Le jour se lève sur l’une de nos dernières journées… veut veut pas, on n’a pas le choix de se rendre compte que l’on remonte sur le bateau dans deux jours. Oui… on a hésité un peu, entre repartir le samedi ou le dimanche, pour prendre notre temps, et arriver le lundi dans l’après-midi pour l’anniversaire de Louve, la sœur de Brigitte. Finalement, on s’est dit qu’une journée de plus, ça ne serait pas un luxe : il nous restait encore à aller voir l’Île d’Entrée ; le samedi serait une journée assurément parfaite pour ça. Et puis l’île du Prince Edouard, bin en fait, on n’accroche pas plus que ça. Et le Nouveau Brunswick, c’est magnifique, mais en une demi journée, on ne verra pas grand chose de plus. On reviendra de toute façon. Spécialement pour le Nouveau Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Et puis le voyage s’est très bien fait à l’aller ; plutôt que prendre notre temps pour rentrer, hésiter, ne pas trop savoir quoi faire, on va rentrer d’une traite aussi. Bon, voilà, c’est décidé : nous serons de retour à Québec le dimanche soir passé minuit.
D’ici là, on peut profiter des deux derniers jours. Et pour bien commencer la journée, on ira sans la moindre hésitation à La Fleur de Sel, pour le petit déjeuner conté. Faut dire que ce matin, c’est Élaine Richard (la conteuse des îles à l’accent magnifique) et Alain Lamontagne (l’harmoniste podorythmeur fou, coup de cœur de la veille). Dans ces conditions…
Nous sommes un peu désappointés… il fait un grand soleil, mais le vent souffle relativement fort. On hésite, on ne sait pas trop quoi faire. Peut être que la fin du voyage approchant nous enlève un peu de motivation… finalement, on se décide à rester à Havre Aubert, pour une longue ballade sur la plage du Havre. Encore et toujours, nous trouvons la plage tranquille, déserte. Cette fois, le vent y est peut-être pour quelque chose. On n’ose même pas sortir le cerf-volant. Mais le vent sur la plage est magnifique. Le sable s’envole en nuage de fumée ; l’effet est superbe. La plage est une succession de mini dunes extrêmement lisses, et de zones beaucoup plus rugueuses, avec un « relief » très contrasté, très anguleux.
On marche longtemps. On pourrait sans problème marcher beaucoup plus longtemps. Mais le vent, même s’il nous arrive dans le dos, n’est pas très chaud. On escalade une dune, l’une des plus hautes, pour avoir un aperçu des environs. Au loin, ça continue. Longtemps. On s’allonge quelques minutes, le dos contre le sable, à l’abri du vent, pour finalement faire demi tour, et rentrer à la voiture.
Nous resterons sur un mode désappointé et un peu perdu toute l’après-midi. On va tu faire du cheval ? oui, non, peut être, c’est ouvert, c’est fermé, on sait pas trop. On retourne finalement à Cap aux Meules, où on se promène encore un peu, dans le coin du Cap Vert (au nord de l’île).
Ce soir encore, nous sommes de sortie. Pas de salle de spectacle au programme par contre. Ce soir, on part à la rencontre du vaisseau fantôme, sur les plages de la Dune du Sud, et dans les grottes qui se creusent dans les falaises. Ce soir, tous les conteurs seront présents. On nous promet des histoires au coin du feu et au fond des grottes. Et surtout, on nous conseille d’amener nos « couvartes » et nos « bagosseux ».
C’est étrange : c’est là que nous sommes venus faire du cerf-volant la première fois. A deux cent mètres de là. Et pourtant, nous n’avons pas repéré les grottes. C’est tout juste si nous avons regardé en direction des falaises… cette fois ci, nous nous en approchons en suivant les gens. Il semble qu’il y ait beaucoup de monde au rendez-vous…
Il fait déjà nuit. Le bord des falaises (nous arrivons par le haut) est marqué de nombreuses petites lanternes. Le chemin, lui, est éclairé par des torches. Nous descendons un petit escalier qui nous mène sur le bord de la plage. On voit relativement bien, puisque des lanternes, des torches et des lampions sont accrochés un peu partout. Les falaises ont été peintes, et décorés. Des cages à homards, des filets de pêches, de vieilles palettes de bois ; l’ambiance est vraiment sympa, et très propice aux contes et aux histoires.
Malheureusement, on découvrira vite que le public, lui, n’est pas idéal. Il y a beaucoup de monde. Partout. Et surtout, les gens parlent, discutent ; on découvre assez vite, et avec une grosse déception, que l’on risque de ne rien entendre, et de ne pas en profiter du tout. C’est dommage, l’endroit est magnifique…
Le vent souffle plutôt fort. Sur la mer, en arrière de nous, on voit passer le vaisseau fantôme. Un bateau de pêche, recouvert de guirlandes bleues. C’est joli. Mais là encore, les gens commentent, parlent, discutent… pour les histoires, il faudra oublier ça. Il n’y a pas de sono. Juste un porte-voix pour les conteurs, mais il vaut ce qu’il vaut…
Et puis ils décident d’allumer les feux. Il y avait déjà un petit feu qui brûlait tranquillement dans un coin. Et déjà tout petit, avec le vent qui souffle, il envoie des braises de partout. Mais là, ce sont des brasiers qu’ils allument. De magnifiques pyramides de bois secs, qui s’embrasent instantanément. Et là, il n’est plus possible du tout d’écouter les histoires. Le vent envoie des tisons de partout, les gens vont dans tout les sens pour les éviter bref, tout semble converger vers un chaos complet. Absolument tout : la marée est montante. Plus le temps passe, plus la mer nous lèche les pieds, moins le monde a de place pour bouger. On essaie d’aller ailleurs, d’écouter d’autres conteurs, mais sans succès. Et finalement, la mer fait son office. Une vague un peu plus grosse, et nous pas assez attentif. On se retrouve les pieds trempés. Ça nous fait l’effet d’une douche froide, mais juste des pieds. La motivation en prend un coup. J’ai quand même le goût d’attendre encore un peu, je me dis que même les pieds mouillés on pourrait peut être écouter une ou deux belles histoires, que le monde finira bien par partir… mais Brigitte a froid aux pieds et elle veut partir. Je la comprends. Je me dis qu’au pire, on va se changer de chaussettes, on va prendre notre temps, pis on revient, il y aura moins de monde. On se dirige jusqu’à la voiture. Ploc. On monte. Ploc ploc. On ferme la porte. Flouch.
Soit cette vague est particulièrement grosse (dans ce temps là, habituellement, l’appellation est « tsunami ») soit on a claqué la porte un peu trop fort, et on a provoqué un orage vraiment énorme. On se réjouit soudainement de n’avoir que les pieds mouillés. A deux minutes près, c’était une douche intégrale. On part donc lentement et prudemment sous la pluie, bien content d’avoir deux minutes d’avance sur la masse de voitures qui se mettent à tourner dans tous les sens sur le parking. On a le choix entre une chauffeuse qui ne voit pas très bien la nuit sous la pluie, ou un chauffeur qui voit très bien mais qui est encore à faire ses armes. Ce sera finalement moi qui prendrai le volant, et je ramène la voiture sans aucun problème, mais en prenant tout mon temps, au grand dam de la file de voiture qui s’allonge de plus en plus en arrière.
Les essuies-glace sont à leur vitesse maximum, mais ils nous inquiètent. Ils donnent l’impression de ne pas vouloir rester encore très longtemps solidaires de la voiture. Je raconte à Brigitte la fois où ma mère a vu ses balais d’essuie-glace se mettre à nettoyer le capot de la voiture pendant une tempête de neige ; elle me raconte la fois où elle et sa sœur ont vu l’essuie-glace se décrocher et s’envoler… finalement, on baisse les essuies-glace d’un cran, et on ralentit encore un peu la vitesse pour faire plaisir aux gens d’en arrière.
Il ne nous reste que cent mètres. On tourne au dernier carrefour. Et là, stop. Plus d’essuie-glace. Au coup d’avant, ils essuyaient, mais là, ils n’essuient plus. Les cent derniers mètres se feront donc très très très lentement. On pense à la difficulté qu’on a eu pour trouver la maison le premier soir. On imagine ce qui se serait passé dans ses conditions. Probablement qu’on la chercherait encore…
Enfin… nous voilà finalement les pieds au sec, bien au chaud dans la maison. Une petite crème de pomme (genre de baileys, mais avec un petit goût de pomme très agréable) en jouant au scrabble, ça nous fera sûrement beaucoup de bien ! Et puis j’ai même réussi à débloquer les essuies-glace (qui s’étaient simplement bloqués l’un sous l’autre). Nous pouvons donc dormir l’esprit tranquille : nous pourrons rentrer, quelque soit la météo…
Et bien sûr, eh bien.. dès que je vois du feu, je ne peux pas m’en empêcher : je sors l’appareil photo !
J’ai cliqué sur la photo … mais pas de son. Dommage ! :-)