Prendre le train jusqu’à Grenoble m’a permis, même si ce n’était qu’un trajet de 45 minutes, de me rappeler des retards de la SNCF (quand un train est tellement en retard que c’est mieux de prendre celui qui part après et qui, bien que plus lent, arrivera quand même avant) et de redécouvrir les djeuns débiles juste comme ils m’énervent. Qui se croient intelligents et intéressants parce que provocateurs, et qui se mettent en mode « drague horriblement lourde » dès qu’ils voient une fille passer… bref, le genre de personnes qui ne me manquait vraiment pas.
Par contre, le train jusqu’à Grenoble, c’est toujours aussi sympa, et la vue sur les Alpes est quand même belle. Il faudra que je passe une ou deux journées à Grenoble avant de partir.
J’ai récupéré la voiture de location. Ils m’ont donné une Punto diesel, qui fait un bruit de tracteur, et qui a un truc bizarre au milieu. Au lieu d’écrire PRND12, y a écrit 12345R. Pis en plus, y a une pédale en trop dessus.
J’ai traversé le Massif Central. J’aurais préféré avoir une boîte automatique. C’est tellement plus confortable ! Et oui, même sur les routes de montagnes qui zigzaguent dans tout les sens.
Et puis j’ai répondu à la question existentielle « est il possible de dormir dans un siège de Punto ? ». La réponse est « non, même quand les sièges arrières sont basculés. Rien de tel que de dormir sur le siège avant d’une voiture pour se rappeler à quel point le lit est une grande invention (ou alors le van aménagé). Si je dois dormir sur le chemin du retour, ça sera pas dans la voiture.
Le Massif Central, c’est beau, les ponts canal, ça me fait tripper, et les éoliennes, j’adore.
Et puis j’ai retrouvé Iris.
Albi
Quand j’ai traversé Albi lors de mon covoiturage Toulouse-Lyon, je m’étais dit « ça a l’air vraiment super jolie comme ville, faudrait quand même que je m’y arrête pour jeter un oeil ». D’autant plus que Albi, c’est un nom qui m’interpelle depuis que je me suis intéressé aux Cathares et à la croisade Albigeoise. Ah, on aime un pape qui a suffisamment de cran pour dire « tuez les tous, dieu reconnaîtra les siens ». Au moins, c’est simple et radical ; et puis ça évite les hésitations qui font baisser les performances.
Bref, Albi se trouvant sur la route qui nous ramenait à Agen, et Iris ayant bien envie de découvrir la ville elle aussi, on s’y est arrêté une paire d’heures. Quelques considérations :
– la ville est, en effet, magnifique. La vieille ville mérite de se perdre un peu au hasard.
– la cathédrale est impressionnante. De l’époque où « beaucoup trop » voulait dire « pas encore ». D’autres appellent ça le mouvement Gothique. Les tailleurs de pierres ont du s’amuser à l’intérieur
– Albi, c’est hyper touristique, mais ça reste supportable et agréable. Le plan d’urbanisme du centre ville semble bien tenir la route, et on s’y promène avec plaisir
– trois heures, c’est sans doute assez pour un aperçu rapide. Deux jours, je verrais peut être pas l’intérêt. Par contre, de nuit ça doit valoir la peine. Et il ne faut pas oublier de traverser les ponts !
Pensées sur la route du retour
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
J’ai repris la route quelques jours plus tard, à l’aube, pour ramener Iris à son travail. Et puis j’ai continué. Petite pause à Roquefort, petite pause à droite, petite pause à gauche. J’ai pris mon temps… il résulte de tout ça une impression très nette. J’ai « la ballade des gens qui sont nés quelque part », la chanson de Brassens, dans la tête pendant les deux jours que dureront le retour. Ça correspond quand même beaucoup à ma vision de la France. Un pays magnifique. Un vrai bonheur pour photographe. Des raisons de m’arrêter, j’en avais toutes les dix minutes. Dans le Massif Central, le moindre petit village présente des maisons splendides, quand aux paysages, ils se suivent, ne se ressemblent pas, et je veux tous les mettre dans la petite boite. Aucun changement à ce niveau là : la France est toujours aussi belle, ça n’a pas changé. Mais il y a toujours les gens… et c’est encore et toujours là que ça bloque.
C’est d’autant plus ironique que quand j’ai quitté Montréal, les personnes dont je me sentais le plus proche étaient majoritairement françaises. J’ai rencontré énormément de français avec qui je m’entends super bien. Je n’arrive pas à me l’expliquer. C’est peut être un phénomène de masse ? Une impression d’ensemble ? Je ne sais pas vraiment…
Pour ce qui est de la conduite, par contre, c’est l’Amérique du Nord qui l’emporte largement. Il suffit de passer 20 minutes bloqué derrière trois caravanes au fin fond de l’Ardèche pour comprendre que l’on parle de deux univers complètement différent. Le confort de conduite n’a rien à voir. Et si faire 6h de route en Amérique du Nord ne me dérange pas plus que ça, en France c’est moins sûr. Bon, faut dire aussi que j’ai décidé de remonter les gorges du Tarn. Vous savez, le genre de route où on prit avant chaque virage qu’il y ait personne de l’autre côté. Ça use un volant une route de même ! Et ça use aussi les nerfs !
Enfin, les photos valaient la peine. J’en envoie tout plein, comme ça, brute de coffrage.
Le Viaduc de Millau
J’expliquais à Iris, alors que l’on regardait l’un des ponts d’Albi, que quand je vois un ouvrage d’architecture qui me plait, j’aime bien essayer de le voir sous le plus grand nombre de points de vue possible.
J’aime énormément l’architecture moderne ; celle-ci a de nombreux détracteurs, mais personnellement je trouve que l’acier, le béton et le verre peuvent donner d’excellents résultats entre des mains expertes. J’ai entendu quelqu’un expliquer, il y a quelques années, que les éoliennes avaient besoin du soutien des artistes pour être plus facilement accepté. Une fois qu’elles seraient regardées non plus comme des ouvrages technologiques mais comme des oeuvres d’art (et à mon sens, elles le sont), le rapport que l’on aura avec sera foncièrement différent. Les moulins à vent étaient ils teintés de romantisme il y a plusieurs siècles ? Ou était-ce simplement des bâtiments utilitaires et nécessaires qu’il fallait bien construire ? Je ne pense pas que les contemporains des moulins à vent trouvaient ça tellement romantique et rêvaient d’en avoir dans leur jardin. Et puis il y a eu ce gars qui, avec son écuyer, essayait de les mettre à terre. Et puis il y a eu les tableaux. Il y a eu les histoires… les moulins à vent sont devenus romantiques, symboliques. En vieillissant, ils ont pris de la patine, et sont devenus des oeuvres d’art.
Il faut que l’on s’habitue. Il faut que ces nouvelles constructions entrent dans nos vies, dans notre imaginaire, dans notre art. Non, en effet, le Viaduc de Millau n’a pas le cachet d’un viaduc en pierre, et je ne chercherais même pas à le comparer avec les ponts d’Albi. Mais je suis persuadé que dans un ou deux siècles, quand le temps aura fait son ouvrage, quand les artistes auront donné des lettres de noblesse à l’architecture moderne, celui là sera regardé autrement.
J’en avais vu des photos, bien évidemment. Et quand j’ai vu, sur la carte, que je ne passerais pas très loin, je savais que j’allais faire un détour. Parce que pour moi, c’est une oeuvre qui vaut définitivement le détour. Et quand il a surgit, comme ça, au milieu de nul part, j’en ai perdu mes mots. Je me suis contenté de l’admirer, dans toute sa splendeur, dans toute sa majesté. Et je n’ai eut aucun regret pour les quelques kilomètres supplémentaires.
Le chateau de Tournel
Je suis vendu à l’architecture moderne. Je suis tout autant vendu à l’architecture médiévale. Certes, ce sont deux mondes complètement différents, et alors ? Toujours est-il que quand j’ai vu ce château, là, au dessus de la route, j’ai bien compris qu’il fallait que je m’arrête une fois de plus. Il y avait un petit parking, un petit chemin pour monter, un dépliant pour s’autoguider, et un nom : le château de Tournel.
Il est tout petit, mais parfaitement situé. Il domine un bras du Lot, contrôlant la région sans la moindre difficulté. Les murs, ou ce qu’il en reste, suivent parfaitement le petit éperon rocher où il se dresse. Il n’a pas beaucoup de place. De quoi mettre une tour, un petit donjon, une chapelle et un bâtiment. Et puis un petit village, bien au chaud à ses pieds.