Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionApril 4th, 2022
  • Et donc, depuis le temps que j’en parle, aujourd’hui, c’est le grand jour : el pico Gratal !

    Il y avait donc l’option simple. Se garer à côté de Lierta. 12 km A/R, 750m de dénivelé. On monte, on redescend, et c’est dans la poche. Ou bien depuis Arguis. 15 km, 800m. On monte, on redescend un peu, on remonte, et on rentre. Mais j’étais bien, garé à Bolea, et j’avais aucune raison de bouger. Ça faisait juste rajouter quelques kilomètres. Je partais pour un 26 km A/R, 1000m de dénivelé, ça restait raisonnable. Sauf qu’il y a quelques jours, en remontant la vallée de la Garona (de Rasal à Arguis) j’ai aussi repéré le pico Peiró (la jolie montagne triangulaire). Et je l’ai aussi repéré sur le plan. Et depuis le chemin du Gratal, c’est pas forcément un si gros détour que ça a priori (spoiler déjà dans le titre de l’article : oui, je ferais le détour).

    Je n’avais pas envie de me presser. J’avais l’impression que j’avais tout mon temps de toutes façons. Les journées sont longues, le soleil se couche tard, départ à 11h du matin après avoir commencé la journée tranquillement (et avec un énorme bol de céréale, il est vrai). Grand ciel bleu annoncé toute la journée, c’est parfait (c’est d’ailleurs pour ça que j’ai choisi cette journée pour faire cette randonnée…).

    Pozos de Nieve

    Et donc, avec trois litres d’eau et trois barres de céréales dans le sac (et tout mon bordel photo), je pars, le pas léger et guilleret. Objectif bien en vue. Il fume, c’est impressionnant. Il a dû faire froid, loin là haut, cette lui.

    Chemin tranquille pendant un moment. Le temps de se rapprocher des montagnes. Je suis de retour sur le Camino Natural de la Hoya de Huesca. .

    La grimpette commence juste après l’ermitage de la Trinitad. Comme les photos sur le panneau d’information sont plutôt jolies, je fais un mini détour, mais c’est fermé.

    Et donc commence une première séance de grimpe. Pas trop raide. Pas trop plat. Ça tire sur les jambes, mais beaucoup moins qu’avant. À croire que faire ça régulièrement ça permet d’avoir un bon entraînement à la longue ! Une fois de plus, des tuyaux et des canalisations un peu partout…

    La fin de la grimpette est agréable, beaucoup moins raide, à l’ombre des arbres, puis on débouche sur le Pozo de Nieve. La fosse à neige. Une ancienne glacière en pierre. L’endroit est aménagé, avec des petites tables à pique nique (il existe un chemin version vélo ou 4×4 pour venir ici). Et c’est plutôt plaisant.

    El pico Peiró

    Moi, je continue mon petit bonhomme de chemin, tout tranquille. Toujours aussi guilleret sous ce beau ciel bleu. J’ai entraperçu un coin de sommet blanc dans le lointain. La vue sur les Pyrénées semble complètement dégagée ; j’ai hâte de voir !

    Le Gratal refait son apparition. Il se rapproche, petit à petit. Et pourtant, il reste majestueux, dominant les environs. Je finis par arriver à un magnifique mirador, qui permet de l’observer d’autant mieux. Lui, et les environs.

    Le chemin ne présente que peu d’intérêt mais la vue reste belle. Et la marche a l’avantage de ne pas être fatigante du tout. Je suis toujours en pleine forme quand j’arrive à l’intersection où je dois me décider. À gauche, pour un détour (6 km A/R et 150m de dénivelé en plus) ou à droite, direct sur le Gratal ?

    Deux arguments viennent jouer en faveur du détour :
    1- la vue sur les Pyrénées. Le ciel est toujours clair, et je m’imagine avoir une vue superbe depuis le Peiró. Possiblement plus belle que depuis le Gratal, car avec moins de montagnes au milieu.
    2- je suis de plus en plus dans l’idée de connecter des points, de relier mes randonnées. De créer un seul et unique chemin d’Aguero jusqu’à… jusqu’à je sais pas du tout où. Mais cette idée me plait de plus en plus. En rejoignant le Peiró, il me sera plus facile par la suite de créer un nouveau segment de balade, pour me connecter à cette balade là. Absurde ? Moi, je trouve pas en tout cas.

    C’est donc parti pour 1h30/2h de détour d’après mes estimations. Je suis large sur le timing, c’est parfait. Ça remonte un peu, jusqu’à un col, qui permet de bien visualiser l’objectif.

    Et de bien visualiser, aussi, les Pyrénées en arrière. Ma décision était la bonne. À partir de ce point, deux options possibles. La première consiste à continuer tout droit, descendre de 200m environ, puis tout remonter en face, et plus encore… j’avoue que cette option ne me tente pas plus que ça. Surtout que ça a l’air plutôt raide. Je prends plutôt la version qui consiste à partir grimper encore un peu, afin de rejoindre la ligne de crête, et la longer pendant un moment.

    Le chemin est bien marqué mais, je dois bien le reconnaître, avoir une appli GPS qui me suit pendant la balade… ça a un côté pratique, pour m’assurer que je ne pars pas n’importe où.

    La ligne de crête est belle. Et inspirante. Mais plus pénible et moins agréable à marcher que prévu. Avec un dernier passage bien raide, puis du vagabondage dans les buissons qui piquent. Je ne ferai pas le retour par ici.

    Avouez que c’est beau quand même :

    La vallée, qui part vers la gauche vers Rasal, et vers la droite sur Arguis et le lac. Et le Peiró au milieu (et la crête pour le rejoindre).

    Et donc, une dernière (façon de parler…) ascension.

    J’ai les jambes fatiguées un peu, mais pas tant que ça. Et je n’ai tellement aucun regret tellement la vue est magnifique… moi je suis toujours content quand je peux faire un 360 !

    Au loin, à gauche, le Gratal. Il m’attend sagement. J’aime que le col soit parfaitement aligné entre le Gratal et le Peiró et j’ai hâte de voir la vue « miroir ». La crête que je viens de suivre. La vallée, très grise et sèche, de la Garona. Le Puchilibro, encore et toujours lui, qui dépasse. Mais aussi ces deux falaises magnifiques, qui disparaissaient dans la brume lors de l’ascension de ce même Puchilibro. Le Tozal de Guara, toujours couvert de neige sur sa face nord. Le lac d’Arguis. Et bien sûr, en arrière plan, les Pyrénées.

    Je suis réconcilié avec mon ascension du Puchi. Je peux enfin avoir une vraie vue panoramique de cette magnifique barrière blanche. Ça en valait la peine !

    Bon ! Et maintenant… on redescend, on remonte en face, on marche beaucoup, et on regrimpe encore. Tout un programme !

    El Pico Gratal

    Si la descente se fait sans problème, la montée me prendra quand même du temps. Je ralentis considérablement. Il faut dire que c’est particulièrement raide. Et que je sais que je n’ai pas encore fini. Il est hors de question que je force sur les jambes pour le moment. Mais je finis quand même par remonter de l’autre côté. Et je me retrouve un peu après de retour à mon carrefour. Mon estimation n’était pas si mauvaise : cela m’aura pris 2h20. Il y avait clairement plus de 6 km. Et clairement plus de 150m de dénivelé. Mais c’est pas grave !

    À partir de là, le chemin ne fait que me rapprocher du Gratal. Mais ça prendra du temps, quand même. Et plus je m’en rapproche, plus je me pose des questions. Il reste vachement haut, vous trouvez pas ? En théorie, d’après la carte, il ne dépasse « que » de 200m le petit plateau à son pied. Moi ça me parait plus !

    Je finis par me retrouver à son pied. Je garde un œil sur l’heure, mais j’ai encore de la marge. J’ai hésité pendant toute une partie du trajet, mais je ne ferai pas demi-tour au Gratal. Je vais plutôt faire une boucle. Ça me rajoute peut être trois ou quatre kilomètres supplémentaires, mais l’avantage c’est que je redescends tout de suite. Donc je sais que même si c’est plus long que prévu, je serai sur du plat en fin de journée (et puis c’est une boucle). Mon objectif étant d’atteindre le goudron avant le coucher de soleil. J’attaque cette dernière ascension avec enthousiasme, mais sans trop forcer non plus. Parce que justement, je sais qu’après, il me reste encore plus de 800m de descente, et plus de 15km de marche… c’est loin d’être fini !

    Et finalement… finalement, j’arrive en haut. Il n’y a pas de vent. Juste un soleil doux, et agréable. Pas un son. Tout est calme. Posé. Et la Sierra Loarre et la Sierra Guara s’étalent devant moi. Tous mes amis sont là. Les anciens comme les plus récents. Ce au-revoir, que je n’avais pas pu faire convenablement depuis le Puchilibro… je découvre que c’est d’ici que je peux le faire. Je n’avais pas prévu de tous les revoir. Je n’y avais pas vraiment pensé, à vrai dire…

    Ils sont là…

    El Salto de Roldan, el pico de Mediodia (même lui !), Guara, Marcuello et Loarre, perdus dans la brume, mais quand même présents, Puchi, Bolea… et même Huesca ! Tout ces noms, que j’énumère si régulièrement, comme une ritournelle… et que je répète encore, une fois de plus / une dernière fois ? Je suis bien. Et je reste un moment à savourer tout ça. À admirer la vue.

    Et finalement redescendre…

    D’en haut, j’ai assez bien pu repérer mon itinéraire. Les cartes me le confirment également. Je sais où je vais. Je descends. Je descends. Et je descends encore… un mini détour, remonter d’une trentaine de mètres, pour un point de vue sur le sommet. Et ensuite, je recommence à descendre. Encore, et encore. C’est long. Pas hyper intéressant. Et c’est long. Et pendant que je descends, le soleil descend aussi.

    J’en ai assez de descendre quand je rejoins les chemins quasi horizontaux. J’ai encore beaucoup de marche. Je coupe à travers un joli champ d’herbes. Je ne couperai pas à travers un verger. D’en haut, ça paraissait tout plat. Mais d’à côté, ça ne l’est pas du tout. J’ai mal regardé la carte. Bon, je reste sur le chemin.

    Le soleil est couché ; je ne suis pas encore sur le goudron, mais je n’en suis plus très loin. Et je peux encore profiter des lueurs du crépuscule.

    Il ne fait pas complètement noir quand je rejoins enfin la route. Il me reste encore 4 kilomètres. Je les ferai d’un bon pas. Il me reste encore un peu d’énergie. Mais c’est surtout que, je dois bien le reconnaître, j’en ai marre, et j’ai hâte d’arriver.

    Le Chamion est un soulagement. Je prends mon temps. Je reste encore un peu debout. Mais je sais que la pizza de ce soir sera méritée ; il commence à être loin le (gros) petit déjeuner. Et les trois barres de céréales ont fini par disparaître aussi. D’ailleurs, la pizza ne suffit pas. Je m’offre un petit sandwich après ça. Ça fait du bien !

    Je suis parti il y a presque 11h. J’ai marché pendant 9h30 au total. 35 km, 1518m de dénivelé. Bon, d’accord, c’était peut être un peu beaucoup ?

    Sans trop de surprises, le moment le plus raide, c’est bien l’ascension finale du Gratal qui fait gagner 150 mètres en seulement 600 mètres de marche (oui, c’est bien du 25% de moyenne…). Arrive en deuxième place, la toute première grimpette : 285m de montée sur 1,5 km (19%). Qui arrive juste devant la mention spéciale : la « réascension » après la descente du Peiro (150 mètres de gain, mais en 800 mètres – 18,7%). Sans oublier le gros de la descente finale : 12% pendant 6 km… (et encore j’ai fait un détour !).

    N’empêche… une rando qui vient se ranger sans trop d’hésitation dans le top de mes randos les plus intenses ! Sans le moindre doute aux côtés de Cloud Rest + Half Dome dans la même journée même si je n’ai pas les stats exacts. Ou bien les 42 km avec 850m de dénivelé de Berg Lake, au pied du Mont Robson ; que j’ai fait à deux occasions tellement elle est belle. Et cette plongée vers mes anciens carnets de route me fait bien comprendre que j’ai encore de la migration / fusion à faire pour tout ramener mes anciennes histoires au même endroit !

    Enfin… tout ça pour dire que je suis satisfait de moi ! Et que j’aurai peut-être quelques crampes demain matin !

    2 commentaires

    1. Commentaire de Bernadette Suchod

      Bonne nuit, bien méritée.

    2. Commentaire de Kaly

      Magnifique et inspirant, comme d’habitude !
      Je suis frappée de voir très souvent traces d’activité humaine autour de l’eau. Tous ces conduits sont omniprésents et témoignent de la longue lutte pour la (sur)vie.
      D’ailleurs, je suppose que les trois litres d’eau ne sont pas revenus intacts au Chamion ?

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