Jour 1
Des randonnées, je commence à en avoir pas mal derrière moi. Pas mal de jolis sommets, des distances et des dénivelés dont je suis quand même assez fier… Iris également a tout à fait raison d’être fière de ses expériences passées. Mais là, on se prépare pour un vrai gros morceaux. On vient jouer dans la cour des grands, pour un trek de trois jours. Notre objectif : le cratère du Mont Rinjani. Et si on se découvre particulièrement en forme, le sommet du Mont Rinjani. Mais qu’on se mette bien d’accord : rien qu’atteindre notre objectif nous suffirait largement. Un dénivelé positif de 1483 mètres le premier jour, un négatif puis un positif de 640 le deuxième, et un négatif de 2000 le troisième. On ajoute un positif/négatif de 1200 mètres le deuxième jour si on décide de se faire le sommet. Mais ça, on verra le deuxième jour. Parce que dans mes souvenirs, je n’ai jamais fait plus de 1200 mètres de dénivelé (certes, aller-retour) dans la même journée. Mais là, avec quasiment pas d’entraînement, on va être raisonnable.
Évidemment, on ne part pas tous les deux. On a aussi un guide, Adi, et trois porteurs. Une telle infrastructure m’impressionne un peu. On a décidé d’opter pour faire le trek en « privé ». Juste nous deux donc. Un peu plus cher, mais au moins, on ira au rythme qui nous convient, et on ne devra rendre de compte qu’à nous même. Pour moi, c’est quand même la première fois que je pars en randonnée sur plusieurs jours. Avec les porteurs, ça change quand même pas mal de choses. J’aurais à peine huit kilos sur le dos. Rien de comparable avec la charge des porteurs…
Le guide nous a briefé sur ce qui nous attendait. On commence par trois heures assez tranquilles. Ça sera les trois seules heures tranquilles au programme. Charmante perspective, non ?
Le début est, en effet, plutôt relaxe. On part directement du village, dont on s’éloigne très rapidement. Suivra ensuite une zone assez plate, dans les herbes et les brulis.
Il fait chaud. On est parti un peu tard à notre goût. On aurait aimé partir plus tôt, mais ça ne semblait pas vraiment discutable. Heureusement, il y a quand même pas mal de nuages pour protéger du soleil. Parce que sinon, même à 9h du matin, quand il tape, il sait être intense !
Adi nous suit parfois, nous précède à d’autres moment. On n’a pas vraiment de contacts avec lui, et c’est un peu dommage. Peut être que plus tard ça ira mieux, on verra. On arrive finalement à l’endroit de la première pause. Il y a plusieurs petits groupes déjà arrivés. Tous avec guides et porteurs. Nos porteurs à nous sortent deux minis chaises pliantes. Je serais plus confortable assis par terre, mais puisque les chaises sont là, je considère que je n’ai pas vraiment le choix de les utiliser, ne serait-ce que par respect. Un petit thé nous est servi peu après, avant que le repas n’arrive.
Elles me paraissent soudainement bien loin mes randonnées où je mangeais 6 barres de céréales pour faire 42 kilomètres. La bouffe est tout simplement excellente, et équilibrée. On aura même nos 21 portions de fruits et légumes quotidiens on dirait bien ! Par contre, l’une des raisons pour laquelle j’aime me promener uniquement avec des barres de céréales, c’est que ça permet des pauses très courtes, et de manger léger. Ce n’est pas particulièrement difficile à digérer, mais repartir après une heure de pause le ventre plein n’est pas vraiment agréable et facile. Surtout qu’on attaque l’ascension pour de vrai !
Le paysage se diversifie un peu. C’est toujours couvert, donc on ne voit pas très loin, mais par contre il fait frais. Ça monte de plus en plus raide, sans qu’on se retrouve à quatre pattes. Il n’en reste pas moins que l’on n’avance pas très vite. J’ai un petit avantage sur Iris : sa vitesse de progression est un peu plus lente que la mienne. Du coup, en marchant à son rythme, je ne me fatigue vraiment pas, et je monte plutôt bien. Les jambes répondent bien, pas trop de lourdeur. La machine tourne plutôt bien.
Et ça grimpe encore. On était en dessous des nuages ; on s’est retrouvé dedans, puis finalement en dessus.
Tout ça sous le regard de monsieur Rinjani évidemment. On dirait un peu le grand méchant dans un film, qui regarde les héros se fatiguer en se battant contre ses acolytes, avant de s’occuper de les achever.
Pour le moment, nous on ne s’occupe pas de lui. Notre problème plus immédiat consiste à grimper jusqu’au rim. Alors on grimpe.
Et puis soudain… une dernière petite grimpette, un dernier contournement de rocher… la vue apparaît d’un seul coup devant nous. Grandiose. Gigantesque. Majestueuse. C’est tout simplement superbe.
Il nous reste un petit vingt minutes de marche jusqu’au camp, que nous ferons en gambadant joyeusement (ou presque, parce que quand même, les jambes elles souffrent un peu). Et en s’arrêtant toutes les 30 secondes pour faire des photos aussi.
On finit par arriver au camp de base. Il y a là une vingtaine de tentes. L’une d’elle est pour nous. Les porteurs et le guide s’en partageront une autre. Et puis ils nous ont installé une petite natte, avec vue sur le soleil couchant. On s’assoie. Ils nous apportent un thé. La vie est belle. Le paysage aussi.
Le repas sera servi en même temps que le soleil couchant. Il ne manque presque que les chandelles…
Le soleil disparu, la température tombe vite. Très vite. On reste quand même encore un peu dehors, et puis on parle de la journée de demain avec Adi. Après une longue discussion, beaucoup d’hésitations et de changements d’avis, on décide de ne pas tenter le sommet. Peut être que l’on serait capable de le faire ; peut être pas. Toujours est il que ce serait trop, et que le plaisir n’aurait plus sa place. Nous ne sommes pas là pour la performance, mais pour le paysage. Nous avons déjà atteins notre objectif. Le lac est magnifique. Il nous reste encore deux grosses journées de marche. On va se coucher, serein.
Jour 2
Je n’aime pas descendre. J’ai toujours trouvé la montée moins fatigante. Mais aussi, beaucoup plus agréable. Sauf cas particulier, quand vous descendez, le paysage disparait petit à petit. Vous en avez de moins en moins. Au contraire, à la montée, celui-ci apparaît devant vous. Vous allez de surprise en surprise, jusqu’au grand « wooo ! » final.
Aujourd’hui, le dénivelé ne sera pas si important. On descend jusqu’au lac, pour remonter de l’autre côté. À peine 640 mètres. Ça n’est pas tant que ça si on y pense. Sauf que c’est raide. C’est très raide.
La journée commence très bien, après un réveil assez tranquille juste avant 6h, pour avoir le temps d’admirer le soleil levant ; le petit déjeuner nous sera servi juste après.
Du coin de l’oeil, je vois un truc bouger. Je ne comprends pas tout de suite ce que c’est. Je regarde un peu mieux. J’attends. Et je vois. Et nous voilà, avec Iris, à jouer les vrais touristes comme il se doit ! Si le Mont Royal a ses écureuils, le Mont Rinjani semble avoir ses singes.
Et puis bon… c’est bien gentil de faire des photos de singes, mais quand même. On finit donc par y aller. Après dix minutes plutôt correct, le temps que les jambes rappellent qu’elles souffrent, on attaque la descente pour de bon. Et pour ce qui est de descendre, ça descend ! On ne va pas vite du tout. Une fois de plus, le rythme d’Iris est plus lent que le mien, ce qui me permet de prendre ça vraiment très relaxe. Il n’empêche que les jambes souffrent !
Le lac disparaît petit à petit ; le décor est de moins en moins intéressant ; on finit par se retrouver dans les nuages. Tout ce qu’il faut, donc, pour se démotiver. On avance vraiment lentement, au grand désarrois d’Adi, qui se demande si on finira par arriver un jour. Il ne peut pas vraiment le dire, mais on le comprend quand même très bien.
Et puis finalement, après des heures et des heures à descendre sur un terrain des plus désagréables, on arrive enfin au lac. Les porteurs sont là depuis un moment évidemment, et le repas sera servi rapidement.
Euh ; non, pardon. Erreur de photo. Celle-ci, c’est les poissons qui sèchent sur le bord de l’eau. Heureusement, nous on ne nous a pas servi de poissons. Juste les mêmes ingrédients, mais préparés d’une façon complètement différente à nouveau.
Et puis bon. On ne peut pas être un volcan actif et avoir un lac de cratère sans avoir quand même une petite source chaude ! C’es la moindre des choses dans le métier. Ça tombe bien, parce qu’elle est juste à dix minutes de marche. Ça vaut le petit détour en guise de promenade digestive !
Ça ne vaut définitivement pas Umquat dans l’Oregon. Mais de toutes façons, je crois que mon coeur est vendu de façon définitive aux sources chaudes d’Umquat alors bon… il n’empêche qu’elles sont belles quand même. Et ça fait toujours un peu de bien. Il y a pas mal de bassins, donc on arrive assez facilement à trouver celui qui nous convient. Juste le temps de laisser macérer les jambes une dizaine de minutes ; parce qu’après, il faut repartir. Les 640 mètres descendus, on les remonte de l’autre côté. Et là, quand on voit ce à quoi ça ressemblait ce matin, on attaque l’après midi avec une certaine appréhension.
Ça commence, heureusement, un peu tranquille. Après tout, le tour du lac, c’est normal que ce soit relaxant.
On passe la vitesse supérieure très rapidement après cela. Le début devient vite pénible. Il fait chaud, il y a pas mal de poussières… on monte sans poser de questions.
Et puis soudainement, on change de style. Ça devient tellement raide, que la plupart du temps, on n’a pas le choix de monter à quatre pattes, avec des passages ou l’on fait carrément de l’escalade. Le côté ludique vient remplacer le côté pénible. Ça a le mérite de monter vite, et on aime ça.
Et puisqu’on monte, le paysage se reforme à nouveau devant nous. Le lac, que l’on connaît déjà, mais aussi le nouveau volcan. Celui qui est encore actif – on voit même un peu des fumeroles sur ses flancs – et qui a commencé à pousser dans le lac. Une vue des plus sympa !
Je commence à mieux comprendre la psychologie de Adi. Quand on marche à un rythme qui lui plait, tout va bien. Par contre, quand on ne va pas assez vite, il se renferme et ne dit plus grand chose. Si il a été très fermé, donc, pendant toute la descente, il retrouve son sens de l’humour dans la montée. Je comprends quand même assez bien ses appréhensions. Il n’arrive pas à juger notre niveau : on est fatigué, on n’avance pas vite, et pourtant on avance. Plus loin que ce qu’il croyait je pense. Et il y a aussi l’inquiétude : le soleil se couche à 18h, et quand je vois le genre de terrain sur lequel la journée se termine, je comprends parfaitement qu’il n’ai pas envie qu’on le parcours de nuit ! Mais nous, on est des grimpeurs, pas des descendeurs. Alors la montée de l’après midi, on la mange toute seule !
Une dernière petite montée bien raide, un dernier coup dans les jambes, et on arrive enfin au sommet. Et une fois de plus, c’est un nouveau paysage qui explose devant nous. Lombok s’étale à nos pieds. Et loin, très loin là bas, perdu dans les nuages, c’est le Mont Agung, qui sera notre prochain défi pédestre. Quand on retournera à Bali.
Comme d’habitude, le repas est servi avec le couché du soleil. Toujours pas de chandelles, mais une bière en récompense ! Franchement, on préfère. Boire une bière, avec une vue aussi magnifique, après deux jours de marche, c’est une expérience tout simplement inoubliable.
Quand au couché de soleil au dessus des nuages, sur le Mont Agung, le spectacle à lui seul justifierait de remonter tout en haut.
Allez… juste pour être sûr que vous avez bien compris :
Jour 3
Iris a été malade toute la nuit ; du coup, le matin arrive beaucoup trop vite. Je n’ai quasiment pas dormi, et elle non plus. En plus, elle a le ventre complètement vide, et est incapable d’avaler quoi que ce soit. Par politesse, je l’ai toujours discrètement aidé à finir ses plats ; pour pas que les porteurs aient l’impression que leur travail ne sert à rien. Je ne sais pas du tout si c’est la bonne façon de faire ; mais c’est comme ça que je le sens le mieux. Goûter à un peu tout, et essayer d’en finir le plus possible. Mais ce matin, en prévision de la journée qui nous attend, ils ont mis les bouchées doubles. Double pancakes plus toasts. Je fais mon possible, mais je cale après mes deux pancakes. Impossible d’aider Iris. Si je continue comme ça, cette randonnée pourrait bien être la première où je prends du poids !
On attaque la journée avec appréhension. Iris n’a pas d’énergie, et on a 2000 mètres à descendre. Quand on voit comment on a descendu la veille, ça n’est pas très prometteur… histoire de l’aider un peu, je transvase complètement le contenu de son sac dans le mien. Elle n’a pas tant de choses que ça, mais ça fini quand même par se sentir. On cherche la motivation nécessaire pour partir, et on décolle. Lentement, mais sûrement. Très lentement, et un peu indécis en fait.
La première heure de descente n’est pas très agréable. On n’avance pas vite, et on s’en rend compte : Adi ne dit rien. De cailloux en cailloux, de marche en marche. J’aide Iris comme je peux, mais elle est crevée. Je ne vaux pas beaucoup mieux, mais au moins, j’ai eut un petit déjeuner.
Et puis on change finalement de type de sol. On se retrouve soudainement sur de la poussière. Et là, ça descend beaucoup mieux. On trouve une technique super efficace, qui nous permet d’aller assez vite. Je récupère les bâtons de randonnées, et Iris s’appuie sur mon sac à dos. On se retrouve à avoir six pattes ; pas mal stable donc. Ça descend, ça descend super bien même, et on retrouve le sourire. On discute joyeusement, avec plein d’enthousiasme. On anticipe sur les heures d’arrivée. On se dit qu’on va être dans les temps annoncer par Adi, et que vers 12h30, on sera en bas…
Sauf que le sol change à nouveau. On quitte la poussière, on se retrouve dans un sous bois. Un sous bois parcouru par des milliers de personnes à chaque années. Le sentier est creusé profond, déterrant des tonnes de racines. On se retrouve donc à descendre marche après marche après marche. Le rythme chute complètement. Les mollets et les cuisses crient au scandale, mais on n’y peut rien. On a signé, il faut qu’on aille jusqu’au bout !
Il y a bien quelques arbres originaux et sympas (du genre que les racines sont toutes extérieures, donc le haut du tronc est beaucoup plus gros que le bas qui est, en fait, une multitude de branches descendantes s’enfonçant dans la terre) mais à la longue, on s’en lasse. Il y a aussi des bornes kilométriques, mais elle défile à un rythme désespérant. On frôle les 1 kilomètre heure. On a envie d’insulter chaque racines et de maudire un peu tout les arbres que l’on croise.
On se fait une dernière pause pour manger. C’est le moment de donner le pourboire aux porteurs. La dernière étape, la dernière ligne droite avant la voiture. Qui s’éternise, qui s’éternise, qui…
Rendu là, on n’y croit plus vraiment… et pourtant, c’est bien le cas ! Nous voilà au kilomètre zéro de la balade. On a terminé. On a fait le trek au complet. On a survécu. Nos jambes nous suivent, quelques mètres en arrière. On regarde à droite, on regarde à gauche. « Le parking est à 1,5 kilomètres ». Quand vous entendez ce genre de trucs, après plusieurs heures (jours) de marche, il est très important de rester poli. De ne pas insulter le guide. Après tout, il n’y est pour rien ! Alors on prend notre courage à deux mains, et on repart pour la dernière dernière ligne droite. Le kilomètre et demi s’éternise. On le soupçonne d’ailleurs d’en fait 15, plus que 1,5… mais cette fois, c’est pour de vrai de vrai de vrai. Il y a une voiture qui nous attend. Avec des sièges confortables. Un moteur qui nous fait avancer tout seul. Et l’air climatisé. On se pose dedans dans un moment de délice ! J’enlève mes chaussures. C’est l’extase. Mes deux gros orteils me maudissent, mais ils devraient quand même survivre.
Un saut rapide à l’hôtel où on a laissé nos affaires avant de partir ; tout est toujours là. Tant mieux. La voiture repart. Direction Senggigi, ou un hôtel avec piscine et douche chaude nous attend ! Parce que ce soir, on rêve de luxe !
Wow, quelle épreuve. Un gros bravo à vous deux. Notre petite balade de 11.5 km dans le parc des grands jardins ce week-end fut une petite balade du dimanche en comparaison!
En même temps, c’est logique qu’une balade faite le dimanche soit une balade du dimanche, non ? Enfin il me semble moi… ;)