Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJanuary 15th, 2020
  • Donc quitter Narbonne. La suite de l’itinéraire, je la visualise assez bien : revenir sur la côte, Port La Nouvelle, Leucate, Argelès (peut-être en faisant un détour par Perpignan) et rejoindre l’Espagne par la route de la côte. Une histoire de trois quatre jours, sans doute. Clairement moins d’une semaine, vue la distance restante.

    J’hésite un peu en regardant la carte. Il parait que c’est joli de faire le tour de l’île Sainte Lucie à Port-la-Nouvelle. Ça pourrait faire une bonne escale pour aujourd’hui. Mais j’ai envie de faire un petit détour, en passant par Bages et Peyriac de Mer. Suivre une route secondaire et les étangs, plutôt que la nationale. Parce que les routes secondaires, souvent, sont plus belles.

    Bien… hum… alors…

    D’accord ; d’abord, il faut sortir de la ville en traversant une de ces zones commerciales sans fin, sans intérêt, où la voiture est reine (je le sais, j’y suis venu à pied la veille au soir pour aller au cinéma, bin c’est pas simple à pied !).

    Mais soudain, on sort de la ville. On quitte la route principale. Et tout de redevient beau, simple, tranquille. Bages apparait, petit village posé sur sa colline.

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    J’hésite un peu, mais je contourne le village sans m’y arrêter. Juste la route… juste rouler, sur ces itinéraires magnifiques… j’expliquais il y a quelques jours que je réinventais un peu ma façon de voyager avec le Chamion. Me faisant un peu plus plaisir sur les routes empruntées, sur les itinéraires choisis avec un peu plus d’audace… tant pis si je suis plus large que la route, on arrive toujours à se croiser. Et les itinéraires secondaires, quand même, quand on slalome entre les étangs… ça vaut la peine d’y passer. Et ce serait dommage de rater ça… je gare le Chamion a deux reprises pour aller faire quelques pas ; m’éloigner un peu de la route.

    Je vois ce camping-car 4×4, garé loin de la route, dans un endroit d’une paisibilité totale. Je me dis que j’aimerais bien trouver un endroit comme ça. Pas forcément trop loin. Ça pourrait être chouette. Et la route continue de circuler entre les étangs.

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    J’essaie de visualiser la chance inouïe que j’ai, de pouvoir être là, avec ma maison, à avancer à mon rythme. Chance… ce mot me laisse toujours un peu perplexe. Parce que ce n’est pas tant la chance que pas mal d’efforts dans la bonne direction qui m’ont amené ici… faire ce que je sais faire, éviter les écueils de ce qui n’est pas à ma portée… me connaître, savoir ce que je veux faire, le construire… et y arriver… n’empêche, je me trouve chanceux quand même.

    Des petits groupes de flamants roses sont éparpillés dans les étangs. Je vois un chemin qui part ; un bout de parking… il y a des voitures, pas vraiment la place pour le chamion pour le moment, mais peut-être que je pourrai aller marcher une demi-heure, et déplacer ma maison quand il y aura de la place sur le parking… ça me parait un bon programme. Je gare le Chamion un peu en retrait, sur le bord de la route, et je pars marcher. Petit chemin tranquille, qui suit le bord de l’étang. Et comme c’est beau, j’avance. Je continue. Et j’avance encore.

    Je rattrape une dame, qui se promène avec son chien. On discute un peu. Je lui demande si le chemin fait une boucle. Elle me répond que « oui oui, le chemin revient jusqu’à Peyriac ». Hum… bon, je ne suis pas parti de Peyriac, mais j’étais sur une route qui s’y rendait. Donc le plan est simple : je continue jusqu’à Peyriac, et je reviens en suivant la route si besoin.

    Le chemin continue de suivre le bord de l’eau, mais un autre monte un peu sur les hauteurs. Et je distingue un panneau en haut. Je me dis que je pourrai peut-être aller voir. Après tout, on voit mieux en hauteur. Et puis en plus, si j’ai bien repéré les lieux, ça coupe un peu mon itinéraire.

    C’est là que je prends d’un seul coup plusieurs jours de retard supplémentaire sur mon arrivée en Espagne. J’arrive d’ici, depuis la gauche :

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    Et je découvre ce paysage là :

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    Un genre de lac de montagne. Mais au niveau de la mer. Un étang d’eau salé, avec des collines un peu escarpées tout autour. Il y a là quelque chose de magique. Et là en bas, ce petit parking tout tranquille. À deux doigts de l’eau… je regarde, je scrute. Pas de barre de hauteur en vue… mais je préfère ne pas trop y croire. Ce serait trop beau. Je reprends ma balade. Une petite interrogation à une vue satellite me dit que je suis mieux de contourner le lac en passant à gauche. À gauche je passerai donc. Je suis la ligne de crêtes, je vois la route en dessous. Toujours pas de barrière de hauteur. Ça n’est pas très large, mais le Chamion passe là sans problème… mais non, ne pas trop se projeter…

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    Le paysage est magnifique. Je retrouve cette sensation que j’aime tant ; à vouloir tout prendre en photo ; à me rappeler que je viens de faire exactement le même cadrage dix mètres avant. Que j’ai déjà vingt-et-un point de vue du même étang. Mais c’est beau, et j’ai le clic qui me démange ! Et soudain…

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    Oui, il y a des campings-cars garés là, sur le bord de l’eau. Il n’y donc pas de barre de hauteur, au moins pour venir ici. Peut-être pas pour le parking du petit lac intérieur, mais ici je peux venir. Je suis tout heureux de ma découverte. Je n’ai qu’une envie : rentrer à la maison, et la ramener jusqu’ici. De l’autre côté, je distingue Peyriac.

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    Moi je dois redescendre plutôt sur la droite, prendre le chemin que l’on distingue à droite sur l’étang, et rejoindre la route et ma maison.

    Je rejoins la route au niveau du stade. Il y a un match. Des voitures garées des deux côtés. Nous sommes dimanche. Il y a des touristes un peu partout. Pas mal de voitures qui circulent. Un camping-car a du mal à se frayer un chemin. Je modifie légèrement mon plan : je vais rentrer à la maison, attendre que le soleil soit couché, le match fini, le touriste reparti, pour pouvoir circuler plus facilement sans inquiétude.

    J’arrive à la maison peu après, non sans m’arrêter pour regarder un peu des flamants.

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    Je reste un moment, le temps de faire des photos. Et de profiter du spectacle. C’est bruyant. Un conseil, si vous avez un voisin qui collectionne les volailles, ne lui parlez jamais de flamants roses !

    Une dame s’approche de moi ; elle m’explique. Le groupe calme, au fond, ce sont les femelles. Elles se reposent. Il y a deux groupes plus petits, séparés, et plus bruyants. Ce sont les mâles. Ils font des trucs de mâles : le concours de celui qui a le plus long cou, le rose le plus flashy, le croassement le plus pénible… celui qui gagne deviendra le chef du groupe. J’ai pas pensé à demander quel était le rôle d’un groupe de flamants roses. Quelles sont ses prérogatives, ses devoirs, ses obligations… par contre, ce que la dame m’explique aussi, c’est que normalement, les flamants font ça fin février… ils ont plus d’un mois d’avance…

    De retour à la maison, je reste posé un moment. À écouter les flamants. À regarder la lumière qui bascule petit à petit vers des tons orangés, de moins en moins intense. La luminosité baisse. Je serai volontiers resté ici pour la nuit si ce n’était que je suis garé directement sur le bord de la route.

    Et puis finalement, quand il fait assez sombre, je redémarre. Plus une voiture. Je peux rouler tranquillement. Je traverse le village. Me dirige vers les étangs. La route est étroite ; amusante à faire de nuit. Mais je suis quand même content de n’avoir personne à croiser. Je rate le carrefour du parking. Me retrouve dans les vignes. Fais demi-tour. Reviens au carrefour. Trop serré, trop proche de l’étang, pour oser le faire de nuit. Je relonge l’étang. Arrive à un endroit où je peux refaire demi-tour. Cette fois je ne rate pas l’embranchement. J’arrive sur le parking. De nuit, il me plait moins que de jour. On ne voit pas grand chose. Il y a des arbres, du coup on ne voit pas l’étang. Et il est plutôt penché. J’hésite un peu… fais un nouveau demi-tour. Reviens sur le bord de l’étang, là où j’avais vu les campings-cars. Finalement, je suis mieux ici. Pas caché dans les montagnes, mais sur le bord de l’eau. Avec les reflets du village dans les étangs. C’est parfait !

    Je me réveille le lendemain après une magnifique nuit de sommeil. La maison orientée plein sud, ma chambre donne vers l’est. Je dors volet ouvert. Réveillé par le lever de soleil, le temps d’admirer, et de me rendormir…

    L’endroit me plait vraiment beaucoup. Je vais à pieds jusqu’au village ; un petit quart d’heure.

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    Je crois que c’est un de mes plus grands plaisirs en voyage. Trouver une terrasse, sur une place, au soleil. Me poser pour prendre le petit déjeuner en regardant le village vivre. Car oui, le petit village de Peyriac, il est vivant. Joyeux. Sympa. Agréable. Chaleureux. Il n’est pas abandonné. Il y a des fleurs aux maisons, les volets ne s’écaillent pas, il y a des tables et des chaises pour prendre l’apéro dehors. Il se dégage de l’endroit un sentiment de calme, de zenitude, de bien être. Je ne peux pas m’empêcher de penser que les gens qui vivent là sont heureux. Et qu’ils aiment leur village.

    Je retourne au Chamion en finissant le tour de l’étang. Ancien lieu de production de sel, il reste quelques aménagements. Et une très chouette balade (en partie sur pilotis) pour faire le tour de l’ensemble.

    Retour à la maison. Je me pose un peu. Écris quelques pages, en lis quelques autres. Puis refais un aller-retour au village : le magasin que je visais à la base n’ouvrant qu’à 14h. Mais le village n’étant pas loin, et la balade étant particulièrement agréable, ce n’est pas vraiment un soucis.

    Et puis je repars, pour faire la balade des crêtes : hier, je suis arrivé en contournant le lac dans le sens des aiguilles d’une montre. Aujourd’hui, je vais donc me faire la deuxième moitié du lac, et m’émerveiller tout autant devant les paysages.

    Ce genre de paysages…

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    C’est quand même joli quand on y pense…

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    Et je suis rentré tranquillement finir la soirée chez moi.

    Nina habite un peu à l’ouest de Narbonne. Je l’ai rencontrée il y a deux ans pendant un festival. Elle vit en camion aménagé, et a décidé de prendre la route pour l’Espagne. Et donc, forcément, sachant que j’étais sur le même itinéraire, elle m’a contacté. On s’est dit que ça pouvait être sympa de faire un petit bout de route ensemble et d’organiser des courses. L’idée initiale était de se donner rendez-vous à un endroit quelque part, et de faire tous les deux notre route pour s’y retrouver. Mais au final, je me suis dit que je pouvais bien faire une autre journée de plus à Peyriac-de-Mer. Je n’étais plus à ça prêt. L’endroit était parfait, calme, tranquille. Ça m’allait très bien.

    Du coup, au lieu de reprendre la route ce mardi matin, je suis plutôt allé à pieds, jusqu’à la boulangerie du village (fermée le lundi). Pour manger des croissants au beurre, assis sur le rebord de la fontaine, sur la place du village… que j’aime ce genre de petit déjeuner… marcher un quart d’heure, dans un paysage magnifique, sous le soleil, pour s’offrir des croissants maisons délicieux… que demander d’autre !

    J’étais posé tranquille dans ma maison à écrire ; une personne s’est approchée, comme bien souvent, intriguée par la maison. On a commencé à discuter. Parler de la maison dans un premier temps, puis d’autre chose. Nina est arrivée sur ces entrefaites faisant à son tour la connaissance de Kevin avec qui on a passé une partie de l’après-midi à discuter. Avant de retourner faire un tour dans ce paysage magnifique, parce que quand même ça serait dommage de ne pas en profiter plus !

    Kevin a fini par retourner à ses propres aventures, et nous avons fini la soirée tranquille à discuter confortablement dans la maison, avant que Nina, à son tour, rentre chez elle… juste à côté ; me rappelant ces quelques jours très sympas partagés avec Jonathan et Younae dans leur Tiny House Livingston, dans une ferme productrice de fromages de chèvre…

    Et puis finalement, le lendemain -après être allés manger des croissants que j’avais passé la soirée de la veille à vanter à Nina- nous avons finalement quitté ce mini bout de paradis. Parfois, le ciel gris fait du bien. J’aurai eu encore plus de mal à quitter cet endroit s’il y faisait grand soleil. Si accueillant, si beau, si agréable… si ça avait été dans un coin de pays parlant espagnol, j’aurai sans doute chercher un moyen de rester plusieurs semaines…

    Un commentaire

    1. Commentaire de Lavande

      Effectivement c’est vraiment un coin superbe !

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