphone et sans problème, sans être perdu.

Aujourd’hui, je fais quelque chose que je fais rarement : je prends le train pour partir faire une randonnée. Il me semble que ça n’est vraiment pas dans mes habitudes. L’ai-je seulement déjà fait ? Aller en train, retour à pied, je ne suis pas sûr… toujours est-il qu’une fois de plus, je suis à la gare de Riglos à 10h45, pour embarquer dans le train. Dont, cette fois, je descends dix minutes plus tard. À la gare de Santa Maria y la Peña. Juste en face de l’entrée de la Foz d’Escalette. J’ai triché ; j’ai pris un raccourci. J’ai très envie de refaire les courtes gorges du Gallego à pied. Mais là, a priori, je pars pour du très long. Donc je préfère raccourcir plutôt que rallonger. Pour une fois.

Il me restait une hésitation sur l’itinéraire exact du début. J’ai très envie de repasser par la Foz d’Escalette, que j’ai vraiment beaucoup aimé. Mais en même temps, j’ai repéré qu’un peu plus à l’est se trouve la Foz d’A Garoneta. Que je ne connais pas. Or il se trouve que juste devant la gare, il y’a un panneau, avec des cartes et quelques indications. Et finalement, je décide de prendre l’option d’aller vers l’inconnu. Ce qui ne veut pas dire que je ne reviendrais pas voir Escalette à un autre moment.

Et donc, la balade finale, ressemble à ça vue d’en haut :

Et vue de profil :

Bon, clairement, j’aime bien les randonnées avec technologie embarquée moi. Enfin, j’imagine qu’une carte et un profil ne faisant pas tout, je peux quand même raconter un peu aussi.

La Foz d’a Garonetta

Avec un début très tranquille, en suivant un peu la rivière d’abord, que l’on finit par traverser. Ça commence un peu à monter après, mais ça reste toujours relaxe.

Au niveau du pont, le Gallego poursuit sa route en suivant une vallée vers (un peu le nord) est. C’est aussi par là que par le train. La route principale, elle, part un peu plus vers le nord. Mais il y a une autre route (celle qui traverse le pont) qui est orientée vers (un peu le sud) est. C’est cette route que je compte suivre plus tard avec le Chamion, histoire de rester proche de mes montagnes, et de finir d’en faire le tour. Ce côté là est quand même beaucoup moins abrupt que le versant sud.

Et j’arrive(rai) de là :

Et pour le moment, à pied, je continue donc vers la Foz d’a Garonetta.

Sauf que contrairement à Escalette, ici, on ne passe pas par le fond de la gorge ; on grimpe sur le côté, et on passe par en haut. On grimpe un petit moment. Avec, au loin, le paysage qui s’étale. Parce qu’aujourd’hui, le temps n’est pas trop couvert. Et oui, on retrouve les Pyrénées enneigés !

Premier obstacle franchit ; j’ai désormais une vue sur la vallée et les montagnes en arrière (dernière photo de la galerie précédente) ; c’est par là que je me suis promené il y a quelques jours, après avoir franchi la Foz d’Escalette.

Casablanca

Je redescends tranquillement jusqu’à « Casablanca ». Une grande zone herbeuse, autour d’un ancien bâtiment. Un refuge de berger, je crois. Il fait soleil ; pour autant, il ne fait pas trop chaud. En fait, la température est juste parfaitement idéale. Il ne fait pas trop chaud. Juste cette douce chaleur printanière qui fait tellement de bien… c’est tellement agréable de sentir le soleil ; d’avoir un ciel un peu dégagé, et de profiter de tout ça…

Punta Carrero

Et donc, à partir de là, ça grimpe. Et ça va grimper pour un bon moment. Les six prochains kilomètres vont me faire gagner presque 600 mètres, soit une pente moyenne de 10%. La technologie me permet même de savoir que la portion d’un kilomètre la plus raide m’a fait grimper 156 mètres (en 21’16 quand même – seule fois où je passe sous la barre des 3 km/h).

Je ne peux m’empêcher de faire des photos de la Foz, et des Pyrénées, qui émergent de plus en plus, à l’horizon. Avant de disparaître derrière la prochaine montagne. Le chemin aussi disparaît petit à petit. De chemin forestier bien entretenu, il devient ancien chemin un peu abandonné. Puis piste un peu chaotique. Puis piste pas vraiment entretenu, où il faut se battre un peu avec les ronces parfois. Mais ça passe toujours. Puis d’un seul coup, tout devient super large. Il me faut un petit moment pour comprendre qu’il s’agit de couloirs pare feux. Parce que oui, il parait que des fois la région est super sèche et ensoleillée, et que tout brûle bien. Il parait…

J’approche du col. Ça s’entend. Le vent commence à bien souffler. C’était prévu, pour aujourd’hui. Un vent du sud. Forcément, grimpant par la face nord, je ne l’ai pas trop rencontré jusqu’à présent. Mais rendu au col, il est désormais bel et bien présent. J’anticipe en enfilant mon sous pull en ptérodactyle, et je me retrouve en plein vent. Il ne me reste plus qu’une petite ascension toute droite pour arriver au sommet de la Punta Carrero. Et forcément, ça commence à se couvrir… j’aurai quand même eu quelques heures de ciel dégagé, mais une journée complète, ça aurait vraiment été apprécié… les Pyrénées sont encore un peu là.

À partir de là, je suis un peu ce qui n’est pas vraiment une ligne de crête, mais plutôt une descente/remontée sur la mini bosse suivante : la Garcetena Alta. L’idée étant d’aller un peu au bout de ce promontoire, pour voir la vallée, avant de revenir sur mon itinéraire de base.

Donc si on résume ce dernier panoramique :
– l’idée est d’aller voir au bout de la bosse ce qu’il s’y passe, puis de faire demi-tour via le chemin dont on devine un bout
– sur la gauche, les prochaines bosses que je compte rejoindre, bien déformées par le panoramique.
– à gauche de la bosse, la grande avancée avec la petite cheminée au bout, c’est le mirador de los Buitres.
– en dessous du mirador, le chemin très visible avec un angle très marqué, c’est le col de Santo Román, là où commence la dernière descente sur Riglos.
– la longue crête dans le prolongement de la bosse, c’est la crête que j’ai longée en arrivant d’Escalette. Je suis monté par le chemin que l’on devine sur la droite, avant de grimper tranquillement et d’arriver là en haut. Le décrochement, au bout à gauche, qui marque la symétrie avec le mirador, c’est par là que je suis passé de l’autre côté.
– encore plus à droite, on devine un bout du lac de la Peña
– si on recule sur le plan suivant, la magnifique falaise en diagonale, c’est la verticale du barrage. Cette montagne là marque la limite de la gorge du Gallego
– si on revient vers la gauche, en suivant cette même montagne, c’est la peña Rueba, que je n’ai encore jamais nommée. La falaise qui fait la symétrie des mallos de Riglos, de l’autre côté du fleuve, et qui domine Murillo. Cachée derrière cette falaise, se trouvent les mallos d’Agüero.

Et tout serait tellement plus beau sous un beau ciel bleu ; plus détaillé, plus joli, plus inspirant…

Pour moi, la randonnée (plus encore que le train) est un moyen de voyager dans le temps. Je me retrouve si souvent dans trois temporalités différentes. Il y a, bien sûr, le présent ; ce que je vois et que je vis en ce moment même. Le plaisir de regarder, d’observer et d’admirer. Il y a le futur. Le proche (la ligne de bosses que je vais longer dans pas longtemps) et plus lointain (la peña Rueba, qu’il faudra bien que j’aille voir ou Agüero que je devine sans voir). Et le passé. Là aussi, le proche (le lac que j’ai longé en train il y a quelques heures) et plus lointain : la balade que j’ai faite il y a quelques jours. Que je peux désormais analyser sous un autre angle. Et que je peux comprendre autrement. Et sous cette angle, je la comprends mieux. Il y a là une magnifique leçon de vie toute simple : prenez du recul, regardez les choses sous un autre angle, et vous les comprendrez différemment. Qu’il est intéressant de se forcer à voir les choses avec une perspective différente de celle que l’on a d’habitude. Et pourquoi pas, tiens, de se mettre à la place de quelqu’un d’autre ? D’essayer de comprendre l’autre, plutôt que de le juger ?

J’aime connaître l’envers du décor. Le comment ça fonctionne. Le pourquoi ça fonctionne. Et ça marche aussi en randonnée. Pourquoi le chemin il passe par ici, plutôt qu’ailleurs. À quoi est-ce que ça ressemble derrière cette montagne ; à quoi ressemble l’endroit où je suis maintenant si je vais le voir de là-haut / de là-bas ?

C’est quelque chose que j’aime également beaucoup dans la littérature. La première fois que j’ai rencontré ce phénomène, c’est en lisant le (oh combien génialissime) Cycle de Pern, de Anne Mc Caffrey. D’un livre à l’autre, on change de temporalité ; on change de personnage central. Et on redécouvre certains événements sous d’autres perspectives. On revit une deuxième fois l’histoire, et on la comprend différemment. Ça m’a marqué ; c’est toujours quelque chose que j’ai cherché à refaire. C’était une de mes motivations à écrire « Fille de la route » (anciennement connue sous le nom de « la demoiselle de l’Alaska »). Présenter certains événements, certains personnages, sous de nouveaux angles. Et oui, il est temps que ce texte soit dépoussiéré. Mais ça, j’en reparlerai plus tard. Parce que là, j’ai un peu dévié du sujet original, et il est temps que je revienne au sommet de ma montagne, en plein vent, à avoir froid, et à en avoir marre du vent, du froid, et du soleil qui est reparti. Oui, bon, j’étais mieux au chaud dans mes pensées…

La Peña del Sol

Je suis allé au bout de mon promontoire, essayé de voir un peu plus loin, sans grand succès. Je fais donc demi-tour, revenant (presque) au niveau du col, d’où je peux reprendre la suite de ma balade. Et faire resurgir le passé, une fois de plus ! Voilà que le Puchilibro et le Castillo de Loarre apparaissent à nouveau ! Et aussi le futur : Peña Gratal, je t’aurais !

Et puis il y a ce petit raidillon devant moi. Deux options possibles : suivre le chemin principal, et le contourner, ou foncer tout droit, et grimper là-haut. Comme un sauvage. Je me dis que la vue en vaut la peine, alors je fonce. Enfin je fonce… façon de parler, parce que par curiosité, je regarde la carte topographique ; j’ai du mal à visualiser vraiment ce que représente cette petite bosse. Et là, franchement, je suis un peu vexé. Parce que la carte topo est très claire : je passe de 1215 à 1275.

Mais vous pouvez regardez sur la carte profil, au kilomètre 18, il n’y a pas de bosse de 60 mètres (à titre de comparaison, au kilomètre 14, c’est « à peine » 30 mètres). La technologie m’a volé 60 mètres de grimpette. Je proteste ! Par contre, ça ne m’empêchera pas de profiter du paysage (et de protester contre la météo en plus de la technologie).

On voit bien le chemin d’où j’arrive. Et on voit bien le Puchilibro (et le Gratal au loin). On voit moins bien le château, et les falaises de l’ermitage. Ou encore Ayerbe.Par contre, c’est vrai que si on zoom, on voit (parfois un peu) mieux !

Je peux ensuite redescendre mes 60 mètres volés, pour remonter de l’autre côté et rejoindre la Peña del Sol : la pointe au sommet de la falaise.

Et du haut, je peux à nouveau faire un panoramique où l’éclairage catastrophique avec les nuages fera disparaître plein de détails. Mais on fera avec ; enfin sans ; enfin pas vraiment le choix de toutes façons…

Dois-je vraiment rappeler que « Peña del Sol » ça peut se traduire par « la roche du soleil » ? Ou j’évite ?

Petit plaisir perso : voir sur une même photo le Puchilibro, les falaises de l’ermitage de Anies, le château de Loarre, le château de Marcuello et le mirador de los buitres. J’ai relié tous ces points. À pied. En deux jours. Et même s’il fait gris, même si la météo ne met rien en valeur, ça me fait du bien de voir ça…

Redescente

J’attaque l’avant dernière partie de ma petite promenade champêtre. La descente sur le château de Marcuello.

Reconnexion avec l’itinéraire de deux randonnées passées ; mais cette fois, même si le détour n’est pas si grand, je n’irai pas au mirador. Je commence à avoir les jambes un peu lourdes quand même. Je l’aurais fait, avec une lumière favorable. Mais là, je n’en vois pas l’intérêt. J’attaque donc la dernière partie de la descente. Une dernière descente que je connais déjà ; je suis déjà passé là. J’ai déjà fait ces photos. Mais c’est pas grave. Je les refais quand même. J’en ai envie. J’ai quand même du mal à voir des belles choses sans essayer de les saisir, même en éclairage défavorable.

En dehors de tout l’aspect visuel, pour moi, un des critères qui fait qu’une randonnée valait la peine, c’est le plaisir que l’on a à redécouvrir l’horizontalitude et un chemin stable. J’adore gambader dans les rochers et les cailloutis qui roulent dans tous les sens. Mais sur la fin, quand le pied touche un chemin de terre suffisamment souple pour être confortable, sans s’enfoncer, sans que rien ne roule dans tous les sens… quel plaisir ! De l’horizontal, dans le coin, il ne faut pas trop rêver quand même. Mais descendre de seulement 120m en 3 kilomètres, après une randonnée pareille, un physicien aurait assurément tendance à assimilé ça à un plan horizontal !

Je suis de retour à Riglos ; le soleil, pour se faire pardonner, décide de me dire au revoir. Et je l’en remercie.

Je suis de retour au Chamion. J’appuie sur le bouton stop, de l’enregistrement de ma balade. J’ai mis huit heures depuis que j’ai quitté la gare. 7h10 à marcher, pour une distance totale de 27,82 kilomètres. Cette appli, plutôt que de donner une moyenne en km/h, donne une moyenne sous forme de mn/km ; je sais pas pourquoi, mais j’aime bien cette approche. 15mn26 au kilomètre donc (ou 3,9 km/h quand même). Le fait de voir ces chiffres me donnerait presque envie de revoir à la hausse mes estimations personnel pour ma rando par la Foz de l’Escaleta tiens… N’empêche, oui, je suis bien content d’avoir les chiffres exacts et précis. Et puis 1094m de dénivelé, c’est pas mal non plus non ? Même si j’ai envie de revendiquer 1154m, screugneugneu !

Ça faisait longtemps que j’avais pas fait pareille balade, et ça fait du bien ! Et au moins, je suis sûr que je pourrais me faire le Tozal de Guara avant de partir (21 km, 1300 m, même pas peur).

Quand à la tortilla de patatas prévue au repas du soir, elle passera sans le moindre problème. Et aucune culpabilité !

2 commentaires

  1. Commentaire de Bernadette Suchod

    Ces paysages sont vraiment impressionnants et je suis bien contente de voir que le ptérodactyl t’est bien utile (en plus ça rime !).

  2. Commentaire de Kaly

    Oui, le cycle de Pern est tout à fait génial, et parmi d’autres idées géniales il y a celle de nous faire rencontrer des personnages différents, qui, eux, ne se rencontrent pas nécessairement, mais qui vivent le(s) même(s) événement(s).
    Moi aussi, j’en a déjà parlé ici, j’aime comme toi revenir au même endroit, y faire pousser mes racines même si c’est pour peu de temps, et aussi arriver au même endroit par d’autres chemins : que mes chemins se croisent.
    Tu te rends compte de ce que ratent les touristes du style “tourisme japonais”, qui courent d’un point à un autre à toute blinde et, surtout, sans repasser deux fois au même endroit ! Quelle misère !
    En tout cas c’est toujours un grand plaisir de suivre tes cheminements, et d’admirer tous ces panoramas. Heureusement que nous aussi pouvons nous balader, sans cela ce serait terriblement frustrant !
    Bonne continuation !

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