Il était donc là, à me regarder tous les matins. Et j’étais là, à venir le saluer tous les matins. Et souvent à m’arrêter pour le regarder dans l’après midi. Et en fin de journée, avec le soleil commençant à décliner à l’horizon. Et parfois, la nuit, je prenais le temps d’admirer sa silhouette, légèrement plus sombre que la nuit…
Depuis un moment il m’appelait. Depuis un moment il m’attendait. Nous en avons discuté avec Carly. Nous avons décidé de partir à sa rencontre. Je ne sais plus trop quand nous en avons parlé, ni trop comment la décision a été prise. Mais à un moment, il a été convenu que nous allions gravir ensemble le San Pedro.
Carly est arrivée au bar, un soir où j’étais au service. Elle est arrivée avec ce magnifique sourire, plein de joie. Un sourire comme je les aime. Naturel. Heureux. J’avais une bouteille de téquila à la main, il m’a semblé de bon ton de nous servir un shooter. Nous nous sommes recroisés le lendemain soir, avons échangé quelques mots sur l’attachement. Sur ces liens que l’on crée, ou que l’on refuse de créer, lorsque l’on voyage. J’ai eu un peu plus d’une semaine pour lui prouver mon point. Pour lui prouver à quel point il était merveilleux de s’attacher en voyage. De créer des amitiés qui iront au delà d’un simple « c’est quoi ton facebook ». Une amitié qui deviendra promesse de se croiser ici, là bas, ailleurs… promesse de partager des moments merveilleux. Et pour son dernier jour sur les bords du lac, pour notre dernière journée, nous nous sommes offerts un volcan. Départ à 1800 mètres. Arrivée à 3100 mètres. Programme des plus prometteurs !
L’ascension du San Pedro commence un peu au dessus de la ville du même nom. Une ville dont les quelques échos que j’ai eu ne m’ont pas vraiment inspiré ni donner envie. Party town, où les touristes viennent se saouler en buvant de la téquila pas cher dans des auberges de jeunesse sans intérêt. Pas pour moi a priori. L’aller à San Pedro m’a pourtant permi de voir une partie du lac que je ne connaissais pas encore, et de changer un peu les points de vue.
Le temps de se faire déposer par la launcha et de compléter de quoi grignoter au sommet, et nous embarquions dans un tuktuk. Et oui, mon premier tuktuk ! Je n’avais pas d’attentes particulières vis à vis de San Pedro, mais la simple traversée en tuktuk m’a plus ; une fois que l’on monte un peu ; que l’on s’éloigne du lac et des touristes, la ville semble plutot authentique. On verra si j’ai un peu de temps à lui consacrer à un moment, homme débordé que je suis…
Peu après, nous étions à l’entrée du parc protégeant le volcan. Pour l’occasion, j’en ai même profiter pour faire immortaliser ma première virée en tuktuk, avec Esteban, notre chauffeur.
L’accès au volcan est payant ; le prix inclut l’accompagnement par un guide pour les vingts premières minutes de l’ascension. Nous commençons au travers des plantations de café. Le guide nous explique que le café de San Pedro est le meilleur du monde, parce qu’il bénéficie des trois éléments absolument nécessaires pour un café de qualité. D’abord l’altitude, entre 1500 et 2000 mètres. Ensuite la météo clémente de la région. Enfin, le sol volcanique et riche. « tierra negra » comme il l’appelle. Je regarde avec un grand sourire, et j’ajoute « il y a un quatrième élément, non ? ». Intrigué, il ne dit rien. « Dans la région, tout le monde déborde d’amour. Il n’y a que de l’amour partout. Le café est baigné dans l’amour ». Il ne dit pas grand chose. Mais son « peut être bien que oui, en effet » un peu songeur me laisse imaginer que mon idée lui plait. Ça ne l’empêche pas d’attraper deux baies rouges, et de nous inviter à les manger. Le goût me surprend… c’est sucré. C’est bon ! Et l’intérieur de la baie se trouvent de graines. Avec la forme caractéristique des grains de café. Blanc. Pas noir. Ils n’ont pas encore été torréfiés… il lui manque dix jours au soleil, et une demi heure dans un four…
Le guide nous abandonne un peu après, non sans nous laisser toute une série de consignes. Sur le chemin à suivre (toujours suivre les marches) sur le temps (si vous n’êtes pas au sommet à 14h30, faîtes demi tour), sur la marche (tu devrais prendre la bouteille de ton amie dans ton sac, ça sera plus confortable pour elle), sur l’après marche (tu penseras à faire un massage à ton amie ce soir). On ne peut plus prévoyant ! Mais j’aime surtout la façon qu’il a de parler. Avec douceur, avec lenteur. Qu’il ferait un magnifique conteur…
Il fait donc demi-tour, pendant que nous continuons l’ascension en prenant notre temps. Carly m’a prévenu. Elle aime la randonnée, mais elle n’a pas la patience nécessaire. Elle devient assez vide bougonne. Mais il ne faut pas que je m’inquiète. Moi, du moment que j’ai le mode d’emploi, ça me convient. Au bout d’un moment, elle met son casque, et continue l’ascension en musique. On s’arrête de temps en temps pour échanger quelques mots, pour boire une goûte d’eau, pour reprendre un peu notre souffle. Parce que ça grimpe, y a pas à dire. Et aussi parce que même si on est tous les deux accoutumés à l’altitude du lac (1500m) on dépasse assez vite les 2000, et on se dirige vers les 3000…
Nous ne croisons presque personne pendant l’ascension. Faut dire que nous avons commencé sur le tard. Les gens font la balade de préférence tôt dans la matinée. Mais il ne fait pas si chaud que ça, et ça nous permet d’avoir les lieux pour nous tout seul, ce qui est bien agréable !
Nous sortons assez vite du café. Nous traversons quelques petites plantations de maïs, mais nous restons essentiellement dans les bois. Et nous arrivons finalement à la deuxième cabane. Celle où, parait-il, il est possible de dormir…
Voilà un peu plus de deux heures que nous montons. Il nous reste une vingtaine de minutes. Nous sommes presque au sommet. On commence à le deviner, et on attaque la dernière partie avec ascension. Dans un paysage complètement différent. Nous avons traversé une forêt florissante et garnie jusqu’à présent. Mais nous entrons soudainement dans une forêt tropicale. Tout est d’un vert magnifique, luxuriant, plein de vie. Le contraste est saisissant. Sans doute à cause de cette habitude qu’à le San Pedro d’avoir presque tout le temps la tete dans les nuages…
Et soudain, nous arrivons au sommet. Le lac s’offre à nous, s’offre à nos pieds. Le paysage est magnifique. Saisissant. À couper le souffle. À tomber à court de comparatif, de superlatif et meme de synonymes. Alors je laisse tomber le vocabulaire, et j’admire. Sans oublier de faire quelques photos avant, quand meme.
Et quitte à être au sommet, quitte à avoir un paysage aussi magnifique, j’en profite pour faire un panoramique du lac…
Et je profite aussi de la présence de ma magnifique modèle.
Nous restons un moment au sommet, à être fiers de nous, à profiter du soleil, de la vue. À être heureux. Avant d’attaquer la redescente. Je pars avec enthousiasme, me laissant aller à sauter, courir, glisser… je m’amuse comme un petit fou, jusqu’à ce que Carly me rappelle à l’ordre. Je descends un peu trop vite pour elle. Je m’excuse, et ralentis l’allure. J’aime courir dans les bois. J’aime sauter dans la poussière. J’aime me laisser glisser pour faire le moins d’efforts possibles. Mais ça n’est pas forcément évident à suivre. Je continue la descente plus tranquillement, savourant les odeurs, le chant des oiseaux, le paysage, et ses arbres magnifiques dont je ne me lasse pas.
Et puis nous voyons réapparaitre le bâtiment de l’accueil. Nous l’avons fait. Près de 1300 mètres de dénivelés, en à peine plus de 5 heures. Sans vraiment de préparation ou d’entrainement. À croire que nous sommes plutôt en forme !
Peu après, nous sommes de retour dans un tuk tuk qui nous ramène au lac, où nous pouvons embarquer dans une launcha pour rentrer à la Iguana. Heureux, et fiers de nous !
Jolie performance en effet !
As-tu remarqué la beauté des champs de maïs ? Parce qu’ils ne sont pas ensemencés à la machine, dans des lignes tirées au cordeau, parce que le chemin passe au milieu : rien que pour ça, ce n’est pas la même plante que celle qui nous envahit ici.
C’est bon, hein, la graine de café, c’est très doux, très sucré ! En Inde, la faune sauvage s’en régale… au grand dam du cultivateur !