Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJuly 17th, 2022
  • L’histoire d’amour entre le Québec et le cirque est une histoire qui remonte assez loin dans le passé ; difficile, bien évidemment, de ne pas mentionner le Cirque du Soleil, fondé en 1984 par Guy Laliberté et Daniel Gauthier. Après tout, le Cirque du Soleil a contribué à transformer la pratique circadienne au niveau mondial (bye bye les animaux, enfin !). Et, de mon point de vue [on ne peut plus biaisé on est bien d’accord] j’aurais assez facilement tendance à la voir comme la compagnie de cirque la plus connue dans le monde.

    Mais réduire le cirque québécois au Cirque du Soleil, c’est comme réduire la gastronomie québécoise à la poutine, le Québec à Montréal et Montréal au Plateau.

    [Shena Tschofen, roue Cyr]

     

    La deuxième compagnie de cirque dont j’ai entendu parler, c’est le Cirque Éloize (patois acadien signifiant « éclair de chaleur »). Fondée en 1993 par Daniel Cyr (oui, comme dans « roue Cyr »), Claudette Morin et Jeannot Painchaud. C’était dans une vie antérieure, dans les années 2005. J’étais alors graphiste, je travaillais avec Claude Gauthier sur un projet de livre de photos, et il m’a présenté Yamoussa Bangoura. Il faisait alors de la soie aérienne pour le Cirque Éloize.

    [les 3 Géants, CIrque Éloize]

     

    Et surtout, Yamoussa avait besoin de l’aide d’un graphiste pour lancer sa propre troupe : Kalabanté. Kalabanté dont l’objectif était (est toujours) de financer la construction d’une école de cirque en Guinée pour sortir les enfants de la rue… Yamoussa que j’ai recroisé dans la rue (et il m’a reconnu, ce qui fait toujours plaisir) lors de la performance de Kalabanté dans le cadre de Montréal Complètement Cirque… et quelques jours après lors d’un spectacle du festival Nuits d’Afrique !

    [Production Kalabanté]

     

    Et puis j’ai découvert le collectif « les 7 doigts de la main » (fondé en 2002 par Isabelle Chassé, Shana Carroll, Patrick Léonard, Faon Shane, Gypsy Snider, Sébastien Soldevila et Samuel Tétreault ; oh ! ils sont 7 !). Lors de leur spectacle « Trace » au Théâtre Corona (si si, mais c’était y a longtemps ; et d’ailleurs, il existe encore…). Et c’est vraiment là que je suis tombé amoureux. Comment expliquer…

    [Aude Art, équilibres] 

     

    Le Cirque Éloize reprend le côté onirique et féérique du Cirque du Soleil. Des couleurs chatoyantes ; des costumes flamboyants. C’est magnifique, à n’en point douter. Les 7 Doigts ont déconstruit tout ça. Leur univers est plus industriel ; souvent post-apocalyptique (comme dans Trace, justement). Les costumes disparaissent presque complètement, au profit de la performance, et uniquement de la performance. Comment expliquer que dans chacun de leurs spectacles je ne peux m’empêcher de voir tellement d’espoir… et encore plus aujourd’hui, alors qu’il est de plus en plus facile d’imaginer la société s’effondrer un de ces jours. Même dans la grisaille, même dans la poussière, même dans le dénuement le plus complet, la créativité reste là. La beauté est toujours au rendez-vous. Et l’Amour continue d’unir tout ça. L’Humanité restera toujours capable de réaliser des choses magnifiques ; il sera toujours toujours toujours possible de s’émerveiller. Et de rêver. Je ne sais pas si c’est le message que souhaitent transmettre les 7 Doigts ; mais c’est celui que moi je reçois.

    [les 3 Géants, les 7 Doigts de la main] 

     

    Évidemment, il faut aussi mentionner l’École Nationale de Cirque. Fondée en 1981. L’une des écoles de cirque les plus réputées en Amérique du Nord (dans le monde ?) qui contribue aussi fortement à mettre le Québec sur la carte du cirque mondial. Avec tout ça, il ne manquait pas grand chose pour compléter le rayonnement international de Montréal dans le monde du cirque : la création de la Cité des arts du Cirque. Très vite rebaptisée TOHU (comme dans tohu bohu : pour évoquer “le bouillonnement des idées et des gestes, le désordre précurseur du renouveau ou encore le tumulte de la grande ville” » ). Un complexe qui regroupe le siège social du Cirque du Soleil, l’École Nationale de Cirque et une salle de spectacle dédiée aux arts du cirque.

    [Alex Paviost, straps aériennes]

     

    De mon côté, j’ai découvert la TOHU lors d’une Falla estivale. Oui oui, Falla, comme à Valencia en Espagne, là où j’étais quand le premier confinement a été mis en place ; tout est lié ! C’était d’ailleurs la TOHU qui m’a donné envie de découvrir Valencia (et c’est aussi une de mes photos de la Falla qui m’a motivé à faire ma toute première expo photo, et qui m’a encouragé à faire encore plus de photos sur le thème du feu).

    J’ai aussi découvert les spectacles de la TOHU, les abonnements pour voir plein de spectacles de cirque tout au long de l’année… j’étais définitivement conquis.

    [Zoé Schubert, straps aériennes] 

     

    Enfin… Montréal étant une ville de festival, la suite était évidente. En 2010, la TOHU, le Cirque Éloize, les 7 Doigts de la main, le Cirque du Soleil, l’École nationale de cirque et En Piste se regroupent, et donnent naissance au premier festival des arts du cirque à Montréal : Montréal Complètement Cirque. Oui, iels ont osé faire ça alors que moi je partais dans mon petit van sur les routes d’Amérique du Nord et que je n’ai pas pu y assister. Ni dans les années suivantes, puisque j’étais en Australie, puis en France, puis en Amérique Centrale, bref partout, sauf là où il fallait.

    [Enzo, cerceau aérien]

     

    Et finalement, cette année, pour la première fois, j’ai pu participer à Montréal Complètement Cirque ! Six mille photos plus tard, j’ai eu envie de parler de cirque à Montréal. Et de partager un peu mes clichés. Cette année, le festival se déroulait suivant trois axes :

    [Jesse Harris, mat chinois] 

     

    les 3 géants : trois immenses structures, réparties dans trois endroits de la ville, où le Cirque Éloize, les 7 Doigts et Machine de Cirque présentaient deux spectacles quotidiens ;

    [les 3 Géants, Machine de Cirque] 

     

    la piétonisation de la rue St Denis dans le quartier latin avec l’installation de plusieurs lieux pour permettre aux artistes de performer ;

    [Naomi, contorsion]

     

    des spectacles en intérieur payants, auxquels je n’ai juste pas eu le temps d’assister (revoir axe 1 et 2) mais je me rattraperai dans mon soutien à la culture avec la progra de la TOHU.

    [Sabina Arizmendi, soies aériennes]

     

    Montréal, c’est un enchaînement de festival. En été, on pourrait mentionner les Francos, Mural, le Festival de Jazz, Nuits d’Afrique, Zoofest, Juste pour rire, Fierté Montréal, Présence Autochtone, Mutek pour les plus connus. Et il y en a encore plein d’autres. Festival d’humour, festival de musique, festival de nourriture, festival de photos…

    [Sam Renaud et Louis Joyal, contact]

     

    Mais Montréal Complètement Cirque… est juste le meilleur festival de tous les temps ? (même si son titre sera remis en jeu fin aout avec le FAR – Festival des Arts de la Ruelle). Parce que déjà, des festivals de musique ou de nourriture, il y en a plein. Des festivals de cirque, qui vous permettent d’assister gratuitement à des spectacles de cirque aussi exceptionnels que les 3 Géants (on parle de troupes mondialement connues quand même…) je n’en connais pas d’autres.

    [Suzie Qu, drag + trapèze]

     

    Surtout, c’est un festival qui ramène le cirque dans la rue. Avec des artistes exceptionnel.le.s. La boucle serait-elle bouclée ? Le Cirque du Soleil (fondé par deux performeurs de rue) a ramené ce genre de performance dans des chapiteaux ; Montréal Complètement Cirque les fait ressortir ? Toujours est-il que les artistes présentent leur numéro à quelques mètres de vous. Qu’iels sont là ; que vous pouvez aller leur parler à la fin de leur numéro. Que vous pouvez échanger avec elleux. Et les remercier pour tout ces moments d’émerveillement. « L’Artiste » (avec sa majuscule) redevient un être humain, avec qui on peut parler, rire, sourire ; partager… et c’est tellement agréable… vivant… humain !

    [Yan et Charlotte, contact]

     

    Quand aux déambulations, où cette fois les acrobates se réapprorient la rue, en grimpant sur les structures urbaines et les bâtiments… quand on vit en ville, on oublie souvent que la ville nous appartient. Que la rue est à nous. On marche en évitant les autres, en essayant de ne pas mourir écrasé sous les rues d’une voiture, et en contournant tout ces obstacles. Utiliser le mobilier urbain comme un terrain de jeu (oui, ça manque encore de Parkour à Montréal, mais ça s’en vient), prendre possession de la rue (que j’aime tes murales, Montréal !), et ne pas seulement la traverser… c’est au programme de beaucoup d’événements ici ; mais c’est particulièrement visible pendant Montréal Complètement Cirque. Et c’est sans doute l’une des raisons pour laquelle j’aime autant cette ville. C’est un immense terrain de jeu, qui appartient à ses habitant.e.s.

    [Collectif Pieds Serrés, déambulations, acrobatie, contact]

     

    (Et pour la petite anecdote, j’ai reçu un courriel de la TOHU pendant que je rédigeais cet article : « Planifiez votre été cirque! : Cet été, il y a en pour tous les goûts à la Destination TOHU! Découvrez nos forfaits par thème. » la publicité ciblée avec un ton timing, toujours aussi efficace !).

    Un commentaire

    1. Commentaire de Iris

      Elles sont belles tes photos ! Wow, ça donne tellement envie…
      J’ai prévu d’aller voir la troupe Zirka en Dordogne fin août. Il s’agit d’une troupe venue d’Ukraine qui propose des représentations de cirque en France. Zirka signifie étoile en ukrainien. Leur projet est superbe, si jamais ils passent au Québec ne les rate pas !
      Ah et puis un peu hors sujet, j’ai découvert récemment Tash Sultana (honte à moi je crois) grâce à une chouette nana dans une auberge de Bordeaux qui passait sa musique au petit déj. Elle était en tournée au Qc y’a pas si longtemps. Je ne sais pas si tu as eu l’occasion de l’écouter, personnellement j’aime beaucoup. Tu me diras.
      Contente de voir que tu vas bien et que tu retrouves Montréal. Des bisous !

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