J’ai dit au revoir à l’armée des gentils céramistes, j’ai jeté mon sac à dos sur mes épaules, et j’ai repris la route. Marcher jusqu’à la gare -sous une petite bruine- acheter le billet de train, attendre le train, monter dans le train, partir. Un TER local. Parfois, je m’interroge sur le E de TER. Parce que parler d’Express Régional quand le train s’arrête tous les deux kilomètres… mais je ne suis pas pressé. Je regarde, j’observe la côte si densément peuplée, et les villes et villages qui s’enchaînent sans rupture. Pas d’endroit pour respirer. Pas de pause. Le mètre carré est beaucoup trop cher pour y planter plus de deux arbres côte à côte…
Le paysage est beau. Escarpé. La mer est juste à côté. Les montagnes aussi. Et le train se balade entre les deux, alternants les traversées de villes et les tunnels. Tout ça me rappelle la remontée de la Baie des Chaleurs, au Québec. La Gaspésie en train… une de mes plus belles aventures ferroviaires ! Si sur la côte d’Azur on compte les espaces verts, en Gaspésie on comptait les maisons…
Et puis finalement, le train s’est arrêté en gare de Monaco. Dans la gare souterraine de Monaco… je ne savais pas du tout à quoi m’attendre dans la principauté. Mon expérience récente d’Andorre m’avait encouragé à revoir mes attentes à la baisse. De Monaco, je ne savais pas grand chose. Il y’a un Grand Prix de Formule 1, sans doute une fois par an. Il y a une équipe de foot (ce sont les discussions véhémentes des 4 jeunes à côté de moi dans le train qui me l’a rappelé) et il y a une princesse. Stéphanie de Monaco. Et puis il y a quelques mois, mes deux collègues françaises de Hotelito Perdido m’avaient fortement encouragé à regarder Les Tuches pour parfaire ma culture cinématographique française. J’ai donc pu faire la visite de Monaco avec la voix de Jeff Tuche pour faire la voix off… voilà…
La première chose qui m’a marqué, c’est la densité de la ville. Les immeubles s’empilent et s’enchainent. Vous pouvez habiter au dixième étage et malgré l’aide de la pente avoir un immeuble en vis à vis. Et pourtant, j’aime bien. Malgré le ciel gris et légèrement pluvieux, il y’a de la couleur et de la joie. Rien à voir avec la grisaille de Andorre…
J’ai commencé par explorer la partie un peu haute de la ville. Un panneau « jardin exotique » m’avait fait de l’oeil et j’avais décidé d’aller jeter un oeil. Me promenant dans les rues et les ruelles, montant et descendant des escaliers gaiment… mon sac de 18 kilos sur le dos.
Et puis je suis arrivé au jardin exotique où j’ai été accueilli par quelques jolis cactus et autres arbres. J’étais bien inspiré à l’idée de visiter, avant de voir les tarifs… 7,20 euros, même si ça donne l’accès à une mini grotte et à un musée en plus, c’était pas pour moi. Alors j’ai regardé le cactus, j’ai fait deux photos (y’avait un modèle de ceiba que je connaissais pas !) et j’ai attaqué la descente. Voir le bas de la ville et, si j’ai le temps, remonter jeter un oeil sur le rocher.
Malgré la grande densité de population (19000 hab/m2 , c’est presque le double que les 10500 de Lyon) il est assez agréable de marcher en ville. Il y a quelques rues très passantes, mais les ruelles sont tranquilles, et surtout, on se déplace beaucoup en empruntant des escaliers. Encore plus tranquilles, forcément…
La partie basse de la ville (entre la montagne, le Rocher et la mer) parait plus moderne. Centre commercial, allée piétonne… je m’arrête pour manger un hamburger, et continue de trouver la ville inspirante. Encore plus depuis que j’ai vu ce panneau indiquant le début de la Via Alpina. C’est quoi la Via Alpina ? Un itinéraire de randonnée de 2443 kilomètres, qui relie Monaco à la Slovénie en traversant les 8 pays alpins… dommage que je n’ai pas trois mois devant moi là tout de suite…
Depuis le port, j’ai décidé de monter sur le Rocher, afin de profiter un peu de la vue sur la ville. Sans regret. Le sac commence à peser un peu dans les escaliers, mais c’est pas grave. La vue en vaut la peine !
J’ai exploré un peu le sommet du Rocher. Une grande rue qui fait le tour, et des petites ruelles qui traversent avec pas mal de boutiques de souvenirs et de petits restaurants. Petite ambiance agréable… quoi que très friquée…
Et là encore, le point de vue permet de bien se rendre compte de la densité des maisons.
Et puis j’avais un train à prendre, alors j’ai repris le chemin de la gare. Je marchais tranquillement dans la rue quand j’ai entendu une voix de femme « monsieur, s’il vous plait ». Ça avait l’air d’être pour moi. Alors je me suis retourné. Deux policiers en uniforme me regardaient. Le monsieur m’a demandé un papier d’identité. Un peu surpris, j’ai demandé si tout allait bien. Il m’a dit que oui.
N’étant pas forcément d’humeur à me prendre la tête avec la police de Monaco, j’ai tendu mon passeport, sans faire de commentaire. C’est là qu’ils ont commencé à poser des questions. Vous êtes qui, vous faites quoi, vous avez des choses interdites dans votre sac, vous arrivez de où, vous allez où, vous avez une adresse permanente, vous faîtes quoi avec un appareil photo ? Euh, pardon ? Bin je fais des photos. Quel genre ? Je peux voir ? Ça fait déjà un peu plus de 5 minutes que je suis là. Ils font trainer. Mon train est dans plus d’une heure, alors je ne vois pas de raisons de m’impatienter, mais je n’aime pas du tout cette ambiance interrogatoire. Je montre mes photos à la femme. J’en fais défiler une quarantaine avant qu’elle me dise que c’est bon.
À trois reprises, ils me demandent si j’ai déjà été contrôlé. Ils ont l’air surpris que ce ne soit pas le cas. Il faut dire qu’avec mon look de hippie, mais cheveux longs détachés, et ma barbe pas rasée, je ne rentre pas forcément dans la catégorie monégasque propre sur soit. Et ça commence à me lasser. « Pourquoi vous me contrôlez ? » « On aime bien savoir qui passe par ici ». « Les photos, c’est parce qu’il y’a des gens qui viennent et qui font du repérage ; on vous a vu avec votre appareil photo sur les caméras, alors on vérifie ». Ah… si y a des caméras, vous avez du voir que j’ai le profil du parfait touriste…. « rien d’illégal dans votre sac ? Pas de batte de baseball ? pas de couteau ? » je réfléchis quand même, pour pas répondre de connerie, mais un manuscrit de roman ça ne me parait pas être illégal… « non ». « Même pas un petit couteau pour couper le saucisson ? ». Répartie raté, j’ai pas pensé à répondre « je suis végétarien ». À la place, j’explique que je suis Directeur Artistique, que j’ai de l’argent et que je mange au restaurant. Ils prennent encore quelques détails, les noms et prénoms de mes parents (papa, maman, si l’ambassade d’Andorre vous appelle, c’est pas moi, j’étais même pas là !)…
Les questions continuent encore un moment. Après un quart d’heure, il semblerait que j’ai réussi à montrer patte blanche. Je suis reglo. « Si jamais vous vous faîtes contrôler à nouveau, dîtes que vous avez déjà été contrôlé en donnant le nom de la rue ». Je ne dis rien. Même si j’ai très envie de répondre « aucune chance que ça arrive, je pars dans une heure, et comptez pas sur moi pour revenir ».
C’est dommage ; il y avait quelque chose qui me plaisait ici. J’aurai bien aimé revenir. Étrangement, je me serai même vu travailler quelques mois dans un resto ou un café. Mais finalement non. Vu comment on est accueilli, ça donne pas vraiment envie de revenir. Y a beaucoup d’autres endroits inspirants qui m’attendent !
Je me dirige vers la gare. C’est mon troisième contrôle d’identité. Le premier, c’était alors que je faisais du stop au centre ville de Duluth. Le policier s’était excusé, me disant que j’avais été dénoncé par quelqu’un, et qu’il était donc obligé de faire un rapport. La deuxième fois, c’était dans le métro de Lille, par ordre du préfet à cause de l’État d’urgence…
Un peu après, j’embarque dans le train. Direction l’Italie.