Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionApril 17th, 2022
  • Je sais que c’est une thématique que j’ai abordée à plusieurs reprises. J’ai beaucoup de mal avec le concept de chance. Notamment quand on me dit que j’ai de la chance de pouvoir vivre comme je le fais ; vu que je reste persuadé que ce n’est pas à la chance que je dois mon mode de vie, mais à mes choix, mes décisions, et mes apprentissages.

    Pour autant, des fois je me dis que j’ai peut-être de la chance en effet. Quand j’ai l’impression d’avoir faire une boucle dans le bon sens ; d’avoir bien choisi dans quel ordre faire mes visites ; mes randonnées ; mes explorations. Mais… chance, vraiment ? Ou juste une façon positive de voir les choses ? Peut-être que si j’avais fait la boucle dans l’autre sens, j’aurais aussi eu l’impression d’avoir fait le bon choix. Peut-être que parfois, il n’y a pas une option meilleure que l’autre, et que je m’auto-convaincs que mon choix était le meilleur des deux ? Connaissant mes compétences en auto-persuasion, cela ne me parait pas si improbable que ça.

    Mais dans ce cas, comment est-ce que je viens justifier le fait d’être si souvent au bon endroit au bon moment ? Peut-être simplement parce qu’il se passe beaucoup de choses, en différents endroits, et qu’il n’est pas incohérent que parfois, je sois au bon endroit au bon moment ? Après tout, je ne relève pas toutes les fois où je suis au mauvais endroit au bon moment ! Bon, et puis il y a aussi le fait que contrôler mon emploi du temps, ma vitesse de déplacement, où je peux être et quand je veux y être, ça aide aussi beaucoup. J’étais venu sur Toulouse dans l’idée d’y rester deux ou trois jours. Besoin de reprendre contact avec la réalité, avec des gens. Besoin de recréer des contacts sociaux. De revoir des ami.e.s aussi. Mais à force de voir des affiches sur Long Ma, j’ai décidé d’aller jeter un œil sur le site internet de la Halle de la Machine. Et de rester quelques jours de plus.

    Et pour parler du Halle de la Machine et de la piste des géants, il faut peut-être d’abord que je parle de la compagnie La Machine ?

    La compagnie a été créée à Toulouse en 1999. Son objectif ? Développer des projets qui mélangent aménagements urbains et spectacles de rue. Faire du mouvement un langage ; une source d’émotion. Et créer des architectures vivantes. Avec des ateliers sur Toulouse et Nantes, son premier gros projet, et sans doute le plus connu : les Machines de l’Île à Nantes. Tiens ; Nantes ; je connais ça… petit retour dans mes archives photos, et dans mes souvenirs ?

    Les Machines de l’Île – Nantes

    C’était… il y a quelques temps maintenant. Lors d’un de mes deux séjours longue durée à Nantes. J’en avais entendu parler depuis un moment, et j’avais décidé d’aller rendre visite au Grand Éléphant des Machines de l’Île. Situé dans les anciens chantiers navals, le projet porte une idée simple : faire revivre un ancien quartier industriel. Profiter d’une architecture unique, et d’un lieu exceptionnel. Et rendre réel les créations de Jules Verne et de l’imaginaire Steam Punk. Créer des créatures aussi fabuleuses que réelles. Et, à mon sens, montrer que l’imagination et la créativité ne souffrent d’aucune limite (bien sûr que je t’entends, toi qui crie « Burning Man »).

    Le Steam Punk me faisait rêver avant même que je sache qu’il existait un mot pour décrire cet univers. Par la suite, j’ai découvert qu’il en existait en fait toute une déclinaison. Mais le principe reste le même : explorer (et rendre réelle) certaines distopies. Et bordel, qu’est-ce que ça me fait rêver. Et surtout, qu’est-ce que ça me fait du bien ! Parce que pour moi, c’est dans ce genre de délire que l’Humanité prouve sa vraie valeur (en plus, bien sûr, de tout ce qui est « humain » justement : empathie, générosité, écoute, partage…). Consacrer autant d’énergie à la création ; à la concrétisation de l’imaginaire. À montrer qu’il n’y a aucune limite. Ce qui m’intéresse chez l’Humain, ce n’est pas le pire dont il est capable. C’est le meilleur. Et pour moi, ce genre de délire fou génial me fait du bien à l’âme. On n’est même plus dans le domaine du « il ne savait pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » mais clairement dans le « c’est parce que c’est impossible que l’on va le faire ». Et oui, en toute humilité (ou pas du tout en fait), le Chamion, c’est mon délire fou génial à moi. C’est ma création pour rappeler aux gens qu’il faut rêver. Que nos rêves les plus fous sont à portée de main. Et que la vie, même si elle peut faire mal parfois, est la chose la plus magnifique que nous possédons.

    Quand j’ai rencontré le Grand Éléphant, j’ai été scotché. Parce que voilà, c’était juste une preuve supplémentaire que mon admiration en l’humanité n’était pas du tout mal placée. Bien au contraire, Ça ne venait que renforcer cela… alors je l’ai admiré ; observé ; suivi. Et surtout, photographié.

    Alors forcément, dans des moments comme ça, je me concentre très beaucoup sur l’attraction principale… mes les Machines de l’Île ça n’est pas que ça. Ce sont aussi les petites créatures qui tiennent compagnie au Grand Éléphant ; et la halle, l’aménagement, le magnifique manège qui l’accompagne. Et, juste à côté, des projets d’urbanisme modernes comme, personnellement, j’aime beaucoup, qui viennent se mélanger aux vieilles architectures, aux vieux aménagements… très prochainement, ce sera aussi l’Arbre aux Hérons ; une autre structure qui viendra compléter l’ensemble et qui n’est pas encore ouverte pour le moment… mais que j’aurai grand plaisir à venir découvrir un jour !

     

    Le Halle des Machines – Toulouse

    Retour dans le présent.

    Et donc, ils sont aussi installés à Toulouse.

    Et on repart déjà dans le passé. 1917, Pierre Georges Latécoère installe une usine aéronautique à Toulouse ; s’en suit, de 1918 à 1933 l’exploitation d’une ligne aérienne par Latécoère et l’Aéropostale. De Toulouse à Santiago du Chili, via Barcelone et Buenos Aires. 15 000 km de lignes. Belle perf, n’est-il pas ?

    La ligne a fini par fermer ; mais il reste une piste de 1,8 km, inscrite aux Monuments Historiques. Reconversion de quartier, évolution urbaine, nouveaux projets et nouvelles façons de vivre le lieu… la Piste des Géants devient le cœur d’un nouveau quartier. Résidentiel ; et culturel (coucou la Tohu à Montréal !). L’Envol des Pionniers -musée hommage aux pionniers de l’aéronautique- et la Halle des Machine, où s’installe la compagnie La Machine. Avec une création spéciale pour l’endroit : le Minotaure. La Piste des Géants prend tout son sens…

    La Machine ne s’est pas contentée d’un Grand Éléphant et d’un Minotaure. Il y a eu quelques autres projets. Comme une magnifique araignée, destinée à la ville de Liverpool. Une araignée qui se trouve être dans le coin en ce moment…

    Et pourquoi elle est là cette magnifique araignée ? Parce qu’elle vient accueillir Long Ma, qui est de retour dans la région pour quelques temps. Long Ma ; le cheval dragon, qui a été conçu pour fêter les 50 ans des échanges diplomatiques France-Chine… Long Ma est de retour à Toulouse ; en promenade tous les jours, pour ceux qui veulent admirer.

    Et donc, la fin de semaine a été l’occasion de faire se côtoyer tout ce « petit » monde, dans un total de six spectacles déambulatoires. Et c’était tellement bien, beau, magnifique, superbement génial, et impressionnant, et superbe, et grandiose, et trop bien et… bref… j’en ai admiré quatre sur les six.

    Samedi après-midi

    Les horaires exacts des déambulations ne sont pas communiquées ; l’idée est d’encourager les gens à passer du temps sur les lieux. À profiter, à observer, à regarder. Et j’avoue que je sus assez d’accord avec cette approche. Accessoirement, elle vient éviter d’avoir des mouvements de masse de gens, et c’est pas désagréable. De mon côté, j’ai réussi à poser la maison pas loin, ce qui est assez appréciable. Et comme j’ai pas beaucoup à marcher, et que l’événement s’y prête parfaitement, je ressors les bottes plateformes. Et ce qui va avec. Parce que oui, ça aussi ça fait du bien ! Je pars déambuler dans la foule.

    Je passe un moment à me promener, à regarder, à croiser des regards et à sourire. L’araignée attend sagement, là-haut sur son toit. Normal. Et puis finalement, les machinistes sortent. Contrairement à la veille où tout le monde était habillé de façon bariolée, cette fois, tout le monde porte la même tenue. Clairement, ça rajoute au côté cérémonial. Ils embarquent sur Long Ma, et le cheval dragon part se promener. Suivi par une foule de gens émerveillée (oui, j’ai hésité pour l’accord ; mais l’émerveillement de chacun se mêle, s’additionne, se multiplie, se catalyse ; l’émerveillement devient alors presque palpable ; nuage flottant sur la foule).

    Il restait quand même une question qui restait sans réponse, car je n’avais pas vu l’araignée monter. Une fois l’araignée en haut, les machinistes passaient ils la nuit sur le toit ? La réponse finit par arriver… et si l’envie de piloter ce genre d’engins est clairement là, je passerai mon tour pour l’araignée…

    Samedi soir

    Je suis resté encore un moment à déambuler dans la foule. Les bottes, le manteau, le masque autour du cou… oui, ça attire les regards. Les questions. Les sourires. Quelques échanges rapides. Quelques interactions. Quelques demandes de photos aussi (hey, pour une fois, c’est pas pour la maison !).

    Je le savais. Je le sentais au plus profond de moi. J’avais besoin de gens, de foule, d’animation, de sourires, d’interactions. Je m’étais assez longtemps isolé dans mes montagnes. La rando, c’est chouette, mais clairement, je suis une créature urbaine et événementielle (oh que oui, Montréal, je suis prêt, tu peux pas savoir à quel point !). J’avais fait quelques concerts extérieurs, à Montréal, en septembre. Mais il y avait des jauges, peu de monde, des masques, et des hauts-parleurs qui rappelaient régulièrement de garder ses distances… J’avais fait quelques bains de foules pour la Fête des Lumières, en décembre passé… mais là aussi c’était une foule masquée, et un feeling étrange flottait sur l’ensemble. Clairement, il manquait quelque chose… là, il y a du soleil, des gens, des sourires, un sentiment de liberté et de retour à la vie. Une énergie que je n’avais pas connue depuis beaucoup, beaucoup, beaucoup trop longtemps. Oui, ils sont beaux les ermitages espagnols. Mais je ne suis pas un ermite. Bien au contraire. Donnez moi des gens, des rencontres, des sourires, des regards, des partages, des discussions, des échanges. Et promis, je me remettrai alors à l’écriture !

    Je suis revenu le soir sans la moindre hésitation ; pensant arriver assez tôt. J’avais repéré les installations un peu partout, les bouteilles de gaz, et autres petits bricolages. Parce que j’ai pris l’œil pour ce genre de choses (bon, d’accord, une bouteille de gaz ça se repère facilement ; mais les bruleurs, les tuyaux, ça s’observe pour deviner et comprendre). Avec un cheval dragon qui déjà crachait des flammes dans l’après midi, je me doutais qu’il y aurait encore plus de flammes le soir.

    Et vous savez quoi ? Y’en a eu ! Peut-être moins que ce que j’imaginais. Mais c’est pas grave. C’est beau, ça brûle, je suis une personne simple à satisfaire !

    Dimanche après-midi

    C’était prévisible : il y aurait du monde le samedi, et ça serait impressionnant. Il y aurait encore plus de monde le dimanche, et ça ne serait qu’une gradation vers des trucs toujours plus fous…

    Si la veille, les déambulations se faisaient autour d’une foule libre (des bénévoles avançant simplement autour des machines pour créer des zones de sécurité mouvantes), cette fois, les périmètres sont bien établis, avec des barrières, et un long couloir de déambulation. Après une petite hésitation (et un peu d’observation) je décide de privilégier un point fixe. Je ne verrai pas le début de la marche, mais je devrais être bien placé pour admirer la fin. Et si, en effet, je rate le début que j’observe de loin, les interactions araignée / cheval dragon se reproduise à plusieurs reprises, et notamment une pas loin du tout, avec toute la machinerie autour qui se met en place. Et on passe du grandiose au surréaliste. Parce que oui, clairement, ce sont bien deux robots géants en train de s’intimider / s’agresser mutuellement. Mais ça n’est pas que ça. Ce sont aussi toutes les autres machines à côté. Cette pelleteuse qui se déplace en rampant et qui essaie de s’interposer. Ces trucs qui crachent des flammes. Les ventilateurs qui soufflent de toute la force de leurs pales. Dans un boucan d’enfer. Et c’est là, en effet, que le spectacle vire au génie. Ce n’est plus qu’une simple question de machines ; tout l’atmosphère autour contribue. La fumée, les jets d’eau… et le bruit. C’est assourdissant. Et c’est normal. Il ne peut en être autrement. Vous ne pouvez pas avoir deux robots géants qui s’affrontent sans que ce soit un chaos sonore ! L’immersion est parfaite ! Jusqu’à la neige (mousse) finale, pour terminer tout cela sur une note douce et poétique. Ah ! Et oui, Long Ma a désormais ses ailes !

    C’est étrange ; je n’ai rien fait, juste m’émerveiller en prenant des photos. Et pourtant, je suis fatigué. Preuve, je pense, que c’est réussi. L’immersion est telle, le bruit est si intense, que l’on ne peut pas ne pas se prendre en pleine face ce qui vient de se passer…

    Dimanche soir

    Il n’en reste plus qu’un ; chaque spectacle déambulatoire est différent ; l’expérience est nouvelle à chaque fois. Et je sais que ce soir, ce sera encore différent. Et j’imagine, sans trop de difficulté, que ce sera un peu le point d’orgue de tout ça… j’arrive donc en avance. Et comme pour le spectacle de l’après-midi, je préfère me poster à un endroit fixe, pour être bien installé. Bien voir. Et profiter au maximum. Et je crois que je ne me suis pas trop mal débrouillé.

    Donc oui. Ils ont bien installé une violoncelliste et une chanteuse dans une petite pagode, qu’ils ont accroché à une grue, et soulevée dans les airs. Ils ont bien créer une structure métallique, d’environ 8 mètres de diamètres, qu’ils ont aussi soulevée dans les airs, mais en la gardant reliée au sol à une dizaine de bouteilles de gaz. Et oui, le cheval dragon s’est bien fait plaisir lui aussi, avant de discuter avec les musiciennes. Et à nouveau, tout cela a fini sous la neige. Juste… wow !

    Y a des choses, quand même, qui font du bien. Comme s’émerveiller. Et avoir des étoiles qui brillent dans les yeux pendant un week-end complet. Bon, d’accord, j’ai passé beaucoup de temps à m’émerveiller devant des paysages ces derniers temps… mais un peu de changement, ça fait du bien aussi !

    Et oui, bon, d’accord… je suis repassé une dernière fois le lendemain. Pour revoir Long Ma. Seul regret ? J’ai bêtement oublié d’aller visiter la Halle aux Machines avant de partir…

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