Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 25th, 2016
  • Le marché de Chichicastenango, tous les guides en parlent. Il y a 28 ans de cela, c’était déjà un incontournable, semble-t-il. Il faut dire que tout le monde ne peut pas revendiquer être le plus vieux (et, parait il, le plus grand) marché d’Amérique Centrale. Des navettes partent d’un peu partout, les jeudis et les dimanches, pou vous permettre d’assister à cet incontournable. Les touristes viennent en groupe assister à l’événement… de quoi être inquiet, un peu. De quoi hésiter, ne pas être tout à fait sûr… mais le timing était parfait. Nous allions être au bon endroit, au bon moment. S’eut été dommage de rater ça dans ce contexte…

    Les guides recommandent -pour le touriste qui aime prendre son temps et qui n’a pas peur de s’éloigner plus de 48 heures de son hôtel tout inclus- d’arriver la veille. Pour assister au montage. Nous n’avons pas peur. Nous avons du temps. Nous ne dormons plus en tout inclus depuis que nous avons quitté la Iguana. L’hospedaje où nous avons dormi à Momos était un « rien inclus » (sauf le lit et le sourire aimable du gérant, surpris et sans doute un peu déboussolé de voir des touristes débarquer chez lui). Bref… nous avons quitté Momos sans rien planifier. Nous sommes tombés d’accord sans problème. Nous ne planifierons rien. Nous avons un itinéraire, et c’est tout. Les déplacements ne se planifient pas vraiment de toutes façons. Et pour l’hébergement, nous avons réservé à Chichi pour être sûrs, à cause du marché, mais promis, après on arrête.

    Un premier chicken bus nous a amené jusqu’à Los Encuentros, et de là, un mini van nous a amené à Chichi. Un peu de marche à pied plus tard, et nous posions nos sacs à l’hôtel El Telefono, et sa vue magnifique sur le cimetière. Oui, le cimetière de Chichi est superbe. Nous le visiterons (ainsi que les toits avoisinants) au télé objectif, du haut de la terrasse du El Telefono (que nous recommandons fortement avec ses chambres à 30Q par personne, sa vue, et son accueil sympathique et souriant).

    Les sacs posés, nous sommes partis déambuler dans les rues de Chichi, en profitant pour faire une pause au musée du coin, apprenant quelques infos sur Chichi, histoire de pratiquer notre compréhension écrite de l’espagnol.

    Et puis nous nous sommes égarés dans les rues, explorant les étales en construction, et faisant du pré magasinage. Nous avons tous les deux l’intention d’acheter quelques tissus. J’ai un mandat maternel. Lilou s’auto mandate. La ville, le soir, est agréable. On grignote de la nourriture achetée sur un stand du marché. On fait des sourires à tout le monde. Si la veille, à Momos, les gens nous regardaient avec de grands yeux et nous demandaient d’où nous venions, ici, ils nous disent que tout est pas cher et que nous devons acheter…

    La soirée se passe tranquillement. Les stands continuent de se construire alors que nous partons nous coucher.

    Le réveil, le lendemain, est très calme. À Momos, nous entendions la rumeur du marché. Ici, nous entendons le chant des coqs. On se prépare en prenant notre temps avant de partir à l’aventure.

    L’une des raisons pour laquelle je voulais faire le marché de Chichi, c’était mon appareil photo. Toutes ces couleurs me démangent le déclencheur. Mais à Momos, il me paraissait déplacé. Je n’avais pas envie de le sortir. Ici, c’est différent.

    L’humeur de la ville n’est plus du tout la même. Les touristes se déplacent en groupe, font des photos de tout et de tout le monde, sans demander. Ils ne parlent pas anglais, sont souvent accompagnés d’un guide / interprète. Colonialistes en terrain conquis. Riches chez les pauvres. Nous prenons notre temps, sourions, répondons aux gens. Je n’ai pas compté les « no, gracias, esta bien ». J’en aurai dit plus si il le fallait. Sans cesser de sourire.

    Nous plongeons dans le cœur du marché. Dans la zone nourriture. Le touriste a presque disparu. Il passe parfois, en groupe, avec son guide, toujours, qui explique. On s’installe à une petite table pour manger. Je n’ai vu aucun autre touriste manger ainsi dans la « rue ». Dans ces petites étales, où la nourriture est excellente, et les prix plus que raisonnables (et dont l’hygiène me parait très bien). Puis nous ressortons pour la zone plus touristique. Juste à temps pour entendre un guide expliquer à ses gringos « au centre du marché se trouve la foire alimentaire. Vous pouvez y aller, mais je vous déconseille d’y manger. La nourriture est préparée sur place, alors on ne sait pas trop… ». Mon estomac est mort de rire. J’envisage de faire un commentaire. Mais je préfère rester silencieux. Autant que les gringos restent dehors et aillent manger au restaurant…

    On se balade encore un bon moment, achetant quelques tissus. Négociant un peu les prix, parce que ça fait parti des traditions, mais le moins possible. Ces tissus représentent des heures de travail, et voir certains touristes marchander agressivement m’écœure. De l’autre côté, je suis aussi triste de voir les vendeurs se rabaisser, et rabaisser leurs tarifs le plus possibles. Ils donnent l’impression de devoir vendre à tout prix. Leur façon d’être et d’agir ne correspond pas du tout à ce que nous avons vu jusqu’à présent sur les marchés. Lilou commente justement en disant que tout cela semble les corrompre au maximum…

    Nous ne sommes pas restés plus longtemps. Pas envie d’en voir plus. Les couleurs sont magnifiques. Les tissus sont magnifiques. La nourriture est excellente. Mais il y a un côté malsain qui flotte sur tout ça… nous récupérons nos sacs, pour prendre la route de Santa Cruz El Quiché. Plus communément appelée « Quiché ». Nous y sommes trente minutes plus tard.

    7 commentaires

    1. Commentaire de La Feuille

      Les photos sont belles ; ce n’est pas pour diminuer les mérites du photographe mais il faut dire que le contexte est favorable ! Amusant de comparer ces photos avec les souvenirs que j’ai de celles que Caly a rapporté du même marché il y a pas mal d’années de cela.
      Quant aux hôtels, aux touristes et aux lits, je dois dire que c’est une chance de ne pas avoir à obéir aux diktats de son corps. Les années passent et les contraintes de confort se multiplient. Mon premier souci en arrivant quelque part est de savoir si je vais trouver un lit avec lequel j’aurai des relations suffisamment cordiales pour dormir correctement. J’ai bien peur que les couchages de fortune ne soient finis pour moi. J’en ressens une certaine amertume et parfois un certain découragement. J’essaie de faire la part des choses.
      Pour la nourriture, je suis assez d’accord, c’est souvent dans les établissements “pour touristes” qu’il y a le plus d’intox alimentaires. En tout cas c’est ce qu’on raconte pour l’Inde. Il faut quand même qu’un minimum d’hygiène soit respecté car nos tubes digestifs ne sont pas blindés non plus.
      Quant aux touristes, c’est vrai que beaucoup me tapent sur le système, ici comme ailleurs, mais, comme me l’a fait remarquer un copain, touriste j’en suis un aussi et j’en serai un toujours car c’est la réalité des faits. Disons qu’on peut simplement être un touriste moins con qu’un autre en essayant d’avoir un minimum de considération à l’égard des gens qu’on envahit (et pour qui cette invasion a aussi des effets bénéfiques).
      Nous avons vu un village de montagne dans le massif des Alpujarras, qui, visiblement, est habité toute l’année, par des gens qui ont réoccupé un lieu déserté par ses habitants initiaux. Toute l’activité des nouveaux arrivants : maraichage bio, apiculture, tissage, restauration, conserverie… ne fonctionne que parce qu’il y a des cars de touristes qui se posent de temps à autre et achètent des cargaisons de marchandises. Les gens qui vivent là sont sûrement plus heureux qu’en rentrant des lignes de code sur un ordinateur, mais ne sont pas intéressés non plus par un mode de vie autosuffisant sans aucun débouché sur l’extérieur. Ceux qui vivaient comme cela, avant, sont d’ailleurs partis pour cela.
      Il y a donc un équilibre – difficile – à trouver au niveau du tourisme…
      Ciel, quel bavard je fais !

    2. Commentaire de Sébastien Chion

      @la feuille : il y a quand même deux façons d’approcher le voyage et de dépenser son argent. D’un côté, il y a le touriste qui va arriver à l’aéroport, sauter dans une navette commanditer par son hôtel, et aller directement à leur hôtel appartenant à un couple d’américains. Il va manger dans le restaurant de l’hôtel, ou parfois au Mac Donald ou au Dunkin Donut d’à coté. Ses déplacements se font en navettes privatisées, et il achète ses souvenirs sans se poser de questions. On lui a dit que le Guatemala n’était pas cher, alors il ne cherche pas à réfléchir. Il négocie tous les prix, forçant les vendeurs à descendre à des tarifs ridiculement bas.

      Avec Lilou nous avons essayé autant que possible de dormir dans des hôtels appartenant à des locaux (éviter ceux recommandés dans les guides est souvent une bonne méthode). Nous avons mangé dans la rue, ou dans des petits comedors familiaux où c’était très clairement la propriétaire qui nous préparait le repas après s’être levée à 5h du matin. Nous nous sommes déplacés quasi exclusivement en chicken bus, et avons essayé, quand c’était possible, d’acheter nos souvenirs dans des coopératives, ou directement aux fabricants. Quand ce n’était pas possible, nous refusions de trop négocier les prix (il m’est arrivé à deux reprises de payer plus que le prix que le vendeur me proposait pour un article). Au final, même si nous avons voyagé avec un budget extrêmement serré et réduit, j’ai le sentiment que les guatémaltèques ont reçu plus de notre argent que de celui des touristes. Un repas du soir à la Iguana coûte 60Q ; c’était plus ou moins notre budget bouffe quotidien à chacun. Les bénéfices du repas de la Iguana vont à Dave et Deedle, un couple Americano-anglais. De cela, que reste t-il pour les guatemalteques ? Les 60Q que nous dépensions quotidiennement, nous avons fait notre maximum pour qu’ils restent aux Guatemalteques.

      J’ai préféré 75Q la nuit à Antigua, dans un hostel très sympa tenu par un couple de guatemaltèque adorable, quand j’aurais pu payer 50Q la nuit dans un hostel pour gringo. Et je préfère payer mes randos un peu plus chères, mais les faire avec Quetzaltrekkers… beaucoup d’hôtels, de restaurants et d’agences de voyages au Guaté sont tenus par des intérêts étrangers. J’essaie, autant que possible, de privilégier ce qui bénéficie directement aux locaux…

      Pour ce qui est des photos de Kaly, je compte bien demander une séance diapo la prochaine fois que je repasse par le Charbi (soit dit en passant, je pense que ça pourrait aussi intéresser Lilou qui n’a pas vu du tout les dites photos).

    3. Commentaire de Dieu

      Ouf !
      Il y a quand même des frittes !

    4. Commentaire de Sébastien Chion

      @dieu: Alors ici, la fritte est un des aliments de base. D’ailleurs, l’un des grands classiques végétariens du coin, c’est la cuisse de poulet pannée fritte + une portion de frittes. Sachant que tu vas payer ça entre 6 et 10 Q (soit maximum 1,16 euros), c’est un compromis intéressant. Et oui, le poulet n’étant pas de la viande en amérique centrale, c’est bien un plat végétarien.

    5. Commentaire de Kaly

      @ Paul et Séb : pour ce qui concerne le tourisme, oui, nous sommes des touristes, mais cela n’empêche pas d’être respectueux des gens, comme tu l’as dit aussi Paul. Partout où nous allons, on essaie de dire deux trois mots dans la langue du pays. Et même… Il y a une façon de se comporter, d’être à l’écoute, bref, de faire des efforts, même si on ne parle pas la langue.

      En Inde, on a fait baisser le prix d’un tuck tuck, parce qu’on avait fait ce trajet plusieurs fois et qu’on en connaissait la longueur, pas besoin de payer le double du tarif habituel, mais à l’arrivée on a rajouté un pourboire en disant au gars qu’il conduisait bien.

      Je suis excédée par cette recherche systématique de tarifs baissés : dans le domaine de la musique, sur les listes de diffusion, il y en a toujours un qui annonce des rabais pour telle ou telle raison. Ce rabais, c’est un salaire plus bas pour les artistes.

      Que ce soit le conducteur de tuck-tuck en Inde, le musicien en France ou l’artisan de Chichicastenango, ils négocient, cela fait partie des habitudes. Moi je n’aime pas marchander, même si ça fait partie des coutumes, parce que je suis incapable de savoir de combien a besoin mon interlocuteur pour vivre décemment et être payé de la peine qu’il s’est donnée (ce qui sont deux choses différentes).

      À Grenade, un homme nous a proposé d’emblée une remise, sans qu’on l’ait demandé, et il s’est planté à son avantage en rendant la monnaie. Quand j’ai réclamé, il a protesté la main sur le coeur et quasiment le doigt sur la gâchette, pour se suicider, c’était un peu lourd. On lui a accordé le bénéfice du doute. Deux minutes après, à cent mètres de là, un autre a oublié de me rendre la monnaie, deux de suite on n’y croit pas.

      Je n’aime pas être prise pour une andouille et j’ai compris que c’est à nous d’être très vigilants. Mais vigilants aussi bien à l’égard des gens en face que de notre propre dignité !

      Pour ce qui concerne mes vieilles diapos, il suffit à Lilou de passer dans le coin, il y a donc des chances que tu les vois après elle !

    6. Commentaire de Lavande

      Moi je ne suis pas une vedette du marchandage. J’ai un souvenir en Tunisie où François essayait de marchander en disant :”c’est trop cher” et moi je lui avais rétorqué “mais non c’est pas cher!”
      Même le vendeur était démoralisé!

    7. Commentaire de Sébastien Chion

      est ce que c’est le moment de parler des cuillères en « bois » que tu achètes aux vendeurs qui font du porte à porte ? ou on garde ça pour une autre fois :) ?

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