Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionSeptember 11th, 2014
  • J’ai décidé de changer mes plans. Je l’envisageais déjà, maintenant c’est affirmatif. Hors de question de continuer en stop pour le moment. Pas avec les températures actuelles, pas avec les prévisions actuelles non plus…

    Je ne suis pas mort de froid cette nuit non plus, mais il va falloir que je trouve une solution pour la nuit prochaine. Parce que je ne suis pas mort de froid, certes, mais j’ai vraiment pas eu chaud ! Température dans les négatifs… et surtout, neige au rendez-vous ! Je ne pensais pas que ce soit possible, et bien si. Il peut en effet neiger le 11 septembre. Comme quoi, tout peut arriver à cette date !

    Une fois de plus, je suis réveillé à l’aube, donc. Je démarre la voiture tout de suite, et me dirige au centre d’information, d’où partent les visites de la grotte (nous sommes, en fait, juste en dessus). J’arrive à l’heure où le centre ouvre. Je rentre. Évite de justesse de sauter sur un radiateur pour lui faire un câlin. Du chaud, ça fait du bien !

    Bon, toujours voir le bon côté des choses : le paysage est absolument magnifique ! Je suis ravis ! Maintenant que je suis au chaud, en tout cas… et puis sous terre, il va même faire un peu plus chaud que dehors !

    La grotte est de toute beauté, et le guide est super intéressant. Mélange d’humour et de sérieux, d’anecdotes et d’explications scientifiques. J’accroche d’un bout à l’autre. Et puis j’aime sa voix et son phrasé. J’en viens à me demander s’il n’est pas un peu conteur, aussi, à temps perdu ! Ce sont deux univers assez proches, quand on y pense… et j’ai aimé évoluer dans les deux.

    À l’origine, la grotte n’était qu’un tout petit mini trou, par lequel l’air entrait et sortait. Découvert au milieu du 19e siècle par deux amis, ils ont créé une entrée plus grande, pour partir explorer. Il ne se doutait sans doute pas qu’ils venaient de découvrir la 7e plus longue grotte du monde. Enfin… 7e pour l’instant, parce qu’elle n’est toujours pas finie d’être cartographiée. Il y a encore des endroits que l’on ne connait pas. Et le plus surprenant, c’est que tout cela tient dans un carré d’un peu plus d’un mile de côté. Si on considère qu’il y a plus de 125 miles de galeries… oui, c’est un magnifique sac de noeuds là bas dessous ! En tout cas, à visiter, c’est plaisant.

    À un moment, le ranger nous parle d’une des expéditions de cartographie. Un groupe avait trouvé un passage très prometteur. Ils ont -comme d’habitude en spéléo- envoyé la plus petite de l’équipe en reconnaissance, voir si ça menait quelque part. Elle a avancé pendant une vingtaine de minutes, environ, avant d’être bloquée dans son chemin. Au milieu de l’étroit couloir qu’elle suivait, elle a vu des cristaux qui scintillaient. Aucun moyen de passer sans les abimer. C’est là qu’elle a pensé « c’est la première fois depuis leur formation il y a des millions d’années que ces cristaux ont vue de la lumière, et ont scintillé ». Hors de question de prendre le risque de les abimer, alors elle a fait demi-tour, pour dire au reste du groupe que ça ne menait nul part. Tout en pensant que c’était peut être la dernière fois que ces cristaux ont scintillé, et qu’elle serait sans doute la seule humaine à jamais les voir.

    Imaginez cette anecdote racontée, au fond d’une grotte, dans une lumière tamisée des plus agréables, par un homme à la voix grave très douce. Qui parle en prenant son temps, comme s’il réfléchissait à chacun des mots qu’il allait dire… oui, son histoire avait un petit quelque chose de magique. Moi, j’aime la magie. Et parfois, quand je croise de la magie et que je peux le faire, j’en garde une petite partie pour réutiliser plus tard…

    La météo n’a pas évolué pendant qu’on était sous terre. Il neige toujours. Et le paysage est toujours aussi magnifique. Mais il fait froid, ça n’a pas changé non plus. Je remonte dans la voiture et reprend la route, heureux. La neige ne me dérange pas pendant la journée. Je suis dans la voiture, il fait chaud, c’est magnifique dehors. Je rigole à plusieurs reprises devant l’énormité de la chose. Et plus j’avance, plus il y a de la neige ! On finira par dépasser les dix centimètres. Oui, on me l’a confirmé, c’est plus qu’exceptionnel. Le ranger de la grotte se rappelle de blizzards violents au début d’octobre. Mais jamais de neige en septembre… c’est bien ce qu’il me semblait, aussi. Qu’il était quand même beaucoup trop tôt !

    Puisque la météo n’évolue pas, puisque la température stagne dans la proximité du point de congélation, je me dis que je vais visiter une autre grotte. Deux de suite, ça me paraît beaucoup. Mais franchement, avec la météo qu’il y a, quoi de mieux que d’aller se cacher sous terre ?

    J’en viens à remercier la météo. Parce que sans la neige, j’aurais sans doute fait la première grotte, mais pas la deuxième. Et j’aurais assurément raté quelque chose !

    Là encore, la guide y est pour autant, si ce n’est plus, que la grotte elle même. Elle fait penser, par son enthousiasme contagieux, à Cassie, qui m’avait découvrir Uluru. Plein de joie, de sourires, et de passions. Elle le dit dès le début : elle est amoureuse de sa grotte. Ça se ressent. Et on en profite.

    La grotte s’appelle « Jewel Cave » comme dans « Joyaux ». Parce que là encore, ce sont deux amis qui l’ont découvert. Et elle débordait de cristaux. Ils pensaient faire fortune, mais ils se sont vites rendus compte que les cristaux ne valaient rien. Tant pis, elle était déjà baptisée. Ils ont donc décidé de la faire visiter. Mais là aussi, on est au milieu du 19e siècle, et ça prend du temps pour venir jusqu’ici. Et puis à l’époque, la grotte n’a pas grand chose pour elle. Quelques beaux cristaux, en effet, mais c’est tout. Et puis surtout, elle ne fait même pas deux kilomètres de long. Il n’y a pas grand chose à voir au final. Bref, les deux amis auront du mal à en faire grand chose.

    Pourtant, ses cristaux ont quelque chose d’unique, et elle arrive à se faire classer « monument national » au début du 20e siècle. Et puis c’est par hasard, au moment de refaire une cartographie précise des lieux, qu’un groupe de spéléo voit le trou au plafond. Ce trou qui n’apparaissait pas sur la carte. Ils vont voir… et découvre une nouvelle salle, gigantesque. Reliée à une autre. Et une autre. La grotte n’en finit plus… elle a perdu sa deuxième place au classement des grottes les plus longues du monde, mais il se pourrait qu’elle la reprennent. Parce que des estimations (aucune idée de comment elles sont faites) disent qu’il est possible que l’on ai exploré que 5% de la grotte… prochaine mission d’exploration sur plusieurs jours : en novembre.

    La ranger nous explique qu’elle a fait partie de plusieurs expéditions d’exploration. Ils ont désormais deux campements de base installés sous terre, pour les missions de plusieurs jours. Elle explique, les yeux qui brillent, la voix qui tremble, a quel point il est merveilleux d’être le premier humain à mettre les pieds quelques part. À quel point elle aime savoir qu’il y a encore tant de choses à découvrir, sous nos pieds. Pas besoin de partir sur mars… tout est là !

    Voilà un moment qu’elle nous parle, et puis elle finit par affirmer « vous savez, faire des tours avec un ranger, c’est vraiment bien. Mais si vous avez l’occasion, le mieux s’est d’explorer une grotte à la lampe. Parce que comme ça, on peut regarder absolument partout. On ne rate rien du tout des zones d’ombre à côté des quelles ont passe. Comme par exemple … » elle appuie sur un interrupteur. Le fond de la salle s’allume devant des concrétions magnifiques. Personne n’avait pu les remarquer. Elles étaient dans le noir. « comme par exemple les plus belles concrétions de cette salle ». Je trouve ça très beau sa façon de présenter les choses. Et surtout ça me donne des tas d’analogie… que j’emmène avec moi dans ma tête. La main me démange. J’ai besoin d’écrire !

    Là encore, je sortirais complètement ravis enthousiasmé et heureux de cette visite, et plein d’idées et de choses à écrire ! J’en viens à remercier la neige à nouveau. D’être aussi belle dehors, et de m’avoir forcé à rester dedans !

    La journée commence à avancer tranquillement. Ma prochaine étape : le monument en hommage à « Crazy Horse ». Les « Blacks Hills » sont surtout connus pour le Mont Rushmore. Pourtant, il y a une autre sculpture complètement démente, qui est en court. Commencée il y a une soixantaine d’années, elle finira… on ne sait pas quand. Elle est, à l’heure actuelle, la plus grande sculpture en cours du monde. Oui, comme d’habitude, on est toujours aux États-Unis, donc on garde les superlatifs. Sculpture géante, donc, représentant Crazy Horse sur son cheval, tendant le bras vers l’horizon. Parce que Crazy Horse et très connu pour avoir répondu à la question « où sont vos terres » « mes terres sont là où est enterré mon peuple ». Cela dit en tendant le bras, donc…

    Ce monumental hommage se veut « un conte sculpté dans la pierre ». Ce sont les chefs indiens, qui ont demandé à Korczak Zió?kowski (qui était assistant sur le mont Rushmore) de concevoir une statue pour montrer que les tribus indiennes ont elles aussi des héros. Le projet est financé uniquement par des investissements privés, et la principale source de revenu provient du prix d’accès au site, et des ventes effectuées au magasin de souvenirs.

    Je paie les 12$ demandés à l’entrée sans trop me poser de question. Je réalise un peu tard qu’avec la quantité de neige qui tombe, la visibilité est quasiment nulle. Et en effet, je n’arrive qu’à distinguer une silhouette lointaine, floue, derrière la neige qui tombe. Enfin, ça n’est pas trop grave. Parce que le projet me plait. Non pas par son gigantisme, mais par ce qui l’accompagne : une université, un centre de formation, un musée… tout cela dédié au peuple indien, bien évidemment. Alors je ne regrette pas d’avoir financer un peu, et d’avoir vu rien du tout.

    (je vous conseille un petit tour sur Google Image, si vous voulez des images plus claires)

    Ma prochaine étape, donc, le Mont Rushmore. Pourtant, en chemin, je tombe sur un petit lac que je trouve absolument charmant. Alors je m’arrête. Avec dans l’idée de faire juste une ou deux photos. Et puis finalement, je me décide à en faire le tour complet. Il ne fait pas chaud, mais c’est pas grave. Je me réchauffe à la beauté des lieux. Je suis vraiment sous le charme. C’est de toute beauté. Et la neige ne rend le tableau que plus parfait encore. Alors je continue d’être heureux.

    Et j’arrive finalement au Mont Rushmore. J’avais lu que l’accès au site était gratuit, pour respecter la volonté originelle de l’artiste. Et ça semble le cas, en effet. L’accès est gratuit. Par contre, le parking, lui, est payant… Je trouve ça un peu mesquin comme approche. Au moment de payer, je demande à la madame « et côté visibilité ? ». « On ne voit rien du tout. Par contre, tout le reste est ouvert ». J’imagine très facilement ce que « tout le reste » représente. J’ai eu à plusieurs reprises un petit sentiment de « Niagara Falls » dans la région. En gros : on profite d’une grosse attraction qui attire plein de touristes pour créer plein de trucs spéciales touristes autour. Attractions ridicules en tout genre… bref, je m’attendais à trouver des magasins de souvenirs, des vendeurs de barbe à papa, et autres cossins. Alors j’ai décliné. J’ai dit à la madame que tant pis, je ne paierais pas. Et je suis reparti. Sans aucun regret. Parce que le Mont Rushmore a beau être hyper symbolique, il fait parti de ces symboles que je ne me sens pas obligé de voir.

    J’ai été sous le charme de la première grotte, fasciné par le deuxième, impressionné par Crazy Horse, comblé par mon petit lac… alors les quatre têtes géantes, tout là haut, c’est pas bien grave si je ne les vois pas.

    La journée tire à sa fin. J’ai plusieurs options devant moi… dans un premier temps, je reviens à Rapid City, et je vais au Wallmart. Parce que ça me manquait. et aussi parce que j’ai eu une idée. Je m’achète un deuxième sac de couchage. Un pas terrible, un peu encombrant, à 20$. C’est un peu lourd, mais pour le moment, je suis en voiture. On verra le problème du stop plus tard… mais je sais qu’avec deux sacs de couchage (et l’annonce qu’a priori la température va remonter) je devrais réussir à ne pas mourir congelé dans mon sommeil.

    Et puis une fois rééquipé, direction l’aéroport. Normalement, je ne dois rendre la voiture que demain, mais j’ai eu des idées un peu complexe, et je voudrais vérifier si ça marche.

    Après une courte discussion, et pas vraiment de négociation, c’est confirmé. Je garde la voiture dix jours de plus, et je la rends à Idaho Falls. J’avais regardé les différentes options. Mais me rendre jusqu’à Billings ou Bozeman en bus n’était pas pratique : j’arrivais à 1h ou 3 h du matin… et les billets étaient plutôt chers. Le stop, pour le moment, est hors de question. Il fait trop froid, et la cryogénisation ne me tente pas plus que ça. Et a priori, dans le coin, les gens ne s’arrêtent pas. Je vais attendre d’être plus dans l’ouest pour m’y remettre. Et je pense que depuis Idaho Falls, je pourrais facilement recommencer à me déplacer en stop. Alors voilà… j’explose un peu le budget, mais je profite d’une liberté de mouvement très pratique et confortable. Je peux aller où je veux (ce qui, en stop, dans le coin, n’était pas garanti), et je garde ma voiture confortable (et étanche) pour dormir. Bref, cette option me plait. Et c’est aussi pour ça que je n’ai jamais voulu voyager en budget hyper réduit. Parce que si je n’avais pas pu louer la voiture, je pense que j’aurais sauter jusqu’à la côte ouest, sans m’arrêter par Yellowstone. Là, par contre, je suis fin prêt !

    Je remonte donc dans la voiture. Il fait nuit. J’ai deux heures de route qui m’attendent, J’ai décidé que ce soir je dormirais à la Devils Tower !

    2 commentaires

    1. Commentaire de La Feuille

      Bien jolies ces grottes, mais les photos sont sans doute moins belles encore que la réalité. Toute cette neige me congèle rien que d’y penser. Je ne suis pas encore moralement prêt pour regarder tomber les flocons. Le plus tard sera le mieux !
      Quand je pense qu’on essaie de se concocter un petit voyage au chaud pour cet hiver !
      Allez, bon courage pour la suite ; nous on reste devant la vitre de l’aquarium…

    2. Commentaire de Kaly

      Nous recevrons papinou et Sylvane la semaine prochaine : faudra que je leur montre toutes ces histoires de grottes plus ou moins les plus grandes.

      Peut-être pourrai-je alors te dire comment on anticipe la longueur d’un réseau quand on ne l’a pas encore exploré.

      Quand j’allais dans la grotte de la Saint Marcel, le réseau connu (ou répertorié ?) devait mesurer de deux à quatre kilomètres, ce qui est très long vu la vitesse de déplacement sous terre en grotte non aménagée. Le kilométrage actuel n’a rien à voir, Baba doit en connaître l’estimation, il est certain que c’est gigantesque !

      Et c’est à cause de la longueur des déplacements qu’il faut installer des camps de base. On ne peut pas passer la journée en marche d’approche si on veut aller plus loin !

      ;-)

      Bon, j’espère que tu ne souffres pas trop du froid ! Bonne continuation !

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