Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionSeptember 15th, 2014
  • Shell’s Canyon

    J’ai retrouvé un peu de rosée gelée sur ma fenêtre, à nouveau. Le soleil sortait tout juste au dessus de la montagne. Il était encore tôt. Mais mes nuits restent plutôt reposantes… je me suis forcé à sortir de mes sacs de couchage, à remettre mes chaussures, et à sortir de la voiture. Pour faire un petit tour du camping, parce qu’il y a la rivière juste à côté, et que ça a l’air joli. Alors je voulais vérifier par moi même.

    Et peu de temps après, j’étais de nouveau sur la route. La veille, mon aller-retour jusqu’aux chutes, m’avait permis de voir la route sous un autre angle. Il faudrait faire toutes les routes deux fois, parce qu’on les apprécie vraiment différemment dans un sens et dans l’autre. Là, en l’occurrence, j’avais pu repérer une petite cascade dans un virage, alors je me suis arrêté pour lui dire bonjour. Parce qu’elle me plaisait bien. Et j’ai surtout repéré le canyon que j’allais suivre. Dire que je ne m’en étais pas rendu compte dans le sens de la descente la première fois… là, au moins, je le vois. Vraiment. Et j’en profite. Je m’arrête à deux reprises sur le bord de la route, pour aller m’aventurer un peu sur les rochers, et sur le bord de falaises vertigineuses (par « sur le bord », comprendre « à une distance respectable d’un minimum d’un mètre cinquante, et encore, ça c’est quand je suis en forme »). J’ai même eu le droit de voir une autre cascade, en contrebas. J’ai plein de cascades surprises, et ça, ça me plait bien !

    Je suis arrivé de nouveau à Shell Falls. Le parking est fermé. Je l’avais repéré la veille. Mais il y a la place de se garer sur la route d’accès au parking, et d’entrer dans le parc en contournant la barrière. Je l’ai fait sans problème la veille. Je vois qu’un car de touristes l’a fait, et que les rangers qui sont là ne disent rien. Alors je fais comme chez moi, et je me promène un peu, admirant les lieux. La cascade est absolument splendide, et rien que pour ça, je pense que j’aurais été content de faire le détour que j’ai fait (et c’est sans compter la route de la veille, « Medecine Weels », le camping de cette nuit, et la route de ce matin).

    La suite de la route n’a fait que me fasciner encore un peu plus. Une descente magnifique dans les montagnes, avec une vue superbe sur les falaises. J’ai descendu lentement, m’arrêtant régulièrement. Me forçant à ne pas m’arrêter tout le temps, pour finir par arriver un jour… et j’ai fini par arriver. Cadeau bonus de fin de parcours : la mini grotte, au pied de la falaise, de l’autre côté de la rivière. Impossible de traverser malheureusement. Je regarderais, incapable de discerner le fond. Profond, pas profond, impossible à dire !

    Devil’s Kitchen

    De retour dans la plaine, et dans ses paysages un peu lunaires. Je roulais tranquillement, avec dans l’idée de bien avancer, quand j’ai vu le panneau « Devil’s kitchen – zone d’intérêt géologique ». C’est évidemment le nom qui m’a fait craquer, plus que l’aspect géologique. Je m’attendais à tellement de choses… là encore, je suis parti en suivant un panneau. Pas de photos, pas d’informations, rien. Même pas de petit carré rouge dans mon atlas. Juste un panneau. Je suis parti au hasard, sur cette route de terre, sans savoir où je m’en allais. Enfin si… 4 kilomètres plus loin. Et je suis arrivé… sur Mars ? sur la Terre il y a quelques milliards d’années ? après une guerre atomique ? L’endroit est tout simplement hallucinant. Je rigole tout seul devant le côté absolument unique des lieux. Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais comment d’écrire ce lieu d’une improbabilité complète… même après avoir vu des Badlands, même après avoir vu toutes sortes de déserts et de paysages des plus inhospitaliers, qu’il est bon de pouvoir encore découvrir des merveilles que l’on n’avait jamais vu avant !

    Je suis resté un moment à contempler tout ça, et à être heureux. Et aussi à remercier la chute de température, et la neige. J’étais déjà heureux de voir les Black Hills sous la neige. En fait, je me suis plaints un peu du froid, mais même pas très longtemps. Sans le froid, j’aurais sans doute gérer la location de voiture autrement. Je n’aurais sans doute pas été à Bighorns Canyon. Et c’est sûr, je n’aurais pas fait la route que j’ai faite hier et aujourd’hui. Mes voyages sont des successions d’événements aléatoires, de points que l’on repère sur la carte sans faire exprès, et de rencontres surprenantes…

    Cody

    Et de routes qui n’en finissent plus… j’ai appuyé un peu sur l’accélérateur, pour rejoindre Cody. J’avais hâte d’y arriver. J’avais envoyé quelques couchrequests, en me disant que ça pourrait être sympa d’avoir un endroit confortable où rester pendant quelques jours, et d’utiliser Cody comme camp de base pour découvrir Yellowstone. Certes, ça voulait dire pas mal de kilomètres supplémentaires, mais j’aimais bien l’idée d’avoir un peu un endroit pour me poser.

    Quoi qu’il en soit, j’ai fini par arriver à Cody, en respectant les limites de vitesses (faut dire que dans le coin, c’est rendu 120 km/h donc ça reste correct). Je n’ai reçu qu’une seule réponse, négative. Pas d’autres réponses… je commence à désespérer du couchsurfing. Sur toutes mes dernières tentatives (Copenhague, Amsterdam, Des Moines, Yellowstone) je ne reçois simplement plus de réponses… je savais que ça évoluait de pire en pire, mais à ce point là, des fois, je me demande…

    Bref, j’avais la réponse à mes questions : j’allais faire cavalier seul. Et ça serait plus simple à gérer. C’était donc pour le mieux. J’ai fait un petit réapprovisionnement de nourriture, avec dans l’idée que puisque personne ne m’hébergeait en dehors du parc, bin j’allais y rester dans le parc, et ne pas en sortir.

    Yellowstone, east entrance

    Et me voilà de nouveau sur la route. L’entrée Ouest, par Cody, est réputée pour être la plus belle. Je ne sais pas ce que valent les autres, mais celle-ci, en tout cas, est magnifique. L’entrée par les gorges, une succession de tunnels et un magnifique lac de barrage pour commencer… et un paysage tout aussi magnifique pour continuer.

    Et là, soudain, j’ai commencé à sentir la fatigue. Il n’était que trois heures de l’après midi, mais j’avais cette envie de m’arrêter, de me poser tranquillement, et de prendre ça relaxe. Faut dire que je n’arrête pas vraiment… c’est fatiguant les voyages ! Je me suis posé une journée presque tranquille en arrivant à Minneapolis -et encore. Mais sinon, je cours sans arrêt sans vraiment m’arrêter… je sens qu’une pause va bientôt être nécessaire. Et je me dis que je pourrais me poser dans un camping confortable, avec tous les services. Brancher mon ordinateur, aller sur internet, mettre mon blog à jour, répondre à mes mails en retard… oui, faire tout ça, ça pourrait être vraiment chouette. Je pourrais pousser un peu, et rouler jusqu’à Mammoth. Parce qu’il y a des sources chaudes, là bas. Et il me semble qu’on peut s’y baigner. Je commence à saliver, déjà, sur ma fin de journée on ne peut plus relaxe… jusqu’à ce que j’arrive à l’entrée du parc, et que je vois la liste des campings. La moitié est fermée. La moitié de la moitié restante est complète… dont Mammoth. Ça va pas être simple !

    L’arrivée dans le parc à proprement dit se fait dans une forêt qui n’est pas particulièrement inspirante. Quand elle évolue pour un reste de forêt après incendie, je me dis que non, en effet, ce n’est pas les plus beaux paysages que j’ai vu. La route descends tranquillement jusqu’au fond de la caldera. Quelques jolis points de vue, mais rien d’exceptionnel. Je finis par arriver sur le bord du lac Yellowstone. Il est gigantesque. Il est beau. Mais je suis fatigué, et je ne l’apprécie peut être pas à sa juste valeur. Et puis je vois mes premières fumeroles. Sur le bord du lac, ça fume. Ça fait un bruit de cocotte minute sous pression. C’est assez impressionnant. Ça me plait. Mais j’ai envie de me reposer.

    Je m’arrête au premier centre d’information que je vois, demandant l’état des campings. « Il reste de la place à Thumbs Point ». C’est complètement dans le sud du parc. Ça ne m’arrange pas vraiment… c’est une demi heure de route de plus à ajouter. Non, vraiment, ça ne m’arrange pas… mais je n’ai pas vraiment le choix, alors je reprends encore la route, me demandant quand je vais pouvoir ouvrir ma tente, et m’y poser bien au chaud. Au chaud ? Oui ! J’ai eu une idée de génie. Ou plutôt, un souvenir de génie. En Australie, quand il faisait très froid la nuit, une bouillotte dans le sac de couchage faisait des miracles ! Tadam ! J’ai tout ce qu’il faut, je n’ai plus peur de rien. Je vais même redormir sous tente. Ça va être tellement plus confortable ! Je roule un peu plus vite, parce que j’ai hâte d’arriver.

    Thumbs Point geyser basin

    J’ai beau avoir hâte, je ne peux pas m’empêcher de m’arrêter pour voir mes premiers geysers à Thumbs Point. Sur le bord du lac, il y a toute cette « zone chaude » dans laquelle je me promène, quant même un peu impressionné. C’est joli, ça fume de tout les côtés… par contre, pas de geysers soufflant à 10000 mètres de haut ici. Juste des petites marres bouillonnantes. Et d’autres qui fument vraiment beaucoup. Certaines couleurs sont absolument magnifiques. Je suis très fatigué, mais c’est pas grave. Ça me plait.

    Et j’arrive finalement au camping. Un panneau nous invite à nous enregistrer avant de rentrer. Je me gare donc, sagement, à côté de plein d’autres véhicules. Je sors, et vais m’enregistrer. Enfin non. Je vais m’installer dans la file d’attente pour pouvoir m’enregistrer. J’hallucine complètement… ils sont loin mes campings sauvages à autoperception perdus au milieu de nul part… j’attends dans la file, je me dis qu’il faut que je fasse un effort… puis je vois les prix. Trente dollars par emplacement. Comme d’habitude, je voyage seul dans ma voiture, et je vais payer autant que les six personnes dans le RV d’à côté. Pire encore : pour le prix, on a le droit à deux jetons douches offerts. Cool… est-ce que j’essaie d’en revendre un ? Est-ce que je tente de négocier une ristourne ?

    je n’ai pas envie de payer autant. Et je suis fatigué d’attendre. Je me dis que je reviendrais plus tard. C’est pas grave. Après 21h, par exemple, quand l’accueil sera fermé… en attendant, je me dis que puisque je ne paierais pas le camping cette nuit, mais que j’ai besoin de me poser et de reprendre des forces, je pourrais me payer un restaurant à la place. Alors c’est ce que je fais. Je me décide pour le seul de l’endroit. Un peu luxe, un peu classe, mais c’est pas grave. Envie soudaine de me faire plaisir. Je peux même brancher mon ordinateur, et remettre une batterie d’appareil photo à recharger (ça, c’était rendu une priorité, je n’avais plus de rechange)…

    Sur le menu, il est écrit « nous sommes ce que nous mangeons ». Là tout de suite, je me dis que c’est bien vrai. J’ai besoin d’un peu de force et d’énergie. Je n’ai pas forcément besoin d’être sage et posé, mais c’est pas grave. Ça sera en bonus. Je commande donc mon premier steak de bison. Surtout motivé par un besoin de protéine animale, qui pourrait me ramener un peu d’énergie. Peut-être. Le steak n’est pas mauvais, mais ça n’est pas très différent d’un steak de boeuf au final. Quand à l’accompagnement -purée de pomme de terre, et brocolini (je connaissais pas) al dente cuisson vapeur- il est bon, mais ne casse pas trois pattes à un canard. Bref… va pour le resto grand luxe. Mais c’est pas grave. Je me suis fait plaisir, et je suis content.

    Il est encore un peu tôt pour retourner au camping. Je me dis que je pourrais essayer de trouver une connexion internet. Je vais donc me renseigner, au centre d’accueil (là où on va récupérer les clés pour la cabine, ou la chambre, ou le chalet qu’on a loué). On me dit qu’internet, je trouverais ça uniquement dans les lobbies des hôtels. Enfin ce ne sont pas vraiment des hôtels. Ce sont juste des tonnes de chambres. Je n’aurais qu’à m’installer dans un canapé en cuir confortable, et en profiter. Enfin… faut payer quand même. À Yellowstone, rien n’est gratuit…

    Pourquoi j’ai choisi ce bâtiment là plutôt qu’un autre, je ne sais pas trop. Mais je l’ai choisi. J’y suis rentré, et je me suis installé. Il y avait des prises, donc j’ai pu recharger une autre batterie d’appareil photos. Et j’ai aussi pu brancher mon ordinateur. Ils sont quatre à être arrivés. Ils se sont installé dans les fauteuils, et m’ont dit bonjour. Je leur ai répondu avec le sourire. Ils ont sorti une bouteille de whisky, et m’en ont proposé. Amusant : au restaurant juste avant, je me disais que ça faisait une semaine que je n’avais pas bu d’alcool. Je m’étais dit que je pourrais essayer de continuer… mais finalement, mon côté social à prit le dessus, et j’ai accepté, avec le sourire. On a commencé à discuter. Ils étaient très sympas…

    Depuis que je planifie ce voyage, j’ai du mal à visualiser mon « après Yellowstone ». Je suis incapable de dire vers où continuera mon chemin. J’ai plusieurs options possibles, mais je ne sais laquelle choisir. Dans une semaine, je rends la voiture. Et après ? Je n’avais pas vraiment d’inquiétudes. Je voyais bien une décision de dernière minute.

    Ça ne sera pas une décision de dernière minute. J’ai beaucoup discuté avec Joe et Cordie. J’ai sympathisé. Et maintenant, eh bien je sais quelle sera ma prochaine étape. Une question de moins à se poser. Ça, c’est fait :)

    Il était prêt de minuit quand ils sont allés se coucher. J’ai fini d’écrire ce que j’avais commencé, et je suis retourné à ma voiture. Complètement anonyme, sur ce parking, à côté de toutes ces autres voitures. Alors… pourquoi retourner au camping, là où peut être on me verra entrer, alors que je suis si bien ici ? La réponse m’a paru assez évidente. Je savais où passer la nuit !

    Laisser un commentaire