Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionDecember 3rd, 2015
  • Rodrigo était sur le point de partir chercher de la nourriture avec sa soeur. De mon côté, j’étais en train de me préparer pour partir visiter les ruines d’Uxmal. J’ai tout de suite compris le problème. Mon gros sac à dos était là, mon petit sac aussi… mais il manquait un étui. Il manquait l’étui de ma flûte. elle n’était pas là. J’ai tout de suite dit à Rodrigo que j’avais un problème. J’ai tenté de visualiser. Je l’avais dans le bus, aucun doute. Mais après… après, je suis allé tellement vite, j’étais tellement fatigué… je m’imagine plutôt l’avoir oublié dans le taxi. J’explique la situation à Rodrigo. Je lui explique aussi à quel point elle compte pour moi. Ça fait quand même plus de cinq ans que l’on voyage ensemble. Il propose de m’accompagner au terminus d’autobus et à la station de taxis, voir ce qui est faisable. J’accepte avec reconnaissance. Je pourrais sans doute expliquer la situation en pataugeant. Et si ça n’était pas trop important, je l’aurais fait. Mais là, oui, je préfére qu’il m’accompagne pour servir de traducteur. Le passage à la station de bus est infructueux. Du côté des taxis, pas beaucoup plus de résultats. Ils sont deux compagnies à se partager le service. Une pour les chiffres du matin, une pour les chiffres du soir. On nous recommande fortement de revenir le soir, et un chauffeur pourra peut être faire un appel radio aux autres voitures. On verra bien…

    Je garde quand même mes plans de journées, et je prends le bus en direction d’Uxmal. Mais j’ai la tête vide. Je me sens complètement perdu. Et stupide. Comment j’ai pu l’oublier dans le taxi ? La réponse est évidente : j’étais fatigué et pressé. Au moment de sortir du taxi, j’ai entendu le chauffeur faire tomber mon sac, je me suis dépêché d’aller voir… j’espère qu’Uxmal arrivera à me changer les idées.

    Un peu plus d’une heure de bus plus tard, j’entre sur le site.

    Uxmal est situé dans la vallée de Santa Elena, dans le sud du pays de Puuc Hill. Colonisée dès 500 avant JC, Uxmal est devenu le siège politique et économique maya de la région Puuc entre le neuvième et le douzième siècle. À son apogée, la ville avait une population estimée à 25,000 habitants, dispersés sur un territoire d’environ 37,5 kilomètres carrés, à très fort potentiel agricole mais avec un manque criant de sources d’eau permanente (comme toute la région soit dit en passant). Les mayas ont donc entrepris un énorme travail de création de citernes, pour la conservation de l’eau de pluie.

    L’architecture d’Uxmal est l’un des meilleures exemples du style Puuc, qui se reconnait notamment par des décorations tridimensionnelles (des masques du dieu Chaac), des colonnes, le jaguar a deux têtes, et de nombreuses autres symboles que l’on retrouve un peu partout ailleurs, montrant la position centrale d’Uxmal aussi bien dans les échanges commerciaux que culturels pendant l’Ère Classique.

    La pyramide du magicien 

    L’un des bâtiments les plus imposants d’Uxmal, c’est lui qui nous accueille à peine arrivé sur le site. On arrive en découvrant sa face arrière, qui est déjà imposante, avant d’en faire le tour, pour découvrir sa face avant, et les autres bâtiments qui se cachent derrière.

    Le quadrilatère des nones 

    Derrière, ou plutôt devant, la pyramide du magicien, se trouve un ensemble architectural assez complexe, composé de quatre structures, avec des plateformes à différents niveaux. Chaque façade présente différents styles de design, en fonction des déités et des concepts représentés. La thématique de l’ensemble : le culte de la fertilité. Le bâtiment situé au nord est sans doute le plus important, car c’est celui situé sur la plateforme la plus élevée.

    L’accès au quadrilatère se fait par une grande voûte (une voûte de style maya, donc pas arrondie, car les mayas ne connaissaient pas la clé de voûte) au niveau de l’édifice sud. En face de la pyramide du magicien, donc, sur laquelle elle offre une vue magnifique.

    La façade ouest était décorée de mosaïques rendant hommage au serpent à plumes, à des guerriers, et au dieu Chaac.

    La forme de l’entrée, l’organisation hiérarchique des structures et les différentes élévations, ainsi que l’absence complète de vestige se rattachant à la maison, laisse suggérer que cet ensemble de bâtiments étaient associés au palais, et servait à des fonctions administratives. Les dirigeants et le conseil gouvernant tenaient probablement ses réunions ici ; rassemblement au cours desquels ils recevaient des dons et prenaient les décisions importantes de la vie de la cité.

    Le jeu de paume

    En sortant du quadrilatère et en se dirigeant vers le palais, on arrive sur le terrain de jeu de paume. Parce que c’est décidément un classique. Du pain et des jeux ? Sans doute un peu ici aussi.

    La grande pyramide et le pigeonnier 

    En longeant le palais par la face nord, à la limite des ruines que l’on peut visiter, on arrive à la grande pyramide. Celle de Uxmal fait 30 mètres de haut et 80 mètres de long (dans son grand côté, façade nord). En haut des escaliers, sur la plateforme, le « temple des macaw ».

    Au moment où j’arrive à la pyramide, un groupe est en train de la gravir. Je décide d’attendre un peu, et commence par faire un détour par le pigeonnier. Le bâtiment s’appelle comme ça à cause de sa forme. Il ne servait pas d’abris à pigeons.

    Je reviens ensuite sur une pyramide beaucoup plus tranquille, et j’attaque l’ascension. La vue d’en haut est absolument magnifique et j’arrive à en profiter un peu. Mais je suis quand même perdu dans mes pensées. Il y a quelques jours, j’affirmais à Eva « il n’y a que deux objets dont je ne pourrais pas me séparer en voyage : ma flûte, et mon pendentif ». Je suis en train de me rendre compte que non, ce n’est pas le cas. Je commence à faire le deuil de ma flûte. Je ne comprends pas pourquoi je l’ai oubliée. Je trouve ça étrange que ça se produise comme ça. J’ai l’impression que je vais la retrouver, et en même temps, je me fais à l’idée qu’elle ne m’accompagnera plus. Soirée contes sans elle ? Je préfère éviter d’y penser pour le moment…

    Et puis un groupe de lycéens arrivent. Avec la discrétion que seuls peuvent avoir des lycéens. Communiquant en hurlant, parlant fort, racontant tout et n’importe quoi et riant fort. Je me dis que je n’ai qu’à attendre un peu. Qu’ils finiront par partir. J’ai juste besoin d’un peu de patience. J’ai raison : ils commencent à partir. Et c’est le moment choisi par un deuxième groupe pour arriver. J’étais bien, là haut, tranquille sur ma pyramide, à discuter avec l’univers, à essayer de comprendre pourquoi ma flûte est partie. Mais là, avec tout ce monde, je n’en peux plus, et je préfère m’enfuir vers d’autres bâtiments.

    La maison des tortues 

    Le bâtiment d’après, au pied du palais royal, c’est la maison des tortues. Constituée de trois parties intérieures ouvertes, qui communiquent entre elles par des portes, la maison offre de belles perspectives, mais aussi de beaux points de vue, aussi bien sur le palais que sur la pyramide du magicien. Sur la corniche, en haut du bâtiment, des sculptures de tortues dont la carapace symbolise… la surface de la terre. Ami Pratchet…

    Le palais du gouverneur 

    Le dernier bâtiment qu’il me reste à voir. Il est construit sur une plateforme de 8 à 12 mètres de haut, de 187 mètres de long, et de 170 mètres de large. Le palais lui même fait 98 mètres de longueur et 12 mètres de largeur. Il était divisé en trois sections, séparées par de hautes voûtes (mayas). Sa façade présente certains des plus beaux exemples de sculpture architecturale que l’on peut voir chez les mayas. Des masques du dieu Chaac décore les quatre coins du bâtiment. Au centre, un trône majestueux, sur lequel pouvait s’asseoir le souverain. Autour du trône, des serpents et des masques de Chaac entrelacés. Le palais a été daté entre 900 et 1000 après JC.

    Il est impressionnant. Et, imaginant que son rôle était d’en imposer, il assure très bien à ce niveau. Une fois de plus, comme à chaque fois que je me retrouve en hauteur, ce sont les vues d’ensemble qui me fascinent le plus…

    Je me dirige vers la sortie, non sans en profiter pour regarder un dernier bâtiment, et pour dire au revoir à la pyramide du magicien.

    Je marche un peu rapidement. J’ai bien réussi mon timing : il y a un bus retour qui s’en vient bientôt. je remets mes chaussures avant d’attaquer le goudron. Uxmal est absolument délicieuse à découvrir pieds nus. Ce n’est presque que de l’herbe partout !

    Je suis encore un peu perdu dans mes pensées. En même temps, je suis soulagé. Je me demandais comment je réagirai si je perdais ma flûte. Il est toujours inquiétant de trop s’attacher à des objets… je me rends compte que j’accepte l’idée et que je peux vivre avec. Ou plutôt sans. Que ce n’est pas si pire, au final. Est-ce parce que je n’ai pas encore complètement réalisé et qu’en réalité je n’arrive pas à me faire à l’idée ?

    Les ruines étaient absolument magnifiques, mais je sais que je n’en ai pas profité pleinement. Je n’avais pas encore fini de digérer Ek Balam et ses cenotes. C’est à peine si je me remettais de mes plongées à El Pit et Dos Ojos. J’étais saturé d’émerveillement… et je me suis pris la perte d’elle en contre balancier. Plus le groupe de lycéens qui a assez bien réussi à démonter ma petite bulle… ce que je regrette un peu, car il est vrai qu’en dehors d’eux, les ruines étaient très tranquilles. Bref, je repars ravi par les ruines, mais quand même très mélangé intérieurement.

    Le bus me ramène au centre ville de Merida. Il est 16h. J’ai rendez-vous avec Rodrigo vers 20h, pour retourner voir les taxis, et tenter une dernière fois, quand même. En attendant, je décide d’aller me promener un peu en ville. De Merida, je ne sais absolument rien. C’est parfait. Je peux partir au hasard des rues, et voir ce que la ville a à offrir. La ville, justement, j’en parlerai dans le prochain post, vu que je lui ai aussi consacré ma journée du lendemain.

    Mais après avoir bien marché etavoir bien déambulé, j’ai retrouvé Rodrigo. On est allé parler à un chauffeur de taxi. Il a expliqué la situation. Il a fait un appel radio. Je n’ai pas compris la réponse, mais je l’ai vu sur son visage. Je l’ai lu dans la posture d’une autre personne qui était à côté. Ils avaient compris que ma flûte était très importante pour moi. Juste pour ça, ils partageaient un peu de mon inquiétude. Quand la deuxième personne se retourne vers moi, je devine à son sourire. Ce à quoi je ne m’attends peut être pas, par contre, c’est le commentaire. « Il est juste là bas, 50 mètres plus loin ». On y va. Il est là. Il ouvre le coffre. Je reconnais l’étui, au fond, sans la moindre hésitation. Il me passe la flûte. J’en ai les larmes aux yeux… j’ai appris que je pouvais me passer d’elle, ce n’est pas pour autant que j’en avais envie. Le soulagement qui m’envahit est énorme. Je remercie le chauffeur de taxi. Lui offre un immense sourire, mais aussi une récompense plus matérielle, parce que vraiment, il ne se rend pas compte, je crois… Je suis heureux de savoir que j’ai toujours ma compagne de voyage. elle  a simplement voulu faire un petit tour de son côté. Elle a bien le droit, après tout, non ? Je ne sais pas si elle a beaucoup profité du paysage dans le coffre du taxi, mais elle a l’air d’aller bien. Et moi, je suis on ne peut plus soulagé. Et j’ai retrouvé un sourire que j’avais eu un peu de mal à garder aujourd’hui !

    3 commentaires

    1. Commentaire de La Feuille

      La beauté des photos m’a donné envie de lire cette chronique en musique… Le choix d’une musique irlandaise reposante était parfait : Liz Carroll interprétant “a Day and an Age”. Sublime. Comme quoi le mix interculturel est tout à fait possible. Concert irlandais en pays Maya.

    2. Commentaire de Sébastien Chion

      Rien de tel que les mélanges culturelles. Aussi bien en musique qu’en cuisine que partout !

    3. Commentaire de Kaly

      “En effet en Inde nous allons retrouver la tortue portant les éléphants, comme dans la cosmogonie chinoise. Pour les hindous la création du monde revient au dieu Brahmâ. Un énorme serpent se mordant la queue est suspendu dans le vide de l’infini, symbolisant la course éternelle du Soleil dans le ciel. Sur ce serpent repose une tortue. C’est par elle que la force des cieux va se traduire dans le monde des réalisations. La tortue prend donc dans l’esprit de l’hindou le symbole de force et de pouvoir créateur. Sur cette tortue se trouvent des éléphants qui portent les trois mondes. Le monde inférieur des démons et de l’enfer, le monde intermédiaire des hommes et de la Terre, et le monde supérieur des dieux et de la félicité. C’est par la tortue que ces trois mondes existent, car elle est le lien direct entre l’univers et sa manifestation.”

      J’ai copié ce qui précède à l’adresse qui suit :

      http://www.cheloniophilie.com/Symbole/

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