SE Grand Avenue
Traverser la rivière par Morrison Bridge, pour se rendre dans la partie est de la ville. Mais ne pas aller trop loin. S’arrêter coin Yamhil et Water, à la Hair of the Dog brewing. Commander une bière brune, et découvrir l’une des meilleures brunes de l’Oregon. Petit moment de bonheur.
Dans ce coin là, il n’y a pas grand chose, même si j’ai trouvé un chouette (et immense) magasin de jeux. On pourrait presque hésiter à remonter Grand parce que la rue est quand même un peu sombre une fois la nuit tombée. En fait, Portland toute entière est sombre à la nuit tombée. Il n’y a pas tant de lampadaires que ça. Ils sont assez espacés, et pas si lumineux. Et c’est vrai que ça surprend un peu au début. Il y a même pas mal de rues résidentielles qui ne sont presque pas éclairées. Mais on finit par s’y habituer. J’ai même fini par trouver ça agréable. C’est reposant de ne pas se promener en plein jour, et d’avoir l’impression de bronzer sous la lumière des lampadaires. Sombre, donc, mais finalement pas inquiétante du tout. À aucun moment, nul part, je me suis senti mal à l’aise. Pourtant, fin octobre, les rues sont -il faut bien le reconnaître- assez tranquilles. Je suis vraiment arrivé à Portland pour la première semaine de l’hiver, et je pense que ça a calmé les véléités de beaucoup de gens. Mais ça ne m’a pas empêché d’explorer.
Sur Grand Avenue, il n’y a pas grand chose à voir. Une ou deux boutiques de temps en temps, mais c’est tout. À l’ouest, entre Grand et la Willamette River, c’est le quartier des entrepôts. Vous pouvez stocker tout ce que vous voulez, ça ne manque pas de place. Et vers l’est, la ville continue à l’étaler. Jusque loin. Très loin.
The Lovecraft Bar
Je me suis retrouvé à explorer Grand parce que je voulais faire un saut au Lovecraft Bar. Parce qu’un bar dédié à cet écrivain à moitié fou, à moitié torturé, et qui organise des soirées gothiques, forcément, je n’avais pas vraiment le choix. Et puis… ne suis-je pas en mission, à rechercher un ou deux clubs gothiques sympas à Portland ? En voilà déjà un, sans le moudre doute ! L’intérieur est superbe. Quand on rentre, on arrive tout de suite sur une assez grande piste de danse. Quelques tables sur la gauche, devant un grand mur recouvert de portraits de HPL, ainsi que de couvertures de ses romans. Il y a des Choses Anciennes, des Chtulhu et plein d’autres, toutes aussi amusantes les unes que les autres. Tout de suit à droite se trouve l’estrade du DJ, juste à côté d’un cercueil. Le mur du fond offre quelques tables supplémentaires, avec quelques tentacules au dessus pour faire joli. Le bar, au fond à gauche, offre tout un choix d’alcool. Et de bières de microbrasseries évidemment. Quand la serveuse ne me demande que 3$ pour ma pinte, j’hésite presque à lui demander si elle ne s’est pas trompée. Je n’arrive pas à m’habituer aux tarifs de Portland…Un immense pentacle blanc recouvre le plafond noir. Sur son site internet, le propriétaire explique que quand il s’est installé ici en 2011, ses voisins l’ont dénoncé à la police, l’affirmant sataniste. Il a du expliquer qu’il ne l’était pas, et que son bar n’était rien d’autre qu’un hommage à un des maîtres du fantastique. Il semblerait que ça ne se soit pas si mal passé que ça au près des autorités, vu que lui a pu rester. Et que les voisins se sont enfuis devant un tel lieu de débauche.
La population me rappelle celle du Saphir en sa grande époque. On ne me plus éclectique. Avec une forte concentration de gothiques, assez stylés d’ailleurs, mais aussi des gens tout à fait « normaux » (comme moi, une fois n’est pas coutume). En fait, les couleurs sur le mur, la « texture » du plancher, l’odeur des fumigènes… tout me rappelle le Saphir. Et même la playlist de cette soirée « EBM – Industrial ». Je reconnais pas mal de morceaux, retrouvent pas mal de nom (Combichrist, Convenant, Depeche Mode évidemment, VNV, Roterstand… ne me manquerait qu’un peu de iVardensphere pour que la playlist soit parfaite).
Je regarde les autres danseurs. La plupart se laisse aller, s’abandonnant complètement à la musique. Chacun avec son propre style, chacun sans se poser de questions. Je me joins à eux sans le moindre problème.
Laurelhurst
J’ai procédé à un changement d’adresse. J’ai dit « au-revoir » à Cadence, pour aller m’installer chez Tim pour mes trois derniers jours à Portland. Je l’ai retrouvé en fin d’après-midi, faisant passer le temps dans un petit café assez sympa, le Beuhlaland (j’aimais déjà l’endroit rien qu’en lisant le nom) où j’ai bu un chocolat chaud particulièrement délicieux. Et, encore et toujours, à un prix vraiment raisonnable. Le coup de la vie à Portland ne cesse de m’impressionner…
Et puis Tim m’a fait visiter rapidement le coin, et le quartier tout entier m’a tout de suite plus. La 28e NE avenue, au niveau de Burnside, est plutôt inspirante. J’ai très vite compris que j’avais découvert le quartier qui me manquait. Impression confirmé quand Tim m’a proposé que l’on mange dans un restaurant spécialisé dans la nourriture de la Nouvelle Orleans, le Tapalaya. C’est un habitué du lieu, il vient régulièrement (amenant toutes les personnes qu’il héberge), et connait absolument tout le monde. Nous nous installons au bar, discutant avec le barman tout en mangeant un poisson délicieux, et un riz faisant fortement à de la paëlla mais en version « rougaille saucisse ». Le lieu m’inspire énormément. Le barman m’inspire énormément aussi. Je m’excuse au près de Tim à un moment. Prends quelques notes. Je viens de trouver un de mes « chaînons manquants ». L’idée qui va me permettre de faire une transition dans le livre, et qui me permet d’avancer. À vrai dire, elle vient débloquer un de mes derniers petits problèmes il me semble… Alors je griffonne rapidement, mais je commence à avoir de plus en plus hâte de me poser une fois pour toute, pour de bon, et de finir d’écrire ce livre… il ne me manque plus grand chose, et je suis persuadé que je vais trouver dans le coin tout ce qu’il me faut encore…
Dans ma liste, il me faut encore trouver un petit café sympa et agréable. La difficile vie de l’écrivain sur la route… Le lendemain matin, alors que Tim dort encore, je pars donc à l’aventure, vérifier quelques adresses pré-repérées sur internet. Le premier ne me plait pas vraiment. Enfin si, l’intérieur est sympa, mais la musique beaucoup trop forte, et l’endroit trop bruyant à mon goût. Par contre, les deux autres adresses que je passe visiter, le Wave of Grains et le Crema correspondent plus à ce que je cherchais.
L’exploration du quartier continue à me combler. Les rues, par ici, sont très belles. Elles me plaisent beaucoup. On y trouve surtout des maisons, mais ce qui me marque le plus, c’est la quantité d’arbres. On dit de Portland que c’est une ville très verte. Tant que l’on reste au centre-ville, il est difficile de s’en rendre compte. Mais en s’éloignant, quand on se retrouve dans ce genre d’endroits, on l’accepte un peu plus facilement. Et en cette période de l’année, avec les feuilles qui changent de couleurs, ça n’en ai que plus beau encore.
McMenamins Kennedy School
Je parlais un peu plus tôt de McMenamins. Je ne suis pas sûr exactement si c’est le nom de la famille en arrière des projets, ou de la société qui gère tout ça… le principe est simple, et chaque projet fonctionne un peu de la même façon : rachat d’un bâtiment historique, rénovation, transformation, et ouverture d’un café, d’un bar, d’une brasserie, d’un cinéma, d’une piscine, d’un hôtel… chaque lieu est unique, chaque lieu est travaillé avec soin. Le premier lieu que j’ai visité se trouvait à Bend. Un hôtel, avec un cinéma, un bar, une salle de spectacle, et une petite piscine. Et il y en a un peu partout comme ça en Oregon, principalement à Portland. Contrairement à ce que l’on pourrait penser quand on parle de ce genre de projets, les prix sont loin d’être prohibitifs. Au contraire. Et, en règle générale, il y a en plus des tarifs ou des offres préférentielles pour les habitants du quartier. Bref… ça me donne envie d’en savoir un peu plus sur tout ça, parce que je trouve l’idée vraiment superbe, et les lieux vraiment inspirants.
Kennedy School, comme le nom l’indique, était une ancienne école secondaire. L’apparence extérieure n’a pas changé. À l’intérieur, on reconnait sans problème ces longs couloirs que l’on a l’habitude de voir dans les films. Certaines salles de classes sont aménagés en bar. D’autres en salles de conférences. Le gymnase est devenu salle de cinéma. Il y a aussi un restaurant, une brasserie, et une partie a été transformée en hôtel. Après avoir fait le tour complet avec Tim, on se pose dans la Boiler Room. J’adore l’ambiance, j’adore la décoration. Nous ne sommes pas dans un univers Steam Punk, mais quand même pas si loin que ça… L’utilisation des anciens radiateurs des salles de classes la tuyauterie transformée en rembarde… en plus d’être bien pensé, c’est un un excellent exemple de recyclage/réutilisation/transformation du matériel disponible sur place… et puis… une brasserie dans un lieu qui fut une école, moi ça me plait en général !
Alberta
Et je suis reparti tout seul à l’aventure, explorer une autre rue dont on m’a parlé : Alberta. Et comme je suis courageux, j’y suis parti à pied, même si c’était loin. Toujours dans ce même esprit de découverte complète de Portland. La balade en elle même ne présentait que peu d’intérêt, mais c’est là que j’ai fini par comprendre un peu comment fonctionnait la ville. Avec tout ses petits quartiers, donc. Je dois bien reconnaître que l’un des défauts de Portland, c’est qu’elle n’est pas forcément très facile à découvrir en étant piéton. Le réseau de bus n’est pas au top, et il y a quand même beaucoup d’endroits où il n’y a ni tram ni max. En l’occurrence, Portland fait partie de ces villes où le vélo est très populaire. Et en effet, j’imagine qu’il doit être facile et confortable de s’y déplacer de la sorte. Les distances deviennent tout de suite plus raisonnables, et il n’y a pas beaucoup de relief à franchir. Mais comme je n’ai pas de vélo sur moi, eh bien je continue à pied.
Je finis par arriver au début d’Alberta. Au tout début. Genre au croisement avec la 8e rue environ. Le début est plutôt résidentiel, mais se transforme très vite en rue plus commerçante et plus active. Là encore, les rues sont plutôt tranquilles. Nous sommes samedi soir, certes, mais le temps est à la pluie. Il y a eu une belle tempête un peu plus tôt, et une coupure de courant plus ou moins global. J’imagine donc que ça a pu calmer les ardeurs de beaucoup.
Alberta se révèle donc assez tranquille, mais ça me plait aussi. Elle me fait beaucoup penser à l’avenue Mont Royal, avec un peu moins de magasins. En fait, les rues commerçantes de Portland sont simplement moins « denses » qu’ailleurs. Sur une distance où l’on a l’habitude de passer à côté d’une dizaine de resto, il n’y en aura que cinq. On obtient des rues plutôt calmes, et je crois bien que ça me plait. Je regrette quand même de ne pas explorer tout ça en condition optimal (un beau vendredi soir de juin par exemple) voir la différence d’ambiance. Mais ce n’est pas si grave non plus. Je me rends compte que j’aime me promener dans ces rues un peu sombres, et pas trop achalandées. Et puis je crois qu’au final, ce qui a mes yeux fait la qualité de Portland en premier lieu, ce sont vraiment les habitants. Les gens que l’on croise partout. Comme cette fille avec qui je discute pendant cinq minutes, parce qu’elle aime bien mes pantalons.
Un des autres charmes de Portland, ce sont les « food trucks ». En pas mal d’endroits, il y a une concentration plus ou moins importante de camions vendant de la nourriture. Tout genre de nourriture. À des tarifs vraiment raisonnables. J’avais failli craquer, plutôt dans l’après-midi, en découvrant que l’on pouvait manger des « grilled cheese » dans un bus anglais à deux étages… je craquerais ce soir en me régalant de « grilled cheese » dans un bus d’école réaménagé.
McMenamins Chapel Pub
Je m’en rentrais tranquillement, me dirigeant vers une station de max pas trop loin, quand je suis passé à côté d’un autre établissement « McMenamins ». Le Chapel Pub. J’ai hésité un peu. J’étais pas sûr de vouloir me poser pour une bière. Il n’y avait pas grand monde à l’intérieur. Ça n’avait pas forcément l’air très folichon. Et puis je me suis dit que quand même… une chapelle reconvertie en brasserie, ce n’est pas tous les jours que l’on voit ça… alors je suis rentré. Et j’ai eu un coup de coeur pour les lieux. Finalement agréables et chaleureux. Les boiseries. La décoration. Ils ont même conservé l’orgue (petit). J’apprendrais d’ailleurs qu’il y a des récitals tout les jeudis. Un excellent organiste. Qui peut jouer n’importe quoi. Je discute avec la serveuse, sympathique, qui m’explique qu’ils ont été envahi en début de soirée pendant la coupure de courant, vu qu’eux avaient encore de l’électricité. Mais qu’ensuite, tout le monde est reparti. Peut être que je suis passé au bon moment après tout… Je savais déjà ce que je voulais commander. À la Kennedy School, j’avais repéré deux bières qui m’inspiraient… mais n’en avait commandée qu’une seule. Alors qu’elle me tentait quand même bien cette « Black Widow ». Et quand en plus j’ai vu qu’ils servaient du cheesecake fait avec cette même bière brune, j’ai failli hurler au plagia. Parce que bon, un cheesecake fait avec une excellente bière brune que l’on achète dans une chapelle reconvertie en brasserie, ça a quand même un petit air de déjà vu. Et c’est fou comme ça m’inspire. Une fois de plus, je sors mon carnet, et je griffonne. Peut être que c’est celle-ci, finalement, la brasserie que je cherchais. Je pense à tout ça. Oui, j’ai vraiment hâte de me remettre à l’écriture. Parce que là, maintenant, je pense avoir de quoi écrire tout le troisième tome…
Le retour se fait un peu plus rapidement grâce au max, même si je fais une escale un peu longue, pour profiter de la vue sur le centre ville. Et puis de retour dans Laurelhurst je me balade encore un peu, parce que toutes ces maisons, éclairées comme elles le sont, sont vraiment magnifiques je trouve.
Belle déco effectivement pour cette McMenamins Kennedy School. Et puis une école transformée en brasserie, finalement c’est moins fréquent qu’une chapelle il me semble !
Un lieu plaisant pour attaquer la série de BD “Hauteville House”, car qui sait ce qu’il y a dans le sous-sol de cette école !