Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionNovember 8th, 2015
  • Tout est mouvement. Tout est en mouvement. L’univers est en mouvement. Notre système solaire est en mouvement. Notre planète est en mouvement. Nous sommes tous en mouvement. Même moi. Surtout moi, souvent. Nomade ? Oui, assurément. Comme me le disais Hugo tout à l’heure « l’Humanité est nomade depuis qu’elle a quitté sa grotte ». L’Humanité, en effet, a toujours besoin d’aller de l’avant. D’aller voir ailleurs. Et j’ai ce même besoin, d’aller voir derrière cette colline. De suivre le chemin qui conduit à son sommet, et qui disparaît derrière. Pour aller vers les Terra Incognita… Avancer. Encore. Toujours. Trop. S’arrêter.

    Pour apprécier le mouvement, il faut connaître, comprendre, et apprécier l’immobilisme. Il faut arrêter d’avancer de temps en temps. Vous savez, comme dans ces films où l’acteur principal arrête de bouger, mais que tout autour, les gens continuent d’avancer. Silhouette immobile, statue contemplatrice, au milieu de tant de mouvement…

    Je me suis arrêté à Mahahual, parce que j’en avais besoin. Parce qu’il le fallait. Parce que des fois, tout simplement, ça fait du bien. Il y a des endroits où il vaut pourtant mieux éviter de s’arrêter. Des endroits qui incitent à l’immobilisme. Au « non mouvement ». Je pense aux Plumiers, qui peuplent le monde magique (et délirant) de Xanth (Piers Anthony). On est tellement bien prêt d’un plumier que l’on s’allonge le temps d’une petite sieste, et quelques années plus tard, il ne reste que votre squelette, entièrement nettoyé… Mahahual me paraît fait de ce genre de « bois ». Vous vous arrêtez pour une journée ou deux, et six mois plus tard, vous êtes toujours sur votre hamac, à vous balancer au vent. La vie est plutôt simple ici – quand on a un peu d’argent. Il est facile de vivre confortablement avec pas grand chose je pense. Moi j’ai préféré vivre moins confortablement, avec quasiment rien du tout.

    Depuis le début, depuis mon arrivée, je suis ambivalent. Incapable de me décider entre ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Comme le pulque, un peu. J’ai beau en avoir bu deux, je n’ai pas été capable de dire si j’aimais ou pas. Ici, je pèse régulièrement le positif et le négatif. Boulot pas trop dur, gens plutôt sympa, mais un des responsables que je n’aime pas du tout (et qui me le rend bien -d’ailleurs, c’est pas pour dénoncer, mais c’est lui qui a commencé), et contact plus « profond » difficile voir même impossible à faire. Simplicité de l’hébergement (dortoir ouvert aux quatre vents) et perplexité face aux gens qui vont et viennent (mais qui est donc ce gars qui est arrivé vers 23h, s’est posé dans un lit, et est reparti vers 4h du matin ?). Tout cela me laisse dans la perplexitude… la nourriture est bonne, mais fini par être répétitive (je mange mes trois tortillas le matin, mais trois tortillas vers 16h – la garniture change, mais tourne toujours un peu en rond). Et parfois, c’est un peu limite. Deux repas par jour, des fois ça me suffit, des fois ça me suffit pas. Quand ça ne me suffit pas, je vais chez le voisin, et je commande du « queso fundido » et je me régale. Le voisin il est très chouette, on discute un peu en espagnol, je le fais sourire, on rigole bien.

    Je me suis enlisé. J’ai arrêté d’avancer, pendant un peu trop longtemps (même pas dix jours, rétorqueraient certains). J’ai fini par avoir l’impression de tourner en rond. Après tout, j’avais une solution de facilité, assez confortable (si on se contente de peu, et peu, pour moi, c’est déjà beaucoup). Suffisait que je nettoie un peu la plage le matin, que je bricole deux trois trucs, que j’aide un peu… et problème réglé : j’ai l’après-midi pour faire ce que je veux… oui, mais y a pas grand chose à faire par ici. Alors j’ai l’après-midi pour faire pas grand chose. Bricoler un peu sur mon ordi, me balader, me reposer… se reposer, c’est drôle pendant une semaine. Gros max. Là, ça commence à faire un moment que je me repose…

    Ça fait quelques jours maintenant que j’ai envie de passer à la suite. D’avancer. D’aller ailleurs. De bouger. J’ai fait une croix sur le Helpx dans le centre culturel à côté de Tulum. Je n’ai plus de nouvelles d’eux, et vu que c’est un peu le bordel pour se rendre là bas, je ne suis pas sûr de vouloir tenter le « coucou c’ est moi », pour me retrouver à moitié perdu au milieu de nul part. Et j’attendais toujours des nouvelles du Guatémala. Cet autre centre culturel où je rêve d’aller depuis que j’ai lu le profil sur helpx… soudain, plus de nouvelles de Elisa (je vous en parlerai sans doute plus en détail, mais plus tard). J’ai un peu pris ça comme des excuses pour l’immobilisme. Pour ne rien faire. « Je peux pas bouger, j’attends de connaître la suite ».

    Même cet immobilisme forcé à commencer à me peser. Je pourrais facilement rester trois mois ici en attendant qu’un événement se produise pour me sortir d’ici. J’ai donc décidé d’agir. J’ai fixé une date. « Jeudi prochain, je pars ». Pourquoi jeudi ? Parce que mercredi, c’est mon jour off. Ça serait dommage de pas en profiter. Une journée à faire pas grand chose, c’est encore plus qu’un après midi ! Et puis bon, un peu mesquin que je suis face aux conditions ici, j’ai pas non plus envie de leur « offrir ». À partir du moment où j’avais une date de départ, j’ai pu recommencer à contacter des gens. Envoyer des demandes sur helpx dans des endroits que je n’avais pas encore repéré (notamment parce qu’ils viennent de créer leurs profils) ou dans des endroits que j’avais oublié. Envoyer une ou deux demandes sur couchsurfing, aussi, parce que c’est aussi une chouette façon de voyager…

    J’aime la façon dont la vie fonctionne. À partir du moment où j’ai recommencé à bouger, elle m’a suivi. Elle a embarqué dans le jeu. Elle m’a porté vers l’avant. J’ai reçu des nouvelles de Eliza. Je suis attendu au Guatémala à partir du 7 décembre. Timing parfait, si l’on considère que le visa touriste est de trois mois, ce qui me conduit jusqu’à début mars. Ah oui ? Et donc ? Et donc, ça j’en reparlerai plus tard. Mais le timing est juste comme il faut. Sans surprise. Alors… départ de Mahahual le jeudi 12 novembre, pour arriver à Livingston le lundi 7 décembre. Ça me laisse un peu plus de trois semaines. Dix jours à voyager, deux semaines en helpx quelque part : aider à réparer un bateau ? rejoindre une plantation de cacao ? aider dans une école de percussions traditionnelles ? ou -plus prosaïque- aider à repeindre une maison ? pas toujours facile de choisir… mais ça me parait plutôt des chouettes choix en tout cas. Et le message est clair : les vacances sont bientôt terminées ! Quelques petites plongées, peut être un site internet si j’arrive à finir la négociation, et après, de retour sur la route !

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