« Le sens esthétique, soit la faculté de jouissance que procurent l’œil, l’oreille et l’imagination, est un facteur aussi important au bonheur humain que la fonction corporelle du boire et du manger. Mais il n’y a jamais eu une époque où le monde l’ait admis. Les « hommes d’action » qui semblent immuables sur leur trône savent très bien que la beauté n’est réservée qu’aux amants et aux jeunes, juste bonne à nourrir les sots. L’affaire la plus importante de la vie c’est d’avoir des dollars et, si couper la gorge de la beauté peut rapporter de l’argent, alors il faut lui couper sans hésiter. »
John C. Van Dyke, le désert, 1901…
Il me restait une dernière petite balade à faire dans ma vallée presque perdue avant de partir.
Il y a en effet, depuis la gare, un petit chemin qui descend vers la vallée, et j’avais envie de voir de quoi il en retournait. Je me doutais que la balade ne serait pas très longue, et j’ai eu raison. Je me retrouvai très vite sur les berges de la Canaleta, du côté du Vall del Frare – la Canaleta c’est la rivière que suit la Via Verda (oui, je réalise avec un temps de retard que c’est bien « Via Verda » et non « Via Verde »…) au travers des montagnes, et qui passe donc au niveau de la Fontcalda – . Après avoir traversé la Canaleta, je reconnectais donc à la première balade qui m’avait amené ici.
Je traversai donc de nouveau le magnifique canyon séparant les deux vallées (celle du Vall del Frare et celle de la Fontcalda) et cette fois empruntai le pont pour remonter de l’autre côté… et rejoindre la Via Verda. Deux tunnels plus loin, j’étais de retour à la maison.
Une nouvelle boucle de bouclée donc. Il aura suffit de deux panneaux (celui du château et celui des sources) pour me faire descendre ici. Me faire découvrir cette magnifique Via Verda. Et me donner envie d’en voir plus en chamboulant mon itinéraire théorique. Ma destination globale reste la même : j’arriverai sans doute à Alcañiz un de ces jours en passant par Calaceite à un moment, parce que sur mon atlas, à côté de Calaceite il y a écrit « Acropolis Iberica ». Aucune idée de ce que c’est. J’ai juste envie d’aller voir. Et comme c’est dans ma direction, tout va bien.
Si la direction principale reste la même, donc, l’itinéraire, lui est mis à jour. Au lieu de suivre la grosse ligne rouge avec son liseré vert que je vois dans l’atlas, je vais continuer de suivre encore un peu la Via Verda. J’ai envie d’en voir d’autres tronçons. La prochaine gare est à Bot, que je connais déjà. La suivante à Horta de Sant Joan. La carte m’annonce qu’il y a là bas un ermitage. Et mon petit doigt me dit que je vais très probablement trouver tout cela pied de cette magnifique montagne, repérée depuis Bot ; Santa Barbara, comme j’apprendrai plus tard qu’elle s’appelle.
Maintenant que j’ai repéré les bus et que j’ai vu que les tarifs sont raisonnables, je me vois bien essayer de trouver un endroit sympa où poser la maison à Horta et rayonner un peu depuis là-bas. J’ai envie de passer un peu de temps proche d’une ville, pour contraster avec le long tunnel oppressif que je devais prendre pour rentrer chez moi la nuit. Des fois, le changement, c’est bien.
Et donc, le Chamion m’a sorti de mon petit coin de paradis perdu. Je me trouvai de retour à Prat de Comte peu de temps après, où je décidai de ne finalement pas m’arrêter. Village joli, il est vrai, mais j’imagine que je ne peux pas tous les visiter… là tout de suite, j’ai plutôt envie de continuer. Et c’est donc ce que je fais.
La route, encore et toujours, est magnifique. Confortable pour rouler, suffisamment large, avec parfois des montées ou des descentes un peu conséquentes, mais rien qui ne soit de taille à inquiéter le Chamion. Et je me rapproche donc de ma montagne Santa Barbara. Sauf qu’alors que je suis encore en train de m’extasier devant elle, je découvre les Rocs Benet qui se découpent à l’horizon. Il y a limite un côté « monument valley » dans ces formations rocheuses fascinantes.
Le gros avantage des rochers comme ça, c’est que l’on n’a pas à se poser la question longtemps. Ne faisant ni alpinisme ni escalade, je sais que le sommet n’est pas pour moi. Alors qu’une montagne comme Santa Barbara, le doute est permis. Certes, elle a l’air assez raide par endroit, mais dans l’ensemble, ça me parait jouable. Mais y aura-t-il un sentier, c’est une autre histoire !
Et me voilà finalement à Horta de Sant Joan.
Le village est un peu comme tout ceux de la région, concentré sur une butte, les maisons les unes sur les autres, un peu à se demander comment on va réussir à tout faire tenir sans que rien ne déborde sur les côtés. Je traverse le village une première fois, cherchant un panneau annonçant la gare. Normalement, la Via Verda ne passe pas loin du tout de Horta. Peu après la sortie du village, je repère un panneau vert… mais celui-ci indique un « arbre monumentale ». Je m’arrête donc, pour aller jeter un oeil. Et c’est vrai que Lo Parot, vieil olivier toujours actif, est assez magnifique !
Il n’y a pas que les yachts de milliardaires qui ont leur page wikipedia. Certains arbres l’ont aussi, et c’est quand même plus sympa ! Ça permet de savoir que Lo Parot est l’olivier de Catalogne avec la plus grande circonférence de tronc (7,45m de circonférence à 1,3m de haut – 15m au niveau de la souche – hauteur totale : 8 mètres).
Et il est quand même dans un paysage plutôt inspirant.
Je retourne au Chamion. Continue un peu sur la route, sans trouver de gare. Je commence à être un peu loin du village. Je décide donc de faire demi-tour, histoire de voir si je peux pas trouver à me garer en ville, plutôt. Je fais ma manœuvre, entre deux chemins, sous le regard un peu halluciné d’un vieil homme qui, assis dans l’herbe, arrête de surveiller ses trois chèvres pendant quelques minutes.
De retour au village, le panneau parking me fait hésiter. Ça a l’air serré un peu comme virage… et puis finalement… je tente ! C’est un peu étroit, mais ça passe. C’est un peu raide. Mais ça passe. C’est un peu plus raide sur la fin. Mais le grand parking de terre, horizontal, pour moi tout seul, avec une vue aussi belle… ça ne se refuse pas !
Oui oui, c’est bien la vue depuis ma terrasse, alors que je ne suis qu’à 5 minutes à pied (en côte raide) du centre ville. La maison garée, je me mets dans l’idée de me préparer rapidement un petit quelque chose à manger. Pour regarder la flamme de gaz diminuer, puis diminuer encore, puis disparaître. Note pour moi-même : retrouver une bouteille de gaz bientôt.
Je pars me balader dans le village en attendant et profiter de la vue…
Le village me plait. Sur la place centrale, trois bars, avec terrasse, et pas mal de gens. Une petite épicerie de quartier. Une autre, un peu plus grande, qui vient d’ouvrir. Je me retrouve d’ailleurs à faire son inauguration. Deux boulangeries, plusieurs boucheries, un cinéma, une librairie, des restaurants… Horta de Sant Joan, 1149 habitants. Pas de grande surface mais des commerces de proximité… des gens qui communiquent, qui échangent, qui se rencontrent…
La partie vieille ville est elle aussi magnifique. J’apprendrai par la suite au détour d’une page wikipedia que Horta est l’un des plus vieux villages d’Espagne. À certains endroits, tout porte à le croire !
Quand au lecteur qui s’inquiète de ma bouteille de gaz, qui se demande quand je vais pouvoir recommencer à manger et à avoir de l’eau chaude pour la douche, qu’il se rassure. Après quelques recherches internet, j’ai découvert que ça allait être un sacré bazar. Ce qui était sûr, c’est que ma bouteille française, je ne trouverai aucun équivalent en Espagne. J’ai donc pris ma lyre avec moi (le bout de tuyau qui relie la bouteille au détendeur) et j’ai sauté dans un bus. Le bus m’a ramené à Gandesa (sans oublier de traverser Bot) ; je me suis baladé en ville le temps que la quincaillerie du centre-ville ouvre (à 17 heures). J’ai expliqué dans mon plus bel espagnol que je cherchais une petite bouteille de gaz (les petites bleues de 3 kilos, utilisées sur les camping-gaz qui, contrairement à toutes les autres semblent être identiques partout en Europe). J’ai ensuite montré ma lyre et expliqué qu’il me fallait un raccord qui convenait. La dame m’a amené dans son arrière boutique. Elle a fouillé dans un carton. M’a sorti un truc. On a testé. Ça a marché. Je l’ai remerciée, et je suis repartie. J’ai attendu le bus, et je suis rentré à Horta. Sans oublier de traverser Bot. Limite déçu de ne pas avoir une histoire plus folle que ça à raconter !
À Horta, je suis bien. Une douce torpeur s’invite dans mon voyage. Peut-être en lien avec les 18/20 degrés et le soleil quotidien. Le retour de cette envie de prendre mon temps, de profiter. Le parking où je suis est d’une extrême tranquillité. Le week-end arrivé, la population de campings-cars est montée à 4 le vendredi soir, 11 le samedi pour redescendre à 3 le dimanche. Le lundi, tout le monde était à nouveau parti. Non seulement j’ai le sentiment de ne déranger personne, mais en plus, il semblerait que ma présence indiffère. Et avec ce Chamion qui attire tous les regards, je trouve que ça fait du bien de voir les gens passer, aller jouer au tennis sur le terrain juste à côté ou se balader sans prêter attention à ma maison. Quand je me promène dans le village, on ne me regarde pas bizarrement. Quand je fais mes courses non plus. Bref, il y a dans tout cela quelque chose de très agréable, qui m’encourage à rester. Les journées se suivent. Parfois je monte faire un tour dans le village. Je regarde les cartes, je réfléchis aux itinéraires ; aux prochaines balades.
Par exemple, m’occuper de gravir la montagne Santa-Barbara (du nom de l’ermitage à son sommet) puisque c’est possible ! Elle me regarde depuis mon arrivée… l’accès est assez simple. C’est parti !
Dans un premier temps, il s’agit de rejoindre le monastère Sant Salvador. Très beau monastère, au pied de la montagne. Un monastère mondialement (re)connu. Sisi, je vous assure !
Salvador était un frère franciscain. Il commence sa « carrière » dans un couvent près de Barcelone, avant d’être envoyé à Tortosa (là où commence la Via Verda, qui n’a rien à voir avec cette histoire). C’est là qu’a lieu son premier miracle : alors qu’une importante congrégation arrive et que le cuisinier est malade, Salvador se retrouve de mission de cuisine. Sauf qu’au lieu de cuisiner, il passe sa matinée à prier. Oh surprise (et oh miracle !) quand la congrégation arrive, le repas est prêt ! À partir de là, sa réputation est faite. On dit aussi de lui qu’il est guérisseur. Et les pèlerins affluent. Plus de 2000 personnes par semaine… ça dérange. Pas moyen de prier tranquillement dans ce contexte. Et le voilà qui se retrouve à faire le tour d’un certains nombre de couvents, mais le problème reste le même. Partout où il va, le pèlerin afflue, et le moine déprie (du verbe déprier, qui ne peut plus prier). On l’envoie finalement au couvent de Horta de Sant Joan, perdu au milieu de nul part. C’est un peu mieux.
Un autre de ses miracles : des parents lui présentent leur enfant qui n’arrive pas à parler. Grâce à la prière de Salvador, celle-ci (re)trouve la parole. Problème : les parents ne la comprennent pas. Il leur explique que c’est normal. Elle parle le Catalan. Il ne saurait en être autrement dans cette région. Mais quand la famille sera de retour dans le Pays Basque, elle parlera en Basque. Autre anecdote : quand le roi d’Espagne de l’époque l’a rencontré, Salvador a refusé de parler autrement qu’en Catalan. Conséquence : Salvador d’Horta est souvent considéré comme le Saint Patron de la langue Catalane.
Finalement, Salvador ira finir ses jours dans un couvent à Cagliari, en Sardaigne. Je sens, chez beaucoup de lecteurs, une perplexitude probable face à ce transfert de la Catalogne à la Sardaigne. Il se trouve qu’il y a une semaine de cela, j’ai appris la chose suivante : alors que j’expliquai à une amie sarde que j’avais beaucoup de mal à distinguer le catalan de l’espagnol, elle me répliqua que de son côté, il était beaucoup plus facile de comprendre le catalan du fait de sa proximité avec le sarde. Car autrefois, la Sardaigne appartenait… à la Catalogne. Décidément, elle est petite l’Europe !
Toujours est-il qu’après son départ, Salvador a demandé à être appelé Salvador de Orta (le “H” est parfois facultatif dans le nom du village semble-t-il). Et le couvent, lui, est devenu Sant Salvador.
Tout cela n’ayant aucun rapport avec la célébrité mondiale du couvent ! Certes, cela l’a peut-être rendu un peu célèbre en Sardaigne… et encore. Reprenons donc.
Il y a quelque part en France un village qui s’appelle Morestel. Ce village a accueilli le peintre (mondialement connu lui aussi…) François-Auguste Ravier pendant 27 ans, de 1868 jusqu’à sa mort en 1895. Il a été pote avec Jean-Baptiste Camille Corot et deux trois autres peintres qui sont venus lui rendre visite à Morestel à quelques reprises. Morestel s’est donc auto-proclamée Cité des Peintres. La communauté de communes s’appelle « pays des couleurs » (en hiver, « 50 nuances de gris » conviendrait mieux, d’autant que l’appellation était disponible à l’époque). Le collège porte donc le nom de François Ravier, et le lycée de Camille Corot.
Mais… et le couvent alors ? À Horta, j’ai vu passer une rue « Picasso ». Pour laquelle je me suis dit que bon, pourquoi pas après tout ? C’est quand j’ai vu un petit bâtiment, pas très grand, avec marqué « musée Picasso » dessus que je me suis posé quelques questions. Un peu perplexe quand même, parce que Picasso, je l’associe à Guernica, que je visualise dans le coin de Bilbao et du pays Basque espagnol (après vérification, en plus, j’ai juste ! J’en connais des choses sur l’Espagne !). Pablo n’est donc pas du tout du coin. Mais ceux qui connaissent un peu Picasso auront sans doute entendu parler de « la Fabrique de Horta » de « Maisons à Horta » de « le bassin de Horta ». Peut-être aussi auront-ils lu ces mots du peintre « c’est à Horta que j’ai tout appris » (rien que ça !). Il y est venu une première fois en 1898 (il n’a que 17 ans), sur l’invitation de son ami peintre Manuel Pallarès (né ici pour sa part) le temps de se reposer et de profiter du bon air du coin alors qu’il était malade. Il restera plusieurs mois, explorant la campagne avec son ami et travaillant dans les champs avec les paysans. Il reviendra s’y installer quelques temps en 1909 avec Fernande Olivier, sa compagne d’alors. Son style évolue définitivement vers le cubisme.
En même temps, quand on voit cette ville, et ses rues toutes chaotiques, on peut comprendre ! Du coup, je m’amuse en me faisant une séance de photos « cubistes » : l’idée est de parcourir la ville en allant chercher le plus de perspectives complexes dans les rues (note : je n’ai trouvé aucune source fiable quand au taux de suicides chez les architectes à Horta).
À Horta, la place centrale du village s’appelle « place de Catalogne ».
Tout ça pour dire que, au pied de la montagne, il y a un monastère.
Il ne vous rappelle rien ?
Sûr ?
Processó al Convent, Picasso, 1898.
Ma première pensée, voyant le tableau, a été de penser à la licence poétique du peintre (licence peintristique ?) par rapport aux arbres. Mais en réalité, la colline était beaucoup moins boisée à l’époque !
Et donc, en effet, quand vous apparaissez dans une peinture de Picasso, ça aide à être mondialement connu. Plus que quand vous refusez de couper les oignons !
La marche jusqu’au couvent -en plus d’être l’occasion de croiser la Via Verda et de voir la gare de Horta, permet de profiter de très beaux points de vue, aussi bien sur la montagne que sur le village.
J’en profite d’ailleurs pour visiter le couvent. Plutôt bien situé, on peut le dire !
Et j’attaque la grimpette. Enfin non. Plutôt la marche, dans un premier temps : deux options pour le sommet : monter tout de suite derrière le couvent, et arriver en haut assez vite, ou longer la montagne par l’arrière, monter un peu plus tranquillement, et redescendre sur le couvent. Je prends la deuxième option, avec le sentier qui passe au pied de la falaise. Les blocs de roches sont majestueux. Je décide de faire confiance en leur équilibre. Ils ont tenu jusqu’à aujourd’hui, ils tiendront encore le temps que je passe en dessous…
Et me voilà donc à l’arrière de la montagne. Cette fois, ça grimpe pour de bon. Avec le monde qui, une fois de plus, s’étale à mes pieds.
Je grimpe encore un peu, en prenant tout mon temps. Comme bien souvent, je m’émerveille… et les mots me manquent.
Et j’arrive finalement au sommet. Aux ruines de l’ermitage Santa Barbara. Il devait être bien, l’ermite, ici, quand même… avec une vue à 360 degrés sur le monde. Les montagnes à admirer. L’immensité du monde dans toutes les directions…
Et si on décortiquait un peu ce paysage ? En partant de la gauche, donc, les magnifiques montagnes qui marquent le début du parc national de Port (Puertos de Beseit pour son nom en espagnol complet). Plus ou moins à la verticale du soleil, les rochers de Benet qui continuent à me faire de l’œil. ils sont ma prochaine destination après Horta. On devine très clairement la route T330 qui me conduira par la suite vers Arnès et Valderrobres. Puis la croix. Horta au premier plan et Lledó derrière, légèrement à droite. Au loin, tout au fond, très flou sur sa butte, on devine Caseres. Puis juste à droite et un peu devant, Arens de Lledó. Je commence à me faire à la géographie du coin. À avoir de plus en plus de repères.
De l’autre côté :
Entre les pins, juste avant la chaîne de montagnes un peu plus basse sous les petits nuages, c’est Bot. Et de l’autre côté de ces montagnes, Prat de Comte. Caché un peu derrière Prat, la vallée où se trouve Fontcalda. Oui, je suis passé à pied sous ces montagnes. La classe, quand même ! D’en haut, je m’amuse à essayer de repérer où passe la Via Verda qui arrive depuis Bot. J’en devine quelques bouts.
D’en haut, je peux aussi vérifier que personne n’est en train de cambrioler le Chamion (ni aucun de ses voisins campings-cars).
Profiter du téléobjectif pour voir Bot de plus près.
Mais aussi Pratt.
(voilà ; vous prenez le petit col, à gauche du village, et vous descendez sur Fontcalda)
Je reste un long moment à profiter de la chance que j’ai d’être ici. Du soleil, chaud et agréable. De ce paysage de toute beauté. Je pense à ma maison, qui m’attend juste là en bas. Je pense à tout ça. Et je ne peux m’empêcher de penser que Salvador, c’est quand même un gars qui a été béatifié puis sanctifié car il n’aimait pas couper les oignons !
Je me dis que la vie est belle. Et je fini par redescendre.
Et puis je croise une marre, juste là il faut…
Un dernier petit tour dans le village, et retour à la maison…
Parfois, je pense qu’il est important de poser les vraies questions. Aussi me permets-je de demander (sous la forme d’une question purement rhétorique) : si Picasso a eu sa période bleue, pourquoi ne pourrais-je moi avoir ma phase tunnel ? Alors certes, Picasso c’est dans un contexte de peinture, alors que moi c’est dans une approche plus randonnée, mais ceci doit-il empêcher cela ? Il n’y a pas longtemps, j’ai eu ma période « cassage de jambes » dans le Beaufortain, eh bien voilà, maintenant je suis dans ma phase tunnel. Alors donc, il était logique de sauter dans un bus jusqu’à Bot -où je n’étais pas allé depuis au moins quatre jours !- histoire de revenir à pied jusqu’à Horta, en suivant la Via Verda une fois de plus.
Digression : Picasso était dans sa période bleue alors qu’il était à Horta. Si aujourd’hui les façades et les pierres ont retrouvé leurs couleurs naturelles, il est intéressant de découvrir que beaucoup de maisons de Horta (la plupart ?) étaient peintes… en bleue. Digression dans la digression : la région est aussi connue pour ses portes, semble-t-il, et c’est vrai qu’il y en a des magnifiques !
Et donc, je suis retourné à Bot, avec dans l’idée de faire une petite balade assez simple et tranquille de 9 kilomètres pour revenir jusqu’à Horta. En repartant de la gare, bien évidemment.
Et voilà, vous pouvez désormais compter avec moi (vous avez l’habitude maintenant).
Premier tunnel !
La balade est tranquille, comme d’habitude quand on suit un chemin de fer. Le paysage est très joli, mais les reliefs beaucoup moins prononcés dans cette partie là. Je longe les montagnes qui marquent le parc de Port en m’éloignant petit à petit des montagnes qui m’ont servi de repères pendant que j’étais au fond de ma vallée…
Tout à gauche, juste avant les arbres, le magnifique pic qui surplombait la vallée de Fontcalda. Ce pic qui a attiré mon regard dès le début, alors que je partais découvrir les sources en n’ayant aucune idée de ce que j’allais trouver…
Tout à droite avant les arbres, Santa Barbara. La montagne que j’ai repérée peu avant d’arriver à Bot. Fière et majestueuse, à dominer son petit bout de territoire à elle. Cette montagne dont j’espérai voir le sommet un jour.
Et juste à sa gauche, en arrière, la forme crénelé des rochers de Benet, donc, mon nouveau futur point de repère pour la suite de mes aventures…
Deuxième tunnel. Je m’attendais à une simple balade tranquille. Et peut-être un ou deux tunnels, mais pas plus. Le paysage n’est plus aussi dramatique ; plus aussi spectaculaire qu’entre Benifallet et Bot. Il n’y a plus de falaise, de ravin ou de canyon. Et pourtant… et pourtant il y a encore des petites vallées à traverser. Et rien de tel pour traverser une vallée un peu profonde qu’un magnifique viaduc ! Je suis tout heureux, parce que ce viaduc, j’en avais vu des photos, sans la moindre idée de où il pouvait bien être. Et j’avoue que je ne m’attendais pas du tout à le trouver ente Bot et Horta !
Troisième tunnel. De retour entre les arbres. Une ruine de bâtiment témoigne des anciennes installations le long de la voie. Et, juste après, en cadeau bonus… un deuxième viaduc ?
Quatrième et cinquième tunnel. C’est plus que j’en espérai, et j’en suis ravis. Ici aussi ils sont éclairés, ce qui rend la promenade vraiment agréable.
Sixième tunnel. Celui-ci, je sais que c’est le dernier. J’avais repéré cette portion de la Via Verda depuis Santa Barbara. Ce que je n’avais pas repéré, par contre, c’est le petit ruisseau, qui coule dans le tunnel lui aussi ! Traversée de tunnel sur fond de croassements de crapaud donc ! Ce sixième tunnel est assez long, mais on finit par en sortir. Une fois de plus, les traces de Gloria sont très visibles… et juste après, j’arrive à la gare de Horta.
Comme à Benifallet ou à Prat, la gare est un peu excentré par rapport au village. Là, heureusement, il ne me reste que deux kilomètres à faire pour rentrer jusqu’à la maison. Tout content d’avoir raccordé Horta à ma Via Verda à moi !
Sympa, ah ah, tes photos cubistes !
Je rejoins tout à fait ta façon de voyager : s’imprégner d’un lieu, y revenir, l’explorer dans tous les sens. Y accéder plusieurs fois par plusieurs chemins, c’est le rêve. On s’approprie le lieu, dans une forme de propriété qui appartient à tout le monde, une propriété partagée. Non concurrentielle.
Le tourisme de masse est rapide, dépensier, et doit procurer des sensations fortes, alors on renchérit, on t’envoie sur la banquise ou dans des forêts profondes ou même en navette spatiale si tu es assez multi-millionaire. Ou encore dans des Center Parks destructeurs avec du loisir en packs. On te prend en main !!!
Tu as une autre façon de voyager !
Merci pour la citation de John C. Van Dyke, même si je me demande si vraiment, comme il le dit “il n’y a jamais eu une époque où le monde l’ait admis” (ait admis l’importance du sens esthétique).
Il y a quelques années, je suis allée à pied de St-Agrève à St-Martin de Valamas, en passant par le château de Rochebonne et des sentiers balisés à l’aller. Au retour, le balisage m’a fait passer par la voie ferrée, ce qui m’a permis de remonter le dénivelé tout tranquillement.
Je suis arrivée à un tunnel mais je n’avais pas prévu : j’ai marché jusqu’à être dans le noir complet, c’était étrange mais pas inquiétant, il ne pouvait pas y avoir de gouffre ou autre danger, juste une pierre en travers du chemin, il suffit d’y aller doucement.
Et puis j’ai fini par voir une lueur à l’autre bout.
J’avais fait une super balade !
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