Voilà longtemps que je n’ai pas été réveillé par des cloches d’église. Je n’aime pas ça quand ça se produit trop souvent, mais une fois de temps à autre, c’est agréable. C’est un son qui me plait. Il y a quelque chose de reposant. De rassurant.
Nous devions nous lever tôt de toutes façons. Mais au final, je me suis rendormi… pour me faire réveiller une deuxième fois par les cloches. Et me rendormir. Finalement, pas si tôt que ça… Le réveil officiel a finalement eu lieu à 6h30. Aucune idée de l’heure à laquelle ils sonnent les cloches par ici…
Peu après, nous sommes tous installés autour de deux grandes tables. Un homme nous amène à chacun une assiette avec du riz, des haricots, et des oeufs brouillés. Il n’y a pas de thé, mais un café très léger. Je craque, parce que j’ai envie d’une boisson chaude. Le temps de chanter un joyeux anniversaire à Ben, l’un des trois guides, et nous partons. La troupe est enthousiaste, motivé, mais nous sommes tous emmitouflés dans nos manteaux. Nous ferons une première pause après une minute, en arrivant au soleil. Les manteaux tombent. On chante joyeux anniversaire à Ben. Et on part pour de bon. Nous suivons un chemin de terre, qui remonte la vallée. Le paysage est grandiose. Je marche avec enthousiasme, heureux et fier de ne ressentir aucune douleur après les 18 kms de la veille. Cette fois, nous en avons 17 à franchir. Nous marchons à flanc de montagne pendant un moment. La vallée en contrebas me fait rêver. Une autre fois, peut être.
Après un moment, et une première pause, nous quittons la route pour descendre au fond de la vallée. Descendre pour mieux pouvoir remonter de l’autre coté.
Après quelques minutes à marcher au fond de la vallée, nous arrivons au pied du passage le plus célèbre de la randonnée. « Record Hill ». La colline des records. 200 mètres de dénivelé, gagnés en un peu moins de 800 mètres. Une pente à 25% donc. Le passage s’appelle comme ça, parce que le grand jeu consiste à se chronométrer. Les trois guides partent l’un après l’autre. Je m’engage ensuite. J’aime ce genre d’effort physique. J’aime le coté stupide du défi. Je n’ai qu’une dizaine de kilos sur le dos, je pense, mais ça monte raide. Il me faudra 14 minutes pour atteindre le sommet, assez fier de moi. Ben est monté en un peu plus de 9 minutes. Andrew en un peu lus de 8. Il parait que moins de 15, pour une première fois, c’est pas mal. Nous serons trois à le faire en 14 minutes. Là où je suis content, c’est que mes jambes récupèrent très vite. Comme mes poumons. Je profite d’être dans les premiers en haut pour faire des photos de l’arrivée de chacun. Oui, j’ai aussi fait des photos en montant. Non, je ne me suis pas arrêté pour travailler le cadrage.
Après une longue pause bien méritée (et un autre « joyeux anniversaire »), nous attaquons la fin de l’ascension. Le paysage ne cesse pas de changer. Pas plus qu’il ne cesse d’être magnifique. Nous finissons par atteindre le haut de la vallée, et continuons sur le plateau. Nous arrivons ensuite dans un village connu des randonneurs sous le nom de « ice cream village ». Je vous laisse deviner pourquoi…
Après cette nouvelle pause, nous repartons. La traversée du village est particulière. Impression étrange. Nous sommes une attraction pour tous ces gens qui doivent se demander à quoi on joue. Ils ont l’habitude de voir passer des gringos. Quetzaltrekkers fait cette randonnée deux fois par semaine. Cela n’empêche pas les gens de rire en nous voyant. Les enfants courent pour nous saluer. Je suis vraiment en plein coeur du Guatemala. Je suis heureux. C’est ce que je cherche.
Une heure après, après avoir traversé des champs de maïs, et admiré d’autres paysages magnifiques, nous nous arrêtons pour dévorer un lunch délicieux. Nous chantons joyeux anniversaire à Ben pour la septième ou la huitième fois. À chaque fois, il nous raconte une année de sa vie en ordre anté chronologique. Je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul à avoir un profil assez aléatoire, imprévisible et improbable. Et j’aime cette idée de marquer un anniversaire par un saut dans le passé !
Le repas fini, nous attaquons la descente dans la vallée suivante. Au fond de cette vallée coule une rivière que nous aurons à croiser neuf fois. La plupart des gens enfilent des chaussures faites pour aller dans l’eau (fournies par Quetzaltrekkers). Je préfère me contenter de continuer pieds nus. Ça me manque de marcher pieds nus, et ça fait un bien fou après avoir porté sans interruption des chaussures pas forcément hyper confortable. Et l’eau froide, lors des traversées de rivière, est un vrai bonheur ! La poussière du chemin est douce et légère. Et je suis heureux.
À un moment, Megan m’interpelle. Le sac à dos, les pantalons larges, les chaussures accrochées au sac, allant pieds nus… elle aime l’image. trouve que ça me ressemble. Je souris, en pensant à cette photo que Boulette a fait de moi il y a quelques mois. Quasiment la même situation. Tellement moi en effet… j’aime que les gens me voient comme ça. Parce que je pense que oui, je suis comme ça, en effet.
Nous croisons la rivière une dernière fois. Quinze minutes plus tard, nous sommes confrontés à l’autre passage célèbre de la journée. « Corn field of the death ». Le champ de maïs de la mort. Un mur qu’il nous faut franchir. Après ça, vingt minutes de plat, et c’est fini. J’aime tester mon corps, tester ces limites. Savoir combien d’énergie il peut bien me rester après une journée pareille… j’emboite donc le pas derrière Andrew. Je monte à sa vitesse. Je transpire. Mes jambes protestent, mais elles suivent quand même. Depuis des années maintenant, j’ai un arrangement avec mon corps. On s’entend bien lui et moi. Il fait ce que je lui demande, et je le laisse manger autant qu’il veut le soir venu. Je respire vite, mais je tiens le coup. Je suis Andrew, et j’arrive en même temps que lui, fier de moi à nouveau.
Et vingt minutes plus tard, en effet, nous arrivons à destination. Nous sommes accueillis avec des smoothies délicieux. Les sacs sont posés, les gens sont détendus, on prend le repas tous ensemble dans la joie, la bonne humeur, et beaucoup de calme.
Peu après, tout le monde se retrouve au coin du feu. Les shamalows circulent. Les gens discutent encore un moment. Les premiers vont se coucher à 19h. Les derniers à 21h. Il faut dire que le réveil est à 4h du matin pour le lendemain. C’est la condition pour voir le lever de soleil sur le lac !
Une fois tout le monde couché, je sors mon cahier. J’écris un peu. Pour profiter du calme de la nuit. Et des dernières calories du feu de bois. Je sais que la nuit sera courte, je sais que demain sera ma dernière soirée à la Iguana. Alors je suis mieux de ne pas m’éterniser. De toutes façons, j’ai écrit ce que j’avais à écrire. Je vais donc retrouver mon sac de couchage, et profiter d’un repos bien mérité !