Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionMay 22nd, 2009
  • J17- Le départ (km 0 à 4)

    Il est 9h. Je suis au début du sentier qui mène au Lac Berg. C’est une fille de Couchsurfing qui m’a très fortement recommandé cette randonnée. Dix heures de marche selon elle, mais qui valent vraiment la peine. Trente quatre kilomètres aller-retour et un dénivelé total de 850 mètres. C’est là que je vais voir si je suis en forme… Je n’ai pas vraiment mal aux jambes malgré mes folies de la veille ; c’est plutôt bon signe.

    Au moment de partir, il y a également un groupe d’une vingtaine de jeunes avec équipement lourd. Ils étaient juste à côté de moi au camping. A priori, ils partent pour une expédition de plusieurs jours. Je les envie, même si ça semble long et compliqué de se préparer. De mon côté, c’est plutôt simple : on vérifie le matériel photo, on prend quelques barres de céréales, la belle bouteille rouge, et on y va. Je pars persuadé d’être rapidement rattrapé par le groupe de jeunes. Il est tôt encore, il fait très froid, mais le sentier est superbe. Je me dis que ce chemin sera plus agréable quand le soleil sera au zénith. Je ne réalise pas que quand je reviendrais le soleil sera probablement encore plus bas que maintenant. Je m’en rendrais compte à mon retour, en réalisant que j’ai encore froid, au même endroit.

    (Notez, au passage, un Mont Robson encore plus magnifique sans les nuages, et le magnifique ciel bleu qui s’annonce pour la journée)

    J17- Kinney Lake (km 4 à 9)

    La balade se compose de quatre parties. La première, c’est la partie familiale. Elle nous emmène à un premier lac, le lac Kinney, splendide au milieu des montagnes. Le sentier est agrémenté de panneaux explicatifs. Quatre kilomètres pour se rendre (donc seulement huit si vous voulez faire un aller-retour) : une bonne destination pique-nique. En arrivant sur le lac, la couleur de l’eau est parfaitement normale… mais ensuite, on longe le lac sur toute sa longueur, pour rejoindre le delta de pierre qui vient avec tout lac glacier. On est rendu au neuvième kilomètre. Avec le changement d’angle de vue, la couleur du lac change du tout au tout, pour devenir d’un bleu complètement hallucinant. Non, il n’y a aucune retouche photo : celles-ci sont livrées absolument brutes.

    J17- Whitehorn Falls (km 9 à km 11 )

    Ensuite, virage en angle droit. On suit encore la même vallée, mais on commence à monter tranquillement. Au kilomètre 11, on trouve un deuxième site de camping et un pont suspendu de toute beauté. À force, je me suis attaché à ces structures, si utiles aux randonnées. J’ai grand plaisir à les voir, les découvrir, les photographier. Je croise également les seules personnes que je verrais de la journée. Ils semblent revenir d’un campement lointain. Ça me rassure un peu. À l’information touristique, ils parlaient de neige au sol, et ne sais pas si je pourrais me rendre jusqu’au lac Berg. La première cascade arrive juste après.

    J17- White Falls et Falls of the Pool (km 11 à 13 )

    Nouveau changement : on attaque sérieusement la montée. Pour le moment, on n’a fait que 300 mètres, des plus tranquilles. Habitué au panneau « vérifier votre réservoir, dernière station avant 80 kms » je trouve très amusant un panneau qui annonce « dernier point d’eau avant 4 kms ».

    Ça monte raide maintenant. Deuxième puis troisième cascade. Toujours plus haute, toujours plus belle, je ne me lasse pas. Mon objectif, c’est la cascade suivante : la cascade de l’empereur, dans quatre kilomètres. Je ne pense pas être capable de me rendre jusqu’au lac. Trop loin.

    J17- Emperor Falls (km 13 à 16)

    On est maintenant au sommet d’une crête surplombant une vallée profonde. La neige commence à apparaître, sans être trop présente pour le moment. J’entends une cascade que je cherche de vue longtemps, avant de comprendre : il n’y en a pas. En fait, il ne peut pas y en avoir : la rivière ne coule pas au fond de la vallée contrairement à ce que j’avais pensé… après tout, il me semblait que c’était ce que font toutes les rivières. Sauf celle-ci, qui a décidé de courir à flanc de falaises ! Il faut le voir pour le croire ! Je ne pensais pas cela possible… le bruit de cascade, c’est simplement la rivière, qui doit probablement être une succession de rapides.

    Un peu plus loin, alors que la neige recouvre tout le chemin, on voit apparaître la cascade de l’Empereur. Très belle chute d’eau… qui s’arrête à mi hauteur de la falaise, puisque la rivière ne coule pas au fond de la vallée (vous pouvez deviner le tracée de la rivière sur la première photo, au départ du pied de la chute).

    Je marche désormais sur la neige, qui a été bien tapée par de précédents randonneurs avec raquettes. Le panorama est grandiose ; le mont Robson domine dans toute sa splendeur. Sa présence me rappelle les falaises du St Énard à Grenoble : on s’habitue à toujours les voir du coin de l’oeil. Ce n’est plus leur présence que l’on perçoit, mais leur absence, qui cause un grand vide. Toujours là, à veiller sur nous. Le mont Robson me donne cette même impression, qui m’emplit de sérénité. Me voilà au pied des chutes de l’Empereur. Objectif atteint.

    J17- Le plateau enneigé (km 16 à 18)

    Objectif atteint donc… oui mais… après tout, la marche n’est pas si pire, et théoriquement j’ai fait le plus dur ; le lac n’est plus si loin… je me décide…

    Me voilà maintenant sur un haut plateau enneigé. Une petite rivière coule tranquillement. Les hauts sommets m’entourent. J’ai les pieds trempés par la neige, mais je sais que là-bas, au loin, passé le tournant, je verrais le lac.

    J’ai monté de 800 mètres. Les montagnes autour sont moins impressionnantes. Toutes semblent maintenant à portée de pied. Sauf le mont Robson, qui lui semble ne pas avoir bougé. Toujours aussi massif, toujours aussi impression. Il me plaît décidément beaucoup avec son petit glacier qui cascade à ses pieds, et son immense falaise au sommet.

    J17- Seul au bout du monde (km 19)

    Je suis fatigué, et surtout tanné de la neige, quand j’arrive au lac. Je suis seul. Au bout du monde. L’expérience m’exalte. Le spectacle est de toute beauté. Penser à la route qui m’attend encore m’inquiète un peu. J’ai du mal à me motiver à repartir.

    J17- Berg Lake et Mount Robson panoramiques

    Quand le paysage et la météo se mettent d’accord, le photographe n’a plus qu’à se servir. Je ne vois pas d’autre hommage à rendre à l’une des plus belles montagnes que j’ai eut la chance de voir.

    Et en version 360 degrés :

    J17- Le chemin du retour (km 19 à 38)

    Le retour dans la neige est beaucoup plus fatiguant. Je m’enfonce très souvent (et pas juste jusqu’à la cheville ou jusqu’au genou) alors que je n’avais pas vraiment eut de problèmes à l’aller.

    Le groupe de jeunes a choisi le campement du kilomètre 11 pour s’installer. Très bon choix. Je parle 5 minutes avec le responsable. Il est prof, ce sont ses élèves, ça fait quinze ans qu’il les amène ici. Je l’averti de l’état des routes, et m’en remercie, impressionné que je sois allé aussi loin.

    Je repars. Les jambes commencent à fatiguer dans les descentes, mais il n’y en a plus beaucoup. Retour au lac. Je m’amuse à remarquer une deuxième fois certains détails, certains arbres déjà vus à l’aller.

    Je commence également à compter les pas. Le kilomètre quatre apparaît. Je respire un peu mieux. Le kilomètre deux s’étire pendant très longtemps ! Quand au kilomètre 1, c’est un bonheur que de le voir ! Ne parlons pas de la voiture ! Je suis parti il y a 11h15. 6h15 pour l’aller, 5h pour le retour, et 38 kilomètres au lieu de 34 ! La neige m’a beaucoup ralenti, j’ai les pieds qui me font mal.

    Il est 20h15. Je suis heureux.

    J17- Je ne suis plus que l’ombre de moi même.

    J17- Retour à Kamloops

    J’ai prévu de refaire escale à Kamloops à mon retour : Carly peut, à priori, m’héberger. Par contre, je n’ai pas réalisé que la balade serait si longue ; tout comme la route qui m’attendait après. Je roule bien : cette voiture est toujours aussi confortable. Mais je m’arrête tous les 80 kms environ, pour tenter de confirmer avec Carly qu’il n’y a pas de problèmes. Je parle à son père à chaque fois, qui ne sait pas quand elle droit rentrer. Il me confirmera finalement qu’il n’y a pas de problèmes à ce que je dorme chez eux.

    Il est 23h30. Je viens de rouler 352 kilomètres et d’en marcher 38. Je suis épuisé quand Carly m’ouvre la porte. Je suis épuisé, mais aussi super gêné de l’heure à laquelle je débarque. Je m’effondre sur le lit, et m’endors.

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