Si on me demandait comment je planifie mes voyages, mes excursions, mes balades, j’aurais beaucoup de mal à répondre à la question. C’est un mélange de tellement de choses… je passe beaucoup de temps à regarder des cartes, à chercher les traits de couleur qui m’inspirent le plus… Et quand j’arrive dans une région, je repère un peu des lieux que j’ai envie de voir. Des endroits qui semblent m’inspirer. Quand je suis dans une humeur à faire de la randonnée, j’utilise souvent l’affichage relief de Google Map, qui donne un peu des indications. Je repère des noms ; je cherche directement certains lieux pour trouver d’éventuelles balades. Et surtout, je regarde autour de moi. Les paysages qui m’inspirent ; ceux qui me donnent envie d’aller voir. Ce sont souvent des sommets que je repère comme ça (Tozal de Guara, fait pas genre on parle pas de toi). Et une fois sur place, je regarde les panneaux, les indications, les cartes plus précises. Les brochures, si je trouve un centre d’informations ouvert… bref, beaucoup d’improvisation et de recoupements, dans tous les sens.
Le Pico Borón, j’ai découvert son existence sur Google Map, en regardant ce qu’il y avait autour du barrage de Vadiello. J’ai ensuite vu qu’il existait une balade, un peu difficile, mais qui était a priori dans mes cordes, même si j’ai l’impression que mes jambes n’ont pas encore retrouvé leur état pré-pandémie (non, j’ai toujours pas chopé le covid ; mais j’ai quand même fait beaucoup moins de rando pendant deux ans…). Je me suis dit que ça pouvait se tenter. J’ai vu le point de départ en garant le Chamion au barrage de Vadiello. J’ai aussi repéré deux autres balades ; une plus tranquille, pour faire un petit bout de tour de lac, et une plus intense, donc, les 20 kilomètres qui permettent de rejoindre le prochain village, et retrouver une route goudronnée. Traverser une montagne, d’une route à une autre. Je l’ai fait une fois, il y a fort longtemps, à Yosemite. Et j’ai adoré l’expérience. C’est quelque chose que je retenterai bien. Mais 20 kilomètres, ça veut dire 40 aller-retour, et ça demande beaucoup de planification (du genre dodo avant de faire demi-tour). Par contre, j’ai aussi vu le Pico Borón, et ça m’a bien confirmé mon intention d’aller lui rendre visite.
Mon emplacement pour la nuit, juste à côté du cimetière de Loporzano, m’a bien plus. Du coup, le programme est simple : je retourne au barrage, je me casse les jambes, et je reviens dormir ici.
Bon, d’accord, avant je m’arrête à la boulangerie, et j’achète une baguette et une tarte au sucre. Cette dernière jouera le rôle privilégié de « petit déjeuner ». Et donc, je refais la route, et je ressuis tout autant fasciné que la veille, même si je fais moins de photos. Et que je passe les tunnels avec un peu plus de zénitude (c’est pas sensé baisser pendant la nuit un tunnel, n’est-ce pas ?).
Je gare le Chamion, et je me lance dans l’ascension. Au programme, 7 km de marche, 750 m de dénivelé. 5h de marche. Et forcément, avec ce type de relief, on se pose pas beaucoup de question. On grimpe. Dès le début. Tout de suite. Et c’est raide. Mais par contre, le paysage s’offre tout de suite, sans la moindre hésitation.
Les jambes prennent sévères. En gros, on se fait les 400 premiers mètres de dénivelés en l’espace d’une heure. Et ça pique. D’ailleurs, il y a même deux passages où des cordes ont été installées pour permettre de… grimper. Y’a pas vraiment d’autres mots. Le premier passage ne m’inquiète pas, mais le deuxième… bin c’est un mini mur qui fait bien trois mètres, je pense. Je suis pas hyper à l’aise. J’hésite un peu. Monter, c’est bien beau… mais faudra redescendre à un moment. Enfin, je tente quand même. On verra bien. J’enchaîne encore sur 5/6 mètres de raidillon, avant de retrouver une zone un peu plate. Pause. J’ai clairement forcé beaucoup. Et ça fait à peine une heure que je suis parti. Ça promet pour la suite !
Une fois le cœur et les poumons un peu calmés, je repars. La bonne nouvelle, c’est que je fini par me sortir de tout ça, retrouver le soleil, et un presque plateau. C’est loin d’être terminé, mais le plus raide est derrière moi. La grimpette était épuisante, mais en même temps superbe. Le chemin passait comme il a pu entre deux éperons rocheux…
Et au moins, l’objectif est désormais bien identifié :
Je continue de monter, mais clairement, c’est beaucoup plus calme. Beaucoup plus raisonnable. Et mes jambes me remercient. J’ai l’impression que mon objectif est encore super loin, mais en fait il se rapproche vite. Le temps est un peu couvert, il y a un peu de vent, mais ça reste tout à fait acceptable. Et puis j’ai mes vêtements en ptérodactyle qui tiennent chaud, du coup ça se passe bien. Régulièrement, l’air vibre, pas loin de moi, un peu au dessus. Les vautours passent leur temps à se balader dans le coin. Ils sont magnifiques à regarder aller… et moi, je continue d’avancer, en suivant ma ligne de crête.
[donc arrivée par les mallos à droite, et suite par la crête depuis la gauche]
Malheureusement, la ligne de crête a une cassure à un moment… les joies de redescendre une petite centaine de mètres…
Pour pouvoir en remonter presque le double de l’autre côté ! Pourtant, cette dernière ascension, qui me conduira au sommet de ce Borón bien mérité, se passera quand même plutôt bien. L’enthousiasme de bientôt arriver (et le plaisir d’y arriver). Et ce paysage… encore, et toujours, et toujours, et encore.
Et le plaisir d’atteindre le sommet, les jambes fatiguées, les yeux émerveillés, et l’appareil photo en surchauffe…
Je reste un petit moment à profiter des différents points de vue possible depuis le sommet. Et continue de faire chauffer l’appareil photo…(oui, le sommet c’est l’énorme caillou sur la gauche, c’est pour ça que la balade est un aller-retour, on peut pas vraiment continuer plus loin…).
Et puis, bin voilà… ne reste plus qu’à rentrer maintenant… redescendre… puis remonter à nouveau. Cette dernière ascension (selon moi on est plus proche des 800 m de dénivelé que des 750) elle finit de me démoraliser les jambes. Elles ont plus envie de monter. Mais bon, la bonne nouvelle pour elle, c’est qu’elles n’ont plus qu’à descendre.
La mauvaise nouvelle pour moi, c’est qu’il y a le passage corde à refaire… heureusement, la marche est plutôt calme et reposante. Si ce n’est le sanglier qui me fait sursauter à un moment (je le soupçonne d’avoir eu encore plus peur que moi, mais au moins, il m’a confirmé l’identité de mon visiteur nocturne de la veille, c’est sympa).
Bon, les jambes vont plutôt bien… mais je me dis que je vais quand même me faire une petite pause, par principe. Et aussi parce que j’ai quand même bien envie de passer un peu de temps à regarder les poulets qui volent dans le coin. D’autant qu’ils se laissent faire volontiers ! Sont sympas les pioupious du coin !
Et j’attaque donc la descente. Bonne nouvelle, le passage des cordes se fait sans le moindre problème.
Encore quelques petites pauses, pour profiter quand même de ces points de vue absolument superbes… et je finis par revenir sur la terre ferme.
Et ça fait du bien. J’avoue que je suis plutôt un peu fatigué quand même ! Je marche les 200 mètres de goudron jusqu’au Chamion. Je prends un peu mon temps. Je finis ma tarte au sucre. Je me repose un peu. Et puis je reprends le volant, traversant mes tunnels, pour retourner à mon petit terrain à côté du cimetière. Avec la vue sur le Salto de Roldán, le château de Quicena mais aussi Huesca dans le lointain, ou encore Eulalia, dans une autre direction…
Le Chamion est bien installé. Je suis content. Et le programme du lendemain est déjà prévu : rien.
Vraiment impressionnant !
Gaffe aux vautours : y en a un qui a volé le sandwich de Manuela à Bali.