Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJuly 10th, 2022
  • Et donc, en effet, finalement, j’ai pu intégrer mon nouveau chez moi. Je devais faire un post pour marquer mes un mois à Montréal. Pour marquer mon emménagement. Et aussi les 5 ans de ma première maison à roulettes. Cinq ? Des fois c’est compliqué, je me perds dans les années. Mais pourtant, c’est bien ça !

    Outre le fait qu’avant ça, ça faisait déjà plus d’un an que je n’avais plus un habitat « normal » (dans le sens où je n’avais pas d’habitat du tout en fait, vu que j’étais sur la route…). Le concept d’habiter dans un appartement, pour lequel je dois payer un loyer est rendu, il est vrai, un peu surprenant. Il y a eu un micro moment en septembre l’année dernière… mais par simplification narrative, on fera comme si septembre 2021 n’avait pas existé.

    Et puis finalement, je n’ai pas pu faire ça à la date prévue. On était mercredi soir ; veille de mon emménagement. Jour de reprise de mes cours d’apnée. Ça aussi ça fait longtemps ! Mais quel bonheur de se retrouver à nouveau dans une piscine, de se retrouver à barboter. Enfin ! Avec les palmes au bout des jambes ! J’avais eu le temps de m’inscrire en septembre dernier, puis d’annuler les cours avant de rentrer en France (vous comprenez pourquoi je dis que c’est beaucoup plus simple narrativement parlant d’oublier septembre ?). Mais cette fois, c’était la bonne. Recommencer à faire des allers-retours de fond de piscine en admirant les joins entre les carreaux du carrelage. Ça faisait longtemps que j’avais pas nagé. J’étais en meilleur forme que je pensais. Mais j’ai quand même fini plus fatigué que prévu.

    Le jeudi, j’ai donc pu emménager dans mon appartement. Déménagement en trottinette, un gros sac à dos sur le dos. Et un peu courbaturé par mes exploits de la veille. Et puis le vendredi, les courbatures se sont un peu calmées. Et le samedi, elles sont revenues. En force. J’avais mal dormi, j’étais assez fatigué… et j’ai fini la journée en ayant mal de tête, et en étant épuisé. Sans vraiment y croire, je me suis dit que j’allais faire un test covid, juste par principe. Ça me paraissait plus raisonnable vu que je parle à beaucoup de gens tous les jours dans le cadre de ma job. Et à ma grande surprise, le test est finalement sorti positif ! Quelle belle façon de célébrer mon nouvel appartement que commencer par dormir plus de 36 heures au cours des deux jours suivants. Puis à me reposer encore. Et à dormir encore. Le timing était plutôt pas mal. J’étais quand même plutôt bien installé. Heureusement. Parce que pendant cinq jours, j’ai pas été des plus fonctionnels. Je me souviens pas avoir déjà été malade pendant quatre jours d’affilé… et pourtant, fallait bien que ça m’arrive au moins une fois (bon, pour contre balancer, j’ai décidé que je ne serai plus malade avant 2024, parce que faut pas exagérer).

    Je tombe très rarement malade (une fois aux deux ans environ). Et presque à chaque fois, il y a une raison symbolique en arrière. Cette fois n’y échappe pas ; outre le fait que le virus a choisi le moment où j’étais le plus fatigué (et où théoriquement ça allait commencer à s’améliorer), il y a aussi toute la symbolique de « tourner la page sur le passé ». Et quoi de mieux qu’un bon coup de covid pour marquer ça comme il faut ?

    Et donc, après cinq ans de maisons à roulettes, je suis de retour dans un appartement classique. La bonne nouvelle, c’est que je me sens chez moi ; ce qui était loin d’être gagné si on considère que j’ai quitté une habitation absolument parfaite, construite par moi-même, et sur mesure. Clairement, je n’étais pas « chez moi » dans ce studio où je n’ai même pas eu le temps d’habiter en septembre. Mais là, oui ; je me sens chez moi. Il y a pourtant beaucoup de choses perturbantes après ces années de minimalisme. Bon, déjà, je dispose d’une place gigantesque (pas loin de 30m2 à vue d’oeil). Rien que ça… je me demande quoi faire de tout ces espaces vides ! J’ai une penderie (oui oui, je peux accrocher mes vêtements, je ne suis pas obligé de tous les rouler !). Je peux marcher d’une pièce à une autre, j’ai un grand lit… c’est marrant comme toutes ces choses parfaitement normales… je peux m’amuser à les redécouvrir.

    Et ce que je retrouve, avec autant de tristesse que de douceur je crois, c’est l’abondance. Ici, tout est abondant. J’ai toute la place que je peux rêver d’avoir. Je peux laisser trainer des choses, mon nouveau frigo pourrait contenir sans problème le frigo du chamion, je n’ai pas à réfléchir à l’espace. Et je ne pense plus l’espace que j’habite en 3D. Je suis repassé en 2D. Pas besoin de penser en terme de volumes ; pas besoin d’optimiser les rangements dans la hauteur. Abondance de rangements… et donc d’affaires. La locatrice précédente était française, et rentrait en France. Elle vendait tous ses meubles, plus tout son équipement au moment de partir. J’ai des assiettes ! Je vivais sans assiettes (et sans problème) dans mes maisons à roulettes. J’ai trop de choses. Des trucs inutiles qui ne me serviront jamais. Un fer (et une table) à repasser. Un four micro onde (mais pour quoi faire ?) et même une spatule en forme et couleur d’oeuf… sans doute pour si je fais des oeufs au plat ? Pourquoi avoir deux passoires ? Et un cuiseur à riz ? C’est vraiment une sensation étrange de découvrir ce qui semblait « essentiel » à la locatrice précédente. Tout ce qu’elle a ressenti le besoin d’acheter pour pouvoir vivre ici. Petit détail amusant quand même : j’ai été très surpris de découvrir ici l’ensemble de couteaux que j’ai à bord du Chamion ! Explication fort simple, en réalité : c’était un achat Ikea quand j’avais un appartement à Lyon ; il y a aussi des Ikea à Montréal ; j’ai donc une continuité de couteaux !

    Mais en vrai, ça n’est pas l’abondance de volume ou de biens matériels qui est la plus dérangeante. C’est l’abondance d’énergie. J’ai de l’électricité sans contrainte ; sans limite. Je n’ai pas à penser aux horaires de fonctionnement du frigo ; je n’ai pas à anticiper la charge de mon ordinateur dans la journée pour que la batterie tienne toute la nuit. Je n’ai pas à couper l’électricité parce que j’ai passé les trois derniers jours à l’ombre d’un arbre ou parce qu’il y a eu deux jours de pluie. Je n’ai jamais trop vécu mes limitations électriques comme un inconfort dans le Chamion. Ça faisait partie du jeu. De mon mode de vie. Penser à charger l’ordinateur dans l’après midi pour ne pas payer de loyer pendant 5 ans ? Ça me va. Mais soudain, voilà… j’ai à nouveau toute l’électricité que je souhaite, sans avoir à réfléchir. C’est fou comment les habitudes disparaissent vite. L’ordinateur qui reste en veille la nuit plutôt que d’être éteint. La lumière que je laisse allumer parce que je reviens dans la pièce dans deux minutes…

    Quand à l’eau, n’en parlons pas… le covid a bien aidé à faire exploser ma consommation, dès les premiers jours. Parce que quand je suis malade, j’ai besoin de prendre un bain. Chaud. Qui dure longtemps… en une soirée (donc un long bain avec les re-remplissages que ça implique) je consomme ce que je consomme d’habitude en un mois je pense ? Peut être même plus… c’est fou comment le simple fait d’avoir à nouveau tout à disposition, en abondance, fait que l’on oublie la valeur de ces choses. Il n’y a pas plus d’eau qu’il y a un mois et idéalement il faut toujours économiser l’énergie… mais c’est tellement facile…. dans le Chamion, je faisais des « efforts » pour économiser eau et électricité, parce que ça me demandait encore plus d’efforts de refaire les stocks. Mais là, maintenant, alors que tout est si facile d’accès, pourquoi se forcer ? L’impression d’abondance génère une impression d’infinité. Et à partir de là, pourquoi se priver, pourquoi se rationner ?

    Depuis cinq ans, j’ai principalement utilisé des toilettes sèches. J’avais tiré trois chasses d’eau avant d’arriver à Montréal (trois chasses d’eau en 5 mois, je trouve que c’est une belle performance !). Je me suis habitué aux toilettes sèches, pour découvrir qu’en réalité, c’était confortable et agréable à utiliser. Et puis ça permet de produire du bon engrais et du bon compost ! Mais bon… tout ça, c’est en pause pour une durée indéterminée. En attendant, j’ai recommencé à faire pipi dans l’eau potable !

    2 commentaires

    1. Commentaire de Bernadette Suchod

      Des photos, des photos ! On veut des photos !

    2. Commentaire de Kaly

      Très intéressante ta réflexion sur la consommation, matérielle ou énergétique. Je pense que la consommation « machinale » de la majorité des gens, c’est ce qui aide à perdurer ce qu’on appelle maintenant néolibéralisme : on a tous un besoin vital de ceci ou de cela, alors on bosse pour l’obtenir, sans avoir de recul ou de vue élargie sur tout ce que ça implique.

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