Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 24th, 2020
  • Mon objectif, depuis que je me le suis fixé, reste inchangé. Je ne sais plus pourquoi je me le suis fixé. Ni quand. Mais c’est pas grave. L’important n’est pas de réfléchir ou de comprendre. L’important, c’est d’agir dans un seul et unique but : atteindre l’objectif !

    Euh… non. Peut-être pas en fait. Mais dans le cas présent, même si je ne me souviens plus trop de la raison de cet objectif, il me convient toujours très bien et il continue à être rationnel. Déjà, Alcaniz c’est la fin de la Via Verde. Donc rien que ça, c’est une bonne raison. J’ai aussi l’impression, quand on regarde une carte en relief de la région qu’à partir d’Alcaniz, le relief change. On quitte ce qui semble être le plateau de la Terra Alta (en réalité, la région portant l’appellation Terra Alta se limite à la Catalogne, la suite, côté Aragon, s’appelle Matarraña ; j’ai quand même l’impression que d’un point de vue géologique, même s’il y a le riu Algars qui traverse, il y a une continuité sur toute cette zone. Et quand on regarde la route, si on descend en longeant les montagnes comme je le fais moi, on arrive à un moment (l’intersection avec la N232) où se présentent deux options : continuer vers le sud, contourner els Port, et rejoindre la mer, ou retourner vers le nord, pour faire une grande boucle en rejoignant la N420 et retourner jusqu’à Gandesa, puis redescendre sur Tortosa. Et venir conclure joliment mes aventures dans la région. Cette option correspond beaucoup plus à ma façon de faire (« boucle »). Et puis il y a une autre donnée à prendre en compte : Gaëlle vient me retrouver à Valencia le 27 février. Enfin ça c’était le plan initial. Je n’avais pas prévu de me faire attaquer par des montagnes, et je pensai avoir largement le temps d’arriver à Valencia le 27. Ce ne sera finalement pas le cas. Après de nombreuses analyses comparatives d’horaires de train et de bus, le plus simple était de se retrouver à Tortosa. Parfait !

    D’autant plus parfait que nos amis Yunaë et Jonathan de la Livingston (si si, la petite Tiny House bleu qui est partie faire le tour du monde) avec qui on avait passé quelques jours à manger du fromage de chèvres et à jouer dans le sud de la Touraine, devrait normalement passer par Tortosa, dans des dates plus ou moins concomitentes, sur leur chemin pour Valencia. Que le monde est petit, n’est-il point ?

    Or donc, nous sommes lundi, mon itinéraire est connu, tout comme ma date d’arrivée à Tortosa. Jeudi fin de journée au plus tard. Ouf ! Je prends donc la direction de Pe?arroya (la roche rouillée) de Tastavins (la rivière qui coule à côté) en longeant mes montagnes habituelles. Qu’elles sont belles mes montagnes ! Et qu’elle est belle cette route !

    Je laisserai passer Fuentespalda sur ma droite sans m’arrêter, malgré la très jolie tour qui dépasse du village.

    Par contre, je m’arrêterai juste avant d’arriver à Peñarroya, en voyant l’ermitage de la vierge de l’étoile. Également appelé Notre Dame de la Source. On comprend très vite l’origine de son nom…

    D’après un panneau explicatif, il y a également un cloitre magnifique. Mais en février, les lieux ne se visitent que le samedi et le dimanche. Par chance, les portes sont un peu vieilles. Elles présentent quelques trous qui me permettent d’avoir un aperçu de ce que je rate… avec des cadrages particulièrement beaux !

    S’arrêter à l’ermitage présente un autre intérêt : le Chamion fêtera ses (2)70.000 kilomètres dans deux kilomètres. Du coup, je me dis qu’il le fait sous une bonne augure, sous le regard de la Virgen de la Vega. C’est la classe, non ?

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    Et un kilomètre plus tard, me voilà garé à l’entrée de Peñarroya. Avec dans l’idée de faire un petit tour de ville, mettons une demi-heure, et de repartir ensuite.

    Vous me voyez venir, n’est-ce pas ? Alors d’abord, ce n’est pas de ma faute. Les cartes indiquants les itinéraires de randonnées étaient installés dès l’entrée du village ! Et j’ai quand même essayé de résister (bon, j’ai pris une photo du panneau pour avoir la carte juste au cas où) mais j’ai vraiment visité le village en hésitant beaucoup !

    Peñarroya… un autre village magnifique. Unique, celui-ci, pour sa collection de balcons, et pour ses avancées de toit particulièrement travaillées. Si Beceite me donnait un sentiment de station de ski, là je me sens dans un village de montagne sans visée touristique. Autrement dit : je me sens vraiment bien ! J’explore la ville avec un objectif en tête : aller tout en haut, pour profiter du point de vue !

    Le plateau qui domine la ville est entouré par une petite falaise qui le rend presque impossible d’accès, sauf par un côté. Au pied de cette falaise, après avoir longé plusieurs ruines de bâtiments, je découvre un enchainement improbable. Villa romaine, maison traditionnelle avec sa tour, maison en bois… avant de comprendre qu’il s’agit d’un musée à ciel ouvert des différents types d’habitats qu’a connu la région au fil des âges.

    Et donc, j’arrive en haut.

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    Et de là, je la vois très bien cette balade que j’hésite à faire. Qui part par ce côté :

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    Pour revenir par là :

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    En fait, j’hésite un peu, parce que le programme de la balade c’est 17 km avec 729 m de dénivelé. Le panneau disait entre 4h et 5h30. Je suis assez d’accord sur ces prévisions, ce qui veut dire que j’ai le temps pour faire la balade avant que le soleil se couche. J’ai la marge de confort que j’aime avoir. Par contre, ça veut aussi dire que je ne ferai plus rien d’autre de ma journée. Et que je dormirai ici. Et au final, ça me va très bien.

    Le début de la balade est tranquille. Le premier objectif -le gros rocher- est assez facile à repérer. Il y a pas mal de chemins qui partent dans tous les sens, mais je trouve le sentier plutôt bien indiqué. Et j’avance d’un bon pas. Les panneaux indiquent le rocher du mammouth. Et en effet, il est magnifique ce mammouth !

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    Un embranchement me propose d’aller profiter d’un promontoire pour le voir mieux, mais je décide d’éviter le détour et préfère continuer de suivre mon chemin qui m’offre de très beaux points de vue de toutes façons.

    Et soudain, je croise un panneau qui me rend éminemment perplexe. Cette balade, c’est également un parcours de course de trail (plutôt que de le faire en marchant et en profitant du paysage, on peut le faire en courant histoire de se faire bien mal aux jambes ; moi j’vous dis y’en a ils sont un peu bizarres). Et donc les kilomètres sont indiqués. Sauf que le dernier panneau que j’ai vu disait « 2 ». Et celui-ci dit « 8 ». Je pense pas avoir fait 6 km en 45 mn. Ou alors j’ai couru très vite sans m’en rendre compte. Enfin… le mystère sera peut être levé plus tard. La balade sera peut-être juste plus courte que prévue (une première !).

    N’est-ce pas qu’il est beau ce caillou ?

     

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    Et bien évidement, ce serait une grave erreur de ne regarder que ce caillou ; parce que le reste du paysage est superbe également !

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    La suite du programme : descendre jusqu’au fond de la vallée, pour rejoindre le ruisseau qui coule là bas en bas.

    Le ruisseau se trouvant être -il y a une logique à tout- el riu Tastavins.

    Je passe un moment à regarder la carte de la balade. Il y a quand même quelque chose que je ne comprends pas. Ils sont passés où mes 6 kilomètres ? Je finis par trouver. J’ai pris un raccourci, tout à fait involontaire. Au lieu de faire une grande boucle qui me faisait passer un sommet, je suis allé tout droit. Et j’ai évité tout ça. Le chemin sur lequel je marche présentement me ramène vers l’endroit où j’ai fait cette erreur ; que je suis bien incapable de comprendre, vu que j’ai suivi les panneaux… enfin… je remonte tranquillement la vallée du Tastavins, avant de commencer à attaquer l’ascension qui me ramènera sur le début de ma balade, en finissant de faire le tour du mammouth.

    De retour à l’intersection, je n’arrive toujours pas à comprendre mon erreur. Par contre, je me sens spolié de mes six kilomètres manquants. Et comme j’ai encore le temps, je décide d’aller les faire. Il faut juste que je retourne à mon point de vue sur le mammouth, à seulement 500 m de là, et que je prenne cette fois la direction du belvédaire. Ça me fera faire la boucle à l’envers, mais comme je n’ai aucune indication sur où aller pour faire la boucle à l’endroit de toutes façons…

    Je retourne donc voir mon mammouth. Il me plait bien et je ne m’en lasse pas. Et j’attaque la montée jusqu’au belvédère.

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    Voilà. J’étais dans la vallée là en bas. Et maintenant, je monte. Encore. Jusqu’au sommet !

    Et le sommet est là. Je fais peur à trois chèvres sauvages qui profitaient de la tranquillité du coin et de l’absence complète de touristes en février… désolé !

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    De là, avec un bon téléobjectif, on a une très belle vue sur la ville.

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    Et là bas… loin là bas… trop loin là bas pour que ça ne sorte autrement que flou… mais oui, je reconnais sa forme caractéristique. Le triangle du Santa Barbara qui veille sur Horta de Sant Joan dans le lointain !

    Je commence à attaquer la descente. Le soleil commence à baisser à l’horizon. Les couleurs s’en ressentent.

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    Le problème, quand on s’égare, c’est que l’on n’est jamais tout à fait sûr de l’endroit où le chemin a disparu. Et qu’en général, ça prend un moment avant d’en être conscient. Pourtant, le chemin était bien tracé au sol. Mais peut-être ai-je  suivi la piste empruntée régulièrement par des chèvres plutôt que par des coureurs. Je ne sais pas trop. Toujours est-il qu’arrive un moment où je dois l’admettre : je ne suis plus sur le sentier balisé de ma balade. Pourtant, je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup dérivé. je vérifie sur la carte : normalement, je suis sensé descendre jusqu’au fond de la vallée, pour trouver un ruisseau, et le suivre, pour remonter au carrefour de départ. Je continue donc ma descente. Ça descend un peu raide, mais ça correspond à la topographie de la balade. Par contre, j’ai une petite inquiétude : le relief est assez répétitif par ici, et si je ne descends pas la bonne vallée et que je ne trouve pas de sentier, ou que je ne pars pas dans la bonne direction… j’hésite un peu. Je garde un oeil sur le soleil ; je sais que j’ai encore le temps. Je pars donc dans la direction dans laquelle je devrai, théoriquement, finir par trouver un sentier. Mais ne le croise pas. Un peu plus bas, dans la vallée, au loin, je distingue un bout de route. Sans doute la route que je suis sensé rejoindre à un moment. Donc si je descends dans le prochain petit vallon, si je comprends bien la carte, je devrai y trouver le sentier… ou pas. Les lieux sont vraiment très vallonnés. Un peu trop. Et puis il ne faut pas que j’oublie un truc : il y a un mois, ils ont une une énorme tempête, qui peut très bien avoir balayé un bout du sentier, le rendant invisible. Plutôt que de continuer à essayer de trouver ce sentier disparu, je change mon approche. Je sais où retrouver le carrefour où j’ai pris une fois à gauche pour poursuivre la balade, une fois à droite pour aller au panorama. Viser ce point me parait la chose la plus logique à faire. Quand je suis au fond d’un vallon, j’ai l’idée générale de la destination. Quand je suis en haut, j’ai un mammouth comme point de repère !

    Je n’ai aucune raison de stresser, je continue donc mon hors piste dans les sous-bois en faisant attention. J’ai rangé l’appareil photo depuis un moment. J’avance en prenant mon temps, pour être sûr de ma direction. La lumière continue à baisser, mais la route est en haut de la prochaine montée, donc tout va bien.

    Ah non. La route je la vois, mais j’ai encore un dernier vallon à descendre et à remonter. Mais dans le fond de celui-ci, il y a une plantation d’oliviers. Donc c’est bien le dernier ! Et je finis en effet par arriver au chemin, content de pouvoir à nouveau marcher confortablement !

    Le soleil se couche une dizaine de minutes plus tard ; je sens la luminosité baisser d’un coup. Il reste encore une clarté suffisante pendant une vingtaine de minutes. Je marcherai les 15 dernières minutes dans le noir ; le chemin est parfaitement visible. Le ciel et les étoiles sont magnifiques. Et je suis content de moi : même si j’ai perdu le sentier, je ne sais ni où ni comment, je suis retourné jusqu’à la route sans problème (bon, d’accord, j’ai quelques petites griffures sur les jambes). Mon estimation du temps de marche était le bon. Et ma marge de sécurité était suffisante.

    De retour dans le village, je traverse les rues en espérant trouver un bar… sans succès. J’en trouverai un fermé… peut-être y en a-t-il un ouvert, mais je n’ai pas la force de tournicoter dans le village pour le trouver. À la place, je rentre à la maison. Je n’avais pas prévu de passer la nuit à Peñarroya ; alors je fais juste quelques manoeuvres pour me remettre à l’horizontal, et je m’installe à l’intérieur, bien content de pouvoir enfin me reposer les jambes !

    Un commentaire

    1. Commentaire de La Feuille

      Paysages somptueux… Les photos de villages me rappellent bien des petites bourgades du centre et du sud de l’Italie, avec bien entendu des différences architecturales, mais la même ambiance et le même souci d’occuper la moindre parcelle de terrain disponible : enchevêtrements de toitures, ruelles tortueuses, montées incessantes. C’est beau…

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