Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionApril 6th, 2016
  • Querido Acatenango, querido Fuego, espero que están listos. Porque lo estoy.
    Que el espíritu de la Loba camina al lado del Jaguar. ¡Porque mañana, bailaré con el fuego, bailaré con ustedes!
    Bailaré por los que viven y por los que son muertes. Bailaré para la vida y para el amor. Bailaré para yo y para todos. Bailaré para el Universo. Porque mañana será el día del Jaguar.
    Porque mañana naceré. De nuevo.

    Il me regardait, depuis tout là-haut. Depuis un moment. Si Agua domine Antigua de toute sa splendeur, c’est l’Acatenango (et son jumeau Fuego) que l’on voit de loin. Je l’ai vu depuis les bords du lac, depuis certains passages de la randonnée qui de Xela m’a amené à Atitlan, du sommet du Tajumulco, depuis le sommet du Santa Maria. Et depuis certaines terrasses d’Antigua.

    Je l’ai souvent vu. J’en ai beaucoup entendu parler également. Autant pour sa difficulté (de façon générale, il a cassé les jambes de tous les gens que je connais qui l’ont fait) que pour la récompense finale : une vue magnifique sur la chaîne des volcans, sur le lac Atitlan, et sur son jumeau : Fuego, l’un des volcans les plus actifs du monde. J’ai souvent ce problème face à des montagnes. Il faut que j’aille voir en haut. Il faut que j’aille jeter un oeil. C’est comme ça…

    Si vous voulez lire la partie pratique sur l’Acatenango en solo, c’est par ici.

    Mon séjour à Antigua touchant à sa fin, mes vacances touchant à leur fin également, n’y avait-il plus belle façon de célébrer que de gravir le troisième plus haut volcan/sommet du Guatemala? Sachant que j’ai déjà fait le premier et le quatrième, et que le deuxième (le Tacana) est un peu trop loin (ne vous en faîtes pas, je me le garde pour plus tard), oui, l’Acatenango permettait de finir en beauté. Et après hésitation, j’ai décidé de le faire en solo. Pour plusieurs raisons (dans le désordre) :

    • le prix : ça fait plus de six semaines que je me la coule douce et que j’ai arrêté le volontariat. J’ai voyagé pendant trois semaines et demi avec Lilou, semaines au cours desquelles on s’est fait plaisir, on a enrichi Quetzaltrekker et on va visité plein d’endroits. Et ensuite, j’ai passé trois semaines à Antigua, incluant la semaine sainte (où tous les hôtels doublent les prix) et une semaine de cours d’espagnol intensif (« sponsorisés ») en pension complète. Donc oui, il fallait calmer un peu les dépenses.
    • le temps : j’aime marcher à mon rythme. Avancer quand j’ai envie, m’arrêter quand j’ai envie. Monter tranquillement et descendre en courant. Ne faire quasiment aucune pause, avançant lentement mais sûrement.
    • la liberté : d’un point de vue emploi du temps, c’était jouable ; je pouvais passer deux nuits au sommet si j’en avais envie. D’un point de vue pratique, je ne savais pas si ça me tenterait, mais j’aimais pouvoir le faire. J’ai tout l’équipement nécessaire, je suis 100% autonome en randonnée. Alors pourquoi me priver de cette autonomie ?

    Après un départ plus lent que prévu, j’ai quitté Antigua à 9h30. À 10h30, un chicken bus me déposait à Dueñas, le chauffeur me disant qu’il faudrait que je continue en pickup. À 10h35, un chicken bus m’embarquait pour m’emmener jusqu’à la Soledad, point de départ du trek. Il est 11h15 quand j’attaque la montée. Le temps est couvert. Je sais déjà que je devrai attendre demain pour voir le paysage. En règle général, les sommets commencent à se couvrir vers 11h/11h30. Le temps pour les nuages d’arriver de l’océan. Puis le ciel se dégage peu après le coucher de soleil, les derniers nuages étant passés. Je sais que j’aurai un ciel dégagé cette nuit, et la vue sur le paysage demain.

    Mon sac est lourd. Très lourd. Je l’estime à 18 kilos. Il faut dire que j’ai à manger pour deux jours (au cas où), cinq litres d’eau, un didgeridoo, mon bâton de feu, du kérosène, mon matériel photo, et oui, aussi de quoi avoir chaud cette nuit. J’ai testé sur le Taju, j’ai revérifié sur le Santa Maria, la nuit la haut, il fait chaud.

    Après une demi-heure de marche tranquille (mais quand même montante) à travers champ, puis une autre demi-heure en sous-bois agréable, j’arrive à l’entrée du parc du volcan. D’après mes informations, l’entrée était gratuite. D’après le gars qui vend des billets, c’est 50Q. Je paie, non sans faire quelques photos de l’imposant Cana (nom scientifique : Chiranthodendron Pentadactyron, famille des Sterculiaceae). C’est le deuxième Cana que je voie. Le premier, je l’ai vu 10 minutes plus tôt, mais il y avait une vingtaine de personnes tout autour, alors j’ai gardé la photo pour le retour.

    À l’entrée du parc se trouve un panneau pour m’indiquer que je suis à 2772 mètres, et que le sommet, donc, je trouve à 3968 mètres. Bon, mettons pour simplifier qu’il me reste 1200 mètres à grimper. Et que j’ai déjà du en faire 100 ou 200.

    À partir de la guérite d’accueil, le chemin est -pendant un long moment- une agréable promenade dans les sous-bois. Quelques arbres magnifiques, beaucoup de brouillard, et tous les 200 mètres de dénivelés, une petite baraque avec quelques informations détaillées.

    L’information que je trouve la plus intéressante est celle qui explique qu’il y a trois volcans « jumeaux » au Guatemala. Acatenango+Fuego, Santa María+Santiaguito et Tolimán + Atitlán. C’est dans les trois cas le volcan situé au sud est (Fuego, Santiaguito et Atitlán) qui est le plus jeune et toujours actif. Indication plus que probable que la chaine volcanique se déplace.

    Boulette (qui a fait l’Acatenango avec Laurie) m’avait prévenu : « quand tu arrives à une sorte de clairière, tu tournes à droite pour aller au camp de base ». Je n’ai compris que plus tard -bien plus tard !- ce qu’elle appelait la sorte de clairière (en fait, en relisant plus tard ses conseils, elle disait d’aller à gauche, mais elle parlait d’un autre endroit je pense… bref…). J’ai continué de monter, suivant sans aucun doute possible le chemin principal. Depuis un moment, maintenant, j’étais dans les nuages. Avec, il est vrai, un peu de mal à voir mon objectif. Assurément pas égaré, le chemin est trop bien marqué pour ça. Juste… indécis ?

    Et puis je suis arrivé à un plateau. Ça ne ressemblait pas à un sommet, mais très clairement à un endroit où il fallait prendre une décision. À droite, ou à gauche ?

    L’arrivée à ce plateau, c’était aussi le plaisir de se retrouver en plein vent. Si la montée, jusqu’ici, se faisait plutôt à l’abris, ce n’était désormais plus le cas. La température a chuté. J’ai commencé à me poser des questions. Il était 16h. J’avais donc encore 2 heures de jour devant moi. Vu le temps que j’avais passé à monter, le sommet ne pouvait être que proche. Et puis de temps en temps, on distinguait un peu de soleil entre les nuages. J’avais le sentiment qu’il ne me faudrait pas monter beaucoup pour en sortir. Après tout, une ouverture me montrait que j’étais déjà au dessus des nuages presque tout le temps :

    ouverture

    J’ai fini par comprendre que j’avais raté à un moment l’embranchement pour le campement. J’étais très clairement dans la dernière ligne droite du sommet. J’avais deux options : faire demi-tour, ou terminer l’ascension. La première, évidemment, ne me tentait pas. La deuxième avait quand même un mini bémol : que se passait-il si je ne pouvais pas camper au sommet ? Je me suis dit que je verrai en temps venu. Après tout, il ne me semble pas avoir jamais fait un sommet où il n’y avait pas de place pour une tente (je parle de ces sommets que l’on atteint en marchant, pas en grimpant ou en hélicoptère). Dans le pire des cas,je redescendrais pour installer ma tente quelque part par ici. C’était assez plat. Et puis les nuages se sont dégagés à nouveau un peu, et j’ai vu ce qui ressemblait à un cratère à droite. Peut être bien que j’étais presque arrivé, finalement. Tant mieux. Parce que j’avais les jambes cassées. Le dos pas beaucoup mieux. Et les stocks d’énergie plutôt bas.

    Je n’étais pas tout à fait en haut. Je découvrirai (en l’absence de nuage) que l’Acatenango a un petit cratère un peu plus bas. Il me faudra une heure complète (avec une pause de vingt minutes, épuisé) pour finalement atteindre le sommet. Exténué, vidé, à tendance un peu découragé.

    Mais plus je montais, plus je voyais le soleil. Je savais que j’allais en sortir de ces nuages. Je savais que j’allais arriver au sommet. Mais en même temps, parfois, quand il y a des nuages, du soleil, et que tout est bien orienté, l’optique prend le relais. Et alors il n’y a plus rien à dire. Juste à s’émerveiller. Non, je n’étais pas épuisé au point de me penser déjà mort avec un halo de lumière. J’étais juste fasciné. Émerveillé.

    halo

    [Petit détail amusant, que je découvre en revoyant la photo : si j’avais fait un peu attention à l’ombre, j’aurais vu à ce moment là que j’étais quasiment arrivé au sommet]

    Allez… une deuxième, parce que je ne me lasse pas.

    halo2

    Et finalement, le vent est tombé. Le ciel est devenu tout bleu. Les nuages se sont envolés. Comme la fatigue, et l’inquiétude de trouver un emplacement pour poser la tente.

    J’ai crié ma joie. J’étais en plein coeur du cratère de l’Acatenango…

    pano_aca_cratere3000

    J’ai fait le tour, un peu, déambulant un peu au hasard, un peu hagard. Conscient de ma fatigue. Conscient du sac trop lourd sur mes épaules. Incapable de faire quoi que ce soit. Je ne pouvais pas m’arrêter. Pas encore. Pas tout de suite. J’étais au sommet de l’Acatenango. J’étais seul au sommet de l’Acatenango. Et Fuego est apparu.

    fuego1

    Fuego encore un peu timide. Encore drapé dans ses nuages.

    pano_fuego_nuage3000

    J’ai pris un moment à choisir mon emplacement. Je ne voulais pas mettre la tente n’importe où. Je voulais voir Fuego de mon lit. J’ai ignoré le sol un peu incliné. Ce soir, j’allais inaugurer ma nouvelle tente !

    tente1

    Épuisé, affamé, cassé, et commençant à avoir froid, je me suis réfugié dans ma tente, à l’abris du vent.

    tente2

    Je suis resté à l’intérieur. Regardant le soleil se coucher par dessus les nuages tout en mangeant mes tortillas frites, avec mon avocat, mes frijoles et ma sauce tomate.

    pano_fuego_couchersoleil3000

    Pour être exact, le soleil s’est couché à 18h20:06 à l’heure de mon appareil photo.

    soleil

    À 18h32:04, Fuego lui a souhaité bonne nuit à sa façon.

    fuego2

    Et moi, je me suis écroulé. Il n’était pas encore 19h, je pense, que je dormais déjà.

    J’ai pas forcément bien dormi. Je me suis réveillé vers 21h30. Alors pour faire passer le temps, j’ai fait une photo à 21h40:58

    night1

    Puis une autre à 21h54:08

    night2

    J’ai aussi écouté At’home, le dernier album de Yak’che, que j’avais acheté il y a quelques jours. J’attendais un moment propice pour l’écouter. C’était parfait. Je me suis rendormi.

    À 4h25:36, je me suis dit que l’orage en arrière plan sur l’océan était une bonne excuse pour faire une photo de Escuintla de nuit.

    night3

    Je ne pouvais pas rater la salutation au soleil de 5h30:22

    night4

    Ni les premières lueurs à 6h00:51

    night5

    J’ai eu froid une bonne partie de la nuit. Enfin… je n’ai pas eu froid, mais je n’ai pas eu chaud non plus. j’étais juste limite. Le vent ne s’est pas vraiment arrêté de souffler, et la tente n’a rien fait pour l’empêcher de rentrer, avec une porte pas complètement étanche. Et puis je dormais penché, sur un matelas se dégonflant beaucoup plus vite qu’avant. Alors les premières lueurs du soleil, j’ai été heureuse de les voir. D’autant plus qu’au lever du soleil, les volcans ont toujours des ombres magnifiques !

    ombre

    Vous reconnaissez bien évidemment la silhouette du Atitlan au fond à droite, avec le Toliman à sa droite et le San Pedro en arrière. Bien sûr, vous avez reconnus les noms. Ce qui veut dire que le lac ne doit pas être loin… un petit coup de téléobjectif, et on le retrouve, en effet. Et puis en arrière plan, ils sont là. Le Santa Maria. Et le Tajumulco. Oui, une belle façon de clore tout cela…

    lago3000

    Un dernier petit au-revoir à Fuego et ses magnifiques courbes sinueuses, et j’attaque la descente.

    pano_fuego5

    J’ai hésité. Vu qu’après tout, j’avais assez de nourriture pour rester une nuit de plus. Mais j’étais fatigué, et j’avais peur de mal dormir une deuxième nuit de suite. Et puis le lendemain, je devais aussi attaquer la route pour Rio Dulce. J’aurai pu. J’avais le temps. Mais j’avais envie de ne pas me stresser. J’ai décidé de redescendre. Je reviendrai voir Fuego une autre fois. Une fois où il aurait de la lave pour moi. Une fois où je m’installerai au camp de base pour dormir, histoire d’être moins fatigué, et d’avoir le courage de sortir le bâton de feu. Et de jouer plus de didgeridoo. Oui, je reviendrai au sommet de l’Acatenango. Je reviendrai voir Fuego.

    Pour le moment, je me contente de redescendre, en un peu moins de trois heures, avec les jambes un peu lourde. C’est l’occasion de découvrir ce paysage que je n’avais pas encore vu !

    Et de revoir mon premier canac que je n’avais pas encore photographié !

    Je me suis retrouvé sur le bord de la rue. Heureux et motivé. Prêt à prendre le chemin retour jusqu’à Antigua !

    Un commentaire

    1. Commentaire de Lavande

      La couleur de ta tente est pas vraiment …camouflage! Ça en jette! D’ailleurs sur la première photo on voit qu’elle se prend pour un petit volcan: il y a de la fumée qui en sort.
      Sinon je ne peux dire que “impressionnant!”
      A quand un reportage de notre envoyé spécial à la Semaine Sainte?

    Laisser un commentaire