« Tu verras, c’est fou la Semana Santa. Il y a des processions religieuses partout, c’est impossible de circuler en ville, les hôtels sont hors de prix, il faut réserver six mois en avance »
Présenté comme ça, je n’étais pas sûr d’avoir envie de vivre la Semana Santa à Antigua. Les guatémaltèques sont très croyants, et les célébrations de la semaine sainte à Antigua sont les deuxièmes plus importantes dans le monde, après Séville.
Oui, des célébrations catholiques dans une ville blindée de monde et hors de prix, je n’étais vraiment pas convaincu.
« La Semana Santa est une expérience unique, que l’on a rarement l’occasion de vivre. C’est un plongeon dans les croyances d’un peuple, d’un pays. C’est une autre vision de la culture, une autre façon de la voir et de la comprendre ».
C’est vrai… il était aussi possible de le voir de cette façon. De voir l’opportunité que j’avais, alors que j’allais être au bon endroit, au bon moment. Cette option me plaisait beaucoup plus. Parce que oui, la religion est omni présente dans le quotidien des gens ici. Parce qu’elle fait partie de la culture de ce pays que je découvre petit à petit. Alors j’ai réservé une chambre pour une semaine, et je me suis préparé à une ville pleine de gens.
J’aime le sentiment de montée en puissance que l’on ressent lors de l’approche de certains événements. La tension qui se sent de plus en plus, les préparatifs qui transparaissent, le changement dans le quotidien de plus en plus palpable. J’aimais presque autant la semaine précédent la fête des lumières à Lyon que les célébrations elle même. La place des arts de Montréal a toujours été dans une magnifique effervescence juste avant le début de l’été. Participer à la construction du Rêve de l’Aborigène était une fête pour les mêmes raisons. Et tout cela se résume par ce sentiment unique de convergence, alors que les 60,000 festivaliers de Burning Man se regroupent, petit à petit, au centre de la Playa pour voir brûler Man.
J’ai retrouvé cette lente gradation à Antigua. Les premières processions commençaient longtemps avant la Semana Santa. La fin de semaine précédent les célébrations, les processions se faisaient déjà un peu plus grandes, un peu plus imposantes. Et la semaine a été comme cela. Avec un lundi très tranquille (presque décevant, alors que je m’attendais déjà à beaucoup de monde et d’activités) jusqu’à un vendredi complètement fou…
À Antigua, la Semana Santa est connue pour ses alfombras. Des « tapis » colorés, qui sont dessinés avec du sable, directement dans la rue. À même le sol, sur les itinéraires des processions. À la fois offrandes et œuvres d’art éphémères, ils apparaissent le matin pour se faire piétiner dans l’après-midi…
C’est magnifique à voir. Magnifique, aussi, de regarder les gens les faire. Sables colorés et pochoirs pour les dessins et les détails.
Et tout cela va du très simple au très complexe. De façon un peu générale, les alfombras sont plus simples en début de semaine. Ils se complexifient et s’améliorent avec le temps. J’ai vu les plus beaux dans la journée du vendredi, point culminant des festivités.
Et pendant que la qualité des alfombras s’améliorent, la quantité de gens augmentent. Les foules sont de plus en plus denses dans les rues. Les processions de plus en plus suivies. Tout cela dans une ambiance joyeuse et festive. Pas de mauvaise humeur, pas de colère, pas d’énervement. Les gens sont juste là, et heureux d’être là. On vient en famille. Sans limite d’âge. L’alcool ne semble pas couler plus que ça. Bref, je me sens bien. J’ai toujours préféré les foules calmes et modérées aux rassemblements imbibés d’alcool
Et tout ce petit monde se rassemble pour regarder des processions. Une par jour la plupart du temps. Deux le samedi. Trois le vendredi. Des gens défilent en costume. C’est un peu étrange de voir des légionnaires romains et des étendards de la SPQR en Amérique Centrale. Mais pourquoi pas après tout… Les cortèges sont accompagnés de musique ; cuivre, percussion… ambiance étrange, particulière. Les processions se suivent et se ressemblent quand même pas mal. Je ferais beaucoup de photos, avant d’arrêter au bout d’un moment…
Et du coup, j’en profite un peu aussi pour faire quelques portraits un peu serré. Parce que je suis loin d’être le seul photographe dans la foule. Et je me dis que pour une fois, je peux en profiter sans me sentir coupable. L’occasion est belle !
Au final, la semaine s’est passée de façon un peu étrange. Il est vrai qu’en dehors des processions, il n’y a pas grand chose de plus à voir. Il est vrai aussi qu’elles se ressemblent beaucoup et qu’après en avoir vu quatre ou cinq, j’étais près à passer à autre chose… l’ambiance en ville était des plus agréables. J’ai adoré me promener, un peu au hasard. Observer les gens, profiter de l’atmosphère de fête qui flottait sur la ville. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Sans doute pas à cela. Mais je crois que n’importe quelle expérience m’aurait surprise de toutes façons. Ambiance de festival de rue, mais sans animation, sans activité, sans rien. Juste des gens, dans la rue. Juste des gens de bonne humeur. Juste des gens heureux. Est-ce vraiment la peine de vouloir plus que ça ?
Même avant de lire cette chronique j’aurais regretté que tu n’aies pas assisté à la semana santa.
D’après ce que tu dis, le tourisme n’est pas encore venu à bout de la religiosité.
Si je reste profondément, viscéralement, athée et anticléricale, je pense que la dimension spirituelle, c’est pas rien. Je préférerais qu’elle se dispense de Jésus et tout le tremblement, c’est clair, mais c’est chouette que des humains se réunissent, fraternellement, dans un but que je trouve élevé. Voici (clairement) exprimées mes contradictions.
Et puis c’est chouette que tu aies fait ces photos, ce boulot de fou qui disparaît tout de suite. On est dans le boudhisme, là, ou je ne m’y connais pas !