Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 4th, 2022
  • Ok. Alors. Donc. Oui… Le désert des Bardenas. Las Bardenas Reales. Ouf… Depuis quand ils étaient dans ma liste des choses à voir ? Dès que j’en ai vu une photo, je savais que j’irai un jour. C’était inévitable, et je n’aurais pas de milliardaire de génie pour claquer des doigts et m’en empêcher. Oui, je sais, une référence au MCU dans ce blog, ça peut surprendre. Mais bon… Les Bardenas, c’était mon objectif, l’été dernier. Je me suis retrouvé à Montréal à la place. C’est Eloï, et non Elon, qui a claqué des doigts (autant assumer la référence jusqu’au bout). Mais là, cette fois, enfin, personne ne m’empêcherait d’aller jusqu’au bout. Bon !

    Les moines ont été sympas, ils ne m’ont pas réveillé, mais le monastère ne me fait pas envie. J’ai juste envie d’y aller. De voir. Alors je suis parti.

    Je m’étais renseigné un peu, quand même. Sur comment explorer les lieux, comment en profiter au maximum, les balades à faire. Mais il faut bien le reconnaître, le site internet des Bardenas n’était pas hyper limpide (aussi bien en français, qu’en anglais ou en espagnol). Ou alors si, il l’était. C’est moi qui n’avait pas forcément compris dans quoi je m’engageais. En gros, il y a un itinéraire principal (une boucle au centre), une traversée nord-sud, et deux trois autres itinéraires secondaires. Le centre d’accueil est au sud. Moi j’arrivais par le nord. Je devais donc faire sans trop d’infos. Je savais juste qu’il fallait rester sur les routes autorisées. Consigne assez claire, non ? Pas vraiment de randos ; les lieux se découvrent en voiture, ou en vélo. Soit…

    Au moment de prendre la route, je commence à m’inquiéter un peu. Et si, en fait, j’étais déçu ? Et si c’était pas aussi désertique que ce que je voulais ? Et si c’était pas comme je l’espérais ? Et si c’était juste trois montagnes de sable/caillou réparties dans un grand territoire ? Après tout, l’approche ne me laissait pas vraiment supposer que j’allais plonger dans le désert…

    À part ce chemin caillouteux (que je devais a priori suivre sur une quinzaine de kilomètres), pas grand chose… mais le paysage a changé. Subtilement. Lentement. Sans trop que je fasse vraiment attention. Et je suis arrivé au premier « point ». El Paso. J’ai vu la colline, le paysage, les falaises dans le lointain. Et j’ai su. J’ai su que mon appareil photo allait avoir du boulot. Et que moi… et bin moi, j’allais m’éclater.

    J’ai vu les petits panneaux sur la colline. Je me suis dit que c’était des informations, des indications. J’ai cherché à la gravir tant bien que mal. Je suis arrivé au sommet, pour voir que non, ça n’avait rien d’informatif en fait. Pire encore, j’apprenais (plus tard au centre d’informations) qu’il est interdit de grimper sur les structures… bref, je commençais ma visite par un faux pas sans le vouloir. Mais punaise que ça valait la peine. Qu’elle était belle la vue de là haut, qu’elle me faisait envie !

    Je n’ai pas de carte avec moi. Mais dans le petit point info d’El Paso, il y en avait une. Plutôt orientée balade à vélo. Mais avec des chemins principaux et secondaires indiqués. De là, pour continuer, j’avais donc deux choix. Continuer tout droit, en direction du centre d’informations, ou à droite, en direction de formations magnifiques… j’ai vérifié, j’ai regardé. Aucun signe m’interdisant une direction ou une autre. J’ai donc pris à droite. Et je suis parti rouler dans les Bardenas. Persuadé d’être sur une route autorisée.

    Que dire… j’ai roulé. Sur des petits chemins. Tranquillement. Avec ma petite maison. J’ai pris un premier carrefour en écoutant la logique ; un deuxième de la même façon. J’ai vérifié sur Google Map que j’allais dans la bonne direction. Croisé une ou deux voiture, qui ne m’ont rien dit. A priori, c’était normal que je sois là où j’étais. Toujours pas de panneau d’interdiction. Et moi, j’en prenais plein les yeux. J’admirais. J’en profitais… Ça fait tellement de bien de voir ce genre de paysage… tellement de bien d’être dans ce genre de lieu… oui, j’ai été surpris de la fascination que j’ai ressenti lors de mes premières traversées de paysages désertiques… mais depuis, oh depuis, j’anticipe ce genre d’endroits. Qu’est-ce qui me plait, je ne saurais dire. Les couleurs, les textures, les formes… tout est à la fois tellement mort, et pourtant tellement vivant… je n’ai jamais réussi à expliquer ce que j’aimais dans le désert. Edward Abbey y arrive mieux que moi. Dans Désert Solitaire, par exemple.

    Moi, je m’imagine bien garer le Chamion derrière une colline, et passer trois semaines dans ce paysage, à ne pas faire grand chose, en autonomie complète… à faire rien. Beaucoup rien. Très beaucoup rien. C’est un paysage de rien. Du rien que j’aime tant… que je suis bien…

    Bon, il y a quand même un truc un peu désagréable. Les avions de chasse, qui survolent régulièrement le paysage. J’ai l’impression d’avoir des vautours qui tournent autour de la maison, avant de venir me récupérer. Mais a priori, ils n’en ont pas après moi.

    Par contre, je dois bien me rendre à l’évidence : je suis rendu dans un endroit où je n’ai pas le droit. À quel moment, à quel carrefour ? Je ne sais pas… mais j’ai ce sentiment que ce n’est pas un endroit pour les Chamions. Pour autant, vu depuis combien de temps je roule… je me dis que le plus simple, c’est de finir ma traversée est-ouest, de récupérer une grande route, et de descendre vers le sud.

    Le Chamion passe quelques endroits qui m’impressionnent un peu. Il passe sans problème, mais ça reste un peu raide quand même. Et puis je me retrouve à monter. À sortir de la partie basse, pour me retrouver en haut d’un plateau. Des tracteurs dans des champs. Un agriculteur enthousiaste me fait un grand sourire et un coucou de la main. Je me dis que si, peut être en fait, j’ai le droit. Trichant encore un peu, via google map, je repère plus ou moins où je dois aller. Je repère surtout un mirador (non, je suis pas à côté d’une prison ; mirador, c’est juste un point de vue en espagnol). Vers lequel je dirige le Chamion. C’est très perturbant de rouler sur un chemin qui, d’un seul coup, s’arrête. Si je continue, le Chamion tombe. Je suis au bout du monde ; au milieu de nul part.

    Qu’est-ce que la vue est sublime d’ici !!!

    Bon, par contre je commence à avoir fait beaucoup de chemins de terre, et j’aimerai bien m’arrêter pour la journée. Clairement, je peux pas dormir en haut de mon mirador. Dommage… la vue était vraiment chouette. Enfin… il y a un barrage pas loin, je sais que l’on peut y dormir. Et je pense que là, je retrouverai la civilisation et le goudron. Sauf que je suis au milieu des champs, avec des chemins de terre dans tous les sens. C’est là que google est magique ; c’est qu’il connait aussi les itinéraires par ici. Et il m’emmène donc courageusement jusqu’au barrage, en sillonnant dans les petits chemins.

    Sauf que je suis clairement pas inspiré par les lieux. Et clairement pas de retour dans la civilisation. Je n’ai pas du tout envie de dormir ici. Certes, c’est hyper tranquille… mais y a juste… rien. Alors je refais un peu de recherche… à 10 km (non goudronné, évidemment), se trouve un ermitage, un parking, un peu de civilisation. C’est reparti. J’avoue que je commence à en avoir un peu marre des cailloux. Et je me demande si, à la longue, c’est bon ou pas pour le Chamion. Bon, après, ça reste un bon test pour le boulonnage de la maison au châssis. Pour le moment, je ne l’ai toujours pas perdue. Je suis surtout concentré sur la route… mais je m’arrête quand même pour profiter du paysage. Parce que bon, ça vaut la peine, non ?

    Et puis je finis par atteindre mon objectif. Un ermitage, donc, mais aussi un grand parking goudronné, un point de vue sympa, et deux autres miradors. Youpidouda ! Je gare le Chamion. Ça penche. Il me faudra une demi heure pour me dire que si je déplace le Chamion de cinq mètres vers la gauche, il ne penchera plus. Mon intelligence, parfois, me fascine ! C’est mieux.

    Je pars me balader ! Une petite promenade pour me dérouiller les jambes. C’est fatigant ce genre de parcours. S’arrêter souvent. Descendre du Chamion, regarder, s’émerveiller, faire des photos, remonter dans le Chamion, repartir… il a été merveilleux, comme à son habitude… mais là, moi j’ai envie de marcher. Je pense pas aller loin.Je commence par le premier mirador.

    Je suis fan de ce genre de paysage. Des immensités tellement vastes que j’ai plus envie de les photographier au téléobjectif qu’au grand angle…. je continue ma balade jusqu’au deuxième mirador, puis continue un peu, en suivant la ligne de crête. Après tout, la vue sur les Bardenas juste en dessous, et tout simplement magnifique. Ces couleurs, ces contrastes, ces formes, ces textures…

    Et puis je rentre au Chamion. Émerveillé. Fatigué. Je passe une soirée tranquille.

    Ce parking, vide, loin de tout, me plait. Pourquoi ce parking, et pas celui du barrage, je ne saurais dire. Mais aujourd’hui, je ne bouge pas. Je reste dans le Chamion. Il fait soleil. Je suis bien. Je regarde les voitures qui passent. Je lis. Regarde des vidéos. Évacue tout ce que j’ai vécu la veille. Trop d’images. Trop de photos. Trop d’émerveillements. Il me faut une pause. Et prendre un peu de temps pour planifier la suite. Parce que clairement, je n’ai pas tout vu.

    Le jour suivant, je suis prêt. L’objectif est simple : je vais au centre d’informations (je n’en suis plus très loin) et je planifie en partant de là. Je suis à l’accueil pas beaucoup plus tard. On me donne une carte. On m’explique. Je comprends donc qu’hier mon erreur a été dès le premier carrefour à El Paso : il fallait aller à gauche, et pas à droite. Les chemins interdits ne sont pas indiqués. Seuls les chemins autorisés le sont. Ah… certes… je me sens un peu coupable. Pas trop, je dois bien le reconnaître. Après tout, j’ai tourné à droite en toute bonne foi… Mais là, j’ai des indications claires. En gros, une grande boucle d’une vingtaine de kilomètres. « Comptez une heure ou deux pour la faire, en fonction du nombre d’arrêts ». Le parc ferme à 17h. Il est midi. Large.

    Sauf que… sauf que là… je sais plus quoi dire. J’avance. Je m’arrête. Je fais des photos. Repars. Me réarrête. Refais des photos. Je ne sais plus où regarder. Le paysage change tout le temps. Aussi bien le premier plan que l’arrière plan. Je passe mon temps à passer du télé au grand angle. Je sais plus où donner de la tête. Et je sais que faire le tri des photos plus tard sera un cauchemar. Ou pas. En vrai, je sais comment ça va sans doute se terminer. Une galerie de soixante dix mille photos. Minimum.

    Pourtant, ça n’avait pas très bien commencé. Le ciel était gris, et c’est quand même pas terrible pour les photos. Ce genre de paysage a besoin d’ombre, de contraste, de nuance… mais ensuite, le soleil a participé au spectacle. Et donc, en effet, à partir de là…

    J’ai fait la moitié de la boucle. Comme la veille, les avions de chasse survolent la zone. Parce que forcément, il ne peut y avoir que des enfoirés de militaires pour transformer un lieu pareil… en champ de tir ? En terrain d’entrainement pour les avions ? J’ai encore un petit doute au début… quand je vois un petit nuage de fumée blanc. Puis un autre un peu après… avant de finalement entendre les dénotations, et voir les cibles…

    Forcément, ça casse un peu l’ambiance. Mais au moins, ils doivent être sûrs que dans le coin, les gens ne font pas trop de hors piste… bref, rester sur les chemins, ne pas s’approcher des falaises et des zones naturelles pour ne pas déranger la faune et la flore… dire que de mon côté je me sens coupable de rouler avec mon vieux Chamion parce qu’il consomme quand même beaucoup d’essence, et qu’à côté, y a des abrutis qui tournent en rond en jet dans le ciel… je fais quand même mon possible pour les ignorer. Et me concentrer sur le paysage. J’y arrive quand même assez bien. Une ou deux fois, je regarde le Chamion inquiet par un bruit de moteur inhabituel. Mais non, c’est juste un moteur à réaction… moi, je continue ma boucle, l’oreille sélective.

    Et puis j’arrive à la jeune fille. Son nom officielle, c’est « Cabezo de Castildetierra ». Qu’on doit pouvoir par traduire par la tête (le chef / le promontoire) du château de terre. Mais pour moi, c’est la jeune fille. Pourquoi ? Parce que.

    C’est l’emblème des Bardenas L’image la plus souvent présente sur les photos (j’avoue, j’ai hésité à la mettre en tête de cette article ; comme au moins une quarantaine de photos)… et elle a clairement son charme. Ce n’est pas la formation la plus impressionnante. Ou la plus haute. Ou la plus grande. Mais c’est la plus élégante. Je gare mon Chamion juste à côté. Je me fais à manger ; je n’ai pas vraiment faim, mais c’est le plaisir de manger avec pareille vue.

    Je pars en faire un tour rapide. Avec le mini canyon à côté (sans oublier de m’hydrater ; c’est très important de bien s’hydrater dans ce genre de paysage ; ce ne serait pas raisonnable du tout d’y aller sans eau).

    Il est 16h. Le timing est plutôt pas mal. Je fini rapidement la boucle, fait encore des tonnes de photos, et me dirige vers la sortie du parc.

    Comme je suis quelqu’un de bien organisé, j’ai même repéré où je dors ce soir. En dehors du parc, évidemment, parce que dedans c’est interdit (snif, et resnif). On est vendredi… et si j’allais passer le week-end en ville ? Direction Tudela, où il y a une aire de camping car juste à côté du centre ville. C’est bien ça !

    Bon, par contre, il y a un pont à 3m50 à l’entrée de la ville. J’ose pas trop, vu qu’en théorie je fais 3m60… enfin ; avec un grand détour, je finis par trouver une entrée appropriée. Je me trouve une place tranquille. Du moins quand j’arrive. Les camping car viendront s’empiler les uns sur les autres au fur et à mesure que la soirée avance… m’en fout, moi je suis dans ma petite bulle en bois confortable. Et je suis bien. Épuisé aussi. Je dois bien le reconnaître. Mais le Chamion a bien tenu le coup ; une bonne trentaine de kilomètres de graviers et de poussière. Parlant de poussière… y’en a partout ; mais ça n’est pas vraiment surprenant !

    4 commentaires

    1. Commentaire de Kaly

      Alors, combien de photos au final ?
      Ces paysages me laissent sans voix. On pourrait les utiliser pour expliquer ce que c’est que l’érosion tellement ils sont parlants !
      L’escalier victime lui aussi de l’érosion, ça m’a bien fait rire : il se comporte comme le reste du paysage…

    2. Commentaire de Sébastien Chion

      Au final, relativement raisonnable… 398 photos sur mon séjour dans les Bardenas (jusqu’à présent)

    3. Commentaire de Bernadette Suchod

      Etonnants paysages, étonnant véhicule, étonnant voyageur…
      Au nord de l’Espagne, au sud de la Navarre, au milieu de nulle part.

    4. Commentaire de Kaly

      Oui, c’est raisonnable en effet. Mais suffisant pour avoir je pense une idée précise du lieu (deux ou trois photos ça peut pas être suffisant).

    Laisser un commentaire