Il est très facile de s’imaginer vivre à Prague. D’oublier que l’on est un touriste qui découvre les rues pour la première fois. La vie quotidienne est là, il suffit de tendre la main pour s’en rendre compte. À Rome, ça ne marche pas comme ça. On a l’impression d’être dans un parc d’attraction géant, dans un musée à ciel ouvert, où l’on déambule, visite, découvre, mais ne vit pas. Il y a quelque chose d’irréel là dedans.
Voir la tour Eiffel depuis le métro, traverser le Pont de Sydney en train, voir la Sears Tower en faisant du rollier, rouler sur le Golden Gate Bidge, marcher sous l’arche Saint-Louis. Toutes ces expériences ont un petit quelque chose d’exotiques, certes, mais me semble pourtant parfaitement normales. Très contemporain. En revanche, regarder le Colisée passer à côté de nous, assis confortablement dans un tram, à quelque chose de surréaliste. L’anachronisme est peut-être trop grand. Le choc des époques trop violents. « Ça te dit d’aller faire un tour au Circo Massimo, tout à l’heure, après le travail ? », « on se retrouve devant le Panthéon, pis on se trouve un bar sympa pour boire une bière », « j’ai rendez-vous pour un entretient d’embauche à côté du Colisée » me paraissent des phrases absolument improbables.
Tout, ici, semble destiné aux touristes. Tout vient d’une autre époque. Ces bâtiments gigantesques qui ne cherchent qu’à vous écraser par leur démesure, je ne pense pas que j’aimerais les voir tout les jours. Et oui, il est vrai que toutes ces rues pavées me donnent vraiment l’impression d’être dans un musée à ciel ouvert. Impression que je n’avais pas du tout à Prague. Étrange…
Mais j’ai quand même plaisir à errer dans les rues. À me perdre dans le dédale de la vieille ville. À être heureux de découvrir cette petite place discrète, que personne n’avait jamais vu avant moi. Je pourrais sans douter errer plusieurs jours dans ces petites ruelles, m’arrêtant juste de temps en temps pour m’asseoir à la table d’un restaurant trop invitant pour envisager une seule seconde d’y résister.
C’est dans cette délicieuse errance sans fin, ponctué de menus qui mettent l’eau à la bouche, que réside la véritable sensualité de Rome.