De Montréal Nord à Verdun ; de Ahuntsic à Ville Marie ; de St Michel à St Henri…
C’était le 18 avril 2001. Après 8 mois de galères administratives, de préparations, de planifications, et autres plaisirs du genre, j’arrivais finalement au Québec. J’avais laissé tombé mes études ; j’avais tout envoyé balader ; je venais commencer une nouvelle vie avec 69 kilos de bagages.
C’était il y a dix ans exactement. Si peu et tant à la fois. Difficile de se représenter à quel point ça peut être à la fois long et court, selon comment on regarde. Même quand je me dis « ça représente le tiers de ma vie », je n’arrive pas vraiment à imaginer.
Voilà dix ans que je regarde Montréal changer, évoluer, grandir, et que je l’accompagne dans son cheminement. Il m’aura fallu du temps pour la comprendre, pour la saisir. Plus que tout, il m’aura fallu du temps pour me comprendre moi ; pour comprendre mon choix. Parce que ça fait bien longtemps que j’ai arrêté de compter combien de fois on me demandait « mais pourquoi Montréal ». Encore maintenant, je me fais poser la question au moins une fois par mois. Parce qu’il m’est arrivé quelque chose d’étrange. Dix ans plus tard, j’ai encore et toujours mon accent du Dauphiné. Alors évidemment, dès que je parle, les gens comprennent bien que je ne suis pas d’ici. « Mais d’où êtes vous exactement ? ». J’ai beau me revendiquer Montréalais, un simple accent semble m’interdire cette revendication. C’était il y a trois jours à peine. Le gars dans la rue qui m’a demandé du feu ne m’a pas cru quand je lui ai dit depuis combien de temps j’étais ici. Il m’a regardé avec des yeux ronds quand j’ai cité Pierre Bourque, Bernard Landry et Jean Chrétien. Ça fait si longtemps que je suis là maintenant que je n’ai pas besoin d’aller sur wikipedia pour savoir qui ils sont. Ma culture présente est montréalaise, mais les gens refusent de m’accorder cela. Tout ça pour une simple histoire d’accent. Surprenant, non ?
À tant vouloir m’identifier comme Montréalais, beaucoup pensent que je renie mes racines, que je renie le fait d’être français. Comme je l’avais écris juste après avoir prêté serment à la reine d’Angleterre pour avoir le droit à un passeport canadien, avoir deux citoyennetés vous fait voir les choses très différemment. Mes racines, ce n’est pas ce pays où on abreuve les sillons à coup de sang impure ; ce n’est pas non plus celui, supposément terre de mes aïeux, où l’on se sent glorieux de savoir porter l’épée et la croix. Mes racines, c’est une grande maison plus que centenaire, avec un grand terrain autour. Des arbres, des fleurs et un jardin. C’est ce clocher, là haut sur la colline, que j’ai toujours vu par la fenêtre de ma chambre, et un piano dans un coin de la pièce. Mes racines, ce sont deux parents qui s’aiment et un grand frère parfois un peu trop tannant. Ce sont ces trois personnes qui m’accompagnent partout, qui sont toujours avec moi et vers qui mes pensées se tournent très souvent.
Parce que ça, c’est une autre des questions à la quelle je dois répondre au moins une fois par mois. « Ta famille ne te manque pas » ? J’ai fait un choix, alors que je n’avais pas encore 20 ans. J’ai fait le choix de dire « au revoir » à tout le monde. Parents, famille, amis. Pour suivre mon coeur. Pour suivre une fille avec des boucles brunes magnifiques, et un sourire qui me faisait fondre. Je ne suis pas parti pour faire du mal autour de moi ; je suis parti, parce que j’en avais envie. Si je ne regrette pas ce choix, je continue à trouver certaines de ses conséquences très lourdes à assumer. Pourquoi donc me posez vous cette question ? Vous avez besoin de savoir si je suis un coeur de pierre insensible ?
Non, je ne renie pas mes racines. Elles sont juste plus légères, moins profondes, et acceptent de se déplacer. Mes racines, ce sont ces milliers d’images souvenirs qui voyagent dans ma tête, et que j’ai tant de plaisir à partager, pour les faire vivre, et revivre, encore et encore.
Ça fait dix ans. J’ai finalement mis l’adjectif qui me convenait sur Montréal. « Folle ». Oui, Montréal est histoire de Folie. La ville où tout est possible, où tout semble permis. Elle offre un tel multiculturalisme, une telle ouverture d’esprit, que vous pouvez être qui vous voulez, sans avoir à vous inquiéter. Montréal vous offre la possibilité d’être vous d’une façon que je n’ai encore jamais retrouvé ailleurs. À Montréal, la seule limite semble être l’imagination. Et ça, à vrai dire, j’en ai à revendre.
J’ai exploré de nombreuses facettes de Montréal. Improvisation, gastronomie, rencontres, gothique, fétichisme, musique, festival, contes, théâtre, cirque, pistes cyclables, ventes trottoirs, premier juillet, architecture, universitaire, pyrotechnie, la liste est sans fin. J’ai déjà eut une bonne raison pour descendre à chacune des stations du métro de Montréal, à l’exception de Plamondon et j’ai déjà pris l’avion à Mirabel. La ville a de moins en moins de secrets pour moi et plus je la découvre, plus je l’aime.
Il s’en est passé des choses en dix ans ; mais aujourd’hui, c’est un nouveau compte à rebours qui commence. Si j’aime Montréal, le reste du monde continue de me fasciner. Et aujourd’hui, il me semble qu’il est temps pour moi d’aller déposer mes valises ailleurs. Quitter Montréal ? Pourquoi pas !
[…] au Canada, au Québec plus exactement. Dix ans qu’il habite à Montréal. Il raconte tout cela très bien dans un texte qu’il a rédigé sur le blog qui lui sert de portail sur tous ses projets en […]
L’une des trois principales racines tient à te dire à quel point j’aime ce que tu exprimes.
S’éloigner de quelque part et de quelques-uns, ce n’est pas preuve de désamour. D’ailleurs, à force de voyager, on se voit capable de souhaiter vivre dans plusieurs pays, et à force de rencontrer des gens on désire en revoir un nombre illimité… “Loin des yeux loin du coeur”, ce n’est pas vrai. On aurait d’ailleurs dû te donner des mèches de nos cheveux…
Les personnes qui ont du mal à te croire Montréalais à cause de ton accent, ce sont les personnes qui croient qu’on n’appartient qu’à un seul pays, celui de notre origine. Ainsi, j’ai une amie Camerounaise qui vit au Québec où on la considère comme étrangère, et quand elle retourne au Cameroun… elle n’est plus de ce pays, elle est devenue étrangère aussi ! C’est le problème des expatriés comme toi.
Alors que si l’on approfondit assez, on trouve des personnes humaines, toutes différentes, et qui ont toute quelque chose à nous apporter. Inutile de se prendre la tête, tout est simple et tout est là, dans notre humanité.
Ce n’est pas évident pour nous que tu sois si loin, mais cela nous fait voyager même sans bouger, quand nous échangeons les nouvelles… En te souhaitant encore bien de beaux et bons voyages…
[…] je n’aurai plus d’appartement et ma vie devra alors tenir dans un sac à dos. Après avoir vécu 10 ans à Montréal, j’ai en effet de reprendre la route, et de partir découvrir de nouveaux cieux. Trois mois […]