Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionMarch 7th, 2022
  • Bon, alors… ce Salto de Roldán, on en parle ? Oui, tout à fait, ça se traduit par « le saut de Roland » (moi je trouve ça chouette que des dyslexiques puissent bosser en traduction !). Donc quand Roland a décidé de rentrer en France, avec plein de gens à ses trousses, il a sauté par dessus l’abime avec son cheval. Enfin ça, c’est ce que raconte la légende. Mais du coup, on devrait plutôt l’appeler « le saut du cheval de Roland » ; ça serait un plus bel hommage à la monture. Parce qu’au final, c’est elle qui a fait tout le boulot !

    El salto del caballo de Roland, c’est donc une formation rocheuse assez magnifique, symbole du parc naturel de la Sierra de Guara (dont il marque le début à l’ouest), et de toute la région environnante. Et on peut quand même comprendre pourquoi. À l’ouest, la Peña de San Miguel (1123 m), à l’est la Peña Aman (1124 m), au milieu, le Pico del Fraile (1036) et, 400 mètres plus bas, le Rio Flumen qui coule en toute zenitude (mon interprétation personnelle du lieu n’a d’ailleurs rien à voir avec Roland, mais plutôt avec Dieu qui, un jour, s’est dit « hey, je vais mettre un gros caillou ici, ça va faire joli » ; et la rivière qui s’est dit « lol »).

    Je l’ai d’abord vu de loin, dans la brume, en me dirigeant sur Huesca. Puis de Huesca même. Et en fait, plus je m’en rapproche, et plus il me plait. Et je compte donc bien le découvrir sous toutes ses coutures. En commençant par une arrivée par l’est.

    L’est : Peña Aman

    A priori, la façon la plus simple de grimper la Peña Aman (le monolithe est), c’est de partir du parking où j’ai garé le Chamion la veille, à côté de San Julian de Banzo. 8,5 km aller-retour, 540 mètres de dénivelé, on reste en effet sur du très raisonnable. Il est tout à fait possible d’accéder à la Peña Aman depuis l’ouest, et le parking du Salto. Ça implique « juste » de descendre jusqu’à la rivière, et de remonter de l’autre côté.

    La balade part très tranquille ; on commence par descendre dans le lit asséché du torrent San Martin (oui, le même torrent que la veille, mais un petit kilomètre en aval) et on remonte de l’autre côté. Et on continue de grimpouiller tranquillement en se rapprochant du Salto [Pour le coup, je viens de réaliser que Open Street Map (projet libre et open source qui permet l’affichage des cartes en haut de mes posts) indique également les chemins de randonnées si vous voulez voir un peu les détails].

    Et puis j’arrive au pied de la dernière ascension. C’est dommage tout ce ciel gris (et même ce grésil qui tombe parfois)… mais je grimpe quand même.

    Mais cette fois, je n’irai pas jusqu’au bout. Je me doutais qu’il y aurait une subtilité de ce genre à l’arrivée ; j’étais prêt à ne pas accéder au sommet. L’avantage, avec un final comme ça, c’est que pour moi, y a même pas matière à réflexion. C’est juste un magnifique « nope ».

    Même si c’est juste cinq petits mètres, l’idée de les gravir en me tenant un peu n’importe comment à des barres en métal (froides), avec le risque de glisser, et potentiellement rebondir (c’est surtout le rebond qui devient gênant dans ce genre de relief…) je laisse ça à d’autres. D’autant que mon point de vue, il est déjà très très bien d’ici !

    Oh, et ici aussi y a des poulets !

    Et on a une jolie vue sur le mini château au sommet de la Peña San Miguel.

    C’est pas « si loin » que ça, mais je persiste. Roland, il a rien fait. C’est le cheval qui a fait tout le boulot !

    Et moi, je redescends, et je me rentre tranquillement au Chamion.

    Pendant le chemin retour, j’hésite un peu. La balade a été plus tranquille que prévue ; et plus rapide aussi. Du coup, il n’est pas si tard que ça. Est-ce que je bouge le Chamion ? Est-ce que je vais voir un peu plus loin si j’y suis ?

    Finalement, j’arrive à la conclusion que ça ne changera pas grand chose de bouger aujourd’hui plutôt que demain. Alors je décide de ne pas bouger. Je suis aussi inspiré par le deuxième panneau, au départ du sentier. Celui qui parle du Picon de Mediodia… je l’ai repéré il y a un moment déjà. J’ai lu un peu à son sujet. Et il me tente ; mais je sais qu’il est annoncé avec un passage difficile. Pourtant, à force de lire sur l’ascension, je me dis que le passage difficile est sans doute faisable. Ce n’est pas un passage dangereux (le passage dangereux il est si on veut faire une boucle, et ça, ça me tente pas pour le coup). Du coup, je dormirai une deuxième nuit ici.

    Le nord : el Picon de Mediodia

    Et donc, le lendemain, je repars frais, dispo et fringant. Ils annoncent le même genre de météo que la veille ; pluie légère en début-milieu d’après midi. Je fais donc un effort pour partir un peu plus tôt. Et on verra bien.

    Mes jambes sont en pleine forme. Et j’avance d’un très bon pas. J’arrive assez vite à l’intersection où j’ai pris à gauche la veille ; cette fois, je prends à droite. Et je commence l’ascension avec enthousiasme.

    Ça monte vite, ça monte bien ; mes jambes ne protestent pas. Que ça fait du bien. Je monte, et je monte encore, et je continue de monter…

    Je me demande à quel moment se trouve le passage difficile ; je ne suis pas tout à fait sûr. Et puis soudain, j’arrive au Collado Frontón Supialla. Le col quoi. Et mon objectif apparait pour de bon. Il me parait beaucoup moins impressionnant que ce à quoi je m’attendais.

    Je comprends vite pourquoi, en tournant la tête vers la droite.

    Ah oui. Forcément, c’est pas la même ! Je l’avais vu la veille, depuis le Salto, mais sans faire trop attention. Là, d’ici, y a pas à dire : il en jette, et ça promet d’être un chouette défi. Avec une fin bien raide. Pour autant, je le sens bien, et je repars.

    Et en effet, ça commence à grimper un peu plus, et je ralentis un peu l’allure. Sans oublier de profiter du paysage.

    Jusqu’à finalement arriver au passage difficile… ça correspond bien aux photos que j’avais vues sur mon repérage. Et c’est impressionnant, comme je l’avais imaginé… sans doute même un peu plus. On commence par utiliser la corde…

    Pour rejoindre la chaîne, qui aide à franchir le rocher… pas évident en effet. Je m’applique, je prends mon temps, je suis prudent, et je traverse. Clairement, j’aime pas ça. Je pense que je serai plus sélectif sur mes prochaines randos. Dans l’idée, c’est surtout très impressionnant. Si on prend son temps et que l’on s’applique, ça n’est pas dangereux. C’est juste beaucoup plus stressant qu’une simple grimpette bien raide. Et il y aura évidemment la même chose au retour.

    Ce qui est un peu gênant aussi, c’est que la pluie c’est transformée en jolis petits trucs blancs qui tombent du ciel. Pas du grésil comme hier. Des jolis petits flocons de neige. D’après la météo, la limite pluie-neige devait être à 1500 ; je peux vous confirmer qu’elle est plutôt à 1300, considérant que mon objectif est à 1400… ils annonçaient très peu de pluie (0.1 mm). Donc ça ne m’inquiète pas plus que ça, mais je garde quand même un œil sur la météo. Autant en direct en regardant le ciel qu’en vérifiant sur mon téléphone (la rando connectée, ça a ses avantages). Pas d’avertissement, pas d’alerte. Je continue donc ma montée, bien motivé à terminer. La neige ne tient pas au sol, et c’est très sporadique. Je force un peu sur les derniers (100) mètres. Pour finalement atteindre le sommet !

    Je reste un peu au sommet, à me demander si par hasard ça ne pourrait pas se lever un peu, mais je dois bien me rendre à l’évidence que ça ne sera pas le cas. La neige a vite arrêté, mais il y a encore des stocks de nuages pour un bon moment. C’est dommage, parce que par temps dégagé, j’imagine que la vue doit être absolument unique d’un endroit pareil… le Salto du cheval de Roldán est bien évidemment là, mais pas vraiment mis en valeur par la grisaille…

    Enfin… je me lance dans la descente ; les jambes vont toujours très bien, et ne marquent pas le moindre signe de fatigue. C’est plaisant ! Je traverse ma chaîne dans le sens du retour avec un peu plus d’aisance qu’à l’aller -maintenant que je sais comment ça fonctionne- et je me laisse redescendre, tranquillement, 800 mètres plus bas.

    Et surtout, je ne peux m’empêcher d’être euphorique. Il n’y a pas si longtemps que ça, j’avais encore l’impression que mes jambes n’étaient pas au mieux de ce qu’elles avaient déjà été par le passé quand je m’amusais à faire plus de 1000 mètres de grimpettes dans la journée (Half Dome + Cloud Rest, le Tajumulco, ou même, beaucoup plus proches, certaines balades dans le Beaufortin).

    Ça fait un moment que j’ai repéré le Tozal de Guara ; point culminant du coin, à 2077 m (deux options pour le sommet : 18 km / 1010 m de dénivelé ou 21 km / 1300 de dénivelé). Et j’ai vraiment envie d’aller lui rendre visite. Un point culminant, c’est toujours une belle façon de relier tous les points d’un secteur que l’on a pu voir. Regarder le monde d’en haut, et dire « j’ai été là, et là, et là, et là ». Sauf que pour le faire, il faudra que je sois vraiment en forme.

    En redescendant de mon Picon del Mediodia sans la moindre crampe, en gambadant et le sourire aux lèvres, je suis assez confiant dans le fait que c’est bon, mes jambes sont à nouveau parfaitement fonctionnelles, et que je suis prêt à aller lui rendre visite.

    Il commence à pleuvoir cinq minutes avant que j’arrive au Chamion. Le timing était bon. Et puisqu’il pleut, je décide de finir ma soirée sur place, sans bouger.

    2 commentaires

    1. Commentaire de Bernadette Suchod

      Heureusement que quand on lit tes compte-rendus on sait que tu es bien rentré à bon port … puisque tu as écrit un compte-rendu !

    2. Commentaire de Sébastien Chion

      J’allais commenter en disant « et encore, tu n’as pas lu la suite » ; mais dans le contexte, ça pourrait sonner un peu inquiétant, donc je vais éviter !

    Laisser un commentaire