Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJanuary 15th, 2016

Je ne sais plus quand j’ai rencontré le terme pour la première fois. Ni où. Je l’ai enregistré dans un coin de ma tête, puis je suis passé à autre chose. Opportunivore. Je ne suis même pas sur d’avoir eu la moindre définition. Jusqu’au jour où j’ai découvert que je me reconnaissais dans ce mot. Qu’il me parlait. Et j’ai commencé à me revendiquer opportunivore, en même temps même que j’essayais de définir ce mot. Rien de tel que l’observation pour comprendre. Et puisque je suis opportunivore, je n’ai qu’à m’observer pour savoir ce que cela représente pour moi !

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Ceviche de crevettes – Mahahual, Mexico

Comme le nom l’indique, le lien avec un régime alimentaire est évident. Et comme c’est souvent le cas, un régime alimentaire sous entend un certain mode de vie. Les deux sont généralement liés.

Le deuxième concept sousjacent au nom est celui « d’opportunité ». Suis je un opportuniste de la nourriture ? Oui, cela résume bien les choses. Mais comment est ce que ça se traduit exactement ?

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Flammekuch, Strasbourg

Je mange ce que je peux, quand je peux. Si pour une raison ou une autre, je ne peux pas manger, j’attends. Mon corps a appris avec le temps que le signal « j’ai faim » n’allait pas générer instantanément de la nourriture. Contrairement à certaines personnes qui deviennent irritables / fatiguées / impatientes quand elles ressentent la faim, j’ai généralement tendance à ressentir du plaisir. J’aime avoir faim. Je sais que la nourriture ne sera que meilleure quand elle arrivera, et je sais que mon corps peut attendre sans problème.

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Magrets de canard sauce chocolat, vinaigre balsamique et framboises. Fais maison, Montréal. 

 

Je mange de tout. De la viande, des œufs, des patates, du fromage, du gluten, de la pâte à gâteau crue (parce que ça, quand même, c’est vraiment super bon !). Je n’ai pas envie de m’imposer le moindre régime alimentaire, la moindre restriction. Je vis en général avec un régime assez bas en protéine animale (j’ai testé à plusieurs reprises plusieurs semaines sans viande sans le moindre problème). Je ne suis pas fan d’œuf (sauf dans la pâtisserie) et je ne bois pas de lait nature (mais j’en mets, avec les œufs, dans la pâte à crêpes et depuis quelques temps, avec les ananas dans les licuados). Et bien sur, j’adore le fromage. Mon régime alimentaire en voyage est souvent presque vegan (le « presque » est du au kilo petit morceau de fromage que je cache toujours de moins en moins souvent dans un coin de mon sac à dos). Pour moi, c’est du donnant donnant avec mon corps. Je lui donne ce qu’il réclame quand il en a besoin, à condition qu’il accepte parfois d’attendre. Selon moi, l’important (tant au niveau individuel que collectif) est dans l’équilibre. Je pense qu’il y aurait beaucoup plus de problèmes écologiques si l’humanité toute entière devenait vegan que si elle se mettait à manger des produits animaliers de façon raisonnée. C’est une pensée que je développerai peut-être un autre jour.

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Pavé de saumon tomates séchées, basiliques et pignons. Australie.

J’aime tout. J’ai de plus en plus de mal à dire quels sont les plats que je n’aime pas. J’ai encore un peu de mal avec la texture de certains fruits de mer, et un homard entier dans mon assiette me perturbe (le cerveau comme l’estomac). Il en va de même quand je suis confronté à une cervelle, des tripes ou un bout de langue. Des situations qui restent quand même assez rares. J’ai vaincu mon blocage devant les mini ventouses de la pieuvre, et ça en valait la peine. J’ai goûté la cervelle de mouton dans le souk à Marakech, etje ne regrette pas du tout. J’ai la chance de n’avoir aucune intolérance / allergie / restriction alimentaire et d’avoir été éduqué jeune à toute sorte de gout. Mais j’ai appris à aimer le poisson passé la vingtaine, et les fruits de mer juste avant la trentaine. Le gout anisé me dérange encore, mais je fais outre si nécessaire.

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Beignets de tomates vertes, Floride

Je mange ce que l’on me donne. Dans la plupart des cultures, il est mal vu de refuser un présent, surtout s’il est alimentaire. Mon estomac assume toujours, même s’il a déjà mangé avant. Oui, j’ai déjà mangé un repas en sortant de table pour ne pas vexer des gens…

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Assiette de fruits de mer, Bali.

Je profite des opportunités. « Free food » = « good food ». L’expression fait tilt. Parce que la nourriture gratuite, c’est toujours chouette et c’est toujours bon. Et c’est dommage de s’en priver. Que ce soit pour aider à finir un reste, que ce soit un geste purement gratuit, que ce soit pour une dégustation, oui, nous sommes dans l’opportunité pure. Oui, être opportunivore c’est économique. J’adore les « ventes de dernière minute » dans les supermarchés. D’abord parce que c’est pas cher, ensuite parce que ça évite le gaspillage. Deux raisons qui font que j’aime encourager cette pratique.

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Gateau de polinta, tomates séchées, olives et fruits secs. Mexique.

Je gaspille peu, justement. J’aime improviser des recettes de fond de frigo et des touskis de fond de tiroir. Énormément de restes peuvent être retransformés, de tant de façons… je n’aime pas le gaspillage alimentaire, et mon estomac me soutient dans ma lutte.

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Fromages marinés, Prague

Je ne mange pas équilibré. Et non, désolé. Pas cinq fruits et légumes par jour, 2/3 de verre de vin, 4 cuillère à soupe de farine et 2/7 de tasse d’eau tiède. Je mange ce que j’ai sous la main. L’équilibre alimentaire se fait dans le temps, en écoutant mes envies, en écoutant mon corps. Si j’ai une rage de chocolat, je vais manger une demi tablette de chocolat (voir même une entière). Si j’ai des envies de pommes, je vais manger des pommes pendant une semaine. Et si j’ai des restes de sushis suite à une grosse soirée, je vais manger des sushis pendant trois jours, matin midi et soir.

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Crepes aux chocolats, Rennes

Je fais des chouettes expériences. Comme les sushis au petit déjeuner, ou des mixes improbables parce que j’avais ça et ça et qu’il fallait bien essayer pour voir. Je n’ai pas peur de manger dans les petites étales sombres des marchés d’Amérique Centrale.

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Gratin dauphinois, Lyon.

Je voyage avec qui je veux, sans me prendre la tête. J’ajuste mon régime alimentaire au besoin. Je peux être végétarien sans problème sur une durée indéterminée. Vegan aussi (si je peux manger du fromage en cachette). Je peux vivre de barre de céréales pendant trois jours de randonnées ou de nouilles instantanées pendant trois jours de fin de mois difficile.

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Paela, Toulouse.

Si un jour vous m’invitez à votre table, il est fort probable que je sois le convive le moins pénible (sur le plan alimentaire, on parlera de mon humour une autre fois) que vous ayez eu. Si vous m’invitez et que ça vient du cœur, je serais heureux quelque soit le contenu de mon assiette. Parce que pour moi, c’est particulièrement important. J’ai mangé chez tellement de gens, j’ai eu la chance d’être invité à de si nombreuses tables… je m’en voudrais de compliquer la vie des gens qui acceptent de partager leur nourriture avec moi !

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Chicken Tamales, Mexico

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’opportunivore n’est pas orienté que voyage, même s’il se prête particulièrement bien à la vie sur la route. Manger ce que l’on peut, quand on peut, où on peut, comme on peut, le moins cher possible, entre deux avions, après quatorze heures de trajet le ventre vide… mais en réalité, ça s’applique très bien à la vie de tous les jours. Pour moi, c’est un choix tout autant économique qu’écologique. C’est le plaisir de diminuer le gaspillage, de faire de nouvelles expériences gastronomiques, et de ne jamais voir la nourriture comme une contrainte mais plutôt comme une source d’inspiration.

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Cuisine japonnaise experimentale, Chicago.

Parce que le point le plus important de tous, c’est que j’ai plaisir à manger. Manger est très clairement l’un de mes plus grands plaisirs dans la vie. Je suis gourmand. L’idée de l’opportunivorisme est à l’opposée du concept de privation. Il s’agit au contraire de profiter de tout, au maximum, tout en se contentant de ce que l’on a. Je suis heureux de manger des pâtes aux fromages ou des sashimis de saumon fumée. « Happy, no matter what ». La nourriture ne doit pas être une contrainte. Je ne mange pas pour vivre, je vis pour manger. Si la nourriture est un plaisir, elle vous comblera d’autant plus. Je suis persuadé que des pâtes au fromage, mangées avec plaisir et en bonne compagnie seront meilleures que ces cinq fruits et légumes que vous vous forcez à manger tous les jours parce que l’on vous a dit que…

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Gombo Soup, Nouvelle Orleans

C’est pour moi l’essence même, le principe même de base de l’opportunivorisme :
que chaque repas soit une fête, quoi qu’il puisse se trouver sur la table !

Un commentaire

  1. Commentaire de Kaly

    Superbe et tellement appétissant !!!

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