Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionJanuary 25th, 2020
  • Il y a quand même quelque chose de fascinant en Europe. Vous montez de 150 mètres, vous redescendez d’autant de l’autre côté de la montagne, et la langue a changé. La culture a changé. Les bâtiments ont changé. Portboo n’est pourtant pas bien loin de Cerbere, mais cela suffit. Pas besoin de présenter de passeport ou de faire de demande de visa. Il suffit de franchir un col, et paf !

    L’Europe est un concept magnifique. Pas l’Europe des financiers et des libéraux. Pas celle qui contraint les politiques économiques des pays. Non, celle qui fait tomber les murs. Celle qui ouvre les portes et qui rapproche les peuples. Cette Europe qui permet de circuler librement. Cette Europe qui encourage le mélange des cultures. Oui, cette Europe là, celle du voyage et de l’échange, cette Europe me plaît énormément.

    J’ai beaucoup voyagé ; pour autant, je n’ai pas exploré tant de régions du globe que ça. Je n’ai pas passé tant de frontières, mais je ne suis pas sûr qu’il y ai ailleurs dans le monde autant de contrastes culturels sur aussi peu de distance. J’ai découvert au Guatemala les dizaines de langues mayas parlées au travers du pays ; pour autant, la culture d’une région à une autre semblait relativement proche. Il y a évidemment quelques bases culturelles communes entre la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou l’Autriche. Mais le contraste, quand on passe une frontière, reste saisissant. Et peut-être qu’il en existe autant ailleurs, mais je n’ai pas eu la chance jusqu’à présent d’en être le témoin.

    J’ai donc traversé la frontière ; suis-je arrivé en Espagne, je n’en suis pas si sûr. Les véléités indépendantistes de la Catalogne sont connues. Et il est vrai que partout on voit des tags appelant à une Catalogne libre. Partout des affichages pour rappeler que l’autodétermination est un droit. Et des banderoles pour demander la libération des prisonniers politiques. Les drapeaux catalans sont partout. Plus encore que dans les souvenirs de mes précédents voyages à Barcelone ou au cap de Creus. Il faut dire que l’indépendance catalane est revenue sur le devant de la scène il n’y a pas longtemps.

    Je m’étais déjà fait la remarque lors de mon dernier passage à Barcelone ; je me la fais à nouveau : la Catalogne n’est pas le bon endroit pour apprendre l’espagnol. J’y vois personnellement deux raisons : même si je ne suis pas du tout au courant de l’histoire de la région et du mouvement indépendantiste (dont je ne sais à peu prêt rien du tout) j’ai du mal à ne pas faire le parallèle avec le Québec. Il n’y a peut-être rien en commun entre les deux. Pour autant, dans les deux cas j’ai l’impression de voir un peuple vouloir avant tout protéger sa culture. Peut-être que je me trompe, mais c’est comme ça que je le ressens. Les français venant à Montréal pour apprendre l’anglais (et il y en a plus que l’on pense !) m’ont toujours profondément énervé par leur irrespect de la culture et de l’histoire du Québec. Alors dans ce contexte, ne connaissant pas assez la situation, je préfère éviter de faire n’importe quoi. La deuxième raison est d’ordre beaucoup plus pratico-pratique : l’un des intérêts de venir dans un pays pour apprendre une langue, c’est de s’en imprégner. Lire les panneaux, écouter les gens parler… hors en Catalogne, il me faut souvent un moment pour deviner si je suis en train de lire du catalan ou du castillan. Pareil quand j’écoute des gens parler. Alors pour éviter de m’embrouiller complètement, et par respect pour le peuple catalan (qu’il soit minoritaire ou majoritaire n’a pas d’importance) sa langue et sa culture, je ne chercherai pas à m’installer en Catalogne.

    Ce qui, pour autant, ne m’empêchera pas de profiter un peu de la région, et de prendre un peu mon temps pour la découvrir. D’abord, donc, en me baladant un peu dans Portbou. La ville n’est pas très grande, n’est pas particulièrement belle, mais je veux quand même savourer mon passage de frontière. Voir que les choses ont changé (et m’extasier devant le prix de l’essence qui a perdu 10% d’un coup!).

    En me promenant sur le bord de l’eau, on voit aussi que Gloria a été plus intense ici. Un énorme tas de branches vient en témoigner… et puis de Portbou, je voulais aussi voir la gare. Impressionnante depuis en haut, loin d’être décevante depuis en bas !

    Et en cadeau bonus, un petit cour de catalan :

    « Quand une femme avance, aucun homme ne recule »

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    Et je reprends la route.

    J’ai hésité un moment sur la route que j’allais prendre mais finalement, arrivé à Llança, j’ai pris l’option détour. Parce que voilà. J’ai envie d’avancer. D’aller plus vers le sud. Mais j’ai aussi envie de faire des détours. Les deux ont un peu du mal à se combiner, mais dans l’ensemble, je m’en sors.

    El Port de la Selva est apparu à l’horizon.

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    La ville est belle ; il y a un grand parking gratuit, en plein soleil (les panneaux sont heureux) facile d’accès et pas loin du centre ville. C’est une bonne raison pour s’arrêter et aller faire quelques pas dans le village.

    La balade est agréable, mais je ne m’éterniserai pas : le village est mort ; il n’y a pas grand chose à voir… c’est dommage.

    Après une petite escale technique (remettre de l’essence dans le réservoir, et de l’eau dans l’autre réservoir – ne pas se tromper de quoi va où) je reprends la route. Mon itinéraire me fera traverser la presqu’île de Norfeu. Je n’ai pas envie de retourner à Cadaqués ou de retourner voir le phare (je pense que, de toutes façons, avec le Chamion j’aurai pas le droit d’y aller, vue l’étroitesse de la route). Non, je vais juste faire un petit détour touristique, pour profiter quand même des paysages de montagne, avant de rejoindre la ville de Roses.

    C’est quand même assez impressionnant de passer en quelques kilomètres du chaud soleil de printemps de Port de la Selva à la brume froide et humide de l’automne. Tout comme il est fascinant, quand on regarde un cour d’eau, de le voir se transformer de petit torrent tranquille d’un côté, en cascade qui tombe dans la vallée qu’il a du contribuer à creuser de l’autre…

    J’ai fini ma traversée des montagnes. Je redescends donc sur Roses. Je traverse la ville, pour me diriger vers le phare, mon appli pratique m’ayant dit qu’il y a là bas un parking chouette pour se poser en camping-car. Je manque une première fois l’accès, celui-ci étant assez raide et en contrebas. Je fais demi-tour un peu plus loin. Hésite un quart de seconde avant de m’engager. C’est vrai que c’est raide. Mais c’est vrai aussi que le chamion est un guerrier que rien n’arrête ! La descente -moins de 10 mètres- se fait sans problème en première. Le parking n’est pas très grand, mais il y a quand même un peu de place. Bon, d’accord, il y en aurait plus sans ce camping-car garé n’importe comment au milieu, qui bloque une partie de l’espace disponible… mais je me débrouille, et après quelques manoeuvres et hésitations, la maison est garée.

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    La ville est à une vingtaine de minutes à pied. L’après-midi est déjà bien avancée, mais j’aime bien finir mes journées en déambulant dans des lieux (idéalement un peu vivants quand même).

    Roses n’est pas complètement morte. C’est pas hyper vivant non plus. Mais au moins, il se passe un peu des choses dans les rues. Il y a un peu des gens et des magasins ouverts, et ça fait du bien d’avoir un peu d’animation. je profite donc encore un peu de la ville, avant de rentrer à la maison pour dormir. Très pratique d’habiter au pied d’un phare pour repérer sa maison quand on rentre le soir !

    Je me réveille le lendemain avec cette même envie : celle d’avancer. En fait, j’ai un peu du mal à trouver un équilibre. L’une des idées initiales de ce voyage (outre apprendre l’espagnol) était de passer l’hiver au chaud dans le sud. Une bonne partie de l’hiver est déjà derrière moi. Certes, je suis déjà dans le sud, et dans l’ensemble je n’ai pas eu froid, mais si je veux un peu profiter du sud de l’Espagne et de l’Andalousie (où, dans l’idée, je finirai par arriver un jour) j’aimerai bien ne pas y être en juillet. Parce que rendu là je voudrai sans doute retourner dans le nord pour avoir moins chaud. Vous comprenez l’idée ? Trouver le juste équilibre entre ne pas avancer trop vite… mais quand même avancer !

    Le tour de Roses la veille m’a suffit. Je remets donc instantanément le Chamion en mode route et je décolle. Presque au sens strict, vue la pente qui m’attend au départ ! Mais sans surprise, le Chamion monte. Si je n’avais pas ma maison dessus, je serai curieux de voir les limites de ce moteur… mais avec la maison sur le dos, c’est une autre histoire. Et ne pas trop le forcer me va bien !

    J’ai repéré un itinéraire théorique. Mes itinéraires sont presque toujours théoriques, car presque toujours ouverts à la possibilité de « hey, ça a l’air beau par là bas à gauche » alors que j’avais prévu d’aller à droite. Pour construire mon itinéraire, la méthode habituelle : regarder les lignes de couleurs dans mon atlas (oui, je me suis acheté un atlas routier de l’Espagne) et jeter un coup d’oeil en même temps sur Google Map en relief. J’ai rajouté l’option « consultation de la météo » dans ma planification. Parce que sur la carte en relief, le Parc Naturel de la Zone Volcanique de la Garrotxa il a l’air absolument magnifique. Mais comme la météo annonçait des températures négatives (c’est pénible l’altitude !) je me suis dit que je garderai cette destination pour plus tard. Par contre, le liseré vert le long de la route entre Sant Feliu de Guixols et Blanes, sur la côte, me faisait bien envie. Ça, plus le tracé complètement aléatoire de la route par là-bas.

    Nouvelle petite escale technique peu après Roses, pour refaire le plein d’eau du Chamion : en Espagne, beaucoup de stations service ont des bornes d’eau gratuites. Et ça, c’est plutôt chouette ! Il faudra bientôt que je vide les eaux grises aussi. À l’heure actuelle, le Chamion est en haut de sa courbe de poids, avec tous ses réservoirs plein (essence, eau, eau grise). La différence d’un quart de tonne que cela représente semble pourtant ne lui faire ni chaud ni froid. Je n’ai pas l’impression d’un comportement différent quelque soit l’état des cuves…

    Je roule tranquillement, mon itinéraire assez bien repéré dans la tête. J’approche de Girona. J’apprendrai avec deux jours de retard que c’est une ville très chouette qui mérite que l’on s’y arrête. De mon côté, je n’avais pas prévu de m’y arrêter dans l’idée d’avancer un peu, donc.

    je regarde bien les panneaux pour être sûr de ne pas me tromper de direction. À un moment, il y a un panneau autoroutier bleu, avec une explication que je ne suis pas tout à fait sur de comprendre. Il y a écrit « gratis » mais d’autres trucs aussi. Et soudain, je débarque sur un péage d’autoroute. Ah… alors ça, c’était pas prévu. En même temps, vu où je suis, je ne peux pas vraiment faire demi-tour. L’autoroute, j’ai déjà fait avec le Chamion. Je suis pas fan, mais si y a pas le choix… alors je prends sagement mon ticket, et je lance ma maison à roulettes, qui tiendra sagement ses 80 km/h pendant la plus grande partie du trajet. Il finira quand même par descendre à 50 dans la dernière montée ; c’est une trois voies, pas beaucoup de trafic et une excellente visibilité, donc pas de stress. Huit kilomètres plus tard, je prends la prochaine sortie. Je donne mon ticket, me prépare à mettre la carte. Je mets un moment à comprendre. Ah ! Donc oui, c’était bien gratuit. Bon, bin tant mieux !

    Je suis quand même soulagé de reprendre une route plus « normale » qui, un peu après, me fera arrivé à Sant Feliu de Guixols. Je roule un peu dans la périphérie. M’approche du centre. Vois un panneau « parking gratuit ». Je me dis que ça peut-être pas mal de se poser là pour aller visiter. Ça me fera du bien de me détendre un peu les jambes ! Il se trouve que ce parking gratuit offre en plus un lieu pour vidanger son camping-car. Elle n’est pas belle, la vie ? Le Chamion bien allégé, je m’en vais faire un petit tour en ville.

    Le parking en lui même a un charme assez particulier, vu qu’il s’agit de l’ancienne cour intérieure d’une usine de bouchon ! C’est un peu étrange, mais pourquoi pas !

    Juste après, on tombe sur un joli mélange abbaye/château. Si mes souvenirs sont bons, l’abbaye a été construite contre les anciennes tours de l’enceinte du château. L’ensemble est assez sympa. J’aurai presque envie de visiter, mais comme de toutes façons c’est fermé, la question se règle d’elle même.

    Et je pars ensuite explorer les rues de Sant Feliu. Et sa plage, bien évidemment. Et ses banderoles « libérez les prisonniers politiques » et « pour le droit à l’autodétermination ».

    La ville est agréable. Les bâtiments colorés et chaleureux. Les rues plutôt vivantes. Jusqu’à ce qu’une petite pluie vienne faire disparaître tout le monde. Je reste quand même un moment encore à me promener et à profiter des lieux. Pendant un moment, j’avais commencé à envisager la possibilité de dormir ici ce soir. Mais en fait non. Il n’y a pas assez de vie. L’après-midi est encore assez jeune. Je reprends donc la route, en longeant la côte. Direction : Tossa de Mar !

    4 commentaires

    1. Commentaire de Lavande

      Il semblerait qu’il y ait un point commun entre les villes ou villages français et espagnols c’est qu’ils sont peu animés. Bon en même temps c’est l’hiver et même s’il ne fait pas très froid les gens se trouvent sans doute mieux chez eux.
      Si tu veux suivre un cours d’espagnol c’est sûr qu’il vaut mieux aller ailleurs qu’en Catalogne.

    2. Commentaire de Sébastien Chion

      j’ai beaucoup été dans des villages touristiques. Donc ce n’est même pas que les gens ne sortent pas de chez eux, c’est juste que les gens ne sont même pas là ;)

    3. Commentaire de Patrice GEORGES

      Ah passer des frontières! C’est à chaque fois pour moi un immense plaisir. Rien que ce fait là, et puis découvrir un nouveau pays, une langue que souvent je ne comprends pas du tout et des gens. Moi je ne connais pas d’autre continent que l’Europe. Comme tu le dis elle est si diverse tant en paysages qu’en population. Je m’y sens bien surtout du côté est. Je me sens plus près de la mentalité des gens plus au nord que ceux du sud. Excepté les italiens qui nous ressemble assez.
      Avec l’Espagne ça ne se passe pas bien entre nous. Surtout avec les commerçants espagnols. je n’y ai pas rencontré de gens qui m’ont laissé de souvenirs. Cela dit il y a de très beaux endroits qui valent d’y aller voir.
      Continue bien ton voyage.

    4. Commentaire de Sébastien Chion

      L’Europe de l’est, que je ne connais pas encore beaucoup non plus, est aussi au programme. Mais à une saison plus clémente ;) Ou quand j’aurai fait un bon stock de soleil et de chaleur !

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