Je suis revenu à la voiture. Elle annonçait 13h, heure de Quintana Roo. Donc de Chetumal. Donc de là où je ramène la voiture. Donc j’étais large. Donc je pouvais prendre mon temps. Donc c’était parfait. Donc je suis reparti, heureux.
Avant, j’étais lycéen. Avant ça, j’étais collégien. Avant ça, écolier. À l’époque, autant de « donc » m’aurait valu de nombreux traits rouges, dans tous les sens et un mot dans la marge. « Répétition ». Voir même juste trois lettres. Rep. Aujourd’hui, je suis écrivain (futurement -que mon correcteur orthographique veut transformer en “futilement”, je me demande comment je dois le prendre- célèbre). Alors cet enchaînement de « donc » n’est plus une maladresse, mais une audace que le lecteur aura su apprécier à sa juste valeur, comme il se doit. Vieillir, ça a quand même ses avantages !
Il est bien précisé, dans toutes les informations que j’ai pu trouver sur Calakmul, qu’il est impossible d’y acheter quoi que ce soit. L’un des plaisirs des lieux : absence complète de vendeurs, que ce soit avant ou après l’entrée du site. Probablement pas rentable de venir jusqu’ici, avec les 11,3 visiteurs quotidiens…
J’avais bien enregistré cette information, et j’avais prévu de m’arrêter à Xpujil à l’aller, pour faire quelques courses. Mais ça m’est complètement sorti de la tête. Mon repas de la veille, au camping, avait l’avantage d’exister malgré son prix. En l’absence de petit déjeuner ce matin, j’avais quand même envie de rejoindre la civilisation bientôt (même si l’une des facettes positives de l’opportunivorisme, c’est que quand il n’a rien à manger, l’opportunivore ne mange pas, ne se plaint pas, assume son oubli, et se contente sagement d’attendre, sans ressentir la faim – ça, c’est pratique et agréable).
Je m’arrête donc à Xpujil sur le chemin du retour. Un des rares villages de la région. Avec quand même pas mal de boutiques. Essentiellement de légumes et de chaussures (oui, il s’agit bien de boutiques différents).
Je suis la cible de tous les regards. Les touristes, il n’y en a pas beaucoup par ici. Je finis par acheter deux trois trucs dans une « boulangerie » et reprends la route. Juste en partant, je repère des petits bouts de ruine dans la ville. Elles sont microscopiques, mais les pierres ont été bien nettoyées. Et puis ça me plait de trouver ça au milieu d’un village. Ça change du milieu de la jungle !
Je reprends la route. Passe les deux mêmes contrôles militaires que la veille, en à peine plus de temps. De retour à Chetumal, je profite de la voiture pour faire un détour au terminus d’autobus. Mais le responsable de la vente des tickets pour le Belize n’est pas là. Bon, bin je les achèterais dernière minute mes billets. Comme d’hab !
Je ramène la voiture à l’aéroport. Le retour se fait sans problème. Peu après, un véhicule de l’agence me dépose à l’hostel où j’ai réservé pour la nuit. Celle-ci sera courte de toutes façons : il me faut partir à 6h le lendemain !
Je vais acheter deux enveloppes dans une boutique voisine. Écrit une ou deux cartes. Je sais à peu près où est la poste. Je me dis qu’une petite balade nocturne peut faire du bien.
Chetumal, un dimanche soir à 20h, c’est déprimant. Personne dans les rues. Pas de lumière nul part… je marche un long moment avant de finalement trouver une zone active. Une mini fête foraine, quelques stands, et un spectacle de Noël complètement hors de propos à mes yeux : je suis en t-shirt, il y a des palmiers tout autour, et les seuls sapins qu’ils ont trouvés sont en plastique…
Je mange un peu, me promène encore quelques instants, avant de prendre le chemin du retour. Sans oublier de passer par la poste – vérifie-t’il souvent la petite boite de dépose nocturne juste à l’entrée, j’ai un doute, mais on verra bien. J’ai encore du mal à savoir quel est le pourcentage de perte tolérée par la poste mexicaine, mais il me parait élevé. Je sais que certains envois sont arrivés (compter trois quatre semaines environs). Sur cet même base de temps, je sais que d’autres envois sont pour l’instant dans la twilight zone de l’espace intergalactique de l’interstice de l’espace sous le lit où tout disparait pour peut être ou peut être pas ressortir un jour.
De retour à l’hostel, je passe encore un long moment à écrire sur mon ordinateur. Malgré la fatigue des derniers jours, je ne suis pas du tout d’humeur à dormir. Il est trois heures du matin quand je me décide enfin. Et trois heures plus tard, mon réveil sonne…