Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionMarch 9th, 2022
  • Le sud : la route depuis Huesca

    Avant d’aller me casser les jambes sur le Tozal de Guara, il me reste quand même encore au moins une dernière balade à faire au Salto. Celle qui part du parking (côté ouest) qui permet de grimper la Peña San Miguel, et qui descend tout en bas en bas, pour choper le torticolis en regardant vers en haut.

    Sauf que la journée suivante, la météo est à la pluie non-stop jusqu’à au moins 17h. Je prends donc mon temps pour ranger mes affaires et me préparer à décoller. A priori, pas de randonnée aujourd’hui. Juste un peu de route. J’ai un petit moment d’hésitation au moment de traverser le barrage de Montearagón, pas vraiment mis en valeur par la météo. J’envisageai de peut-être m’arrêter là, mais les lieux ne sont pas inspirant (et je ne suis pas sûr qu’ils le seraient même sans la pluie). Je décide donc de continuer vers mon objectif : Sabayes, juste avant le Salto. Avant d’être pris par une idée soudaine. Je vérifie sur la carte. Bon, quitte à avoir de la pluie, je vais plutôt aller passer la nuit… sur l’aire de camping-car de Huesca ! Ça fait longtemps qu’il ne m’ont pas vu là bas ! C’est un détour de 8 km (16 aller-retour). Ça me parait parfaitement raisonnable. Et ça sera l’occasion pour moi de refaire quelques courses. Certes, j’ai de quoi tenir encore quelques jours, mais là, au moins, comme ça, je refais les stocks pour un  moment. C’est parfait.

    Peu de temps après, me voilà donc de retour à Huesca. Je conduis en habitué ; je sais où je vais, où me garer. Je pose le Chamion à une autre place (par principe). Et je n’ouvre pas tous les volets. « Z’inquiétez pas les gens, je ne suis que de passage ». Et je vais faire des courses chez Al Campo, parce que j’ai un besoin très spécifique.

    Je vais donc chercher de la litière pour rongeur (on en trouve dans les grands magasins : copeaux de bois compressés, pour mes toilettes sèches ; mes stocks commencent à être au plus bas). Et alors que je marche dans les rayons, tout content de la plaque à biscuits que je cherchais depuis un moment (pile poil à la dimension du four, pour faire des cookies parce que c’est bon les cookies), j’achète de quoi réparer le Chamion. Parce que oui, depuis un moment, j’ai une lumière qui clignote sur le tableau de bord. Après m’être renseigné, on m’a dit que c’était un problème sur la pompe à vide. Sauf qu’après réflexion, observation, et analyse, j’ai compris que ça n’avait rien à voir. C’est juste mon niveau de liquide de frein qui commence à être un peu bas. Bref, je n’ai pas de litière à hamster, mais je peux faire des cookies, et refaire mon niveau de liquide de frein pour arrêter d’avoir un tableau de bord qui clignote ! Une autre raison pour laquelle je ne veux pas changer de porteur… je commence à bien le connaître, et à pouvoir faire des auto-diagnostiques (chamio-diagnostiques ? ).

    Et passer la nuit à Huesca, avant de reprendre la route, pour le Salto…

    Je m’en doutais… je le craignais aussi… mais les cimes ont blanchi… et forcément, ma Peña Gratal (1563m – 5e photo) et mon Tozal de Guara (2077m – 2e photo) sont très blancs. Bon, ils ne sont pas planifiés pour l’immédiat, parce que les ascensions recommandées se font par la face nord (ça va pas aider…), depuis la prochaine vallée, où j’ai plus ou moins prévu de me rendre… par la suite. Mais j’espère bien pouvoir les faire à un moment !

    La route m’amène jusqu’à Nueno, où je m’engage alors sur des petites routes, en direction du parking du Salto (du cheval) de Roldán. Petites routes… très petites même, en fait. Encore une fois, j’ai l’avantage d’être le plus gros, donc je compte sur les autres pour se jeter dans le ravin à ma place. Un peu après le village de Sabayès, le jetage dans le ravin devient littéral par endroit. Je suis heureux de pouvoir monter là haut ; mais clairement, cette route devrait être interdite aux campings-car. Ou en alternative -j’ai déjà vu ça dans certains lieux : avoir une circulation sens unique en fonction des horaires (première demi-heure de chaque heure pour la montée, deuxième demi-heure pour la descente par exemple). Parce que quand deux twingos ne se croisent pas, on espère fortement que personne ne descendra quand on monte en Chamion.

     

    L’ouest : la Peña San Miguel

    Arrivé en haut, j’échange quelques mots avec un couple d’espagnols. « On avait prévu de descendre, et puis on vous a vu arriver, alors on a attendu un peu ». Voilà… c’est exactement ça. Il faut être raisonnable !

    En attendant, moi tout là-haut, j’ai une vue absolument superbement magnifiquement géniale ! Et je m’empresse d’aller marcher un peu, jusqu’au mirador…

    (oui oui, on distingue même le Chamion, majestueux au sommet de la ligne de crête !)

    Et en avançant un peu plus sur le sentier, on distingue mieux les trois Peñas du Salto.

    Et dans les deux cas, on distingue sans aucun soucis, un peu en arrière, el Picon de Mediodia, qui me garde à l’œil, pour s’assurer que je ne fais toujours pas de bêtise.

    Google me propose « rocher » comme traduction de « peña » mais je trouve que ça rend pas vraiment hommage à la majesté de ces gros cailloux. Du coup, je préfère garde le terme de peña, que l’on croise un peu partout dans le coin (spoil numéro 1 : oui, j’ai prévu d’en voir d’autres ; spoil numéro 2 : el rio Flumen (la rivière qui coule en bas) marque la séparation entre la Sierra de Guara, à l’est, que j’ai déjà mentionnée et où je me suis baladé ces derniers jours, et la Serra de la Peña – dont le nom est très prometteur- à l’ouest, où je continuerai un peu par la suite).

    Je reviens au Chamion, mon premier repérage fait. Et je me fais un bol de céréales. Parce que ça faisait longtemps. Et que je sais que potentiellement, je vais marcher beaucoup aujourd’hui et que manger avant de partir, des fois, bin c’est pas absurde ! (J’ai mangé un peu avant el Mediodia, je suis sûr que ça a aidé !).

    À vrai dire, mon programme est assez simple : descendre au pied du Salto par le côté sud, remonter, puis redescendre côté nord. Avec une alternative incertaine : il n’est pas impossible qu’un chemin de randonnée permette de passer entre Aman et Miguel…

    Je me lance dans la descente. Ça descend vite, mais c’est confortable. Première constatation : il ne faut pas rouler vite dans les virages sur ce genre de route (aïe) ; deuxième constatation, les nuages commencent à ressortir alors qu’ils n’étaient pas supposés… mais ce point de vue, franchement… comment je fais pour être raisonnable avec les photos moi ?

    Il y a bien un chemin qui continue vers le pied de San Miguel, mais impossible de dire s’il permet d’aller jusque de l’autre côté… je verrai en remontant. Pour l’instant, je continue de descendre ; et plus je descends, plus je me rends compte qu’il est possible d’aller loin. Pour découvrir, avec ravissement, que l’on peut descendre jusqu’au Flumen. Et ça, c’est trop bien ! D’autant plus quand l’eau est aussi inspirante !

    Et puis c’est quand même rare que j’ai l’occasion de faire des panoramiques verticaux !!!

    Et moi, clairement, juste pour ça, je suis déjà émerveillé et heureux d’être venu… l’eau fait super envie, mais c’est même pas la peine d’y penser. Même pas j’y trempe le gros orteil, on se calme.

    J’attaque mon début de remontée ; en n’oubliant pas d’apprécier le départ de la grisaille et le beau ciel bleu. Autant je n’ai pas gardé les panoramiques de la descente, autant, une fois le soleil ressorti, ça en vaut vraiment la peine !

     

    Mais aussi le milieu ?

    Et donc, je m’embarque sur le sentier qui me rapproche de Miguel. On verra bien jusqu’où il permet de se rendre. Dans tous les cas, il offre de nouveaux angles de vues ; de nouvelles raisons de s’émerveiller !

    C’est impressionnant… mais ça a vraiment l’air de vouloir passer !

    En fait, à vrai dire, c’est encore plus impressionnant quand on regarde après. Je suis vraiment passé là moi ?

    (oui oui, le petit rebord de terre, après être descendu au travers des arbres)

    Ce passage, je l’ai fait sans trop de problème ; si j’étais arrivé dans l’autre sens, et que j’avais vu ça avant, je pense que j’aurais beaucoup moins aimé. Pour autant, j’avais bien conscience du vide à côté de moi. Je n’étais pas hyper à l’aise, mais dans ma tête, j’avais plutôt l’impression d’en rajouter. D’être dans la projection en mode « tiens, comme je suis sensé avoir le vertige, je vais m’en rajouter un peu, même si l’endroit ne me donne pas le vertige ». Après tout, j’ai même pu m’arrêter pour faire un autre panoramique vertical, pour montrer comment c’est impressionnant…

    Mais oui, après, j’ai eu le vertige un peu plus.

    Ne sachant toujours pas si ma balade traverserait ou pas, il y a eu cette petite inquiétude, de devoir repasser par là… mais puisque le chemin se rendait aussi loin, c’est que ça allait passer, n’est-ce pas ? En attendant, tant que je peux continuer d’avancer sans prendre de risque, je continue. Confiant !

    Quand je redescends jusqu’au niveau du Flumen, je commence à avoir un doute, alors que le chemin disparait dans la rivière… avant que je comprenne qu’il faut traverser en passant sur les gros rochers. Certes, le marquage peinture reste assez visible, mais je lui offre un cairn de compagnie, histoire que ça se voit encore mieux. Et je traverse donc mon cailloux, en m’imaginant remonter de l’autre côté. Ça paraissait logique.

    Sauf que… bin sauf que non en fait. Je cherche un moment, avant de comprendre que ça ne remonte pas de l’autre côté. Le chemin s’arrête ici. C’était juste un autre accès à la rivière. C’est dommage, parce que j’ai l’impression qu’il ne manque pas grand chose… Sauf que…

    Non…

    Ils oseraient pas quand même…

    Si ?

    Oh… bin si… il y a bien une marque…

    Donc ils sont vraiment sérieux. À partir de là, on continue à la nage. Enfin en vrai, pas tout à fait à la nage. Ça n’a pas l’air si profond que ça. Mais c’est de l’eau. Et c’est froid. Et et plus c’est mouillé. Je fais quoi moi ?

    Il y a un phénomène assez classique ; il porte même un nom, que je n’arrive pas à retrouver. Vous vous êtes déjà tellement impliqué dans quelque chose, que vous vous dîtes « je peux bien faire encore un petit effort » « quitte à avoir fait tout ça, ce serait dommage de baisser les bras ». Il y a toujours l’espoir que ça débloque. Que ça mène finalement à quelque chose (c’est comme ça que je me suis retrouvé à lire l’intégrale des Chevaliers d’Émeraude -chose que je regrette encore- ou que j’ai regardé la dernière saison de Game of Thrones ; sur un ton beaucoup moins léger, c’est aussi l’une des raisons qui poussent une personne à rester dans une relation malsaine…). En randonnée, ça s’applique aussi. Je l’avais d’ailleurs mentionné il y a quelques temps, dans ma randonnée été/hiver dans la Foz de Benasa. À quel moment est-ce qu’il devient absurde de persévérer et qu’il vaut mieux faire demi-tour ?

    Je reste un moment à regarder le torrent. Il n’y a pas beaucoup de courant. Ce n’est pas très profond. Je pèse le pour, et le contre. Okay, je vais avoir froid aux pieds, mais c’est pas très grave. Par contre, est-ce que je m’apprête à faire quelque chose de stupide, ou de dangereux. A priori, pas trop de crocodiles ou de piranhas dans le coin. À part un risque de rhume du gros orteil gauche, je ne pense pas mettre ma vie en jeu. Donc décision est prise : je me lance. Enfin… pas littéralement. J’enlève les chaussures, les chaussettes, remontent les pantalons, et c’est parti ?

    Le pacte avec moi-même est assez simple : je vais voir 100 mètres plus loin à quoi ça ressemble ; éventuellement 200. Tant que ça ne reste pas profond et qu’il n’y a pas de courant, c’est pas un soucis.

    Ok. On est d’accord. C’est froid. Vraiment froid. Vraiment très très froid. Comme un torrent en montagne, au mois de mars, à 1000 mètres d’altitude, un lendemain de pluie quoi…

    Et c’est fou comment ça fait du bien ! C’est tellement agréable ! Une fois le choc passé, la deuxième sensation, c’est clairement du bien être… puis la troisième, qui revient dire que c’est froid. Et la quatrième, qui explique que c’est bon pour la circulation sanguine et mes pieds et mes mollets. Puis la mauvaise analyse de profondeur, qui fait que je serais mouillé jusqu’au haut des cuisses. Puis le soulagement de voir qu’il y a bien une sortie pas loin, et que du coup, je peux marcher sans me presser, pour profiter encore un peu du froid qui fait tellement de bien.

    Puis ressortir de l’eau. Un sourire immense sur le visage.

    Moi j’aime bien quand il se passe des choses pendant mes randonnées. Des passages différents ; de l’imprévu… mais clairement, je préfère quand il s’agit d’avoir froid aux pieds pendant 100 mètres que de franchir 5 mètres un peu difficile en se tenant à une chaîne ! C’est beaucoup plus drôle, et nettement plus agréable.

    Et surtout, une fois ce passage derrière moi, il n’y a plus aucun doute : ça traverse ! Le chemin traverse. Il est possible de passer de la face sud du Salto à sa face nord. Sans avoir à remonter jusqu’au parking pour redescendre de l’autre côté.

    Je me sèche les pieds ; les pantalons sècheront sur moi ; et je remets mes chaussures. Mes pieds se sentent tellement bien ! Je repars en marchant avec légèreté. El Salto et derrière moi. Désormais, Aman est à gauche, et Miguel à droite…

    Peu de temps après, j’arrive à une nouvelle décision.

    À gauche, une petite heure de grimpette, et je rentre au parking. À droite, un magnifique détour de deux heures, pour rejoindre le chemin que j’ai fait l’autre jour vers la Peña Aman. Personnellement, je trouve ça drôle de compléter. De rejoindre ces deux randonnées en une seule et unique. De connecter les traits sur la carte… je sais, j’ai un sens de l’humour un peu particulier parfois… mais je me sens en pleine forme, et j’ai les pieds tout frais alors… go ?

    Nord et est : le retour de la Peña Aman

    J’ai un doute, un peu plus loin, quand je vois l’option que l’on me propose pour traverser la rivière (clairement, j’ai le flemme d’enlever à nouveau mes chaussures). Je me dis que c’est sans doute pas le chemin officiel. Je marche un peu plus en amont, avant de me rendre à l’évidence que si, c’est bien là qu’il faut traverser. Bon allez… ça se tente !

    Une fois de l’autre côté, pas plus mouillé que ce que j’étais juste avant, j’attaque l’ascension.

    Ce que je n’avais pas prévu du tout -mais qui m’aurait paru assez évident si j’y avais réfléchi un mini peu- c’est qu’en grimpant de ce côté là, j’allais m’offrir un autre angle de vue sur le Salto. Et que j’allais encore m’émerveiller un peu plus les yeux. Et ça, c’est quand même chouette !

    Et puis le kiffe de parfois avoir le Chamion, qui se découpe sur la crête (on le devine sur certaines photos en cherchant bien). J’ai l’habitude de le voir (parfois) par en haut. Par en dessous, c’est plus rare. Il est beau, non ?

    Et du coup, je peux aussi profiter de la vue avec moins de nuages que quelques jours plus tôt.

    Et maintenant… bin il ne me reste plus qu’à tout redescendre. Et à remonter. Encore une fois. Youpi !

    Et finalement… enfin !

    Mais… mais… stop voyons ! Pourquoi il est rendu en bas le Chamion ?

    Il reste un peu de lumière ; il me reste un peu d’énergie. Demain, il va pleuvoir et faire gris ; donc je ne m’arrête pas au Chamion. Je continue plutôt sur ma lancée, pour aller voir San Miguel. Avec encore un peu de lumière. Et de ciel presque bleu. On va dire. Sans plus de surprise que pour le sommet de la Peña Aman, je n’irai pas au sommet de San Miguel. Mais c’est pas grave. Parce que je me suis déjà bien assez éclaté les yeux et les jambes pour aujourd’hui !

    Une autre journée avec un peu plus de 800 mètres de dénivelé dans les jambes ; je suis fatigué, mais c’est une fatigue tellement positive qui fait du bien… et puis j’ai ma petite maison qui m’attend. J’aurai des voisins pour la nuit. Un petit van s’est installé tranquillement. Moi, je m’installe sur ma banquette confortable où je suis bien. Tout content de cette nouvelle balade !

    2 commentaires

    1. Commentaire de Kaly

      Ton histoire de bain de pied m’a fait bien rire !
      J’ai lu je ne sais où que les bains de pieds froids éloignent un paquet de maladies que tu peux pas imaginer ! Mieux vaut de l’eau naturelle qui court dans des zones naturelles que de l’eau du robinet, surtout si elle est javelisée…
      A 70 ans, on peut pas vraiment faire de telles randos, alors on parcourt à notre petit niveau moins de km horizontaux et moins d’hectomètres verticaux, en arpentant la montagne de la Lure et ses environs.
      C’est très chouette aussi !

    2. Commentaire de La Feuille

      Magnifique reportage. Mais je trouve les randos de plus en plus périlleuses et j’avoue que certaines photos de sentiers ont tendance à me donner le vertige par procuration. A quand l’escalade d’une paroi de 100 m sans assurance ? La seule chose qui manque dans ces paysages ce sont de grands et beaux arbres. Hier on a fait une ballade (je n’ose plus dire rando !) à l’abbaye de Lure et en matière d’arbres on a été servis avec une immense hêtraie et des acteurs d’un diamètre conséquent. Quelques Ents aussi à retrouver bientôt dans le blog de Caly.
      Quelques rencontres humaines aussi dans cette immensité désertique ?
      Bises au voyageur

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