Le programme du jour, c’est d’aller explorer les autres îles que l’on n’a pas encore vues. C’est à dire les trois qui se trouvent après Havre aux Maisons. Comme l’objectif se situe relativement loin, on oubliera le petit déjeuner conté pour cette fois. C’est Brigitte qui a un éclair de génie : n’est-ce pas le matin à dix heures que l’on peut regarder la fabrication du pied de vent (le fromage, pas le soleil dans les nuages) ? Nous commencerons donc par un détour par la fromagerie. On en profitera pour acheter une autre meule pour ramener en souvenir, ainsi que deux autres morceaux de l’autre fromage, celui qui rappelle le parmesan. La vendeuse est aussi sympathique qu’à la première visite, mais cette fois on prendra le temps de discuter un peu ; le Québec sort juste d’une crise d’hystérie collective complètement ahurissante suite à la déclarations de quelques cas de listériose dans une usine de charcuterie. Peu de temps après, on découvre qu’un ou deux fromages sont peut être aussi contaminés, et qu’il y a des risques que des couteaux ayant coupé de la charcuterie contaminée aient également coupé du fromage… je vous laisse estimer vous même les probabilités infimes que cela représente… mais depuis deux semaines, la télé ne parle que de la listériose, et des huit morts au Canada. C’est une épidémie, c’est une catastrophe, le gouvernement du Québec réagit. Destruction de tous les stocks de fromages à risque. A risque signifiant “vendu à la coupe”. Des millions de dollars de pertes en marchandises (détruire du fromage, pour moi ça justifie une intifada, mais bref) et ne parlons pas des dommages chez les producteurs et les petits commerçants… bref, nous parlerons un moment de cela avec la fromagère. Puis nous parlerons fabrication de fromages, en regardant les artistes à l’œuvre.
Le pied de vent est fait avec le lait (cru) ramassé la veille et le matin même, ce qui permet de produire une centaine de fromages quotidiennement. Le fromage sera vieillit pendant trois mois en cave. Gardant un souvenir inoubliable des caves du Beaufortin, j’essaie de négocier une visite non officielle des caves, mais ce n’est juste pas possible. Les conditions d’hygiènes sont extrêmement strictes. Il a beau n’être que dix heures du matin, il y a des spectacles qui ouvre l’appétit :
Il semblerait qu’aux îles, la formulation « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » est appliquée au maximum (sauf pour les ordures qui se perdent en dehors de l’île, mais bon…). Si les vaches s’occupent de faire disparaître les déchets de la micro-brasserie, ce sont des sangliers qui récupèrent le lait issu de la presse des fromages. Ce qui nous impressionnera le plus, c’est assurément le temps nécessaire avant que l’ensemble se solidifie. Après 10 minutes, le fromage est déjà prêt à être retourné :
Nos estomacs hurlent, mais nous survivrons quand même à ce magnifique spectacle !
La Dune du Nord
Je crois que ça restera l’endroit qui me fascine le plus aux îles de la Madeleine. Une bande de sable qui s’étire sur des kilomètres et des kilomètres, avec un léger sentiment d’infini :
Quand on se retourne, c’est comme si on avait simplement renversé la photo :
L’avantage pour le photographe est indéniable : les risques de se faire écraser par une voiture restent plutôt faible. La seule voiture visible, elle est là (en arrière plan, la dune du sud, prolongement de l’île de Havre aux Maisons) :
Il fallait bien l’immortaliser quand même, puisqu’on aura fait un bon bout de chemin avec elle (les chiffres en fin de voyage). Et puis comme il a plus il n’y a pas trop longtemps, la voiture est extérieurement présentable ! Parce que le bord de mer, les chemins de terre et le sable ça salie un peu… mon dieu. Que dis-je ? Alors que les propriétaires vont très probablement lire ces lignes… finalement, on est peut être mieux de faire d’autres photos :
Je vous avais promis quelques photos de cerf-volant, en voilà donc un petit aperçu. On s’est arrêté pour pique-niquer sur la dune du Nord. Le paysage était trop magnifique, le ciel trop bleu, pour ne pas qu’on prenne tout notre temps. Et puis sur le bord de l’eau, évidemment, impossible de ne pas ressortir le cerf-volant. C’est une nouvelle occasion de vivre une expérience très particulière. Juste après avoir fait décoller le cerf-volant, après lui avoir fait faire quelques tours, une ombre s’en approche. On reconnaît rapidement un petit faucon. Il semblerait que l’on soit sur son territoire… le faucon regarde un peu le cerf-volant de loin, l’observe, tourne autour. Je laisse monter le cerf-volant le plus haut possible, là où il ne bougera plus, me demandant un peu quoi faire si “je” me fais attaquer. Le faucon s’approche et continue son observation quelques secondes ; il semblerait qu’un bout de toile artificielle tendue sur des tubes de carbone ne soit pas une menace pour lui. Il nous laisse à nos jeux, sachant très bien qu’il volera toujours mieux que nous.
Et pour ceux qui se poseraient la question : il est très facile de ramener un cerf-volant après un crash en pleine mer. Il suffit de tirer doucement sur les cordes, au rythme des vagues.
Grosse Île
Nous avons très clairement quitté la partie touristique des îles. En arrivant à Grosse Île, on a l’impression d’arriver dans une zone beaucoup plus pauvre de l’île. Ici, c’est la mine de sel (on en distingue la tour sur la bande de sable en arrière plan de la première et deuxième photo) et la pêche. Il ne semble pas vraiment y avoir d’autres alternatives. On fait un tour rapide de l’île, avant de continuer notre route vers le bout… de la route.
Grande Entrée
Après avoir atteint le bout de la 199 (la route qui traverse toutes les îles) au sud, nous voilà maintenant rendus à l’autre bout, au milieu d’un petit port de pêche, qui semble à moitié abandonné. La saison doit déjà être terminée… Grande Entrée nous laisse la même impression de pauvreté que Grosse Île. Peut être même plus encore ; nous ne sommes pas si loin que ça de Cap aux Meules (même pas 100 kilomètres), et pourtant c’est comme si nous étions au bout du monde. Nous nous éloignons de la route principale pour aller faire une longue ballade sur l’île Boudreau. Sur la carte, l’île est reliée aux deux bouts à Grande Entrée ; nous découvrirons en fait au bout de notre ballade qu’il y a un chenal qui relie le bassin aux Huîtres à la mer. La ballade est magnifique, et nous la faisons en prenant tout notre temps. Nous passons un long moment à regarder les vagues, à admirer les falaises, à écouter le vent. À un moment, nous passerons à côté de ce qui semble un lieu de naissance pour les Inukshuk ; au sommet d’une petite bosse, ils sont plus d’une dizaine. Peut être naissent-t’ils ici avant de partir à la découverte du monde ? Ils marchent jusqu’à trouver la terre d’accueil où ils s’installeront définitivement ? Nous sommes au dessus de la mer ; des falaises d’une dizaine de mètres de chaque côté du sentier. On devine facilement que le passage s’amincit année après année… La ballade se terminera sur une grande étendue de galets. Du moins de loin, on a l’impression que ce sont des galets. En fait, quand on y arrive, on découvre qu’il y a également une quantité complètement ahurissante de restes de coquillages, de coquilles d’huîtres ou de moules. Nous sommes au bout du chemin. Le chenal n’est pas très large. Mais quatre ou cinq mètres d’eau suffisent largement pour nous obliger à faire demi-tour. Sur le chemin du retour, fatigués, on s’arrêtera quelques minutes dans l’herbe. Nous profiterons d’ailleurs de l’occasion pour écrire presque toutes nos cartes postales. Mais le fond de l’air est de plus en plus frais, et le vent nous encourage finalement à reprendre notre chemin. Une fois de plus, nous passerons un long moment à admirer les vagues qui s’écrasent contre les rochers.
Les Pas Perdus
Ce soir, nous sortons ! Nous avons quitté Montréal depuis presque une semaine maintenant. La grande ville ne nous manque pas du tout, et nous nous sommes très vite habitués au rythme des îles, nous levant tôt pour aller écouter des histoires, et passant des petites soirées tranquilles à jouer au scrabble. Mais tout de même ! Il nous faut bien quand même sortir au moins une fois ! Et c’est pourquoi nous nous dirigerons vers le bar spectacle des Pas Perdus, en plein centre ville de Cap aux Meules. Au programme, vous l’aurez deviné : une soirée contes ! Enfin… nous n’avons pas le choix de faire avec ce que l’on a. Et puis, c’est pas si grave que ça, car au cas où vous ne l’aurez pas remarqué, on aime se faire raconter des histoires ! La salle est relativement grande (ou relativement petite, c’est sûr, selon le point de vue). Une petite cinquantaine de places. Mais c’est confortable, agréable et chaleureux. Quelque chose à demander de plus ? Ce n’est pas très original, mais ça sera une pinte d’écume. Au programme ? Victor Cova Correa (le vénézuélien qui est absolument partout), Marie-France Comeau (une acadienne), Alain Lamontagne (du Québec) et Donald Pealey et Céline Lafrance, des îles. Nous aurons deux coups de coeur ce soir. D’abord pour Donald Pealey, qui nous raconte des anecdotes de son enfance. Petit clin d’œil simples et agréables sur les îles, de nombreuses années en arrière. Et puis il explique qu’il a grandi à Grande Entrée. On y était l’après-midi même. Ça ajoute un petit quelque chose.
Deuxième coup de coeur pour Alain Lamontagne, un virtuose de l’harmonica. Capable de sortir des sons de son instrument qu’on n’y croirait même pas. Évidemment, comme tout bon harmoniste, il nous donne une prestation hallucinante de podorythmie. C’est un vrai bonheur de l’écouter jouer ! Et c’est un plaisir tout aussi grand que de l’écouter nous expliquer comment faire pour ramasser des vers de nuit avant d’aller à la pêche, tout en nous faisant calculs sur calculs pour nous montrer à quel point ce peut être rentable !
Céline Lafrance :
Victor Cova Correa (que vous aurez sûrement reconnu) :
Marie-France Comeau :
je suis tomber sur votre site par hasard et je doit vous avouer que le le trouvais tres beau avec plein de belle photos mais un petit quelques chose est venu troubler ma visite…lorsque vous dite que grande-entree est un village pauvre, je m’excuse mais je suis native de grande-entree et je me sens offenser par vos propos et j’adore le milieu dans lequel je suis née la nature pour nous c’est le bonheur pas besoin des brouhaha de la ville dommage pour vous si vous n’avez su apprecier la beauté et le charme que nous procure notre petit coin de paradis…
bonjour Nancy, et merci pour votre commentaire. Je comprends parfaitement que vous n’ayez pas apprécié le choix des termes employés, qui n’étaient peut être pas les plus appropriés. Il est vrai que parler de pauvreté sonne très négativement, et mon propos n’était pas tout à fait celui là. En fait, c’est plus l’éloignement que l’on ressent, l’impression d’être seul au bout du monde. Nous n’avons vu personne dans les rues, et très peu de vie. Ce qui, j’imagine, était tout à fait normal vue la période de l’année. Mais j’ai trouvé cela un peu triste, et surtout un peu dommage de voir ce village « abandonné », alors que les histoires de Élaine Richard et Donald Pealey (natif également de grande-entrée si je me souviens bien) nous les dépeignaient beaucoup plus vivant. J’espère que mes propos sont un peu plus clairs, et je ne voudrais nullement que vous ayez l’impression que je déprécie d’une quelconque façon le mode de vie des habitants de grande-entrée. Ce n’était pas du tout mon intention.