J6- Kilomètre 900 à kilomètre 1358. Demi tour.
Si je me fie à ma programmation initiale, je devais faire une journée complète de randonnée dans Well’s Gray Park. À entendre les « plic-ploc » sur la tente, j’ai une hésitation. J’ai très bien dormi, si on considère la situation : il faisait froid (même si mon manteau qui n’est pas fait pour la randonnée convient très bien en deuxième couverture) et ça m’a réveillé régulièrement. Tout comme les trains. Habituellement, c’est papa qui choisit ce genre d’endroit : perdu au milieu de nul part, mais avec une voie ferrée cachée de l’autre bord de la rivière, où des trains de marchandises d’une centaine de wagons passent aux deux ou trois heures. Mais en fait, les trains ne me dérangent pas trop. Je suis plutôt impressionné par l’omni-présence du ferroutage. J’ai vu une demi douzaine minimums de trains à chaque jour, quelque soit l’axe sur lequel je voyageais (sauf Vancouver-Whistler, en fait). À cent wagons le train et à deux containers le wagon, c’est une quantité assez impressionnante de camions que l’on est heureux de voir disparaître des routes. Une fois cette constatation faite, on réalise que, en effet, il y a beaucoup moins de camions sur les routes de la Colombie Britannique que sur celles du Québec (ou de la France, d’ailleurs). J’imagine que le fait que l’histoire de la Colombie Britannique repose en grande partie sur la voix ferrée explique en partie cela.
Enfin… tout cela pour dire qu’il pleut ! L’intérieur de la tente a eut la gentillesse de rester au sec par contre. De même que toutes mes affaires : c’est pratique une voiture. Je plie en boule le matelas et le duvet que je jette dans le coffre et démonte rapidement la tente. Je la roule en boule dans les pieds du passager avant : la ventilation la séchera peut être un peu. Et j’improviserais si je croise un auto-stoppeur.
Nouveau petit déjeuner au nutella et philadelphia, puis retour à l’accueil du parc. Je voudrais aller rapidement sur internet pour trouver une solution couchsurfing plutôt que camping à Jasper et Banff, où les nuits risquent d’être encore plus froides. Il y a une file d’attente pour les ordis. Malgré la pluie dehors, je discute avec la personne à l’accueil des possibilités de balade. La plus part des pistes devraient ouvrir la fin de semaine prochaine… je m’étais aussi renseigné sur une possibilité de balade à cheval la veille. Même réponse. Je sais également que le parc du Mont Robson, situé un peu plus loin et que l’on m’a très fortement recommandé, ouvre le 15 mai. Bref, je suis très clairement une semaine en avance. S’ajoute enfin à cela que j’ai réussi à rejoindre mon amie Stéphanie, qui n’habite « qu’à » trois heures de routes de Banff. Elle pourrait me rejoindre dimanche. Date à laquelle je devais quitter Banff… Bref, tout cela m’énerve. Un voyage organisé étant fait pour être désorganisé, je me décide à faire demi tour : retour à Kamloops, puis direction la vallée de l’Okanagan, et les Kootenays. Geoffray m’avait suggéré Christina Lake et Nelson. Je me dirigerais donc par là, avant de remonter par Revelstoke, Rogers Pass et Golden. Parfait pour être à Banff dimanche, et revenir dans la région quand tout sera ouvert. Je viens de faire un détour de 300 kilomètres, mais on fera avec ! Ma décision me remonte le moral. Il pleut, mais la vie est belle, et la route est encore plus belle dans ce sens : longue vallée suivant une rivière, les deux allant en s’élargissant en s’approchant de Kamloops. Par contre, je ne veux pas m’éterniser, et je fais le retour en surveillant un peu moins ma consommation. Le retour vers Kamloops se fait donc vite. Rendu là, je fais une brève pause à l’information touristique pour confirmer mon trajet et je découvre l’existence de Lumby. Petit village perdu, qui se vente de déborder de pistes de randonnées. Ce sera donc ma destination pour aujourd’hui.
J6- Le kilomètre 22
La route jusqu’à Vernon ne présente que peu d’intérêt. Belle, mais sans être exceptionnelle, avec une alternance de pluie et d’éclaircies, et la ville de Vernon semble plutôt horrible. Je traverse sans m’arrêter, et m’engage dans une vallée très florissante, aux montagnes assez escarpées. Tout cela s’annonce très bien, même s’il pleut de plus en plus : j’ai foi en la météo !
J’arrive enfin à Lumby, avec l’espoir d’un camping pas trop loin et d’une belle randonnée pour finir la journée. La fille à l’info touristique doit venir de Vancouver. Peut être même de plus loin encore : elle a du mal à me suggérer une balade. Côté camping, j’ai le choix : un juste à côté d’ici, au « centre ville », un à trente kilomètres et un à cinquante kilomètres : le Monashee Provincial Park. Perdu au milieu de nulle part, trente kilomètres de routes non goudronnées, mais très bien entretenues m’assure-t’elle, et des balades à foison. Exactement ce que je cherche, mais un peu loin. J’hésite, mais me décide enfin : ce que je veux, c’est une place où rester deux nuits de suite, pour ne pas conduire demain. J’aime conduire, mais je ne veux pas faire que ça. La route qui suit « Sugar River » est magnifique. Les paysages où je roule sont de toute beauté, malgré la pluie. Le Requiem de Mozart épouse parfaitement le paysage.
Petite pause le temps d’aller voir le barrage qui ferme Sugar Lake, puis la route devient un chemin non goudronné. Ça roule bien, la balade est jolie, quoi que plutôt répétitive. Quelques beaux point de vue sur le lac, que la route longe jusqu’au bout. Kilomètre 22. Ça veut dire qu’il ne reste plus que quelques kilomètres. Je devrais donc être bientôt arrivé. Sauf que la route change d’un seul coup. La terre se transforme en neige à la sortie d’un virage. Environ un pied, sur une distance inconnue. Même si ce n’était que sur les 20 mètres que je peux voir, ce n’est même pas la peine d’y penser. J’ai une voiture qui va vite. Pas un modèle qui roule sur la neige. Je suis frustré : la fille m’a assuré que je n’aurais aucun problème à me rendre, et il n’y avait pas la moindre indication sur l’état de la route. Je n’ai pas le choix : je viens de faire un beau cinquante kilomètres pour rien. Je grignote rapidement. Il est 16h, je commence à avoir faim. Philadelphia et nutella sont loin. Je voulais manger une fois installé, mais là, je ne sais juste pas quand j’aurais une tente montée. La balade aller-retour m’aura quand même permis de voir 11 chevreuils… nouveau programme : retour au camping du centre ville, le temps d’une nuit, puis voiture et vroum vroum loin !
J6- Mable Lake
Sur le chemin du retour, je croise la route du Parc Provincial de Mable Lake. Trente deux kilomètres. C’est loin. Mais je veux de la tranquillité, de beaux paysages, tout ça ! Je tente ma chance. La vallée est parallèle à celle que je viens de remonter, mais plus large, plus verdoyante, et plus habitée. Une ambiance très décontractée, relaxe. C’est beau, inspirant, réconfortant. Je passe à côté d’un élevage de cochons en liberté. Ils ont un espace impressionnant. Ce seront ensuite des vaches qui passent au côté de deux vieilles granges. C’est beau, la pluie a cessé, le soleil est revenu. Je vois cela comme un signe que j’ai pris la bonne décision. L’arrivée au camping me le confirme. L’emplacement est magnifique. La tente est montée en cinq minutes (c’est l’avantage de ne pas tout replier à chaque fois) et le matelas est gonflé en 274 coups de pompe. Le tout à 10 mètres d’un lac gigantesque et magnifique. Ouf ! Je suis content.
J6- Tour du camping
Un petit tour du camping me permet de découvrir une petite boutique, sur un quai en bois, où sont amarrés quelques bateaux. Je croise le propriétaire et m’informe sur les locations disponibles. Ça va du kayak au bateau de ski nautique, en passant par la barque de pêcheur. Je ne vois pas les kayaks. Peut être sont ils rangés, ou pas encore disponibles. Si c’est possible, ça sera promenade en kayak. Et si ça ne l’est pas, le lac est gigantesque, et les barques avec leur petit moteur sont à un prix raisonnable. Je n’ai jamais piloté ce genre d’engin, mais je suis persuadé que ça doit être amusant !
La fin de mon tour de camping me permet de voir quatre chevreuils sur le bord du lac. Je retourne à la voiture. Petite collation frugale, avant d’essayer d’établir un nouvel itinéraire. Je pense que j’improviserais au jour le jour. Il est ensuite temps d’écrire ma journée. Mon CD « Nocturne » de grands classiques de piano convient parfaitement.
(et si vous vous pouvez la question, et bien oui : le petit bâtiment rouge est la petite boutique dont il est question, et le propriétaire habite au dessus. Une petite échelle permet d’y accéder ! )
J6- Yes Man
C’est drôle, depuis un bon moment maintenant, j’ai pris l’habitude de ne garder que les points positifs des événements, même les plus négatifs. Un exemple simple ? Ce voyage n’aurait pas eut lieu si je n’avais pas été cambriolé puisqu’il est en partie financé par le remboursement d’objets que je ne remplacerais pas, ou pas tout de suite. C’est drôle, parce que j’en avais parlé avec Carly la veille : de cette importance du positivisme. Elle m’avait demandé, en rapport à cela, si j’avais vu le film « Yes Man ». Il se trouve que c’était l’une des deux comédies plates regardées dans l’avion. Film mauvais, nous en avons convenu, mais dont nous partagions la philosophie de base : être ouvert, et avant tout tenté de répondre « oui » ( « pourquoi pas » dans mon cas). Je vous laisse imaginer le désastre d’un tel concept à la base d’une comédie américaine.
Bref, là n’est pas la question. je disais que c’était drôle que j’ai parlé de cela avec Carly, vu qu’aujourd’hui j’ai positivé toute la journée malgré une succession d’événement qui me faisait régulièrement pensé que j’allais passer une mauvaise journée. Au final, elle est loin d’être si terrible, et la lumière sur le lac est magnifique ! J’ai hâte à demain pour voir ce que je vais bien pouvoir du dit lac !