Rue du Pourquoi Pas



Parce qu’il y a toujours une route qui, quelque part, m’attend.
Carnets de route, photos de voyages, et pensées vagabondes.

Écrit par : Sébastien ChionFebruary 18th, 2020
  • Au programme du jour : une petite balade. Courte et pas fatigante. Mais je commence à me connaître, et pour une fois, en prévision de ma petite balade courte de 3 kilomètres, je me décide à prendre de l’eau avec moi. C’est sans doute le meilleur moyen de m’assurer que cette balade reste courte. Ou pas…

    À la base, donc, je partais faire une petite boucle, pour aller voir « la cueva de Picasso ». Alors on m’avait déjà prévenu à l’Office du Tourisme que c’était pas vraiment une grotte. Plutôt un petit abri sous un rocher.

    Voilà ; alors pour ceux qui l’ont ratée parce que c’est passé un peu vite :

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    Au moins, j’avais été prévenu à l’office du tourisme. Comme je ne m’attendais pas à Lascaux ou Wind Cave, tout c’est bien passé ! Il ne me restait qu’à finir ma boucle, rentrer tranquillement à la maison et…

    Hey mais c’est quoi cette route qui part sur la droite ? Et si j’allais jeter un coup d’oeil au prochain virage ?

    Mais c’est qu’il est très joli ce petit ruisseau… et si je m’amusai à le suivre un peu, voir jusqu’où je peux aller, juste pour rire ?

    Jusqu’à un endroit où je peux pas vraiment aller plus loin sans me mouiller les pieds jusqu’au coude. Du coup, je fais demi tour. Non sans m’offrir un petit détour pour monter sur la petite bosse qui est jolie, voir si la vue est sympa.

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    Ok, elle est sympa. Pratique notamment pour voir le chemin que j’ai suivi pour arriver ici, et le virage dans lequel j’ai fait une sortie de piste pour me retrouver à me balader le long d’un ruisseau. Mais il est vrai que d’ici on voit surtout les montagnes autour. Qui sont toutes plus hautes. Et trouver un point plus haut que tous les autres, ici, ça ne doit pas être facile. N’est-ce pas ?

    Alors non, à la base, trouver le point le plus haut du coin n’était pas mon objectif. À la base, j’étais juste curieux. De retour à un mode de randonnée que je connais assez bien : « mais du coup, après ce virage y’a quoi ? Oh ! un virage ». Ça fait à peine plus d’une heure que je me balade, donc je peux bien prolonger un peu la promenade.

    À me dire que s’ils ont construit une route ici, il y avait bien une raison. Parce qu’à force de monter, sur la dite route, on commence à se demander pourquoi il y a une route ici. Jusqu’à ce que…

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    Vous vous souvenez les deux ingénieurs ? Il faut croire qu’ils ont eu une autre soirée bien arrosée pour célébrer la fin de la construction du chemin de fer !

    – Tu sais ce qu’il manque au début de la vallée des Estrets ?
    – Quelle vallée ?
    – Celle qui continue après la grotte de Picasso, dans le parc de Port
    – Ah… je sais pas. Qu’est-ce que tu as inventé encore comme nouvelle idée ?
    – Non là c’est pas une nouvelle idée. Je vais juste reprendre une idée précédente. Mais je pense que ça serait chouette de mettre une route ici.
    – Une route ? Mais pour quoi faire ?
    – Bin pour aller en haut !
    – Pourquoi aller en haut ?
    – Parce que c’est sûrement joli !
    – Mais tu veux construire une route juste pour aller en haut ?
    – Pourquoi pas ?
    – Au moins à Fontcalda, y avait une source à aller voir. Et puis il fallait rejoindre le train.
    – Bin oui mais le train on ne l’avait pas construit encore. C’est pas très linéaire tout ça.
    – C’est pas grave. La linéarité n’est pas importante vu que l’on est simplement des personnages imaginaires dans la tête du narrateur.
    – Certes. Mais nous sommes des ingénieurs. On devrait quand même faire attention à ce genre de détails.
    – On pourrait. Mais bon, là c’est un peu trop tard de toutes façons.
    – C’est vrai tu as raison. Bon, on la construit cette route alors ?
    – De toutes façons on n’a pas le choix de la faire n’est ce pas ?
    – Bin non, le narrateur est en train de marcher dessus !

    Certes… une route pour « aller en haut », je trouve que c’est une bonne raison moi… et puisqu’elle est là, je continue de m’en servir ! Jusqu’au moment où, soudain, il se passe quelque chose !

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    Une flèche rouge, sur le bord du chemin, avec une inscription complètement effacée à côté. Et surtout, un début de sentier, qui part de là. Je devine le sommet de la montagne plus très loin. Je me dis que s’il y a une flèche rouge, c’est que ce chemin -comme la route…- doit forcément mener quelque part n’est-ce pas ? Et sans doute au sommet de la dite montagne !

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    Ça pourrait être un bel objectif, n’est ce pas ?

    Je me retrouve dans une ambiance « sentier de randonnée », plus agréable que la marche un peu répétitive sur la route. Et surtout, je découvre l’autre côté de la montagne que je gravis depuis plus d’une heure maintenant !

    Et en voyant ce paysage, je me plais à rêver. Et si le chemin il s’enfonçait dans les bois là bas, pour remonter sur le côté de la montagne, et atteindre le joli sommet tout doucement arrondi, en face… non… ça serait trop beau. Et puis ça me parait loin. Mais je vais quand même rêver un peu, on sait jamais…

    Ce qui est sûr, c’est que le sommet le plus proche, celui que j’avais repéré en quittant la route et en empruntant le sentier, il me passe juste au dessus de la tête. A priori, le sentier le snobe complètement. Au pire, c’est pas grave. Je verrai au retour si j’ai envie d’aller lui dire coucou. En attendant, je m’enfonce dans les bois. Ça monte encore un peu, puis ça commence à redescendre. Heureusement, ça ne dure pas. Je ne voudrai pas me retrouver bêtement au fond d’une autre vallée à devoir faire demi-tour. À la place, j’avance sur du plat pendant quelques temps, profitant d’un plateau boisé en altitude. Et soudain… soudain mon marquage rouge rejoint un marquage rouge et blanc. Je quitte un itinéraire PR (petite randonnée) pour rejoindre un GR (grande randonnée). Et des parcours de GR, dans le massif, il n’y en a que deux. Le GR7, un peu plus au nord, et le GR8 que je pensai inaccessible depuis la Franqueta. Or ce GR, il permet de passer d’un côté de l’arrête centrale du Parc de Port à l’autre côté. Ça fait depuis que je suis à Horta que je cherche un moyen de me retrouver sur cette arrête, dont j’imagine la vue depuis que je regarde les cartes topographiques de la région… Je m’engage sur le GR8 avec un enthousiasme renouvelé. Pour arriver dans une magnifique clairière, avec un magnifique refuge !

    Dommage, je n’ai aucune carte détaillée avec moi. Dans mon univers de référence à moi, les refuges on les installe souvent pas trop loin des cols, ou des sommets. Suivant cette logique, j’ai bon espoir de finir par y arriver à cette crête…

    Le paysage change. Les pins ne sont plus là. La vue commence à se dégager peu à peu…

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    Bingo !

    Tout est là, exactement comme je l’imaginai…

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    En arrière plan sur la gauche, dans le lointian, cette chaîne de montagne, c’est la Sierra del Boix. C’est elle qui vient fermer la vallée de l’Ebre (que l’on devine, d’ailleurs, par endroit). C’est dans cette chaine de montagne que l’on trouve Tivissa, où tout a commencé. Le sommet qui se distingue un peu des autres, c’est le mont Cardo, point culminant de la chaîne. Quelque part en arrière, légèrement sur la gauche, se trouve la montagne que j’ai grimpée au dessus de Tivissa. Au pied du mont Cardo, les villages de Xerta (rive droite) et Tivenys (rive gauche). Benifallet se perd dans les branches de l’arbuste à gauche. Par contre, le village en partie cachée par l’arbre un peu devant, c’est Paüls, où j’envisageai de venir en bus, pour rentrer ensuite à pied en passant par dessus la montagne. Les horaires ne collaient pas. Dommage. On passe la montagne. Une deuxième vallée, avec un autre petit village, que l’on ne voit pas vraiment sur la photo. Encore un peu plus sur la droite, c’est Tortosa qui commence à apparaître, avant d’être cachée par la montagne. Et tout au fond à droite de la photo, flou et difficile à cerner, c’est le delta de l’Ebre. Et la mer…

    Et juste là, sur ma droite, c’est le sommet qui me fait de l’oeil :

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    Je garde un oeil sur l’heure, pour être sûr que j’ai le temps. Hors de question de descendre de nuit. En tout cas la partie sentier. La route, même mal éclairée, se fera sans problème. Mais j’ai encore largement assez de temps devant moi. Et d’énergie dans les jambes. Je continue donc à suivre le GR en espérant qu’il m’amène au sommet. Plus j’avance, plus je découvre le paysage magnifique de l’autre versant de cette chaîne de montagne, plutôt petite au finale, mais oh combien magnifique. Une fois de plus, je fini par me rendre compte que le sentier va juste me faire contourner le sommet… je me décide finalement, après une longue hésitation, à partir au travers des broussailles. Je me trace mon sentier moi même.

    Et ça marche. Je finis par y arriver, à mon sommet. Moi qui partait voir une grotte au départ… enfin…

    On dit que juste avant de mourir, on voit toute sa vie défiler devant soit. Personnellement, je préfère l’expérience « randonnée en montagne » qui est beaucoup moins définitive et beaucoup plus facile à reconduire. Du haut de mon sommet, je vois mes deux dernières semaines s’étaler devant moi. Tout ces endroits où je suis allé sont là… cette terre que j’ai appris à connaître, ce relief que j’ai découvert, petit bout par petit bout. Parfois au volant du chamion, parfois par la fenêtre d’un bus, le plus souvent avec mes petites jambes… il y a juste quelque chose d’extatique dans tout ça. Je partais voir un abri sous un rocher, et je suis à un endroit que je me désespérais d’atteindre. La vie est belle, et bien faite. Vous ne trouvez pas ?

    Par où commencer…

    Côté Terra Alta :

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    Et côté Vallée de l’Ebre :

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    Je prends mon temps pour profiter du moment et de la vue… avant de me motive à attaquer la descente. Mes jambes me font savoir qu’elles commencent à ne plus avoir envie de monter. Ça tombe bien… y aura presque pas de montées dans la descente du retour !

    À moins que… non, je ne vais quand même pas me laisser tenter. Si ? Vous trouvez vous aussi que ça serait dommage d’être passé si proche de ce magnifique sommet à l’aller et de ne pas être aller profiter de la vue ? Ce n’est pas un gros détour après tout. Bon, par contre je finis de me ruiner les jambes ! Je crois qu’elles vont faire grève de montée bientôt ! Je visualise l’itinéraire retour qu’il me reste à faire. Normalement, je ne fais plus que descendre… sauf au moment de monter dans le Chamion à l’arrivée. Ça me parait jouable. Et puis franchement, pour une vue pareille, ça valait la peine moi je trouve !

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    Voilà.. je redescends quelque part là bas en bas…

    Et j’étais donc là bas en face. Le col, je l’apprendrai plus tard, s’appelle col du hérisson. Je ne l’aime qu’encore plus rétroactivement.

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    J’attaque la dernière descente. Je trouve un joli souvenir, mais que je préfère laisser pour un prochain marcheur aventureux.

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    Je me laisse porter par mes jambes, sans plus trop réfléchir, descendant les derniers kilomètres dans la joie, la bonne humeur, et la fatigue.

    Arrivée au Chamion, je me fais à manger. Et puis je me pose devant un film bien mérité. Avant d’écrire un peu. Et de me mettre au lit pour une bonne nuit de sommeil !

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