Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 1st, 2022
  • Coronas, Burgui, Leyre, Javier, Sangüesa, Ujué…

    Il est cinq heure. Environ. Je me réveille. Mais cette fois, je suis curieux. Je jette un œil sur la température. Parce qu’il faisait quand même pas chaud dans le Chamion. Outre le fait que c’était la nuit la plus froide annoncée pour la période, j’étais quand même dans un endroit… plutôt frais. -7 dans la cabine du Chamion. +3 à l’arrière. Comme quoi, elle est vraiment bien ma couette ! Mais mon plaid complète bien l’ensemble. Ce qui m’inquiète quand même un peu, c’est la motivation du Chamion à redémarrer demain…

    Navascues

    La journée commence comme d’habitude. Chauffage et couverture. Puis thé. Le soleil se lève tranquillement dans le ciel. J’ai prévu de commencer ma journée en allant visiter Navascues, le village juste à côté (20 minutes à pied). Ça laisse tout ça de temps en plus au Chamion pour se réveiller et se réchauffer. Sans trop de surprise, le village n’a pas grand chose à proposer en ce froid matin de janvier. Mais ça me dégourdit un peu les jambes après la veille.

    Je m’en reviens au Chamion un peu après. Il est 13h30 quand le Chamion démarre. Il rechigne un peu, comme chaque matin. Mais il démarre. Comme chaque matin. Et moi, je prends la route. J’ai repéré une balade un peu plus loin. Une boucle d’une dizaine de kilomètres. Qui passe… à côté de la maison en pierre d’hier. On verra si je suis motivé à la faire ; dans l’idée, j’ai bien envie de connecter mon demi-tour d’hier avec un autre circuit.

    Le Chamion roule ; grimpe sans effort ; les routes de col en troisième à 25 km/h, nous avons désormais l’habitude. Pareil pour les descentes. Je ne touche jamais à la pédale de frein, et c’est quand même agréable.

    La foz de Burgui

    Je traverse ainsi Las Coronas en longeant la 214. J’ai vu le départ de la rando en passant. Le départ ne m’inspire pas. Le parking pour laisser le Chamion encore moins (j’arrive pas à savoir si c’était une deuxième voie sur la route, ou si c’était un parking…). Je continue donc. La route me fait descendre sur Burgui. Les paysages sont toujours aussi magnifiques. Arrivé à Bourgui, je reprends la direction du sud. Nouvelle gorge. La Foz de Burgui. Même sur le plat, je roule à 30 km/h, les yeux rivés sur le paysage (et parfois sur la route). Je m’arrête. Je fais des photos. Je repars. C’est sûr que ça n’avance pas vite. Mais qui aurait envie d’aller vite sur des routes pareilles ?

    L’observateur attentif aura remarqué un changement net dans la qualité du revêtement de la route (l’observateur moins attentif devra regarder l’album une deuxième fois). C’est que juste après Burgui (le village), je change de communauté indépendante, pour entrer en Aragon. Où le budget route semble… moindre.

    Voilà… je viens donc de traverser ça…

    Pour le coup, l’impression d’être en pleine balade dans le Vercors est, il faut le dire, assez forte ! La deuxième gorge qui suit la première est un peu moins profonde ; un peu plus large. Mais reste très belle.

     

    Embalse de Yesa

    Et puis le paysage change à nouveau, alors que je rejoins le lac de barrage de Yesa, que je suis pendant un moment. Retour vers l’ouest.

     

    Monasterio de Leyre

    J’arrive à Yesa. J’ai quasiment terminé ma boucle : je suis à 8 kilomètres de la villa romaine d’où j’ai observé la Foz de Lumbier. Huit kilomètres de cette vision qui a entraîné un détour oh combien magnifique !

    Dans toutes mes explorations du coin, j’ai repéré le monastère de Leyre. Assez bien situé dans les montagnes, versant sud, au dessus du lac. Grand parking, possibilité de s’y garer sans problème, et nombreux départs de balades. Ça me paraissait un bel objectif de journée. Je demandais un dernier effort au Chamion (avec quelques passages en seconde, parce que les moines, ils aiment bien être dans des coins tranquilles). Et je gare le Chamion là aussi sur la montagne. Le monastère est beau. La vue est sympa. Les cloches sonnent un peu toutes les 15 minutes, et avec enthousiasme pour annoncer les différentes messes. Les vêpres à 21h15, ça ira. Mais mâtines à 6h, je suis pas sûr d’apprécier ! Par contre, les messes sont accompagnées de chants grégoriens, et sont ouvertes au public. D’un côté, ça implique de rentrer dans une église (et risquer de prendre feu) ; d’un autre, ce sont des chants grégoriens…

    Après de nombreuses hésitations, ça ne sera pas pour ce soir. Peut être demain ? Nous verrons. Demain, c’est rando !

    Le réveil nocturne… n’est pas le même que d’habitude. Il est trois heures du matin. Et ça souffle. Ça souffle quand même pas mal. Quelques vérifications. Rafales attendues à 60/70 km/h. Bon, le Chamion a déjà connu pire. Pour autant, à moitié endormi, les idées pas toujours très claires, j’ai deux trois inquiétudes diverses. Et si le vent faisait lâcher le frein à main du Chamion ? Certes, j’ai aussi la première engagée en frein de secours. Mais je suis quand même garé dans une pente. Il faut que je cale le camion. En plus, les volets battent sur les côtés. Il faut que je les enlève. Mais ils risquent de s’envoler ! Et si le vent fait tomber la bouteille de gaz du chauffage… bref, trois heures du matin, je sors avec mon pthermodactyl force 5 (le max !) en plein vent, pour mettre les volets sous le Chamion, démonter la bouteille de gaz, et la poser sur les panneaux. Et puis tiens, j’enlève aussi l’échelle, que je cale derrière une roue. On est jamais trop prudent. Au moins, je peux me rendormir ! Je fais tout ça conscient que j’en rirai le lendemain matin, avec les idées claires.

    Le lendemain matin, avec les idées claires, j’en ris. Mais au moins, je me suis assez vite rendormi au milieu de la nuit, en ne stressant pas pour plein de trucs qui ne risquaient pas de se produire de toutes façons.

    Par contre, clairement, je suis fatigué. Et un peu frustré. Le vent est hyper désagréable, et ne tombera pas avant au moins deux jours. Il fait froid. Ils annoncent des possibilités de pluie. Crapahuter dans les rochers, avec du vent, sous la pluie… certes, je pourrais commencer par allumer un ou deux cierges à côté, et négocier une ou deux prières le temps de ma balade (et aussi les remercier de pas faire sonner les cloches pour annoncer mâtines !). Mais le vent m’énerve de toutes façons. Alors à la place, je vais plutôt aller visiter la crypte du monastère qui a l’air super belle. Mais fermée. Les moines ne montrent pas leur crypte le lundi. C’est bête. Le mardi non plus d’ailleurs. Bon… j’en ai marre, je boude. Je pensais passer deux nuits ici, faire une longue balade aujourd’hui pour me faire pardonner, et ensuite aller à la messe pour compenser. Mais tout le monde m’embête. Alors je vais juste me faire une petite balade sympa et agréable, à l’abri des arbres, avant de repartir.

    Je garde quand même dans un coin de ma tête que le monastère vaut la visite et qu’il y a des randos à faire dans le coin. En plus, j’ai raté de voir frère Cadfael, alors c’est dommage. A priori, mon itinéraire prendra la forme d’une (presque) boucle dans le sud ; je ne repasserais pas forcément très très loin d’ici ; donc je ferai peut être un détour pour revenir. On verra comment je me sens à ce moment là. Il y’a aussi la (petite) frustration de ne pas avoir vu Arbayum de l’intérieur. Et une ou deux randos que j’aimerai faire… si j’étais plus en forme (parce que oui, y a un 1000m de dénivelé dans ces randos).

    Javier

    En attendant, je roule. Pas vite. Parce que comme dit le proverbe « Chamion qui monte en seconde tout pas vite, redescendra en seconde tout pas vite non plus ». La prochaine étape, je la dois aux panneaux d’informations du monastère. Parce que d’habitude, je m’en sers souvent d’inspiration, mais ils sont rares dans le coin. Pour autant, la photo du château de Javier faisait très envie… je vais donc aller y jeter un œil !

    Je comprends très vite que j’ai eu raison de m’arrêter. Et puisque je suis là, je m’offre même une petite visite. Parce que de temps en temps, j’aime bien payer des billets d’entrée pour des monuments qui en valent la peine. « hoy es lunes, es gratis ». Ah. Bon. Pour autant, je vais pas me plaindre non plus !

    Château relativement simple, et modeste, mais qui me plait énormément. Et a priori, « Javier » c’est pour « St Francesco de Javier » (communément connu sous le nom de Saint François Xavier). Un mec du coin, un peu connu.

    Sangüesa

    J’avais quitté Pamplona en me disant « ce soir, je dors sans doute à Sangüesa ». Après tout, c’était une étape de 45 kilomètres, c’était quand même hyper raisonnable. Je l’aurais fait en quatre jours, avec quelques étapes. Je m’en sors pas trop mal. C’est marrant, quand même, comment le temps passe en voyage. Pour moi, il m’a bien fallu une semaine pour aller de Pampelune à Sangüesa… enfin…

    J’ai quitté le monastère pour une autre raison. Les tiroirs du Chamion sont vides. La comida se fue ! J’ai tout comer. Il reste plus beaucoup grand chose. Moi, je suis bougon parce que la météo m’embête, et les moines m’embêtent. J’ai envie de me faire plaisir, et de remplir le Chamion de bonnes choses. Alors j’ai fait ça bien. J’ai repéré un grand supermarché à Sangüesa. Bon, ca a été plutôt facile. J’ai repéré le seul supermarché de la ville, et je me suis garé sur le parking. J’ai même pris un chariot ! Tout ça pour une autre déception supplémentaire… il n’est pas si grand que ça leur supermarché, y’a pas tant de trucs bizarres qui font envie, et au final, je ressors hyper raisonnable. Bon, c’est pas grave. J’ai quand même de quoi manger pour un moment. C’est le principal. Je trouverais une autre épicerie plus grande, plus tard, et je me rattraperai !

    Je vais garer le Chamion un peu plus loin, sur un parking sur le bord de l’eau. Je commence à m’installer, avec un petit doute sur ma légitimité à être ici. Le gendarme qui passe alors et qui commence à prendre des photos du Chamion me fait un grand sourire. Il me demande ce que je fais ici ; je lui réponds que je voyage. Il me souhaite une bonne journée. Je dois donc avoir le droit d’être ici. (Nombre d’interactions avec les forces de l’ordre espagnole : 4 ; nombre d’interactions positives avec les forces de l’ordre espagnole : 4 ; oui, même ceux qui m’avaient réveillé au milieu de nul part avec le fusil mitrailleur à la main, l’interaction s’est avérée être respectueuse et agréable, alors qu’ils cherchaient quelqu’un de dangereux et armé en pleine période de tout début de pandémie, tout va bien).

    Je pars donc visiter la ville en toute sérénité. J’ai des envies de visiter des villes inspirantes. Je crois que je me souviens trop des cocons confortables de la Terra Alta. Ah, Horta de San Joan, qui a volé mon coeur… enfin… la visite commençait assez bien, avec un cloitre magnifique… dont je me fais mettre à la porte « c’est une école, vous n’avez pas le droit d’être ici ». Ah… ce n’est qu’en sortant que je vois les panneaux. En même temps, ils étaient bien cachés, alors que le cloitre est fléché dans la ville donc bon… le reste de la ville… ne m’inspirera pas tant que ça au final. C’est pas avec ce genre de villages que je vais réussir à convaincre Patrice de venir jeter un œil en Espagne (j’aurais dû prendre plus de photos de virages dans les gorges, mais c’est pas le meilleur moment pour faire des photos, les virages !).

    En fait, je sais ce dont j’ai envie. J’ai envie d’un lieu qui soit suffisamment inspirant pour passer deux nuits de suite au même endroit avec le Chamion. Ça ne me dérange pas de rouler tous les jours, mais parfois, j’ai l’impression d’aller un peu trop vite. On me dira que 160 kilomètres en quatre jours, ce n’est pas si rapide que ça. C’est pas faux… mais je sais pas. J’aime bien pouvoir me créer des minis habitudes dans un lieu. Elles ne dureront pas longtemps… mais il y a quelque chose d’agréable à se réveiller plusieurs matins de suite au même endroit… sauf que là encore, Sangüesa ne m’inspire pas assez pour ça. J’hésite, parce que le vent n’est toujours pas retombé… et que ça ne sera pas forcément compatible avec ma prochaine destination… mais je pars quand même. Ne pas bouger et tourner en rond à rien faire pendant une journée, pour le plaisir de… s’ennuyer ? C’est pas mon truc non plus. Je prends donc la direction de Ujué.

    Ujué

    Toujours des routes qu’elles sont belles. Ça monte. Ça descend. C’est joli. Mais quand même un peu moins que les paysages des derniers jours. J’aime bien les gorges, et les reliefs… qui ont du relief ? Ici, c’est déjà un peu plus plat. Moins vertigineux… alors je roule sans trop avoir envie de m’arrêter.

    Bon, d’accord, je m’arrête quand même une fois pour admirer une magnifique sculpture sur le bord de la route. Une sculpture avec une rampe d’accès, en plus, c’est bien pensé pour… oui, bon, d’accord, il faut d’abord franchir les dix centimètres de rebord de trottoir, mais après, la pente est agréable ! Et puis le point de vue est amusant, au bout. Regarder au travers des carreaux. Enfin… seulement pour ceux qui sont assez grands… mais bon… y a une rampe, non ?

    Et j’arrive donc à Ujué.

    Village plutôt magnifique au sommet de sa colline, avec son église fortifiée qui domine l’ensemble. L’emplacement est beau, ça a de l’allure. Je commence par essayer d’aller me garer sur le parking camping car, mais outre le fait qu’ils n’ont pas inventé l’horizontalité du niveau à bulle, le parking est en plein vent. Et là haut, ça souffle. Je reviens au parking à l’entrée du village. Ça souffle un peu moins, mais c’est sans intérêt. Pas de vue, et au milieu des engins agricoles. Screugneugneu. Je reprends la route, voir si je peux trouver un endroit sympa, et non venteux, dans les environs… mais en sommet de crête, c’est pas la peine. Je reviens au parking moins venteux, avec les engins agricoles. Je boude. Encore. Décidément… au bout d’un moment à ne pas savoir quoi faire, je pars visiter le village. Il fait froid, y a personne. Le vent me donne mal à la tête. Je boude encore plus, mais au moins, ça m’aide à prendre une décision. Même pas je dors une nuit ici ! Bon, soyons honnête avec le village et l’église, c’est vraiment beau. En plus, quand on fait juste lire des articles de blog, on n’a pas le vent, et on n’a pas froid aux doigts !

    Et je reprends donc la route, en direction du sud. Il y a peut être autre chose, qui me fait avancer… ces paysages que je rêve de voir depuis des années, et que j’atteindrai donc demain…

    Je fais une quinzaine de kilomètres sur une route en très mauvais état, avant de revenir sur des routes plus normales. J’ai fait un peu de repérage en avance, pour savoir où je pouvais dormir… ce sera sur le parking du monastère de la Oliva ! Je suis dans ma période monacale, ne vous inquiétez pas, tout est normal. Je suis pas mécontent quand j’arrête enfin le moteur du Chamion. J’ai été un peu déçu par les derniers changements de planning. Tout ça, c’est la faute du vent moi je vous dis. Mais bon, en principe, il arrête de souffler fort cette nuit.

    3 commentaires

    1. Commentaire de Kaly

      C’est vrai qu’en te lisant, je ne sens pas le vent ni le froid aux doigts, alors c’est tout bénef pour moi.

      Rester deux nuits quelque part ? Pour moi c’est très important de prendre racine, même si ce sont parfois de toutes petites racines. Quand j’arrive à deux reprises sur un endroit, de préférence par deux arrivées différentes, je commence à me sentir chez moi. J’aime repasser au mêmes endroits sans passer par le même chemin – sinon répéter la même chose est bien moins intéressant.

      J’ose pas te souhaiter “bon vent !” pour la suite, disons que c’est une image, un symbole, qui veut dire exactement le contraire de ce que ça dit : mettons pas de vent, beau temps, et pour ne pas changer beaux paysages…

    2. Commentaire de Jérôme

      Le voyage est décidément superbe. Quelles belles photos. Ça fait envie…
      Ne boude pas ton plaisir ! ;-)

    3. Commentaire de Sébastien Chion

      Je boude les moines, le vent, mais clairement pas mon plaisir. Même les journées où je suis bougon, j’en profite quand même. Et alors les journées où je suis pas bougon, je te raconte pas ^^ (enfin si, d’ailleurs, je le raconte sur le blog !)

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