J’aime beaucoup le Chamion. Cela ne surprendra sans doute personne. Histoire de me lancer quelques fleurs, je trouve qu’il est quand même bien pensé et bien organisé. Le fait d’avoir vécu dans une première version pendant presque une année m’a permis de bien réfléchir à tout ce que je voulais… et ne voulais pas. Il a bien connu quelques ajustements après un peu moins de deux ans, mais il n’y a pas eu de grands bouleversements. Le principal changement a été l’installation d’une cuisinière complète (rando + four + pizza = bonheur) et quelques ajustements au niveau de la gestion de l’eau. Cet hiver, il a vécu l’ajout d’un chauffage, que je ne regrette absolument pas. Il tourne très peu, mais parfois c’est agréable de passer les soirées à 19 plutôt qu’à 15 (ou qu’à 5, même si ce n’est plus trop le cas).
Le Chamion a été conçu pour être le plus autonome possible. Mais il n’a jamais été pensé pour être 100% autonome. Ni pour être stationné sur du long terme. C’est une maison AVEC roulettes. La partie solaire fonctionne bien. Il y a suffisamment d’heures de jour en ce moment pour me fournir suffisamment d’électricité pour mon quotidien. Je ne fais pas tourner le frigo en permanence, mais je ne conserve pas de produits qui on besoin de rester au froid (pas de viande par exemple). Donc même s’il fait très gris en ce moment, ce qui m’oblige quand même à surveiller un peu ma consommation d’électricité et à ne pas gaspiller inutilement, ça se passe quand même bien à ce niveau là. Pour le reste, il faut que je bouge de temps à autre. J’ai besoin de faire la lessive toutes les trois à quatre semaines. Et si je remplis souvent les cuves à eau avec un jerrycan -à condition d’avoir un robinet pas trop loin, en faisant des allers-retours- l’eau reste quand même le plus souvent la raison pour laquelle il me faut bouger le Chamion. La nourriture, en revanche, c’est beaucoup plus rare. Je fais une grosse épicerie de temps en temps pour bien reremplir les stocks, mais on trouve assez facilement des petites épiceries de dépannage dans les petits villages. Ou des boulangeries. J’ai trouvé tout ça à Ayerbe, mais vus les tarifs, je n’avais acheté que le strict nécessaire. Persuadé que je croiserai d’autres magasins (où acheter de nouveaux stricts nécessaires) par la suite. Sauf qu’à Riglos, des magasins, bin y en a pas. Et à Murillos non plus. Je peux étirer encore un peu les stocks s’il le faut ; mais quand il n’y a plus que des pâtes et du riz nature à manger, ça devient un peu vite ennuyeux. La conclusion s’impose : il faut que j’aille faire les courses.
J’avais prévu d’y aller le lundi ; la météo m’en a très vite découragé. J’ai donc attendu le mardi. Sauf que je n’avais pas forcément envie de bouger le Chamion. J’ai encore des randonnées à faire sur Riglos. Et puis j’aime bien l’endroit où je me suis installé. J’ai envie d’y rester un peu. Et dans ce contexte, s’il n’est pas possible d’aller faire les courses à pied, et que je n’ai pas envie d’y aller en Chamion, il ne reste plus qu’une option possible : prendre le train ! En voilà une idée qu’elle est bonne, non ? Et à nouveau, deux options possibles. Soit je prends le train pour Huesca, à 7h48, soit je prends le train pour Jaca, à 10h45. En soit, les horaires ont déjà choisi pour moi. En plus, Huesca, je connais déjà. Et pour aller là-bas, c’est juste une voie ferrée qui traverse la plaine. Alors que pour aller à Jaca, ça tortillonne dans tous les sens. Ça fait passer dans des magnifiques vallées de montagnes (j’imagine) notamment la vallée que j’ai remontée pour ma balade qui commençait par le lac de la Peña. Enfin, le train pour Jaca, c’est aussi un voyage vers le futur : Jaca, c’est à l’embouchure de la vallée qui mène au tunnel de Somport, pour rentrer en France, en passant par Pau. Et c’est très probablement par là que je continuerai par la suite. Donc ça me permet d’avoir un aperçu de la dite suite, et de me projeter un peu : est-ce qu’il y a plein de sommets qui me donnent envie d’aller voir, est-ce que je pense avancer plutôt vite ou assez lentement ? Bref, un aperçu « rapide » (une cinquantaine de kilomètres en un peu plus d’une heure, ça ressemble à mes performances en Chamion !) avant de revenir explorer plus en détail.
Je me rends compte que depuis que j’ai quitté Huesca, j’avance exactement à la vitesse qui me plait. Et j’explore exactement de la façon que j’aime : avancer un peu, explorer, regarder dans le détail. Avoir un aperçu de la suite, puis revenir un peu en arrière, compléter les trous. Voir un endroit depuis un point, puis le redécouvrir depuis un sommet. Une allure d’escargot, qui me permet de découvrir les moindres recoins de la région. À vol d’oiseau, je suis à 40 km de mon point le plus à l’est, le barrage de Vadiello, où j’étais… y a trois semaines ? Alors certes, la météo pas favorable me fait avancer encore moins vite que prévu… mais même moi je pensais pas être aussi lent ! Mais qu’il est plaisant de n’avoir aucune contrainte temporelle, et si peu de contraintes matérielles…
Et donc, j’ai décidé de prendre le train vers le futur, pour aller m’acheter à manger. Chouette programme, non ? Ce qui me plait d’autant plus, c’est que cette phrase (que personnellement je trouve très belle) fait parfaitement sens pour moi…
Je marche tranquillement jusqu’à la gare. J’ai bien vu qu’il n’y avait aucun guichet sur place. Comme j’ai la technologie dans ma poche, j’achète mon billet sur internet. Tout se passe bien, je passe à l’étape paiement… « désolé, votre train n’est plus disponible ». Je devine sans explication : impossible d’acheter un billet moins de 15 minutes avant le départ, le train part dans 14. Dommage.
Quand le train arrive, je monte, je vais voir le contrôleur, lui explique. Je n’ai plus de liquide sur moi ; plus que ma carte. Il tire un peu la tête, essaie de bricoler sur sa machine portable. Avant d’arriver à la conclusion qu’il ne peut pas me faire payer. Il s’en excuse. C’est assez étrange comment fonctionne l’esprit humain (ou au moins mon cerveau à moi ?). La Renfe offre des tarifs moins chers à l’achat de billets aller-retour. La sncf, de son côté, fait payer plus cher quand on achète un billet directement à bord du train. Je sentais venir le plan où j’allais sur-payer mon billet à bord, et je n’aimais pas l’idée. Et là, je me retrouve à voyager gratuitement. Sauf que je ne veux pas voyager gratuitement. Autant ça ne me dérange pas de ne pas payer à bord d’un Ouigo Paris-Lyon ou autre grande ligne, autant sur des petites lignes locales, clairement, je veux payer. Je veux que mon trajet soit enregistré. Comptabilisé. Chiffré. Statistiqué. Je veux que ces petits lignes perdurent, et je veux payer mon billet pour ça. Prendre le train est une revendication autant qu’un plaisir ! J’achèterai mon billet en arrivant à Jaca ; c’est pas grave. En attendant, je me pose confortablement dans mon fauteuil, et je me laisse aller à admirer le paysage. Et à faire des photos avec des tonnes de reflets.
L’avenir est plein de chouettes promesses, comme prévu. Comme prévu également, les paysages sont quand même un peu moins époustouflants que ceux de la Sierra de la Peña et de la Sierra de Guara. Il est probable que j’avance un peu plus vite quand j’arriverai à m’arracher à ces montagnes là (ça, c’est pas gagné !).
Et donc, j’arrive en ville. Il est midi. Mon train repart à 18h25. J’ai le temps.
De Jaca, pas grand chose à dire. La ville est au pied des Pyrénées, et je ne peux m’empêcher de lui trouver une certaine ambiance « station de ski ». Ça reste un peu vivant quand même. Du moins jusqu’à 14h. Ensuite, de 14h à 17h, plus rien, plus personne, tout est fermé.
En un peu plus de deux heures, j’ai fait le tour de tout le centre ville. Sauf erreur de ma part, je n’ai pas oublié une seule rue. Du coup, à Jaca, on trouve quoi ?
Une citadelle. La seule en étoile encore debout en Espagne.
Sans doute de beaux points de vue sur les montagnes autour, quand la météo veut bien (genre comme les Pyrénées sous la neige, parfois ; mais pas vraiment aujourd’hui) et un beau pont de vue sur la Peña Oroel, à qui j’irai peut être rendre visite aussi.
Et puis des rues ; et des façades. C’est moi, ou je fais de plus en plus une fixation sur les façades ? Je sais pas. Mais j’aime bien faire des photos de façades.
Il me reste encore du temps à tuer, même en ne me pressant pas ; mais l’heure du retour approche quand même. Je m’en vais donc faire quelques courses, sans trouver plus d’inspiration que ça. Mais c’est pas très grave. Ça devrait me permettre de tenir une semaine. C’est toujours ça.
Comme la gare de Jaca est fermée et qu’il n’est pas possible d’acheter un billet sur une machine, j’anticipe un peu, et j’achète mon billet avec la technologie. Un aller-retour. Aller Jaca-Riglos maintenant ; retour Riglos-Jaca demain matin. Voilà. Bon.
La gare fermée, ça veut aussi dire attendre le train dans le vent. Et le froid. Me rappelle pas avoir signé pour ça moi… enfin bon, on fera avec. Ou sans. On fera quoi.
Le contrôleur me sourit ; je regarde le paysage défilé dans l’autre sens. Oui. Clairement. C’est beau. Mais pas « aussi » beau. J’aurai du mal à m’arracher à mes montagnes, mais la route sera plus facile à faire après. L’itinéraire se met un peu à jour dans ma tête. Je calcule un peu. Je réfléchis. Ça semble avoir du sens tout ça…
Le train me dépose à Riglos. Les mallos sont toujours là ; de jour comme de nuit. Je refais les 15 minutes de marche (en montant cette fois) qui me ramène depuis la gare. Je range les courses dans le Chamion. J’ai même un peu de produits frais qui reviennent au menu pour quelques jours. Chouette !
Encore un chouette billet. Pas de châteaux mais des trains ! Tout à fait d’accord avec tes réflexions sur le transport ferroviaire !
Les photos de façades sont impressionnantes. Je n’aime pas cette architecture mais ça a indubitablement un style avec toutes ces grilles forgées et ces couleurs criardes.
Côté climat, ça se gâte chez nous la semaine prochaine. Dommage soleil plus douceur on s’y est bien habitués.