Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionAugust 26th, 2014
  • J’ai posé mon sac à dos sur le banc, j’ai enlevé mon t-shirt, et j’ai fait trois tours sur moi-même au soleil, en rigolant. J’ai réussi. J’ai relevé le défi que je m’étais lancé, comme ça, pour le plaisir. Je savais que c’était faisable. J’étais même persuadé que j’y arriverais. Il n’empêche, je suis content de moi. J’ai mis moins de 24 heures pour aller de chez Estelle à Tahquamenon Falls, dans le nord du Michigan. Métro – train – bus – bus – bus – marche – bus – stop – stop – stop pour un peu plus de 800 kilomètres.

    L’étape en train s’est passé sans aucun problème. Je continue à apprécier le confort offert par Via Rail. Et puis le Wifi à bord, c’est quand même agréable aussi.

    Ça c’est compliqué un peu rendu à Ottawa. Je n’avais pas anticipé le passage de la gare de train au terminus de bus… bureaux d’information fermés à la gare, pas de plan généraux… je demande finalement à un chauffeur de bus au hasard, et choisi plutôt bien. Il me pose en centre-ville, en me donnant quelques informations supplémentaires. Un autre petit saut en bus plus tard, je suis au terminus de Greyhound. Deux petites heures d’attente, et on embarque. Il est minuit. Nous avons six heures et demi de route jusqu’à Sudbury, ou on aura 45 minutes de changement. Le trajet se passe sans problème. Le bus n’est pas très confortable, mais j’ai deux places, et j’arrive à dormir tant bien que mal. L’attente à Sudbury est un peu longue, mais on finit par embarquer. Cette fois, j’aurais un voisin. Je dormirais encore une partie du trajet, et c’est un peu dommage, parce que les paysages que j’entrevoie entre deux petits sommes sont quand même plutôt beaux.

    Une pause un peu plus long à Blind River finira de me réveiller. Alors que tout mes cobusseurs se ruent vers le Tim Horton, je traverse la route, fais quelques pas sur la plage, admire le lac Huron. Marcher fait du bien. Encore deux heures de route, et on arrive finalement à Sault Ste Marie. Le trajet est quand même passé assez vite, et n’a pas été aussi pire que ce que j’aurais pensé. Je me dis que je pourrais même envisager de faire les trois jours de route non stop jusqu’à Vancouver s’il le fallait. Mais il le faut pas. Ça m’arrange quand même un peu.

    Pour Sault Ste Marie, j’avais une grosse inquiétude : passer la frontière. La douane se trouvant sur un pont autoroutier, il est absolument interdit de traverser à pied. Et je n’avais trouvé aucune information sur un bus permettant de traverser. Pourtant, une deuxième recherche un peu mieux menée m’a finalement apporté la situation. Je découvrais, rassuré, qu’il y avait bel et bien un bus. Heureusement. Je ne me voyais pas traverser la frontière en stop… j’ai quand même eut le droit à une bonne heure de marche pour rejoindre le centre-ville. Ça m’a permis de tester le poids de mon sac à dos. Si je pouvais lui enlever encore un kilo ou deux, ça serait parfait. Mais je ne suis pas sûr de voir comment. Enfin… je trouverais. En attendant, je me débrouille quand même (poids estimé, non validé : 15 kilos).

    J’étais tout seul dans le bus. Et évidemment, il y a eu des complications. Le bus est reparti sans moi, pendant que j’entrais dans le bureau pour répondre à des tonnes de questions. Comprenez-les, j’ai dit la vérité complète. Elle n’est pas forcément très simple.

    Pour résumer ? Je suis franco-canadien, j’ai habité 10 ans à Montréal, je vis maintenant en France, où j’ai un emploi à temps plein comme graphiste. Je travaille pour Syntagme depuis une année (aujourd’hui même, tiens, d’ailleurs. Joyeux anniversaire de travail moi même !) mais j’ai trois mois de congé. J’arrive en bus, mais je continue en stop, pour rejoindre une américaine dans le nord du Michigan, dans 5 jours. Américaine rencontrée il y a quatre ans à Burning Man et pas revue depuis. Non, nous n’avons pas prévu de nous marier. Ensuite, je continue la traversée pour une durée indécise et inconnue, et je m’en vais tourner en rond en Oregon. Moi, je serais douanier paranoïaque américain (quoi, comment ça, lapsus ?) je me poserais bien toutes les questions au moins trois fois, pour être sûr que je ne m’emmêle pas les pinceaux. Enfin, je m’y attendais, ils ont été relativement sympa (comprendre « pas de sourire, mais quand même patient quand je demandais qu’ils répètent leur question »). Et puis surtout, ils n’ont pas eu de problème à ce que je reparte en stop. Et ça, c’était pratique.

    J’ai rerempli mon sac (forcément, ils ont cherché de la drogue, des armes, des choses illicites, des cadavres, encore de la drogue, des fruits frais, du camembert, du fromage au lait cru, encore de la drogue, mais n’ont rien trouvé), l’ai remis sur mon épaule. J’ai marché un peu, jusqu’à une rampe d’accès à l’autoroute, et j’ai attendu. Ce morceau là, 15 kilomètres vers le sud sur la 75, ne m’inquiétait pas du tout. Et je n’ai eu à attendre qu’une dizaine de minutes. Peu après, je me faisais déposer à la sortie de la 28. Je savais que là, le challenge allait commencer… la fréquence des voitures a commencé à chuter. Plutôt que de rester sur place à ne rien faire et à regarder le vide, j’ai marché. Comme il y a pas mal de petites routes dans le coin, aller de l’avant ne pouvait qu’augmenter mes chances. Ce sera finalement un camion qui s’arrêtera, après un bon quarante cinq minutes. J’avais calculé en quittant la douane que j’avais plus de cinq heures avant que le soleil se couche, pour faire un peu plus de 100 kilomètres. Ça me paraissait quand même très jouable.

    J’ai avancé d’une cinquantaine de kilomètres à bord du camion, avant de me faire poser à l’embranchement avec la 123. Direction le nord, pour camper à Tahquamenon Falls, donc. Et là, avec une voiture aux cinq minutes, j’ai commencé à me dire que ça allait être long. Je suis resté pendant un moment à l’intersection, me disant que si j’étais encore là dans deux heures, ça serait plus simple pour changer mes plans, que si j’avais avancé de 7 kilomètres. Et puis je me suis décidé. Je savais que tout allait bien se passer. Que je dormirais aux chutes ce soir. Alors j’ai repris mon sac à dos, et je suis parti. Dix minutes après, une voiture s’arrêtait. Le chauffeur me confirmera un peu après « je me suis arrêté, parce que j’ai vu que tu avançais, et que tu faisais donc un effort pour atteindre ta destination. Je ne m’arrête pas pour les stoppeurs qui ne marchent pas ». Comme quoi, un peu de sport, des fois, ça peut avoir du bon ! Il aurait du m’avancer de 30 kilomètres. Finalement, il a fait un détour, allant 10 kilomètres plus loin, pour me poser à l’entrée du camping.

    Je me suis inséré entre deux voitures dans la file d’accès, me suis enregistré à l’accueil, et j’ai rejoint l’emplacement 134. J’ai posé mon sac à dos sur le banc, j’ai enlevé mon t-shirt, et j’ai fait trois tours sur moi même au soleil, en rigolant.

    J’ai pris le temps d’arriver, et puis je suis allé admirer ma raison d’être venu ici… et de revenir bien content de mes photos. Ma collection de cascades continue de s’agrandir.

    Je suis revenu à la tente, tout heureux. Je me suis fait à manger, mon dernier repas remontant un peu loin (une poutine hier midi, deux tortillas tomates séchées pour le petit déjeuner, et une en arrivant au camping – note à moi même, tortilla être légers, nourrissants, pas cher, bons, et pratique à transporter). Alors ce soir, j’ai fait festin, en ouvrant deux paquets de nouilles instantanées ! Et oui, je suis de retour sur la route.

    ramens

    Et pour ceux qui se posent la question : oui, les rencontres m’inspirent. Grâce à l’échange que j’ai eu avec Daniel, mon premier chauffeur stoppeur pour aller à Val David, j’ai écrit un long passage dans le bus (dans le noir, à la lumière des lampadaires, avec un bus qui passe son temps à bouger dans tout les sens) et j’en suis content. Ça m’aide à voir où se dirige l’histoire. Je découvre l’importance de certains personnages secondaires (qui ne le resteront peut être pas finalement). J’ai des idées notées à la volée (suite à une discussion avec Félix, notamment). J’ai aussi une idée d’introduction pour un conte (c’est important, je trouve, d’avoir des introductions aux contes, parfois c’est aussi important que le conte lui même) et j’ai improvisé un conte dans ma tête qui semble assez bien tenir la route. Donc oui, comme prévu, j’avance, et je suis productif ! Objectifs d’ici à mon retour : un livre bien avancé, assez de contenu pour le terminer, et de quoi faire un spectacle de contes de 45 minutes qui tienne la route.

    Il fait soleil, je suis sur la route, et tout va bien. Certains arbres commencent à rougir. Les paysages n’en sont que plus beaux.

    2 commentaires

    1. Commentaire de Kaly

      Gasp ! J’avais pourtant fait attention ! Mais tu m’as photographiée à l’insu de mon plein gré et finalement on ne voit guère plus que moi, huitième photo, m’apprêtant à monter dans le bus de Vancouver.

      Quand je pense qu’on voulait voyager incognito…

    2. Commentaire de Kaly

      Le passage de la douane : un morceau d’anthologie, j’ai bien ri !

      Je suis bien contente que tu trouves l’inspiration dans ton voyage. Encore une fois je pense à Tony Hillerman qui allait s’imprégner des paysages de ses futurs romans, sans quoi il aurait été incapable d’écrire.

      Nous, ici, on te suit pas à pas, mais je lirai la suite plus tard, il y a beaucoup de quoi !, et je te retrouve comme un poisson dans l’eau. Y’a pas, voyager, c’est ton truc.

      Faudra que tu envisages l’Amérique latine peut-être un jour.

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