Et là, Laurie m’a demandé « alors, on descend où ? ». Et j’ai trouvé sa question vraiment intéressante et bien pensée.
Nous venions de faire un trajet en bus d’une vingtaine de minutes, afin de rejoindre le Max (ça sonne beaucoup plus amical que RER je trouve). Nous nous dirigions vers le centre-ville. Mais il nous fallait quand même une destination un peu plus précise. Un nom de station où descendre, par exemple.
C’est là que j’ai réalisé à quel point mes souvenirs de Portland étaient flous. Après tout, ça fait un moment que je ne suis pas venu ici. Je me souviens d’une ambiance générale, d’un ressenti global. Je me souviens de quelques endroits vivants, de rues sympas et animées… mais lesquelles exactement ? Je ne suis pas sûr de me souvenir des noms… C’est entre autre pour cela que je voulais revenir à Portland. J’en avais besoin pour écrire le troisième tome des aventures du Pourquoi Pas ?. C’est là aussi que je me suis rendu compte que je ne suis pas vraiment « sorti » à Portland quand j’y étais. J’ai découvert quelques brasseries, je me suis promené un peu avec Danielle… il y a aussi des souvenirs de soirées chez des gens (notamment pour Halloween). Bref, je ne suis pas du tout à jour sur les endroits branchés de Portland.
Laurie a bien vu mon hésitation. Je crois qu’elle a plutôt été amusée et qu’elle ne me tient pas rancune du fait que je parle tant de Portland, que j’en dise autant de bien, alors qu’au final, je ne connais que bien peu la ville… oui, c’est peut être plus une sensation globale, au final… que je veux détailler. J’ai bien l’intention de (re)découvrir la ville. Je reste un petit moment devant le plan de métro. Regardant les noms, essayant de forcer un peu ma mémoire. Et puis je vois « Pioneer Square ». Je m’en souviens. Une place assez sympa, au centre ville. C’est là qu’on trouve le centre d’information touristique. Dans mes souvenirs, la place est assez animée, il y a pas mal de gens, il se passe pas mal de choses. Ça me parait une bonne destination. Je la suggère donc à Laurie. Qui confirme mon autre impression : comme c’est l’endroit où se croisent plusieurs lignes de Max et de Street Car, ça devrait être assez vivant en effet.
Nous descendons du train dans un endroit un peu désert. La place est bien là, mais il n’y a pas grand monde. Mon panneau directionnel lui, est toujours là. Celui qui indique des endroits un peu partout dans le monde, avec des distances en miles. Il indique même la distance jusqu’à Tipperary. « Long way ». Ce clin d’oeil à la chanson continue de me faire sourire.
Il n’y a pas grand monde où nous sommes. La ville n’est pas animée du tout. Presque un peu glauque dans le coin en ce dimanche soir de fin octobre. On prend la direction du sud, s’approchant des tours à bureau. Je me rends bien compte que ce n’est pas la bonne direction où aller. On fait demi-tour, on se retrouve sur Broadway à marcher vers le nord. Le nom est plutôt encourageant… et pourtant… nous continuons à essayer de trouver des gens, une ambiance, quelque chose… pourquoi la ville ne correspond pas du tout à mes souvenirs ? Elle est où ma ville complètement folle ? Je sens bien la déception de Laurie… et de mon côté, s’ajoute l’inquiétude… Portland a-t-elle changée ? Est-elle devenue une ville ennuyeuse et sans grand intérêt ? Et comment je vais gérer mon livre si la ville se révèle si peu inspirante.
On arrive sur Burnside, l’artère qui sépare Portland entre nord et sud. Le coin est encore plus glauque. On s’approche d’un endroit où on entend de la musique, mais ça ne donne pas envie d’entrer. On fait demi-tour à nouveau. On a repéré une brasserie, qui avait quand même l’air un peu sympa, et un peu animée. On s’y installe le temps de prendre une bière, et de discuter un peu sur la suite de notre exploration. Un rapide saut sur internet (je pense que j’aurais du mal à me passer de mon iPod touch en voyage !) nous permet de repérer quelques endroits qui, peut-être… une carte me permet aussi de situer Pearl District. Là où j’étais allé me promener avec Danielle, pour un « first thursday galery walk ». Me semble bien que c’était sympa par là bas. À garder en tête. On marche un peu. Trouve un autre bar, assez sympa. On commande une autre bière, s’installe en terrasse. Il n’y a pas grand monde, mais on finit assez rapidement par entamer la discussion avec une fille de la table d’à côté. Quelques échanges tout simples mais agréables. On décide de rester un peu plus longtemps ici. Il y a même une table de billard, pour me rappeler que ça fait longtemps que je n’ai pas joué, et que je suis vraiment pas bon. Un homme nous regarde jouer la deuxième partie, donne quelques conseils à Laurie. Il a l’air de s’y connaître. Du coup, ils font une troisième partie ensemble. Je les regarde aller. C’est le genre de personne qui me mettrait plutôt mal à l’aise. D’ailleurs, j’ai un peu du mal dans les quelques échanges que j’ai avec lui. Mais je vois que Laurie se sent très bien. Et j’ai entière confiance en son jugement. On a beaucoup parlé de notre degré d’empathie. Elle est persuadée que voyager développe énormément cette capacité à ressentir les gens. Je suis parfaitement d’accord avec elle. Comme quelques jours plus tôt, dans le camion, je la regarde interagir avec son partenaire de jeu. Et je regarde les résultats de cette interaction. L’homme est séduit. Je n’aime pas vraiment le mot, à cause de ce qu’il peut connecter au niveau physique. Je ne ressens aucun désir de sa part, aucune envie, aucune tentative. Laurie me confirmera avoir eu exactement le même ressenti. Il est simplement sous le charme de cette fille, si facile d’approche, si ouverte, si enthousiaste, si souriante.
La soirée est bien avancée. Je jette un oeil sur l’heure, pas tout à fait sûr du moment où passe le dernier Max. Je les laisse finir leur partie tranquillement. Je n’ai aucune envie de les interrompre. Mais la partie terminée, je fais remarquer l’heure à Laurie. On dit au-revoir, et on s’en va. Nous arrivons à un arrêt assez rapidement, mais le dernier Max est déjà passé. Je ne sais pas depuis combien de temps. Ce n’est pas très grave : nous pouvons toujours marcher. J’ai une idée très précise de là où nous allons et je peux y retourner sans problème. Il suffit de ne pas être trop pressé.
Nous arrivons chez Cadence presque deux heures plus tard. La marche a été un peu longue, mais oh combien agréable ! Pas tant pour les endroits traversés que pour une autre de ces discussions sans fin qui nous accompagnent tous les soirs, et dont on ne se lasse absolument pas.
Nous sommes de retour dans notre petite roulotte triangulaire, prêts à faire le concours du premier qui dort qui gagne. Je pense que nous serons exa eco avec moins de 5 secondes chacun après la pose de la tête sur l’oreiller.
La journée du lendemain a commencé un peu tardivement, mais a été un peu plus encourageante. Une exploration du quartier chinois nous a permis non pas de voir beaucoup de chinoiserie, mais au moins de visiter le jardin chinois. Un endroit parfaitement adapté à la détente, à la réflexion et à la méditation. Nous en avons fait le tour en prenant tout notre temps, s’interrompant une ou deux fois pour rester à l’abris de la pluie. La météo ne sera pas de notre côté les prochains jours semble-t-il. Entre la pluie, les averses et les douches éparses, il faudra compter sur beaucoup de ciel gris et d’humidité. Pas beaucoup de soleil ou de ciel bleu…
La suite de nos errances nous a ramené au centre-ville. L’idée étant, devant une météo pas très encourageante, d’aller attraper quelques suggestions au centre d’information touristique. Où nous sommes arrivés 5 minutes après la fermeture. Nous avons donc continué à déambuler dans le secteur, mais cette fois avec un peu plus de succès. Parce que c’était la journée ? Parce qu’on était en semaine ? Sans doute un peu des deux. Quelques boutiques sympas et une belle lumière nous ont accompagné pendant un moment.
Et puis nous sommes passés devant une épicerie fine. Depuis quelques temps maintenant, Laurie rêve (éveillée) de reblochon. Le manque de fromages reste un point commun à une grande majorité des français en voyage. Je m’y suis habitué. Je suis capable de rester longtemps sans ma dose de pâte molle au lait cru. Non pas que je dirais jamais non à une époisse, un reblochon ou un roquefort, mais j’ai appris à m’en passer. Par la force des choses… quoi qu’il en soit, je propose que l’on aille jeter un oeil à l’intérieur. De reblochon, il n’y en a pas. Il n’y a pas vraiment de fromages. Par contre, il y a plein de belles choses inspirantes. Y compris une fondue au fromage maison qu’il suffit de réchauffer. Suffisant pour nous intriguer. Et puis les baguettes ont l’air tellement bonnes. Alors on craque. Je demande au vendeur si par hasard il connaitrait une épicerie avec un choix de fromage. « Essayez Whole Food, sur Burnside ». Flash. Je reconnais le nom de l’épicerie. Je me rappelle un peu du quartier. Je souris. Ça n’est pas très loin. Nous remontons tranquillement la 10e avenue, profitant de quelques autres boutiques sympas.
Nous arrivons sur Burnside. À ce niveau, la rue est assez vivante et plutôt agréable. On fait une ou deux boutiques, avant de rentrer dans le Whole Food. La comparaison qui me vient immédiatement en tête, c’est celle de l’enfant que l’on lâche dans un magasin de bonbons avec un grand sac à remplir comme il en a envie. C’est un véritable bonheur de suivre Laurie là dedans. De la voir tout regarder, tout observer. C’est vrai que ce genre d’épicerie fait quand même rêver. Nourriture de qualité, ingrédients bien préparés, magnifique bar à salades et autres plats chauds… Quelques panneaux sur les murs rappellent les engagements de la chaîne vis à vis de sa clientèle. Il y a quelque chose qui fait que l’on sent que ce n’est pas juste du marketing. Que ce n’est pas juste pour se donner une image. Surtout quand les sacs en papier fournis par l’épicerie arborent en gros « votez en faveur de l’étiquetage obligatoire des OGM sur les produits partout en Oregon ». C’est une chose de faire du marketing d’image dans un magasin, s’en est une autre de prendre un engagement politique publique. Le référendum en faveur du décret 92 -sur l’étiquetage obligatoire des OGM, donc- devrait avoir lieu prochainement. Je suis curieux d’en connaître le résultat. Mais vu la quantité de messages de soutient que j’ai vus (y compris provenant d’autres grandes chaines), je me dis que l’Oregon va bientôt faire un autre pas en avant. L’autre référendum qui s’en vient bientôt est celui de la légalisation du cannabis. Comme l’a fait le Colorado l’année dernière, comme vient de le faire Washington (l’état !).
Laurie reste un moment à regarder les fromages, à s’imaginer acheter du brie, mais à ne pas le faire. Je ne l’encourage pas. Je continue de la regarder faire, en souriant. En pensant au morceau que j’ai dans la main, caché dans mon dos. Me demandant si elle va le voir à un moment. On fait un autre petit détour par le rayon pain. Une magnifique miche me fait de l’oeil. Grains entiers et graines de citrouilles. Hey ! On peut s’habituer aux privations, on peut vivre sans bon pain et sans fromage pendant un moment, mais ça n’est pas pour autant que ça ne fait pas du bien de succomber à la tentation de temps en temps ! N’est-ce pas après tout la meilleur façon d’y résister, comme dirait ce cher Oscar Wilde ? (et non pas Voltaire !).
Voyant le pain, Laurie décide de craquer pour le brie. Je lui dis que ce n’est pas la peine. Lui montre pourquoi. Nous commençons à penser au temps nécessaire pour retourner jusque chez Clarence pour pouvoir manger. J’ai un nouveau sourire. À peine passé la caisse, alors que Laurie se dirige vers la sortie, je me dirige vers les tables à l’entrée du magasin. Elle comprend très vite mon intention. 19h11, le fromage et le pain sont déballés. 19h21, nous continuons à manger avec enthousiasme et bonne humeur. 19h25, le brie a complètement disparu, et il ne reste plus grand chose de la miche de pain.
Nous rentrons chez Clarence un peu tôt. Nous avons parlé film une bonne partie de la journée, et l’idée de se poser tranquillement pour la soirée nous tente bien. D’autant plus que nous avons une journée assez remplie demain – mardi. Laurie part mercredi matin ; j’ai loué une voiture pour la journée pour lui faire découvrir deux de mes autres coups de coeur oregonnais.
Si le programme original était de regarder « Prescilia queen of the désert », qui raconte l’histoire de trois travestis qui traversent l’Australie dans un bus aménagé pour aller se perdre dans l’outback australien (film que je recommande sans la moindre hésitation possible, pour la beauté des images, pour l’histoire, pour les costumes, et pour quelques messages assez beaux qu’il véhicule), nous nous sommes retrouvés à regarder Equilibrium sur une suggestion de Laurie. Un genre de 1984. L’histoire se passe après la 3e guerre mondiale, alors que l’humanité a enfin trouvé un moyen de faire disparaître toute trace de conflit : supprimer toute forme d’émotion. Plus d’émotion, plus de colère, plus de haine, plus de passion, plus de guerre… toute forme d’originalité est bannie. Toute forme d’art également. Et tous les êtres humains s’injectent deux fois par jour un produit qui annihile toute émotion. Avec, dans le rôle principal, un Keanu Reaves absolument parfait pour interpréter un personnage sans le moindre ressenti émotionnel ! Bref, je recommande à mon tour ce film sans la moindre hésitation.
Et puisque c’est bien beau de regarder un film, mais que ça ne vaut pas une longue discussion… la soirée se terminera avec la longue discussion traditionnelle. Cette fois sur les ressentis, les émotions, et la façon dont nous les vivons tous différemment…
Après Christophe Miossec, mon plus grand amour est Christian Bale. Je ne peux donc pas te laisser faire cette terrible (et horripilante) erreur! Ce n’est pas Keanu Reeves (qui n’a pas le cinquième de son charisme!) mais Christian Bale qui joue dans Equilibrium! Non mais!
Han ! Je… bleu… blah… blih…
Mon dieu… là, j’avoue, j’ai un peu honte sur ce coup là. Pas complètement. C’est Laurie la première qui a dit « Keanu Reeves » (c’est pas beau de dénoncer son petit camarade, je sais bien). Et du coup, mon cerveau a enregistré l’information sans chercher à la vérifier.
Shame on me quand même…
Si je dois vivre un jour sur une île déserte, après un naufrage par exemple, je prendrai soin auparavant qu’un avion de secours me largue un colis de fromages bien choisis une fois par semaine. Si le fromage est remplacé par du beurre de cacahuète, j’abats l’avion sans sommation. Si le plan ne fonctionne pas et que j’en suis réduit à vivre de ma pêche, je me suicide avec une banane.
Seb, tu n’as plus qu’à abattre Laurie sans pitié aucune. Puis tu me payes mon premier plein de gasoil pour Pitoune histoire de te faire pardonner cet ignoble et inadmissible affront (accessoirement ça permettra aussi d’aller voir les cascades de Sixt, héhé!)
Haha, ils ont réussi à se supporter un bon moment sans s’entre-tuer, c’est pas le moment de leur donner des mauvaises idées !
Bien vu le fromage, une semaine ça va, un mois ça démange, deux mois tu vends ta mère pour une tartine… Ca passe à l’aéroport ou en colis par la poste, le reblochon en provenance directe de France ? ;)
@la feule : pourtant, du filet de sol sauté avec une sauce au beurre de cacahuète, c’est vraiment super bon !
@boulette : en même temps, tu n’as pas vu Pitoune. C’est quand même tentant. Pis les cascades de Sixt… bin ça aussi c’est tentant ! Je vais quand même essayer de voir s’il y a une alternative au meurtre de sang froid, parce que j’ai toujours un peu du mal avec les solutions aussi extrême. Et en principe, oui, le reblochon ça passe par la poste. Faut juste bien préparer le colis comme il faut ;) j’en aurais bien envoyé depuis Montréal, mais comme Laurie n’a pas d’adresse pour le moment, je vais éviter le reblochon en poste restante je crois ! Après, moi je reste persuadé qu’elle en trouvera à Victoria, même si elle semble douter.
Ceci dit j’ai trois places à l’avant dans mon joli fourgon Expert, donc Laurie peut venir :)
Par contre c’est pour le couchage que ça pose problème. Une place banquette pour une personne, une place au sol, et c’est tout…
Il faudrait que je trouve un système pour intégrer un hamac, ou alors arriver à trouver une personne qui aime dormir debout :)
Je lui transmettrais l’information si l’occasion se présente, mais je sens qu’elle va sortir des arguments genre “billet d’avion depuis Victoria”, “PVT”, etc… ;)
L’idée du hamac est à creuser. Ou à suspendre ?
Victoria sur l’île de Vancouver? J y suis allé. Magnifique !!!
J’avais bien aimé la ville moi aussi. Un peu froide et un peu trop sage à mon goût, certes… mais quand même très belle en effet ! Et le reste de l’île est absolument superbe !
Alors avant toute chose, je vous présente mais plus sincères excuses pour cet horrible erreur que j’ai faite concernant l’acteur du film Equilibrium. Je me flagellerai aux orties pout ça.
Deuxièmement…je n’ai pas trouvé de reblochon. C’est dur mais j’essaye de ne pas y penser.
J’ai juste des envies de meurtres quand je vois des amis qui postent des photos de raclette ou de tartiflette sur Facebook. Des envies de meurtres sauvages même. (Meurtres sur le fromage hein bien évidemment… Je n’aurait aucun intérêt à tuer mes amis. A la limite par jalousie. Mais pas avant de manger l’intégralité du fromage en tout cas).
Troisièmement… L’île de Vancouver c’est beau, c’est chouette et même qu’on y est bien. C’est juste un peu plus galère de trouver du taff par rapport à Vancouver. Mais bon, je l’ai voulu, je fais avec. :-)
Quatrièmement, je suis toujours partante pour des road-trips peut importe où dans le monde hein ;-) Le problème du billet d’avion, ça peut toujours s’arranger.
Cinquièmement… Merde ça y est j’ai envie de reblochon.
Sixièmement… Il n’y a pas de sixièmement.
* je vous présente MES plus sincères excuses pour CETTE horrible erreur que j’ai faite. (Et pour celles ci aussi…)