Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionAugust 27th, 2014
  • Je ne l’ai pas fait exprès. J’avais repéré les chutes de Tahquamenon avant de repérer la brasserie. J’avais même pris la décision d’essayer d’aller voir les chutes avant de savoir qu’il y avait une brasserie à côté. Je n’ai vu l’apparition du petit carré “Brasserie” sur google map que comme une confirmation qu’il fallait que j’y aille. Quand à la deuxième brasserie du jour, j’en parlerais un peu plus tard…

    Je me suis fait réveiller dans la nuit par quelques gouttes de pluie. Mais vue la quantité, je ne me suis pas inquiété. Je me suis juste dit qu’il faudrait juste que j’attende un peu avant de replier la tente. Quand j’ai commencé à avoir froid aux pieds et que j’ai compris qu’ils étaient mouillés, j’ai commencé à me dire qu’il faudrait peut être que je change ma tente… payé 50$ en 2001 dans un Canadian Tire, elle en a vu du pays. Elle est encore en très bon état, mais il semblerait que côté étanchéité, ça ne soit plus du tout une option. Peut être que je me contenterais d’essayer d’acheter un filtre imperméabilisant… ça reste encore à décider… j’ai donc pris tout mon temps pour démonter mes affaires, et les étaler au soleil -qui avait eu la bonne idée de revenir. Pas trop d’humidité, heureusement. Et le temps de prendre mon temps, d’écrire un peu, et de ne pas me presser, tout était sec prêt à plier. J’ai refermé le sac à dos, je l’ai jeté sur mon épaule, et j’ai pris la route. Onze heures du matin. J’ai eu une bonne nuit de sommeil, c’est parfait.

    Mon premier objectif, c’est la deuxième partie des chûtes. Les “upper falls”. Elles sont à six kilomètres d’ici. Il y a bien un sentier qui longe la rivière, mais le chemin annoncé est un peu plus long, et j’ai bon espoir de le faire en stop. Dans le doute, je marche quand même… et je fais bien. Vu que j’arriverais aux chutes sans que personne ne se soit arrêté.

    Je vais à la brasserie -oui oui, les deux sont adjacents- où je demande à poser mon sac le temps d’aller regarder les chutes. Quand on parle de Tahquamenon Falls, l’image que l’on voit le plus souvent est celles des “Upper Falls”. J’avais aimé les “Lower falls” mais elle m’avait laissé un petit goût de « il manque un tout petit quelque chose ». Le petit quelque chose de manquant a été rattrapé par les “Upper Falls” que j’ai trouvé absolument magnifiques.

    Je reviens vers la brasserie. J’ai marché six kilomètres ce matin, avec pas loin de 15 kilos sur le dos, ça donne soif. J’ai le droit à un petit tour de dégustation pour commencer. Un peu surpris par la bière à la cerise, pas excité plus que ça par les autres. Elles sont bonnes, mais sans grande particularité. Je me commanderais donc un verre de brune, avec quelques frites pour aller avec, parce que bon.

    Je récupère mon sac, retourne sur la route, avec une petite inquiétude. Je sais que ça va bien se passer, mais quand même… Personne ne s’est arrêté ce matin, ça serait bien que quelqu’un s’arrête cet après midi. Je n’ai pas le courage de marcher, alors je prends ça relaxe. Comme j’ai tout mon temps -les voitures sont rares, et ont tendance à accélérer quand elles me voient – je griffonne un “28” sur mon carnet. Assez gros. Je me dis que ça peut encourager les gens de savoir que je demande juste un coup de main d’une trentaine de kilomètres, pour rejoindre la 28.

    Je n’aurais attendu qu’une quarantaine de minutes quand finalement une voiture s’arrête. Le gars me demande ma destination finale. Je lui dis que je cherche à aller une trentaine de kilomètres vers l’ouest, sur la 28, avec dans l’idée de rejoindre la 77. Il m’embarque en souriant. C’est dans sa direction, et je fais donc un peu plus de 80 kilomètres avec lui. Il est sympa, s’appelle Jeffrey, et bosse dans la radio. Il a fait un petit détour sur la route pour rentrer chez lui, pour voir les chutes qu’il n’avait jamais vu avant. Je trouve qu’il a choisi le bon moment pour le faire, ce détour…

    Nous arrivons à Seney, là où nos chemins doivent se séparer. J’ai un petit moment d’hésitation. Lui, il continue vers l’ouest, dans la direction où je veux continuer aussi. Il pourrait me déposer un peu plus loin, ça serait une approche plus sûre. D’autant que la route que je veux prendre, la 77, ne doit pas voir beaucoup de trafic… mais la curiosité l’emporte. Et l’envie de dormir sur les rives du Lac Supérieur aussi. Je me lance donc pour l’aventure.

    Cette fois, je ne marcherais pas. Je préfère ne pas être mal pris au milieu de nul part. Les voitures passent au trois minutes environ. Mais comme on dit souvent en stop « il en suffit d’une seule, si c’est la bonne ». Pour moi, ça sera la troisième. Une fille sympathique, qui va jusqu’à Grand Marais, où elle travaille. C’est là où je veux aller. C’est parfait. Petite pause en route pour l’aider à décharger son épicerie chez elle, puis on reprend.

    Moi : C’est vraiment une jolie région par ici.
    Elle : Oui, je vais être triste de partir.
    Moi : Tu dois partir ?
    Elle : Je suis infirmière. Je dois aller là où il y a du travail.
    Moi : Tu ne travailles pas comme infirmière ?
    Elle : En ce moment, non, je suis serveuse. Dans une brasserie.
    Moi : Une brasserie où ils font de la bière ?
    Elle : Oui, à Grand Marais.

    Et c’est ainsi que quelques kilomètres plus tard, ma conductrice me servait d’abord un petit assortiment de dégustation, puis une ESB (Extra Special Beer). Pas si spéciale que ça, mais pas mauvaise non plus. Un peu plus intéressante que la Pale et la Brune. Et la bière aux bleuets étaient juste pas vraiment buvable…

    On a pu discuter un peu plus. Je lui ai demandé si c’était envisageable de camper sur la plage. Elle m’a dit qu’à son avis, il ne devait pas vraiment y avoir de problème. C’est un peu l’impression que j’avais.

    Je jette un oeil sur Google Map, vu que j’arrive à récupérer un petit bout de connexion internet. Ça a l’air tout à fait faisable en effet. Il suffit de s’éloigner un peu en marchant vers l’ouest. Je marche donc, et comprend très rapidement pourquoi l’endroit s’appelle « Grand Sable Dunes ». J’avais repéré le nom sur la carte. Il était marqué d’un carré rouge. Comme un endroit qu’il faut voir. Alors j’ai voulu voir. Et j’ai vu. C’est absolument magnifique.

    J’ai continué de marcher sur la plage, jusqu’à un endroit tranquille, bien éloigné. Personne ne viendra m’embêter. Il n’y a pas d’arbres au dessus, donc rien qui me tombera dessus pendant la nuit. L’endroit est parfait. Je tasse les cailloux, installe la tente… et succombe à la curiosité. Je grimpe une dune, pour aller voir en haut… et je reste sans voix. Je ne regrette pas. Une fois de plus, ça me permet de découvrir un recoin de toute beauté. Je ne m’y promènerais pas. Je me contente de regarder.

    pano_dunes

    Je reviens à la tente, me prépare à manger sur fond de coucher de soleil. J’ai quand même un petit doute… dans mes souvenirs, le lac Supérieur n’a pas de marée… mais quand même… je ne suis pas si loin que ça de l’eau… j’ai placé des repères il y a un moment déjà. A priori, c’est bon, je suis à l’abris… j’aimerais éviter de me réveiller au fond du lac si possible.

    Je n’ai que le bruit des vagues pour me tenir compagnie. J’ai toujours du mal à me retrouver tout seul à la nuit tombé. J’espère que le monstre que l’on voit sur les pictogrammes d’Agawa Rock, sur la rive nord du lac, et qui empêche Sally de s’endormir le soir, j’espère qu’il ne me rendra pas visite… je reste un humain social, qui aime bien avoir d’autres humains pas trop trop loin de lui quand toutes les lumières s’éteignent. Surtout que moi, je n’en ai pas de lumière… il faudra que je me décide à acheter des piles pour ma lampe frontale… ça m’aidera à me sentir mieux je pense…

    Pour cette nuit, je devrais faire sans et être un grand garçon. J’y arrive, parfois. Je n’aime pas tout le temps ça. Alors je ne me force pas trop… un peu quand même. Parce que j’imagine déjà le ciel étoilé auquel j’aurais le droit dans quelques temps, et la vue à mon réveil demain matin et je me dis que quand même, ça en vaut la peine !

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