Je retrouve Sara à une station de métro, et elle nous emmène une autre couchsurfeuse en voyage et moi-même, au restaurant où on se retrouve une quinzaine. Les choses ont été négociées à l’avance : on aura le droit à un assortiment de tout plein de choses différentes. On se régale. C’est bon, et c’est abondant ! Étrangement, si la cuisine chinoise s’adapte énormément d’un endroit à l’autre du globe, la cuisine thaïlandaise semble la même à Oakland qu’à Montréal. J’ai un peu du mal à m’intégrer au début, je fais plus écouter que parler, mais finalement les gens sont super accueillants, et viennent me chercher puisque j’ai du mal à aller vers eux. Je parle de mon voyage, de ce road trip complètement fou à travers les états-unis. Le monde est impressionné et jaloux… c’est étrangement agréable : habituellement, je suis celui qui jalouse les autres couchsufers pour leurs voyages. Pour la première fois, c’est moi qui vient de faire quelque chose de mythiques que les autres auraient voulu faire. Mes autres voyages étaient plutôt « classiques » après tout. Je commence petit à petit à réaliser, à prendre la mesure de ce que j’ai fait. Il me faudra du temps, je pense, pour vraiment comprendre. Le monde autour de moi réalise beaucoup mieux que moi semble-t’il. Ce qui me met la puce à l’oreille, c’est la remarque de Jane : « je suis content de t’avoir rencontré ; tout le monde parle de roadtrip, on en voit dans les films, tout le monde dit qu’il va en faire un, mais personne n’en fait jamais ; j’ai rencontré quelqu’un qui en a fait un, et qui montre que c’est possible ». Oui, ça fait quand même du bien à l’égo. Oui, c’est quand même appréciable, et apprécié. Ça aussi, ça aide à comprendre beaucoup de choses.
Ça me fait du bien cette soirée avec tout ces gens ; c’est ce que je recherche sur couchsurfing. Non pas un hébergement gratuit, mais des gens. Là, c’est fait ! J’ai quelques contacts, des personnes avec qui je me suis bien entendu, que je pourrais revoir. Jane, justement, et en vacances mardi-mercredi-jeudi. On se reverra donc, deux jours après. La soirée se termine, je rentre tranquillement à l’auberge de jeunesse, me reposer un peu après toutes ces aventures !
La route vers Muyr Woods
Côté météo, j’ai été des plus chanceux : une soirée avec un petit crachin à Washington, et une énorme averse qui a suivi toute la nuit, alors que l’on roulait au travers de la Virginie. J’avais l’impression que j’allais devoir affronter brouillard, nuages et température froide à San Francisco, mais ce ne fut pas le cas. Mardi fut la journée la moins belle : un ciel grisailleux, où le soleil a du mal à se faire remarquer.
Je me lève tôt. Je dois rejoindre Jane. Je monte dans le métro. Plus par curiosité qu’autre chose, je jette un oeil sur mon iPod : le métro de San Francisco est équipé d’un réseau sans fil ! Petit luxe des plus confortables et des plus appréciables. Par contre, le réseau ne semble couvrir que la zone de San Francisco. Quand on s’engage dans le tunnel sous la baie pour rejoindre Oakland, la couverture disparaît, et on ne la retrouve pas de l’autre côté.
Je retrouve Jane avec grand plaisir. Nous avons fait un marché : puisque l’on passe la journée ensemble, en échange je dois lui faire pratiquer son français. En fait, c’est extrêmement bizarre : j’ai pris l’habitude de parler en anglais. Comme elle même me parle en anglais, mon réflexe premier est de lui répondre dans la même langue. De temps en temps, elle me fait la réflexion, et je repasse au français. Elle a un bon niveau ; elle comprend très bien, et s’exprime plutôt bien également. Du coup, on passe tout les deux régulièrement d’une langue à l’autre. J’avais déjà vu des personnes faire ça, et ça m’avait impressionné. Je découvre que ce n’est pas si difficile que cela, quand on est en immersion complète.
Le programme du jour est simple : aller à Muyr Woods. C’est à 40 minutes de route d’ici, il est 9h30 du matin, on a donc tout notre temps. On y va en flânant, en s’arrêtant brièvement dans le quartier chinois d’Oakland pour compléter le pique nique que l’on a prévu.
Puis au détour d’une rue, on passe devant un bâtiment. Dessus, il est écrit « the Crucible ». Jane a vu mon profil sur couchsurfing ; elle a vu des photos de moi en train de cracher du feu. Elle se dit que ça pourrait m’intéresser : en fait, il s’agit d’un organisme à but non lucratif, spécialisé dans les formations autour du feu : ferronnerie, verre, etc… et surtout, orienté dans un contexte spectacles et événements. Les sculptures en métal sont conçues pour s’enflammer ; on a le droit à une petite visite rapide des lieux, avec un immense hangar où ils font des shows intérieurs. Ils organisent un festival de feu de quelques jours en juillet, et ils participent très activement au Burning Man. Difficile de ne pas penser à Louve dans ce temps là !
On reprend la route. Autre petite pause dans un marché de fruits et légumes pour finir de compléter. Je suis impressionné, à chaque fois, par les étalages de champignons. Les choix sont assez conséquents, et certains produits sont limite inquiétants. J’imagine que si ils les vendent, ils doivent être comestibles… pourtant je préfère ne pas prendre de risque ! Je ne ferais que regarder.
On s’arrête encore une dernière fois, dans un petit coin complètement perdu. Une petite péninsule, où quelques personnes viennent promener leurs chiens. En fait, c’est surtout un lieu de squat pour artistes sculpteurs. Ancien dépotoirs, les gens ont récupéré les vieux matériaux usagés, pour construire des sculptures en tout genre. Certains résultats sont incertains, d’autres sont tout simplement magnifiques. Je reste admiratif un long moment devant une statue de dragon, en métal et tuyau.
On est sur le bord de l’eau. San Francisco s’étale de l’autre côté de la baie. Le point de vue est magnifique, mais la grisaille empêche toute photo intéressante. Je fais aussi une ou deux tentatives sans succès sur le Golden Gate Bridge.
À un moment, j’entends un flap flap très prononcé. Un aigle nous survole à quelques mètres de distance. Je me retrouve soudain projeté en Colombie Britannique, et ressent à nouveau ce petit sentiment de grâce, l’honneur qui m’a été fait de voir un animal si majestueux.
Si le Golden Gate Bridge est le pont le plus connu de la région, c’est loin d’être le seul ; c’est loin d’être le plus long et le plus impressionnant, soit dit en passant. Il y en a quatre autres sur la baie. Le plus long, le San Mateo, fait quand même 11 kilomètres de long. Celui que nous prenons n’a pas de nom, mais il dure un bon moment quand même. C’est un pont typique de la région, à deux étages en sens unique. Très agréable quand on est en dessus, on a l’impression d’être dans un tunnel quand on est en dessous.
Muyr Woods
L’arrivée sur Muir Woods est magnifique. La région est très vallonnée et, pour une fois, les routes ne sont pas droites, mais font de beaux lacets. On arrive sur le parc par le haut de la colline. Les bois, eux, sont en bas, bien à l’abrit. On descend petit à petit, on s’enfonce dans des arbres de plus en plus grand, de plus en plus dense. On laisse la voiture, on part marcher. J’avais été fasciné par certains arbres en Colombie Britannique, mais là ça n’a rien à voir. Le climat, ici, est parfait pour eux. Les arbres s’étendent vers le haut sans jamais s’arrêter. Leur base n’est pas si impressionnante que ça comparée à leur hauteur. Pas si impressionnant, ça veut quand même dire des troncs de plusieurs mètres de diamètre. Mais ce sont des arbres très élancés. Majestueux.
On a de la chance d’avoir pu venir en semaine. Quand on voit le nombre de personnes présentes, on imagine facilement que ce soit l’horreur la fin de semaine. Après tout, le centre ville de San Francisco est à une demi-heure en voiture. En même temps, les gens se concentrent sur le fond de la vallée. On part faire une petite balade de deux heures, au cours de laquelle on ne croisera qu’une petite dizaine de personnes. J’avance au même rythme que Jane. C’est agréable de la voir aller, parfaitement consciente de tout ce qui l’entoure ; elle semble en parfaite harmonie avec tout cela. Mon harmonie à moi est différente, mais elle est là également. À plusieurs reprises, sans se concerter, on s’arrête un long moment. On ne fait que regarder, écouter, sans un bruit. La communion avec ces bois et des plus agréables. Ils sont si beaux… on monte sur le flanc de la colline ; la taille des arbres va en diminuant. C’est évidemment le contraire quand on redescend vers la vallée. Nous entrons dans « cathedral cove », l’une des zones les plus impressionnantes même si, pour moi, c’est la vallée toute entière qui est une cathédrale ; pas seulement cet emplacement.
Muyr Beach
Nous rentrons tranquillement vers la voiture. Il est 3h, on commence à avoir faim. On fait quelques kilomètres, le temps d’arriver sur le bord de l’océan. On s’installe sur la plage, pour pique niquer. Il ne fait pas très chaud, mais on reste quand même quelques temps, jusqu’à ce que j’aperçoive un dauphin dans les vagues. Il reste un petit moment avant de disparaître. Il n’est pas loin du tout du bord. J’hésite pendant un instant. Il fait froid, l’eau doit être encore plus froide, mais s’il y a un dauphin, il faut que j’y aille… je me dis que je cours à l’eau si il réapparaît ; finalement, sa discrétion m’évitera peut être un bon rhume.
The Golden Gate Bridge
Puis vient le tour de l’expérience touristique : la traversée du Golden Gate Bridge ! Évidemment, il y a un parking juste avant. On peut donc se garer, prendre tout notre temps, et même aller se promener dessus. Et c’est à nouveau la même réaction : « je suis en train de marcher sur le Golden Gate Bridge ». Si trois semaines avant on me l’avait annoncé… je ne l’aurais probablement pas cru. Tout ce voyage c’est fait tellement vite, que je n’ai toujours pas pris le temps d’atterrir ; les nouvelles expériences s’enchaînent à un rythme auquel même moi j’ai du mal à m’habituer. Il y a plusieurs points d’observation aux environs du pont. C’est d’ailleurs de l’un deux que je ferais le panoramique sur San Francisco. D’une autre place, on fait quelques photos « truquées » : exposition longue, effets fantômes, on s’amuse à faire des expériences.
Il fait nuit, mais il est à peine 6h. On s’en va donc en ville. Objectif : petit café ou bar sympa, pour discuter. J’en profite aussi pour montrer « quelques » photos à Jane. La soirée avance tranquillement, approche de sa fin. Dernière petite marche dans le quartier italien avant de rentrer se coucher. L’auberge de jeunesse m’attend toujours. Avant de partir, je dis à Jane que j’envisage d’aller faire un tour à Alcatraz le lendemain. Elle n’y est jamais allée. Si la météo le permet, et si on a le temps, on ira peut être y faire un tour. On verra ce que propose le lendemain !