Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionMarch 6th, 2016
  • J’ai oublié ma flute. Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. La dernière fois, c’était il y a trois mois, dans un taxi à Merida. La fois d’avant, quatre mois plus tôt, en partant pour le rêve. Cette fois, c’était à l’hotel, à El Remate. Je m’en suis rendu compte dans le colectivo nous ramenant à Santa Elena. J’ai donc laissé Lilou à l’arrivée, pour refaire une heure de bus dans un sens, récupérer elle et refaire une heure de bus dans l’autre sens. J’ai aussi joué les débutants avec le colectivo. D’abord la veille, quand on a accepté de payer avant de monter. C’est la garantie que vous ne paierez pas le même prix que les locaux. Puis le matin même en demandant le prix avant de monter. C’est aussi la garantie que vous n’aurez pas le même prix. Pour mon quatrième voyage, j’ai fait ce que l’on fait toujours d’habitude. Monter sans poser de question. Si nous avons payé 25Q chacun le premier trajet, que j’ai payé deux fois 15Q mon aller-retour, j’ai finalement payé le 10Q normal pour mon dernier trajet.

    Nous avions commencé la journée avec pas mal de marge, sachant que nous aurions entre 4 et 6 heures de route jusqu’à Rio Dulce, et que l’idéal serait d’arriver vers 17h au plus tard. Le prochain bus partant pour Santa Elena à 14h30, nous avons vite compris que ce n’était pas gagné. J’ai appelé Aska, je lui ai dit que nous arriverions vers 18h30, et je lui ai demandé de nous envoyer une lancha privée. Je connais le coût de l’opération, mais hors de question que je dorme à Rio Dulce. La ville est tout sauf inspirante, alors que ma maison sera à deux pas…

    Je l’ai constaté, et moi-même affirmé à plusieurs reprises, l’Amérique Centrale n’est pas un endroit où il faut être pressé. Et d’habitude, je ne le suis pas. Mais là, je sais que quelqu’un nous attend. Et que j’ai déjà fait trois heures de route ce matin. Et que j’ai hâte d’arriver. Du coup, je suis un peu grumpy quand le bus se décide à décoller à 15h10. Je sais déjà que nous serons en retard, alors que nous ne sommes pas encore partis… la route est assez belle, mais oui, j’ai hâte d’arriver. J’admire un peu le paysage, je discute avec Lilou, réfléchit à mes projets… je dois quitter le Guatemala dans quelques jours. Aucune idée de pour aller où !

    Nous arrivons à Rio Dulce à 19h44. Perico nous attend à la descente du bus, nous emmène à toute vitesse jusqu’à son bateau. On décolle. Le stress disparait. La fatigue disparait. Le Rio Dulce me souhaite la bienvenue. Je suis de retour sur l’eau. De retour sur une lancha. De retour dans cette terre pleine d’amour. Nous traversons la nuit à toute vitesse. Lilou a les yeux fermés. Nous n’échangerons presque aucun mot.

    Et puis nous sommes arrivés. Le ponton. La petite hutte des hamacs. La grande hutte pour faire du yoga pour certains, pour faire de la danse et du didgeridoo pour d’autres. Maison !

    Lilou m’a posé la question, quelques temps plus tot. C’est l’une des questions auxquelles je répons plus ou moins régulièrement. « Ça ne te dérange pas de ne pas avoir de maison ? De chez toi ? ». Non. Parce que Gaïa est ma maison. Que la terre est mon terrain de jeu. Et que je sais faire ma maison rapidement, en de nombreux endroits. Après quelques jours au Day Tripper à Tulum. Dans ma tente, quand je l’avais encore. Et à Hotelito, il n’y a pas si longtemps de ça. Plus je voyage, et plus j’arrive à avoir de longues périodes sans point de repères. Ce voyage relève du challenge à ce niveau là. Le van de Laurie n’a jamais été ma maison. C’était la sienne. J’étais bien à Chetumal, mais pas assez bien pour m’y sentir chez moi ; trop en déconnexion avec l’univers environnant. Pas encore habitué à l’Amérique Centrale, je pense. Et je n’avais pas envie de faire ma maison à la Iguana. Cinq semaines à me sentir chez moi sur près de six mois, ça n’est pas beaucoup ! Trois nuits dans une chambre juste à moi en l’espace de 6 mois (la dernière plus de trois mois en arrière), c’est encore moins. Je redéfinie mon espace, mon appartenance, mon intimité, ma vie privée. Je la redéfinie, ou j’apprends à vivre sans. Difficile de savoir, au final. Voyager est toujours source d’apprentissage. De nouvelles expériences. Je me demande qu’elles vont être mes limites. À quel moment je vais vouloir m’enfermer dans ma bulle, dans ma chambre, et ne plus voir personne. Juste moi, et personne d’autre. Nous avons été beaucoup dans notre bulle, avec Lilou. Après tout, on ne s’était pas vu depuis six mois. Et nous n’avons aucune idée de quand nous nous reverrons la prochaine fois. Alors on profite de la présence de l’autre au maximum ! Un peu coupé des autres, certes, mais j’ai passé tellement de temps à rencontrer tellement de monde que ça fait du bien d’arrêter un peu. Même si ça ne me ressemble pas tant que ça !

    Quand Laurie est arrivée à Tulum, j’ai eu plaisir à lui faire visiter l’endroit où je vivais. Quand Céline est venue me rendre visite à la Iguana, puis Eva, et quand j’y suis ensuite retourné avec Lilou, je leur ai montré un endroit que je connaissais… Arrivé à Hotelito, j’ai hâte de faire visiter à Lilou. Tant de choses à lui montrer, à lui raconter… oui, je suis chez moi ici. Et je vais probablement revenir pour un bon moment dans quelques temps…

    Nous arrivons dans la salle commune. Tout le monde est encore à table. Je retrouve Tang, un volontaire arrivé quelques jours avant mon départ et qui refuse de partir. Aska est là aussi. Je la serre dans mes bras, toujours heureux de la voir. Nous nous asseyons autour de la table. Tous les invités sont là. Nous sommes une dizaine. Tout le monde se parle, échange, discute. L’ambiance est toujours la même. Familiale, pour de vrai. Les générations se mélangent. Les groupes s’ouvrent. Je suis dans le même boost d’adrénaline que Lilou. Un pic d’énergie des plus impressionnants. Il nous faudra un moment pour retrouver notre calme. Le plaisir de se prendre la jungle de plein fouet…

    Nous sommes restés quatre nuits à Hotelito. Une de plus que prévu. L’envie et le besoin de prendre ça tranquille après avoir bien couru. Et puis après Tikal, qui nous a tous les deux bien marqué. De mon coté, je commence à enregistrer le départ prochain de Lilou. Phase de transition… de son coté, Lilou se prépare à un autre 24 heures de trajet et 7h de décalage horaire. Alors oui, profiter de la tranquillité de la jungle nous va bien. Nous avons décidé de supprimer Copan de notre programme (une ruine sur la frontière, coté Honduras). Nous ne voulons pas le faire à la course. Nous avons la meme philosophie : mieux vaut voir moins, mais mieux ! Nous avons zappé une autre ruine possible. Besoin d’un break de ruines, à vrai dire. Alors nous profitons de la jungle. Nous faisons (à nouveau pour moi) la randonnée dans la jungle, passons une paire d’heures à Livingston, et discutons, comme d’habitude. Lilou me fait une ateba magnifique, avec des fils achetés à Chichi. Je ressemble de plus en plus à un hippy sorti tout droit de San Marcos. Ça m’inquiète ! (ou pas !)

    Je passe aussi beaucoup de temps perdu dans mes pensées. Mon visa expire inséssament sous peu. Je dois sortir du pays pour le renouveler. 72 heures minimum. Mais je n’ai pas envie de sortir du Guatemala. Même pour juste 72 heures. Alors j’hésite, incapable de prendre une décision. Je me dis que le 9, je serai dans un aéroport, et que ça sera peut etre l’endroit le plus simple pour choisir !

    Dans la balance ?

    – billet d’avion pour Cancun. Prendre plus de temps au Yucatan
    – bus pour Puerto Barios, puis bateau pour le Belize. Traverser le Belize, ressortir à l’ouest, et passer plus de temps à explorer le Peten.
    – bus pour San Christobal de las Casas, et prendre le temps de découvrir le Chiapas.
    – billet d’avion pour les États Unis. Prendre un mois pour explorer l’Arizona, le Nouveau Mexique, et essayer d’y trouver certains lieux et personnages de la demoiselle de l’Alaska.

    Les choix sont nombreux ; tous sont tentants. Sauf que je veux rester au Guaté.

    Nous quitterons Hotelito avec le même bateau de 6h, pour prendre le même bus de 8h pour Guaté. En descendant du bus, un chauffeur de taxi me regarde avec un grand sourire. « Pana ? ». Oui, presque deux mois plus tard, il m’a reconnu. Je lui fais un grand sourire, lui dit que non. Nous continuons sur Antigua cette fois. Avant de partir, j’ai confirmé à Aska que je reviendrai mi avril. Dans des conditions différentes que prévues… Dav n’est plus à Hotelito, ce qui explique la présence d’Aska. Elle l’a remercié après avoir découvert un certains nombre de problèmes… deux des volontaires ont été promus co managers et se partagent la paie. L’équipe tourne bien. Dans un premier temps, c’est ce que je ferais. Co manager. Ensuite, on verra. Manager à temps plein est un défi qui me tente beaucoup. Surtout ici !

    Au moment de partir, Aska m’a confirmé que je ne payais rien du tout pour mon séjour. Lilou n’a pas payé pour sa chambre, ni ses cafés et ses biscuits. J’ai eu une petite pensée pour la Iguana. Pour Dave et Deedle, et leur philosophie bien différente de celle d’Aska. Et je me suis considéré heureux et chanceux d’avoir croisé la route de Eva et, grâce à elle, celle d’Aska.

    Un commentaire

    1. Commentaire de La Feuille

      Bon il te reste toujours le Charbinat comme maison. Après tout ça fait deux siècles qu’une partie de ta famille y habite et tu dois bien y avoir quelques racines… Je concède qu’il n’y a ni volcans, ni temples Mayas, et que l’un des voisins est un con fini, mais ça reste une terre accueillante pour les exilés permanents et les joueurs de flûte !

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